Cass. com., 19 juillet 1982, n° 80-17.183
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SEMIP (Sté)
Défendeur :
Ducar (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sauvageot
Rapporteur :
M. Perdriau
Avocat général :
M. Laroque
Avocat :
Me Goutet
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la "Société d'exploitation de matériel industriel et de travaux publics" (société SEMIP) et la société Ducar ont passé un contrat pour la fourniture d'éléments de construction aux termes duquel il était prévu que les parties faisaient attribution de juridiction au Tribunal de commerce de Dunkerque et précisé, qu'en cas de litige, elles s'interdisaient de saisir la juridiction compétente sans arbitrage préalable, que la société Ducar a été mise en règlement judiciaire, mais a continué l'exécution du contrat, qu'avec son syndic à la suite d'une contestation survenue au sujet de livraisons, elle a assigné la société SEMIP devant le Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes, qui avait ouvert la procédure collective, en paiement du prix de marchandises tenues à disposition, outre des dommages-intérêts, que la défenderesse a soulevé l'exception d'incompétence en invoquant tant la clause relative à l'arbitrage que celle attributive de juridiction ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence, la cour d'appel énonce que le syndic ayant usé de la faculté d'exiger l'exécution du contrat en cours et s'étant engagé à fournir les matériaux commandés, le litige est une contestation sur laquelle le règlement judiciaire a exercé une influence juridique et qui, ressortissant à la compétence d'ordre public du tribunal ayant prononcé ce règlement judiciaire, ne peut être soumis à un arbitre non plus qu'à une juridiction autre que ledit tribunal ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si le litige ne concernait pas l'exécution d'un contrat antérieur à l'ouverture de la procédure collective et ne se serait pas produit pareillement sans l'intervention de cette procédure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967 ; - Attendu que, pour déclarer que le tribunal qui avait été saisi se trouvait compétent, l'arrêt a encore énoncé que "la masse des créanciers qui peut faire des actes de commerce lorsqu'elle exécute un contrat passé par le débiteur ou lorsqu'elle poursuit l'activité de celui-ci, n'acquiert jamais la qualité de commerçant en sorte que ne pouvant elle-même souscrire à une clause compromissoire valable, elle ne peut être tenue par la clause compromissoire contenue dans un contrat passé par le débiteur de soumettre à des arbitres un différend né pendant la procédure de règlement judiciaire";
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, lorsque le syndic d'un règlement judiciaire ou d'une liquidation des biens use de la faculté de poursuivre l'exécution d'un contrat, il doit le faire avec tous les droits et obligations qui s'y attachent, ce qui implique l'observation d'une clause compromissoire s'il en a été stipulé, la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen non plus que sur le second moyen : Casse et annule l'arrêt rendu le 16 octobre 1980, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'appel de Reims, à ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.