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Décisions

ADLC, 5 juillet 2010, n° 10-DCC-70

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Rechan et Bain Distribution SA par la société ITM Alimentaire Ouest

ADLC n° 10-DCC-70

5 juillet 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 2 juin 2010, relatif à l'acquisition de l'intégralité des titres des sociétés Rechan et Bain Distribution par la société ITM Alimentaire Ouest, formalisée par un protocole de cession, en date du 31 mai 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ". Le groupe ITM Entreprises a réalisé au cours du dernier exercice clos au 31 décembre 2009, un chiffre d'affaires total hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] milliards d'euro en France.

2. La société ITM Alimentaire Ouest est une société de droit français détenue à [>50] % par la Société ITM Alimentaire France, par la société ITM Entreprises détenant une action.

3. La société Rechan est une société par actions simplifiée qui exploite un point de vente à dominante alimentaire à l'enseigne Intermarché situé à Rennes (35). Le capital de la société Rechan est détenu à hauteur de [>50] % par Monsieur et Madame X. La société ITM Entreprises détient pour sa part une action ne lui conférant pas de droits particuliers. La société Rechan a signé le 1er mars 2001 un contrat d'enseigne avec ITM Entreprises, par lequel l'utilisation de l'enseigne Intermarché lui est concédée pour l'exploitation de son fonds de commerce. En 2009, le chiffre d'affaires total hors taxes de Rechan, dernier exercice clos, s'est élevé à [15] millions d'euro, exclusivement réalisé en France.

4. La société Bain Distribution est une société anonyme qui exploite un point de vente à dominante alimentaire à l'enseigne d'Intermarché situé à Bain de Bretagne (35). Le capital de la société Bain Distribution est détenu à hauteur de [>50] % par Monsieur et Madame X. La société ITM Entreprises détient pour sa part une action ne lui conférant pas de droits particuliers. La société Bain Distribution a signé le 8 avril 2008 un contrat d'enseigne avec ITM Entreprises, par lequel l'utilisation de l'enseigne Intermarché lui est concédée pour l'exploitation de son fonds de commerce. En 2009, le chiffre d'affaires total hors taxes de Bain Distribution, dernier exercice clos, s'est élevé à [>15] millions d'euro, exclusivement réalisé en France.

5. Selon les termes du protocole d'accord signé par les parties le 31 mai 2010, ITM Alimentaire Ouest s'est engagée à acquérir l'intégralité des titres des sociétés Rechan et Bain Distribution.

6. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés Rechan et Bain Distribution par ITM Entreprises, via sa filiale ITM Alimentaire Ouest, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

8. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaire que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

9. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente supérieure à 2 500 m2. Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (4).

10. En l'espèce, le magasin racheté, situé à Rennes (35), occupe aujourd'hui une surface de vente de 5 730 m2 et celui situé à Bain de Bretagne (35) occupe une surface de vente de 2 800 m2. Ces magasins rentrent donc dans la catégorie des hypermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

11. Dans ses décisions récentes (5) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s'apprécier sur deux zones différentes:

a. Une première zone où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

b. Une seconde zone où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs.

12. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

13. En l'espèce, les magasins concernés par l'opération occupent respectivement des surfaces de ventes de 5 730 m² et 2 800 m². Ils rentrent dans la catégorie des hypermarchés. L'analyse concurrentielle portera, pour l'hypermarché situé à Rennes, sur les deux marchés, celui incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour de Rennes et celui incluant l'ensemble des supermarchés et maxi-discompteurs localisés sur une zone de chalandise de 15 minutes ; et pour l'hypermarché situé à Bain de Bretagne, sur le marché incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour de Bain de Bretagne. Sur le marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discounteur dans un rayon de 15 minutes autour de Bain de Bretagne, l'opération n'entraîne pas de chevauchement d'activité.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (6) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (7).

