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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 juillet 2010, n° 10-07894

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Larroutis

Défendeur :

Jeff de Bruges France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Mouillard, M. Roche

Avoués :

SCP Lagourgue-Olivier, SCP Ribaut

Avocats :

Mes Bastien Reheis, Azencot

TGI Evry, du 28 juin 2007

28 juin 2007

Le 15 octobre 2009, cette cour a rendu, dans le litige opposant M. Larroutis à la société Jeff de Bruges un arrêt infirmant le jugement du Tribunal de grande instance d'Evry du 28 juin 2007 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déboutait la société Jeff de Bruges de sa demande additionnelle et qui, statuant à nouveau, a :

- dit que l'acte souscrit par M. Larroutis le 31 août 1998 et intitulé " Garantie à première demande " constitue un cautionnement,

- déclaré M. Larroutis irrecevable en ses demandes de nullité pour dol et pour inobservation des dispositions légales relatives à l'information pré-contractuelle,

- déclaré M. Larroutis recevable en ses autres demandes, mais l'en a débouté,

- condamné M. Larroutis à payer à la société Jeff de Bruges la somme de 30 489,80 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2001,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- condamné M. Larroutis à payer à la société Jeff de Bruges la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et rejette sa demande présentée à ce titre,

- condamné M. Larroutis aux dépens de première instance et d'appel.

Par acte du 6 mai 2010, confirmé par des conclusions du 9 juin 2010, M. Larroutis a saisi la cour d'une requête en omission de statuer au motif que, dans ses conclusions du 7 décembre 2007, il avait invoqué pour lui-même en tant que caution un dol tenant à l'inobservation de l'obligation d'information pré-contractuelle prévue par la loi Doubin, et que la cour n'a pas statué sur cette demande. Il demande donc à la cour d'annuler son cautionnement pour vice du consentement.

Par conclusions du 27 mai 2010, la société Jeff de Bruges soulève l'irrecevabilité de la demande, en ce que M. Larroutis, qui a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt et invoque à cette occasion un défaut de motifs au soutien du rejet de la demande à laquelle il prétend présentement que la cour n'a pas répondu, en tout cas invoque son mal fondé, et réclame une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 juin 2010, à laquelle seul Jeff de Bruges s'est présenté, M. Larroutis s'étant contenté de transmettre son dossier de procédure, sans remettre à nouveau à la cour les pièces qu'il avait précédemment invoquées à l'appui de ses demandes.

Cela étant exposé, LA COUR :

Considérant que, selon l'article 463 du Code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, du moment que la demande lui en est présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité;

Considérant que le fait que M. Larroutis ait formé un pourvoi en cassation en invoquant un rejet, non motivé, de la même demande ne lui interdit pas de soutenir devant la cour une omission de statuer;

Qu'à cet égard, la cour observe que les prétentions de M. Larroutis étaient présentées comme des conséquences de l'annulation du contrat de franchise conclu par la société Senteur Café, dont le cautionnement était " l'accessoire ", et que les moyens auxquels il est reproché de ne pas avoir répondu étaient placés dans le paragraphe consacré, page 14, à la démonstration de la nécessité d'annuler aussi le cautionnement en cas de résolution du contrat de franchise ; qu'ayant articulé à cette occasion un grief personnel de dol, tiré de l'inobservation par Jeff de Bruges de son obligation pré-contractuelle d'information, auquel la cour n'a pas répondu, se bornant à relever que la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur, M. Larroutis est recevable à invoquer une omission de statuer;

