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Décisions

ADLC, 15 juin 2010, n° 10-DCC-58

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint de la société Isoma SAS par la société ITM Entreprises

ADLC n° 10-DCC-58

15 juin 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 mai 2010, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Isoma par la société ITM Entreprises; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".

2. Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards d'euro en France.

3. La société Isoma est une société de droit français qui a pour objet l'exploitation d'un point de vente à dominante alimentaire sous enseigne Intermarché, situé à Le Cendre (63). Préalablement à sa transformation en société par actions simplifiées, objet de la présente opération, la société Isoma est contrôlée par Monsieur et Madame Labreuille qui détiennent [>50] % du capital, le solde étant détenu par des personnes physiques. En 2008, le chiffre d'affaires total consolidé de l'ensemble des sociétés contrôlées par les époux Labreuille s'est élevé à [50-60] millions d'euro hors taxes, réalisé exclusivement en France.

4. Aux termes d'une délibération en date du 19 janvier 2010, l'Assemblée générale extraordinaire de la société Isoma a entériné sa transformation de société anonyme en sociétés par actions simplifiés, et adopté de nouveaux statuts autorisant l'entrée d'ITM Entreprises au capital de la SAS Isoma via une action de préférence.

5. Les nouveaux statuts d'Isoma, adoptés le 19 janvier 2010 sous la condition suspensive de l'accord de l'Autorité de la concurrence, confèrent à ITM Entreprises jusqu'au 29 mai 2018, soit pour une durée supérieure à 7 ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fond de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fond de commerce similaire sous une enseigne concurrente. De plus, le contrat d'enseigne confère à ITM Entreprises, jusqu'au 29 mai 2018, un droit de préférence en cas de cession du fond de commerce à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Au terme de ce délai, si ITM Entreprises n'a plus la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne ou de s'opposer à toute mutation d'actions, le groupe conserve un droit de préférence sur toute vente de titres pendant 5 années supplémentaires. Enfin, les statuts prévoient qu'à chaque changement d'associé majoritaire, la règle de l'unanimité s'appliquera de nouveau pour une durée d'au moins 15 ans, renouvelant ainsi les prérogatives d'ITM Entreprises relatives au changement d'enseigne, à la mutation d'actions et à l'obligation de céder évoquées ci-avant.

6. Il ressort de ce qui précède qu'après l'opération, contrairement à ce soutient la partie notifiante, la société Isoma sera contrôlée conjointement par la famille Labreuille et le groupe ITM Entreprises.

7. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la société Isoma par le groupe ITM Entreprises, M et Mme Labreuille en conservant le contrôle conjoint, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

8. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

9. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

10. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

11. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m². Quant aux supermarchés, ils sont usuellement définis comme ayant une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits.

12. En l'espèce, le magasin situé à Le Cendre (63) occupe une surface de vente de 5 494 m². Ce point de vente rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

13. Dans ses décisions récentes (4) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

14. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

15. Au cas d'espèce, outre le point de vente concerné par l'opération, l'acquéreur n'est pas présent sur le premier marché. L'analyse concurrentielle portera donc uniquement sur le second marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes autour de Le Cendre.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

16. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (5) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (6).

17. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

18. Sur le marché aval de la distribution alimentaire comprenant les hypermarchés, les supermarchés, et les maxi-discompteurs sur une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Le Cendre, le groupe ITM Entreprises est présent au travers de 4 magasins : l'hypermarché, objet de l'opération, et trois magasins sous enseigne Ecomarché de taille plus modeste. Les magasins sous enseigne appartenant au groupe ITM Entreprises totalisent ainsi 9,3 % de parts de marché sur une zone où les principaux groupes de distribution sont présents sans que l'un d'entre eux ne détienne une position réellement prééminente. Les groupes Auchan (25,4 %), Leclerc (18,9 %), EMC Distribution (16,2 %), Provera (15 %) et Carrefour (7 %) sont présents à travers plusieurs points de vente. L'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché. L'ouverture prochaine d'un Intermarché de 2 180 m² sur la zone laisse cette conclusion inchangée.

19. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne qu'un seul magasin n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0065 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la Commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès

et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,

5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.