Cass. com., 16 février 1988, n° 86-16.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gibert Marine (SA)
Défendeur :
Yacht Méditerranée (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Justafré
Avocat général :
M. Jeol
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, SCP Martin-Martinière, Ricard, Me Blanc
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Gibert Marine reproche à l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 mai 1986) d'avoir décidé que, depuis 1972, elle avait été liée à la société Yacht Méditerranée, déjà concessionnaire d'une autre marque, par un contrat verbal de concession exclusive à durée indéterminée de vente dans la région méditerranéenne d'un modèle de ses bateaux et de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts pour rupture abusive de ce contrat survenue à compter du 31 décembre 1981 alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de concession est, ainsi que le définit la cour d'appel elle-même, le contrat par lequel un commerçant appelé concessionnaire met son entreprise de distribution au service d'un commerçant ou industriel, le concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance du concédant la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé ; qu'en décidant que les parties étaient liées par un tel contrat, tout en constatant que la société Yacht Méditerranée est concessionnaire exclusif de la marque Jeanneau, ce qui excluait l'existence d'une exclusivité au profit de la société Gibert Marine et, partant, en tout état de cause, d'une exclusivité réciproque qui est de l'essence même du contrat de concession, la cour d'appel n'a pas tiré de la définition par elle-même donnée de ce contrat et de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient nécessairement ; qu'elle a ainsi privé de base légale sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'ainsi que le précise la cour d'appel, il appartenait à la société Yacht Méditerranée, qui invoquait le bénéfice d'un contrat de concession exclusive de faire la preuve de son existence ; qu'en retenant que si la société Gibert Marine conteste l'exclusivité revendiquée par la société Yacht Méditerranée elle ne justifie pas que pendant la période qui a précédé la rupture de leurs relations, elle ait eu d'autres vendeurs que la société Yacht Méditerranée, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du Code civil et alors, enfin, que la qualité de revendeur agréé a, selon les usages commerciaux une signification précise équivalant à une simple investiture donnée par le fabricant en contrepartie des garanties professionnelles qu'un revendeur offre à la clientèle ; que l'octroi de cette qualité ne postule aucune stipulation d'exclusivité au profit de l'une ou l'autre des parties contractantes ; que la cour d'appel, qui a déduit l'existence d'un contrat de concession exclusive entre les parties du seul octroi par la société Gibert Marine de cette qualité à la société Yacht Méditerranée et qui n'a, par ailleurs, ni constaté que le prix des fournitures ait été déterminé ou à tout le moins déterminable, ni fait état de la moindre obligation à laquelle la société Yacht Méditerranée aurait été tenue, du moindre contrôle auquel elle aurait été soumise, n'a pas tiré de la définition par elle-même donnée du contrat de concession les conséquences qui s'en déduisaient nécessairement ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les deux sociétés entretenaient des relations commerciales depuis une longue durée, que la société Gibert Marine conseillait à ses clients potentiels de s'adresser à la société Yacht Méditerranée, seul vendeur auquel elle ait confié la vente de ses bateaux dans la région méditerranéenne, qu'elle lui envoyait de nombreuses notes et conclusions sur ses produits, ses tarifs et ses expositions, la cour d'appel a, sans renverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision en retenant que les parties étaient liées par un contrat de concession exclusive non écrit à durée indéterminée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, réunis : - Attendu que la société Gibert Marine fait encore grief à la cour d'appel d'avoir déclaré abusive la rupture du contrat dénoncé par lettre du 2 novembre 1981 et de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Yacht Méditerranée en articulant les griefs qui sont reproduits ci-dessous en annexe ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement que, compte tenu de la longue collaboration ayant existé entre les parties, le préavis donné avait été trop bref, la cour d'appel a pu retenir que la rupture était intervenue avec une brutalité lui conférant un caractère abusif ; qu'ayant relevé que, dès le début de l'année 1981, la société Giubert Marine avait compté la vente de ses bateaux à d'autres revendeurs avant d'avoir mis fin à la concession de la société Yacht Méditerranée qui se voyait ainsi privée de ventes qu'elle était seule à assurer auparavant, ce qui avait entraîné une baisse de son chiffre d'affaires, l'arrêt a ainsi caractérisé le lien de causalité entre la faute du concédant et le dommage du concessionnaire ; qu'en l'état de ces énonciations, et sans avoir à répondre au simple argument exposé par les conclusions invoquées, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les deuxième et troisième moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.