ADLC, 28 juillet 2010, n° 10-D-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques relevées sur des marchés de travaux groupés de réseaux publics passés par la plate-forme d'achats EDF-GDF Services de Montpellier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Didier Ferrero, l'intervention de M. Jean-Marc Belorgey, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Anne Perrot, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes.
L'Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 16 novembre 2005, sous le numéro 05/0085 F, par laquelle le ministre de l'Economie et des Finances a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les entreprises Travaux électriques du Midi, Société Nouvelle Électric flux, Entreprise Générale d'Électricité Noël Béranger, Électricité Provence Méditerranée, Midi Travaux Location, A. Tropina et SNC Électricité Moderne, devenue Forclum PACA, susceptibles de fausser la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de réseaux publics passés par la plate-forme d'achats Électricité de France-Gaz de France Services ; Vu le livre IV modifié du Code de commerce ; Vu les décisions de secret des affaires n° 07-DSA-179 du 23 août 2007, n° 07-DSA-253 du 6 décembre 2007 et n° 08-DSA-45 du 1er avril 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés Travaux électriques du Midi, Société Nouvelle Électric Flux, Entreprise Générale d'Électricité Noël Béranger, Électricité Provence Méditerranée, Forclum PACA et le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Travaux électriques du Midi, Société Nouvelle Électric Flux, Entreprise Générale d'Électricité Noël Béranger, Électricité Provence Méditerranée, Forclum PACA entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 29 juin 2010, les représentants des sociétés Midi Ttravaux Location et A. Tropina ayant été régulièrement convoqués ;
Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Le ministre de l'économie et des finances dénonce des pratiques mises en œuvre par les sept entreprises Travaux Électriques du Midi (ci-après TEM) à Manosque (04), Société Nouvelle Électric Flux (ci-après SNEF) à Marseille (13), Entreprise Générale d'Électricité Noël Béranger (ci-après Béranger) à La Penne-sur-Huveaune (13), Électricité Provence Méditerranée (ci-après EPM) à Gemenos (13), Midi Travaux Location (ci-après MTL) à Roquevaire (13), A. Tropina (ci-après Tropina) à Meyreuil (13) et SNC Électricité Moderne (ci-après SNC EM) devenue Forclum PACA à Marseille (13), susceptibles de fausser la concurrence dans le secteur des marchés de travaux de réseaux publics passés par la plate-forme d'achats Électricité de France-Gaz de France Services (ci-après EGS) à Montpellier (34).
A. LE SECTEUR CONCERNÉ
1. LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES D'EDF-GDF SERVICES
2. La saisine concerne différents appels d'offres relatifs à un ensemble de marchés de travaux électriques groupés, aéro-souterrains et souterrains, lancés entre 2001 et 2004 par la plate-forme d'achat EGS Montpellier.
3. Ces marchés sont des marchés de droit public ne relevant pas du Code des marchés publics mais obéissant à des règles de mise en concurrence ainsi décrites par le chef de la plate- forme d'achats EGS à Montpellier lors de son audition le 29 juin 2004 :
" ... concernant les modalités de nos consultations, on distingue deux modes opératoires selon le niveau d'engagement financier du marché (...)
Si le montant est inférieur à cinq millions d'euro, EDF (la structure commune EGS) applique le droit commun (droit commun propre à EGS) en matière de consultation à savoir une sélection d'entreprises aptes à réaliser les prestations demandées avec le souci de constituer un panel d'entreprises consultables suffisant pour animer la concurrence (...)
En règle générale, les marchés sont de deux ans. Nous souhaitons avoir plusieurs attributaires pour d'une part, éviter dans le cas d'un attributaire unique, une situation monopolistique vis-à-vis d'un seul fournisseur (risque de défaillance) et d'autre part, obtenir une disponibilité, sur le terrain, de réalisation des prestations sur l'ensemble du territoire du centre (...)
Depuis deux ans (2002), la plate-forme utilise un mode de consultation via un outil internet : " Bravo solution ". Ce fonctionnement est généralisé à l'ensemble des plates- formes d'achats depuis la fin 2003.
