CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 18 juin 2010, n° 09-12533
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mov'In (SAS)
Défendeur :
Bronique, Asik
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mmes Darbois, Saint-Schroeder
Avoués :
SCP Mira-Bettan, Me Huyghe
Avocats :
Mes Ranson, Benedetti, Konsens
La société Mov'In, titulaire des marques " Moving " et " Lady Moving Mince et Tonique en 30 minutes ", a pour objet de franchiser sous l'enseigne " Moving " et " Lady Moving " des centres de remise en forme sur l'ensemble du territoire national. Elle propose ainsi à des partenaires d'intégrer son réseau en signant avec elle un contrat de franchise ;
Madame Valérie Bronique assistée de David Asik, se rapprocha d'elle à la fin de l'année 2006, dans le dessein d'ouvrir un centre de mise en forme à Strasbourg ;
La société Mov'In précise avoir remis à David Asik, le 14 décembre 2006, un ensemble de documents pré-contractuels sur l'organisation du réseau et les charges qui incombent aux licenciés ;
Le 19 janvier 2007, elle signait avec Valérie Bronique un contrat de réservation valant promesse de licence de marques, pour la création et l'exploitation d'un centre Lady Moving à Strasbourg;
En application des articles 2, 4 et 5 de cette convention, Valérie Bronique versait une redevance de 15 000 euro HT soit 17 940 euro TTC, correspondant à un " droit d'entrée territorial exclusif, étant observé que cette convention valant promesse de licence, était valable pendant six mois et que si dans ce délai, le bénéficiaire n'était pas en mesure d'ouvrir le centre projeté, le contrat devenait caduc mais la redevance restait acquise au promettant "à titre d'indemnité d'immobilisation du territoire pendant la durée du contrat, ce que le bénéficiaire accepte expressément ";
Les difficultés de trouver un local adapté à Strasbourg conduisirent Madame Valérie Bronique à renoncer en juillet 2007 à son projet et à solliciter le remboursement de l'indemnité qu'elle avait versée;
Face à l'opposition de la société Mov'In, elle assignait cette dernière devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 7 mai 2009, la déboutait de ses demandes mais, qualifiant la disposition contractuelle relative à l'indemnité précitée de clause pénale, condamna Madame Bronique à verser à la société Mov'In la somme de 2 000 euro et dit que celle-ci viendrait en déduction de la somme que la société Mov'In devrait lui rembourser, soit 15 940 euro ;
Vu les dernières écritures en date du 15 avril 2010 de la société Mov'In qui fait valoir que quand bien même Madame Bronique n'aurait-elle pas eu connaissance des documents pré-contractuels qu'elle avait pourtant remis à Monsieur Asik, partenaire de Madame Bronique dans son projet, le consentement de cette dernière n'a aucunement été vicié ; qu'elle fait grief à la décision déférée d'avoir qualifié de clause pénale les dispositions relatives à l'indemnité d'immobilisation, avant de solliciter que celle-ci lui reste définitivement acquise et, subsidiairement si elle devait succomber, que David Asik soit condamné sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à lui verser la somme précitée ; elle conclut enfin à la condamnation de Valérie Bronique à lui régler la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
Vu les dernières écritures en date du 5 janvier 2010 de David Asik, qui affirme que les documents pré-contractuels ne lui ont pas été remis avant de conclure à la confirmation de la décision entreprise et au débouté des demandes de condamnation formées par la société Mov'In à son encontre ;
Vu les dernières écritures en date du 31 mars 2010 de Valérie Bronique qui sollicite l'annulation du contrat en raison de l'ignorance dans laquelle elle a été tenue d'informations pré-contractuelles importantes qui l'auraient conduite à ne pas signer ce contrat si elle en avait eu connaissance ; elle ajoute qu'il n'existe aucune société de fait entre Monsieur Asik et elle-même, et demande à la cour d'annuler la clause litigieuse qu'elle qualifie de clause pénale injustifiée ;
Sur ce,
Sur l'existence d'un vice de consentement
Considérant que Valérie Bronique soutient donc ne pas voir été informée des dispositions pré-contractuelles et ne pas avoir pu bénéficier du délai de réflexion prévu par l'article L. 330-3 alinéa 4 du Code de commerce ; qu'elle ne fut pas en mesure de savoir que la société Mov'In exigeait de ses franchi[seurs][sic] des engagements financiers en matière de publicité et la participation au fonctionnement du réseau informatique ou encore qu'ils s'approvisionnent directement auprès du seul réseau;
