Cass. com., 13 mai 1970, n° 69-10.934
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Virfollet et Cie (Sté)
Défendeur :
Fonderies Cury (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Larère
Avocat général :
M. Toubas
Avocat :
Me Calon
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Nancy, 10 janvier 1969), que par contrat, en date du 1er juillet 1960, la société Fonderies Cury a confié à la société Virfollet et Cie l'exclusivité de la vente à l'étranger de ses fabrications ; que le contrat prévu pour une période de trois années était renouvelable annuellement par tacite reconduction et ne pouvait être dénoncé qu'avec un préavis de six mois ; que, par lettre du 30 décembres 1963, la société Fonderies Cury a déclaré dénoncer le contrat pour le 1er juillet 1964 ; que la société Virfollet a fait alors assigner les Fonderies Cury en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive d'un contrat qu'elle qualifiait de mandat d'intérêt commun en réclamant en outre le paiement d'un solde de commissions ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif déféré d'avoir débouté la société Virfollet de sa demande en dommages-intérêts, aux motifs que la convention unissant les parties n'était pas un mandat d'intérêt commun, mais une concession de vente exclusive qui avait été rompue régulièrement, alors que, selon le pourvoi, le contrat, dénaturé par la cour d'appel, confie expressément un mandat à la société Virfollet à l'effet d'exporter les marchandises fabriquées par la société mandante ; que c'est uniquement à raison des formalités d'exportation qu'une double facturation a été prévue, étant admis que la société mandataire devait adresser une copie de toutes ses factures à sa mandante et rendre des comptes pour l'exécution de chacune des commandes ; qu'une commission de 4 % était allouée à la société mandataire celle-ci étant de plus ducroire ; qu'aussi bien les termes du contrat que ses stipulations ne laissent place qu'à la qualification de mandat d'intérêt commun, et alors au surplus que, dans ses conclusions demeurées sans réponse, la société mandataire soulignait que les expéditions se faisaient depuis l'usine de sa mandante et au fur et à mesure des commandes, qu'elle ne disposait d'aucun stock, ce qui caractérisait l'activité d'un agent commercial et non d'un concessionnaire exclusif ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, tant par motifs propres que par ceux expressément adoptés des premiers juges, déclare que les tribunaux ne sont pas liés par l'apparence d'un contrat, qu'il leur appartient de rechercher la réelle intention des parties, et relève que la société Virfollet achetait "ferme" aux Fonderies Cury les "bruts de fonderie" qui étaient facturés, départ usine à la société Virfollet, que cette facturation n'était pas pro forma car elle donnait lieu à l'établissement de lettres de change tirées par la société Cury sur la société Virfollet, sans tenir compte du fait que la société Virfollet était ou non couverte par ses propres clients auxquels ladite société expédiait en son nom et par lesquels elle se faisait payer "de façon complètement indépendante de la société Cury" ; que la société Virfollet qui était devenue propriétaire des marchandises en avait donc disposé librement et avait encaissé le prix de la revente en "assurant l'entière responsabilité de la marchandise en cours d'expédition en prenant à sa charge les pertes éventuelles" ; que l'arrêt ajoute que l'article fabriqué était spécial à chaque client, ce qui rendait indispensable les contacts entre la société Cury et les clients de la société Virfollet qui étaient souvent obligés d'envoyer à la société Cury les modèles dans lesquels étaient coulées les pièces et déclare que ces contacts avec la clientèle, comme le contrôle exercé par la société Fonderies Cury sur l'activité commerciale de la société Virfollet, étaient la contrepartie de l'exclusivité concédée, de même que la fixation d'un taux dit de "commission" qui constituait une limitation de la "marge bénéficiaire" ; que l'arrêt retient également que le contrat contenait des stipulations applicables à un commissionnaire ducroire et à un concessionnaire exclusif ; que de ces divers motifs qui interprétaient les clauses ambigües du contrat, la cour d'appel a pu déduire que celui-ci était resté un contrat de vente ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre la société Fonderies Cury dans le détail de son argumentation a répondu aux conclusions invoquées en s'expliquant, ainsi qu'il a déjà été constaté, sur les contacts nécessaires entre les clients et la société Cury et sur la nature particulière des commandes transmises par la société Virfollet ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 10 janvier 1969, par la Cour d'appel de Nancy.