Au stade de l'ouverture des plis, l'acheteur prend connaissance des offres des entreprises consultées et connaît à ce stade l'ensemble des prix élémentaires. Il calcule pour chaque offre recevable le prix moyen pondéré (PMP) et se trouve en situation de pouvoir comparer les offres par rapport au prix d'objectif.
Suivant le résultat de son analyse, il peut décider de déclarer infructueuse la consultation ou partiellement infructueuse, attribuer la totalité du marché avec ou sans négociation.
Si la négociation s'engage, l'acheteur invitera les fournisseurs retenus à la négociation (tout ou partie des répondants) et engagera le nombre de tours nécessaires à l'obtention du meilleur résultat économique.
A chaque tour de négociation (quelques jours entre les tours), l'entreprise remet une nouvelle offre écrite confirmant le stade de négociation.
La négociation porte sur tout ou partie des prix remis et s'appuie sur la connaissance des prix " marchés " en possession de l'acheteur. De manière plus ciblée, l'acheteur fera ses remarques sur des prix qu'il n'estime pas être les prix du marché (...)
Pendant la phase de négociation, les acheteurs ne remettent aucune information concernant l'offre d'une entreprise aux autres entreprises. Le mode de fonctionnement de l'acheteur s'appuie sur le Code de déontologie dénommé "la déontologie des relations avec les fournisseurs" dans lequel sont indiqués les préceptes fondamentaux des relations avec les fournisseurs, parmi lesquels l'équité de traitement (...)
Les acheteurs ne révèlent pas le prix des offres des entreprises à quelque stade que ce soit de la consultation (...) " (cotes 372, 373, cf. Code " la déontologie des relations avec les fournisseurs " cotes 343 à 358, guide " Fondamentaux des achats " cotes 359 à 454).
4. Pour sa part, le gérant de Béranger décrit la mise en concurrence des marchés de travaux par la plate-forme d'achats EGS à Montpellier de la manière suivante :
" ...EDF (la structure commune EGS) consulte les fournisseurs (entreprises) à partir de sa plate-forme d'achats (PFA) basée à Montpellier et couvrant une zone comprise entre Nice et Perpignan (...)
Nous recevons les consultations sur un serveur dénommé " Bravobuild ".
Nous répondons à partir des séries de prix EDF composées de plusieurs coefficients. EDF pondère en interne ces coefficients et obtient des coefficients lui permettant de déterminer son prix d'achat.
Si les entreprises sont éloignées des objectifs d'EDF, il peut déclarer l'appel d'offres infructueux. Sinon, une négociation s'installe : EDF rappelle, pour un deuxième tour, les entreprises de son choix (...)
Pour une opération donnée, EDF décide de façon unilatérale du nombre de lots alloués à l'opération et de leur montant " (cotes 497, 498, 501).
5. Le principe général de la consultation est la mise en concurrence. L'acheteur doit, pour tout marché, consulter un nombre suffisant de fournisseurs, compatible avec l'économie du marché. La négociation doit pouvoir être engagée avec les fournisseurs les mieux placés à la remise des offres. Cette façon de procéder permet de conserver une incitation des fournisseurs à remettre la meilleure offre d'emblée car tous les consultés ne sont pas appelés à négocier.
6. La plate-forme d'achat EGS constitue une liste de fournisseurs qualifiés pour fournir les travaux ou le produit demandés parmi lesquels elle sélectionne ceux qui seront consultés sur la base de motifs de sélection objectifs, non discriminatoires et liés au contexte du marché considéré.
7. La procédure retenue majoritairement par EGS est la procédure négociée après mise en concurrence. Les entreprises consultées par EGS répondent au moyen de coefficients ou prix d'unités en euro (une dizaine en général). A l'issue de la négociation, EGS détermine pour chaque entreprise un prix objectif ou prix moyen pondéré (PMP). Celui-ci est obtenu en valorisant ou en minorant ces coefficients en fonction des travaux demandés.