Considérant, sur le fond, que M. Larroutis prétend avoir, tout comme la société Senteur Café, été trompé par Jeff de Bruges sur des éléments déterminants qui lui ont été cachés, et au vu desquels il n'aurait jamais contracté en tant que caution, et soutient qu'il a subi par ricochet la violation des dispositions d'ordre public de la loi Doubin, une information fondamentale sur le marché local ayant fait défaut ; qu'il souligne que le volumineux document d'information précontractuelle remis à la société Senteur Café n'était pas actualisé puisque, alors qu'il portait la date de mars 1998, les documents financiers dataient du mois de juin 1997, la présentation du marché de 1992 et la présentation du marché local de 1990, que cette dernière était nettement insuffisante puisqu'elle se limitait à une description sommaire de la population locale, sans aucun rapport avec sa consommation, et à l'énumération non moins sommaire des concurrents du franchiseur dans la ville d'implantation ; qu'il prétend encore que Jeff de Bruges lui a dissimulé, de mauvaise foi, le fait qu'une précédente enseigne avait été exploitée à Rambouillet quelques mois auparavant et fait l'objet d'une résiliation anticipée le 23 juillet 1997, soit moins d'un an avant la délivrance du document, un procès l'ayant opposée à ce franchiseur, au terme duquel Jeff de Bruges a été condamné pour délivrance d'une information pré-contractuelle insuffisante;

Mais considérant, tout d'abord, qu'aux termes de l'article L. 330-3 du Code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; qu'il en résulte que seule la partie qui consent un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité est créancière de l'obligation précontractuelle d'information ; que la cour ne saurait, sans ajouter à la loi, étendre cette obligation, par principe, au bénéfice de la caution;

Que toutefois le créancier doit révéler à la caution tout élément concernant la situation du débiteur, dont il aurait seul connaissance et qui pourrait être de nature à la dissuader de garantir les dettes de ce dernier ; qu'en l'espèce, si M. Larroutis stigmatise l'inobservation formelle des dispositions de l'article R. 330-1 du même code, qui fournit la liste des informations à fournir au franchisé, il n'indique pas en quoi, précisément, les imprécisions qu'il dénonce l'ont conduit à souscrire un engagement qu'il n'aurait pas pris autrement; qu'en particulier, il ne démontre pas qu'il aurait été conduit à refuser sa caution s'il avait eu connaissance de ce qu'un autre établissement Jeff de Bruges avait été précédemment fermé à Rambouillet, à l'amiable, lui-même précisant que les parties étaient alors convenues de résilier le contrat par anticipation afin que le franchisé puisse céder son fonds à un tiers le 4 septembre 1997 ; que le fait qu'une action en responsabilité a été ultérieurement engagée n'avait pas à lui être révélé à ce moment d'autant que son issue n'était pas connue, étant encore souligné que le seul fait que la responsabilité de Jeff de Bruges ait été retenue à l'égard d'un exploitant tiers n'implique pas nécessairement que le consentement de M. Larroutis ait été altéré dans les mêmes conditions ;

Qu'au demeurant, il est apparu par la suite que, dans cette opération, c'est M. Larroutis, qui avait connaissance de la situation déjà fortement obérée de la société Senteur Café dont il était le gérant, qui s'est abstenu d'en informer Jeff de Bruges, son engagement de caution ayant d'ailleurs vraisemblablement pour objet de tranquilliser cette dernière et de la dissuader de s'intéresser de plus près aux comptes de Senteur Café, ce qui a été le cas ;

Qu'ainsi, aucune réticence dolosive ne peut être mise à la charge de Jeff de Bruges à l'occasion de l'acte de cautionnement du 31 août 2008 et M. Larroutis doit être débouté de sa demande d'annulation;

Et considérant que Jeff de Bruges a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a donc lieu de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans la mesure qui sera précisée au dispositif;

Par ces motifs, Déclare recevable la requête de M. Larroutis en omission de statuer, Déboute M. Larroutis de sa demande d'annulation de la caution souscrite le 31 août 1998 au profit de la société Cocidac, ancienne dénomination de la société Jeff de Bruges, Condamne M. Larroutis à payer à la société Jeff de Bruges une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Larroutis aux dépens et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, Dit que le présent arrêt sera mentionné sur la minute et sur les expéditions de l'arrêt du 15 octobre 2009, qu'il sera notifié comme celui-ci et donnera ouverture aux mêmes voies de recours.