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Décisions

CA Agen, ch. com., 25 mai 2009, n° 08-00867

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guichard

Défendeur :

Abrisud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Muller

Conseillers :

M. Certner, Mme Auber

Avoués :

SCP Tandonnet, Me Burg

Avocats :

Mes Gombaud, Iglesis

T. com. Auch, du 11 avr. 2008

11 avril 2008

Faits et procédure :

Jean-Luc Guichard a signé avec la société Abrisud deux contrats d'agent commercial à durée déterminée, le premier du 2 avril 1999 au 31 mars 2002 et le second du 1er avril 2002 au 31 mars 2006.

Par lettre du 14 mars 2006, Jean-Luc Guichard a informé la société Abrisud de son souhait de ne pas renouveler son contrat.

Par lettre recommandée du 17 octobre 2006, il a demandé à la société Abrisud le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Compte tenu du refus de la société Abrisud, Jean-Luc Guichard, par acte d'huissier du 31 janvier 2007, a fait assigner cette société en paiement de la somme principale de 733 139,56 euro devant le Tribunal de commerce d'Auch qui, par jugement du 11 avril 2008, l'a débouté de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Jean-Luc Guichard a relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2009.

Moyens et prétentions des parties :

Jean-Luc Guichard reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande d'indemnité compensatrice en retenant que la réparation prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce n'est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent commercial.

Il fait valoir que l'arrivée du terme d'un contrat à durée déterminée et l'absence de conclusion d'un nouveau contrat ne peuvent pas être assimilées à une rupture des relations contractuelles à l'initiative de l'agent commercial.

Il soutient que l'article L. 134-13 du Code de commerce entend par cessation du contrat résultant de l'initiative de l'agent, une cessation anticipée, soit une résiliation du contrat avant son terme. Or il souligne que son contrat à durée déterminée n'a pas pris fin du fait de sa volonté, mais simplement par l'arrivée de son terme dont il n'a fait que donner acte.

Il fait valoir, à titre subsidiaire, que si l'absence de renouvellement de son contrat était considérée comme une rupture à son initiative, cette rupture est justifiée par les importants problèmes de santé qu'il connaît depuis l'année 2003.

Il fait état d'un suivi urologique continu pour une pathologie chronique avec des accès aigus, d'une colectomie ayant nécessité une opération au mois de mars 2003 et d'une pathologie tendineuse de l'épaule droite. Il explique que s'il a tout mis en œuvre pendant la durée du contrat pour en assurer l'exécution, la survenance de la pathologie de l'épaule ajoutée à ses autres problèmes de santé l'ont convaincu de ne pas en conclure un nouveau, d'autant qu'il était âgé de 61 ans au moment de l'arrivée du terme du contrat.

Il précise qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait état de son état de santé lors de sa prise d'acte de l'arrivée du terme de son contrat et que peu importe que certaines de ses affections aient débuté en 2003 car il s'agit de maladies chroniques qui ont empiré et sont devenues de plus en plus incompatibles avec l'exercice de sa profession.

Il considère donc être bien fondé à solliciter une indemnité de rupture qui devra être évaluée en tenant compte des chiffres d'affaires importants qu'il a réalisés pour le compte de la société Abrisud et fixée au montant de deux années de commissions brutes.

Il demande en conséquence à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de condamner la société Abrisud à lui payer la somme de 733 139,56 euro outre intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2006,

- de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Abrisud fait valoir que le refus opposé par l'agent commercial au renouvellement du contrat à durée déterminée met à la charge de celui-ci la cessation des relations contractuelles.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement déféré, demandant à la cour de dire que la cessation des relations commerciales est de la seule initiative de Jean-Luc Guichard et que conformément à l'article L. 134-13 alinéa 2 du Code de commerce, aucune indemnité compensatrice ne lui est due.

Elle soutient par ailleurs que la preuve de l'incapacité de Jean-Luc Guichard au jour de la rupture du contrat n'est pas établie. Relevant que Jean-Luc Guichard n'a invoqué son état de santé que le 14 septembre 2007, elle souligne que les pièces médicales, produites et invoquées pour la première fois plus de quinze mois après la cessation des relations contractuelles, sont tardives et ne justifient pas de son inaptitude à poursuivre le mandat.