8. Cette procédure ne prévoit pas une ouverture formalisée des offres mais une réception " au fil de l'eau " des premières offres comme de celles lors de la phase éventuelle de négociation, par télécopie ou pli postal, ou encore, depuis 2002, en utilisant un logiciel " Bravobuild ".
2. LES SOUMISSIONNAIRES AUX APPELS D'OFFRES DE MARCHÉS DE TRAVAUX DE RÉSEAUX EDF-GDF
9. Les entreprises qui participent à des marchés de travaux de réseaux publics EDF-GDF sont principalement implantées dans la région de dévolution des travaux. Le secteur est peu concentré, la nature des travaux favorisant une implantation de proximité. La plupart des entreprises sont de petite taille et sont spécialisées dans les travaux électriques et gaziers, extérieurs ou intérieurs, et la pose de canalisation. D'autres font partie de grands groupes nationaux.
10. En tout état de cause, aucune d'entre elles, selon les règles internes d'EDF et de GDF, ne peut prétendre réaliser une part prépondérante des travaux de réseaux EDF-GDF afin d'éviter " le risque de dépendance excessive des approvisionnements d'EDF ou de GDF vis-à-vis d'un groupe ". En sens inverse, la plate-forme EDF-GDF doit " contribuer au maintien d'un tissu industriel suffisant, en nombre et en compétence, de fournisseurs potentiels ". Il s'agit " d'éviter qu'EDF ou GDF ne soit trop dépendante d'une seule entreprise (...) et qu'une entreprise ne soit trop dépendante d'EDF ou GDF ". A cet égard outre la formule d'allotissement, chaque candidat se voit doter d'un montant plafond dénommé " autolimitation " (cotes 368, 375, 387, 409, 511, 538).
11. Selon les documents communiqués lors de l'enquête, la plate-forme d'achats EGS Montpellier s'adresse à 70 entreprises au moins, toutes à même de réaliser les travaux de réseaux électricité ou gaz dans la zone Provence/Marseille.
12. La saisine ministérielle porte pour sa part sur les pratiques mises en œuvre notamment par les sept sociétés suivantes, soit au plus 10 % de l'effectif de 70 entreprises recensées ci-avant :
- Tropina,
- Béranger,
- EPM,
- MTL,
- TEM,
- SNC EM,
- SNEF.
B. LES FAITS RÉVÉLÉS PAR L'ENQUÊTE
L'enquête a donné lieu à des opérations de visite et saisie qui se sont déroulées le 16 janvier 2004.
1. LES DEUX MARCHÉS EGS PROVENCE ZONE D'AUBAGNE DE TRAVAUX GROUPÉS 1ER NOVEMBRE 2003/31 OCTOBRE 2005 D'AÉRO-SOUTERRAINS ET SOUTERRAINS MIXTES DE MOINS DE 100 M
a) Le marché de travaux groupés EGS Provence zone d'Aubagne 1er novembre 2003/31 octobre 2005 d'aéro-souterrains de moins de 100 mètres
13. Deux documents n° 29 et 27, non datés, ont été saisis au sein de l'entreprise Béranger (cotes 305 et 308) que M. X... a commentés ainsi par procès-verbal du 9 juin 2004 :
" ... concernant la pièce cotée 29 [cotée 305 en cotation informatique et 259 dans le rapport administratif d'enquête, ci-après le " RAE "], il s'agit vraisemblablement de marché d'origine EGS Provence (aéro-souterrain) composés de quatre lots. Il ne s'agit pas des résultats (...)
concernant la pièce cotée 27 [cotée 303 en cotation informatique et 257 dans le RAE] (...) je pense que l'on est en présence de résultats donnés en cours de négociation comme pour la pièce cotée 32 [cotée 308 en cotation informatique et 262 dans le RAE] relative à des travaux aéro-souterrains. Les premières offres des entreprises et les négociations qui suivent datent de mars-avril 2003. J'étais consulté sur ces deux marchés dont j'étais le titulaire en titre (2001-2003). Je rappelle que j'ai seulement conservé l'aéro-souterrain de moins de 100 m... " (cotes 23 à 27, 305, 308, 522).