Considérant ceci rappelé, qu'elle ne qualifie pas précisément la nature du vice qui aurait affecté son consentement ; que la cour déduit de ses prétentions qu'elle n'invoque pas l'existence d'un dol mais simplement une erreur sur la portée de ses engagements ;
Considérant qu'il convient de relever d'emblée que la convention qu'elle a signée le 19 janvier 2007 énonce en son article 2 que " le bénéficiaire déclare connaître les charges et conditions de ce contrat pour en avoir eu connaissance et en accepter notamment les conditions financières qui prévoient par centre un droit d'entrée territorial... ";
Considérant par ailleurs, que David Asik qui assistait à tout le moins Valérie Bronique dans ses démarches et la conseillait, s'est vu remettre contrairement à ses dires, le 14 décembre 2006, un ensemble de documents pré-contractuels, comme en témoigne l'attestation de remise qu'il a signée de sa main et qui fait expressément mention d'un exemplaire du document d'information pré-contractuel ;
Considérant surtout, que la seule constatation de l'inobservation des dispositions de l'article L. 330-3 alinéa 3 du Code de commerce relatives aux informations que doit fournir " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle une exclusivité... ", ne peut suffire à caractériser un vice du consentement ; qu'il appartient en effet à la personne qui s'en prévaut, de préciser en quoi cette inobservation a pu affecter son consentement ;
Considérant qu'en l'espèce, durant les six mois qui ont suivi la conclusion de la convention litigieuse, pendant lesquels elle bénéficia d'une exclusivité, Madame Bronique n'a jamais soutenu que son consentement aurait été vicié ;
Qu'en outre, elle se borne ici à soutenir de façon générale qu'elle aurait ignoré l'importance des charges financières imposées aux licenciés en matière publicitaire ou de participation aux réseau, sans démontrer pour autant que la hauteur desdites charges aurait dépassé les projections financières qu'elle a dû faire pour, notamment, solliciter les prêts bancaires nécessaires au lancement de son activité ;
Considérant qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que l'intimée n'établit aucunement que sont consentement aurait été vicié ; que les premiers juges ont donc rejeté à bon droit la demande d'annulation de la convention;
Sur l'indemnité litigieuse
Considérant qu'une clause pénale est une clause par laquelle les parties conviennent d'un montant forfaitaire de dommages et intérêts qui vient sanctionner l'inexécution d'une obligation;
Qu'ainsi, l'article 1226 du Code civil dispose que " la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention s'engage à quelque chose en cas d'inexécution " et l'article 1229 d'ajouter qu'elle est " la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale ";
Considérant en l'espèce, que l'article 5 intitulé " durée de la réservation/indemnité d'immobilisation ", énonce que la redevance visée à l'article 4 est " acquise définitivement au promettant à titre d'indemnité d'immobilisation du territoire pendant la durée du contrat ";
Considérant que la cause de cette redevance réside en conséquence dans la réservation par le promettant d'un territoire exclusif pendant une durée de six mois ;
Qu'il ne s'agit aucunement de sanctionner l'inexécution d'une obligation puisque le bénéficiaire n'a pas en effet contracté une obligation d'ouverture d'un centre Moving et qu'à l'issue de cette période, chacune des parties reste libre de tout engagement si le projet n'a pas abouti ;
Considérant que la décision déférée sera dès lors infirmée en ce qu'elle a qualifié la clause litigieuse de clause pénale et fait application de l'article 1152 du Code civil pour réduire le montant de la redevance convenue;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Considérant que la procédure engagée par Madame Bronique n'apparaît aucunement animée par une intention de nuire, mais procède d'une méprise sur l'exacte portée de ses droits ;
Que la demande de la société Mov'In sera donc rejetée ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que l'équité commande de condamner Madame Bronique à verser à la société Mov'In une somme limitée à 2 000 euro et à rejeter les autres demandes formées sur ce fondement.
Par ces motifs, Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a qualifié de clause pénale l'article 5 de la convention conclue le 19 janvier 2007, entre Madame Bronique et la société Mov'In et en ce qu'elle a fait application de l'article 1152 du Code civil, Dit que l'indemnité d'immobilisation de 17 940 euro prévue à cette convention reste acquise à la société Mov'In, Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamne Madame Bronique à verser à la société Mov'In la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance d'appel, lesquels seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même Code.