Elle en déduit que Jean-Luc Guichard ne saurait lui imputer la responsabilité de la cessation des relations contractuelles et que le préjudice qu'il invoque n'est que la conséquence de sa volonté d'y mettre un terme.

Elle s'oppose ainsi aux prétentions de Jean-Luc Guichard et demande sa condamnation à lui payer la somme de 3 558 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision:

Aux termes de l'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce, "en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi."

L'article L. 134-13 paragraphe 2 du même code prévoit cependant que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans le cas où "la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée."

En vertu de ces dispositions, la cessation du contrat d'agent commercial, même par la survenance du terme d'un contrat à durée déterminée, donne droit à l'agent au paiement d'une indemnité compensatrice, sous réserve néanmoins que cette cessation ne lui soit pas imputable.

Or en l'espèce, il est constant que Jean-Luc Guichard a fait part oralement à la société Abrisud le 25 octobre 2005 de son intention de ne pas renouveler son contrat d'agent commercial et que cette dernière lui ayant cependant proposé de le renouveler par courriers des 27 février et 2 mars 2006, il lui a confirmé par lettre recommandée du 14 mars 2006 son souhait de ne pas renouveler son contrat.

Jean-Luc Guichard a donc clairement et expressément manifesté son intention de ne pas conclure un nouveau contrat d'agent commercial à l'expiration de celui dont le terme était fixé au 31 mars 2006. Il en résulte que la cessation de ses relations contractuelles avec la société Abrisud est intervenue par suite de sa volonté et de son initiative.

Jean-Luc Guichard soutient que le non-renouvellement du contrat était justifié par les problèmes de santé importants qu'il rencontrait depuis l'année 2003.

Il produit à cet égard des documents et certificats médicaux datés de l'année 2007 dont la lecture fait ressortir que son état nécessite depuis le mois d'août 2003 un suivi urologique continu compte tenu d'une prostatite chronique avec poussées de prostatite aiguë à caractère invalidant, que par ailleurs il a subi le 4 mars 2003 une colectomie gauche et qu'il est suivi par un médecin rhumatologue pour une pathologie tendineuse de l'épaule droite justifiant une opération qui devait avoir lieu en septembre 2007.

Son médecin certifie enfin que son état de santé "ne lui a pas permis de reprendre son activité professionnelle comme auparavant à cause de l'accumulation de divers problèmes sérieux".

S'il n'est pas contestable, au vu de ces documents, que Jean-Luc Guichard a connu plusieurs problèmes de santé, il convient toutefois de constater que les affections présentées en 2003 et l'opération subie la même année ne l'ont pas amené à cette époque à cesser son activité professionnelle. De plus, la période à laquelle est apparue sa nouvelle pathologie de l'épaule n'est pas précisée de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle existait déjà lors de la survenance du terme de son contrat au mois de mars 2006 ni même qu'elle était alors prévisible.

Dès lors, ces documents et notamment le certificat du médecin traitant de l'appelant qui ne précise pas à partir de quelle date celui-ci n'aurait pu reprendre son activité professionnelle comme auparavant, sont insuffisants pour établir qu'à l'époque de la cessation des relations contractuelles, l'état de santé Jean-Luc Guichard et son âge de 60 ans ne lui permettaient plus raisonnablement de poursuivre son activité d'agent commercial.

Il apparaît par ailleurs que Jean-Luc Guichard, qui n'a pas fait état de problèmes de santé le contraignant à cesser son activité, ni dans sa lettre recommandée du 14 mars 2006, ni dans son assignation du 31 janvier 2007 et qui ne les a évoqués qu'en cours d'instance, a vu le montant de ses commissions sensiblement augmenter au cours de ses trois dernières années d'activité professionnelle.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments et circonstances, Jean-Luc Guichard ne démontre pas que la cessation des relations contractuelles était justifiée par l'un des cas prévus par l'article L. 134-13 du Code de commerce. Les premiers juges ont ainsi considéré à bon droit qu'il n'avait pas droit à une indemnité compensatrice.

Il y a lieu donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Jean-Luc Guichard, qui succombe dans son appel, sera condamné aux dépens. Il n'est pas justifié en revanche de mettre à sa charge une somme supplémentaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 avril 2008 par le Tribunal de commerce d'Auch, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Jean-Luc Guichard aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.