Pièce saisie n°29 cotée 305 en cotation informatique et 259 dans le RAE :
Pièce saisie n°32 cotée 308 en cotation informatique et 262 dans le RAE :
14. Le marché MP/ATG/02/052/55344/252/DES/TOT de travaux groupés aéro-souterrains d'électricité d'une longueur de moins de 100 m a été lancé le 13 mars 2003 par la plate- forme achats EGS Montpellier pour le centre opérationnel EGS Provence avec comme date butoir d'ouverture des premiers plis le 24 avril 2003. Il s'inscrit dans le cadre d'un marché à bons de commande sur la période de 24 mois 1er novembre 2003/31 octobre 2005, portant sur la zone d'Aubagne mais aussi sur les deux autres zones d'Aix-en- Provence/Manosque et Vitrolles.
15. Sur la zone d'Aubagne, 27 entreprises ont été consultées parmi lesquelles 13 ont fait une offre : Béranger, EPM, TEM, SNC EM, SNEF, Sgetas, Brouquier, Testoni, Tropina, Electrolignes, SPEEC/Suburbaine, Spie, Synergitech. N'ont pas répondu ou se sont excusées : Azur Travaux, Boize, CER, Cosseta, Ferre, Giorgi, GTMH, Rampa, RRTP, SEEAP, SMCL, Sobeca, Torres ou Trento. Huit candidats ont participé au tour de négociation : Béranger, EPM, TEM, SNC EM, SNEF, Sgetas, Brouquier et Testoni.
16. Le 17 juillet 2003, quatre lots ont été attribués après un seul tour de négociation : un premier lot à Brouquier d'un montant HT de 790 500 euro ou 945 438 euro TTC, un deuxième à SNC EM de 612 000 euro HT ou 731 952 euro TTC, un troisième à EPM de 586 500 euro HT ou 701 454 euro TTC, un quatrième lot à Béranger de 561 000 euro HT ou 670 956 euro TTC (cotes 557 à 564, 1150 à 1 152, 568 à 578).
17. Les pièces saisies contiennent des lignes de coefficients de prix avec l'intitulé des trois entreprises Béranger (ou EGE), EPM et EM identifiée sous son ancienne identité, devenue SNC EM après son rachat par le groupe Forclum, avant de s'appeler ultérieurement Forclum PACA pour le premier document auquel s'ajoute pour le second, la société TEM.
18. Les coefficients annotés du premier document (coté 305) sous l'intitulé des trois entreprises, Béranger, EPM et SNC EM, ressemblent aux valeurs par elles fournies lors de la phase de remise des premiers plis au 24 avril 2003 (date butoir) du marché précité.
19. Il en va de même pour le second document (coté 308) en ce qui concerne la phase de négociation pour les mêmes trois entreprises auxquelles s'ajoute une quatrième, la société TEM.
20. Ces indications sur les coefficients de prix de ces quatre entreprises sont à rapprocher des coefficients de prix figurant lors de la remise des premiers plis au 24 avril 2003 puis pendant la phase de négociation ayant permis à l'acheteur EGS Montpellier de situer les offres des huit candidats retenus pour la négociation, à savoir les quatre entreprises précitées, Béranger, EPM, TEM et SNC EM, auxquelles s'adjoignent les quatre entreprises SNEF, Sgetas, Brouquier et Testoni (cotes 561, 1150).
21. Certains de ces coefficients de soumissions (en gras dans le tableau ci-après) figurant sur ces deux documents sous l'intitulé de ces quatre entreprises sont identiques aux coefficients déposés par lesdites entreprises lors de la remise des premiers plis au 24 avril 2004 puis pendant la phase de négociation (cotes 305, 308, 561, 1150) :
<emplacement tableau>
22. Pour la bonne lecture du tableau n° 1, il convient de noter que les coefficients MO (main d'œuvre) et MAT (matériel) sont indiqués en première et deuxième positions sur les pièces cotées 305 et 308 saisies chez Béranger alors qu'ils sont en sixième et septième positions sur les pièces cotées 561 et 1150 communiquées par EGS Montpellier. De même, la lettre K correspond à la série de prix " Articles Locaux " (AL) et les lettres E et P aux postes B 4000 et B 8000.