15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE DE LA ZONE DE CHALANDISE DE RENNES

16. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Rennes, l'Intermarché exploité par la cible représente 4 % de la part de marché exprimée en surface de vente (soit 5 730 m² sur une surface totale de 136 945 m²). Sont également présents sur la zone de Rennes quatre autres hypermarchés Intermarché situé à Vitre (2 % de part de marché pour une surface de 3 500 m²), à Bruz (2 % de part de marché pour une surface de 3 000 m²), à Liffré (2 % de part de marché pour une surface de 3 000 m²), ainsi qu'à Janzé (2 % de part de marché pour une surface de 2 500 m²). Les hypermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise, une part de marché cumulée de 12 % des surfaces de vente.

17. Ces magasins font face à la concurrence de sept hypermarchés du groupe Leclerc détenant 26 % des surfaces de vente, à la concurrence de dix hypermarchés du groupe U détenant 22 % des surfaces de vente, à la concurrence de quatre hypermarchés du groupe Carrefour détenant 21 % des surfaces de vente, à la concurrence de deux hypermarchés du groupe Casino détenant 9 % des surfaces de ventes, et à celle d'un hypermarché Cora détenant 7 % des surfaces de vente.

18. Sur le marché comprenant les supermarchés et autres formes de commerce équivalents, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Rennes, l'Intermarché exploité par la cible représente 5 % de la part de marché exprimée en surface de vente (soit 5 730 m² sur une surface totale de 112 112 m²). Sont également présents sur la zone de Rennes un hypermarché et un supermarché Intermarché situés à Liffré et à Chantepie détenant respectivement 2 % et 1 % des surfaces de ventes pour des surfaces de 3 000 m² et 1 500 m². Les hypermarchés et supermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 15 minutes autour de Rennes, une part de marché cumulé de 9 %.

19. Ces magasins font face à la concurrence de deux hypermarchés, d'un supermarché et de deux maxi-discounteurs sous des enseignes du groupe Casino détenant 12 % des surfaces de vente, à la concurrence de deux hypermarchés et de dix supermarchés sous enseignes du groupe Carrefour détenant 31 % des surfaces de vente, de trois hypermarchés sous des enseignes du groupe Leclerc détenant 19 % des surfaces de vente, à la concurrence d'un hypermarché et de sept supermarchés sous enseignes du groupe U détenant 11 % des surfaces de vente et à la concurrence d'autres points de vente dont les parts de marché ne sont pas significatives.

20. Compte tenu de ce qui précède, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés considérés.

2. MARCHE AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE DE LA ZONE DE CHALANDISE DE BAIN DE BRETAGNE

21. Sur le marché représentant une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Bain de Bretagne, l'Intermarché exploité par la cible représente 3 % des parts de marché exprimé en surface de vente (soit 2 800 m² sur un total de 94 084 m²). Sont également présents sur ce zone deux autres hypermarchés sous enseigne Intermarché situés à Bruz (2 980 m² soit 3 % des surfaces de vente) et à Janzé (2 500 m² soit 2 % de surfaces de vente). Les hypermarchés exploités sous une enseigne du groupe ITM Entreprises représentent donc sur la zone de chalandise une part de marché cumulée de 9 %.

22. Ces magasins sont confrontés à la concurrence de quatre hypermarchés sous des enseignes du groupe Leclerc représentant 26 % des surfaces de vente, à trois hypermarchés sous enseignes du groupe Carrefour représentant 24 % des surfaces de vente, à deux hypermarchés sous enseignes du groupe Casino représentant 13 % des surfaces de vente, à six hypermarchés sous enseignes du groupe U représentant 17 % des surfaces de vente, et à celle d'un hypermarché Cora représentant 10 % des surfaces de vente.

23. Compte tenu de ce qui précède, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés considérés.

B. MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISONEMENT

24. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne que deux magasins, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

25. Par conséquent l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de l'approvisionnement.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0081 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C 2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Voir notamment l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

5 Décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/C S.F ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat,

6 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

7 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98, Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.