23. A l'examen de ce tableau, on observe une exacte similitude sur les montants des coefficients remis à EGS Montpellier par Béranger elle-même lors de la remise des premiers plis et ceux figurant sur la pièce saisie alors que pour la phase de négociation, seuls sept des dix coefficients annotés correspondent à ceux remis au donneur d'ordre, ce qui est de nature à indiquer que le document manuscrit a pu être rédigé par Béranger après la remise des premiers plis au 24 avril 2003, mais avant la remise des offres lors de la négociation.
24. Une remarque semblable peut être faite pour les coefficients d'EPM puisque correspondent dix des dix coefficients remis lors de la remise des premiers plis au 24 avril 2003 et six des dix coefficients offerts lors de la négociation.
25. La SARL Béranger bénéficie par ailleurs d'une connaissance parfaite des dix coefficients remis par TEM lors de la phase de négociation mais aucun élément relatif aux coefficients remis par cette société lors de la remise des premiers plis ne figure sur le document saisi.
26. Pour SNC EM, seuls correspondent cinq des dix coefficients remis par la société lors de la remise des premiers plis jusqu'au 24 avril 2003 et quatre des dix coefficients offerts lors de la négociation.
27. Par ailleurs, un autre document manuscrit saisi, coté 278 (et 232 dans le RAE), et daté du 13 février 2003, soit avant l'envoi du dossier de consultation en date du 13 mars 2003, porte des indications sur les marchés d'EGS Provence, notamment sur le marché des travaux aéro-souterrains de moins de 100 mètres du secteur d'Aubagne comme l'a reconnu Béranger par procès-verbal d'audition du 9 juin 2004 (cotes 278, 519, 520).
Pièce saisie n°2 cotée 278 en cotation informatique et 232 dans le RAE :
28. La pièce ci-avant, corrélée avec les informations données par procès-verbal d'audition de Béranger, indique que les trois sociétés EPM, SNC EM et Béranger pouvaient être intéressées par le marché des travaux groupés de EGS Marseille Provence secteur d'Aubagne de réseaux aéro-souterrains de moins de 100 m. Or, ces trois entreprises EPM, SNC EM et Béranger ont bien été attributaires d'un des quatre lots du marché des travaux groupés de EGS Marseille Provence secteur d'Aubagne de réseaux aéro-souterrains de moins de 100 m.
29. Le classement des entreprises en compétition pour le tour de négociation et l'attribution des lots se présente comme suit (cotes 569 à 572) :
<emplacement tableau>
30. Dans la notification de griefs, il est retenu de ces constatations que Béranger a eu connaissance de tout ou partie des éléments de soumissions des entreprises EPM et SNC EM aux deux stades de la consultation, avant la remise des premières offres et pendant la négociation ainsi que de TEM pour cette dernière phase.
b) Le marché de travaux groupés EGS Provence zone d'Aubagne 1er novembre 2003/31 octobre 2005 de souterrains mixtes de moins de 100 m
31. Un tableau non daté (coté 303) a été saisi chez Béranger que M. X... a caractérisé par procès-verbal du 9 juin 2004 de la manière suivante :
" ... concernant la pièce cotée 27 [cotée 303 en cotation informatique et 257 dans le RAE] : il s'agit d'un marché de travaux mixtes du centre de distribution Provence. Je pense que l'on est en présence de résultats donnés en cours de négociation comme pour la pièce cotée 3 [cotée 308 en cotation informatique et 262 dans le RAE] relative à des travaux aéro-souterrains. Les premières offres des entreprises et les négociations qui suivent datent de mars-avril 2003. J'étais consulté sur ces deux marchés dont j'étais le titulaire en titre (2001-2003). Je rappelle que j'ai seulement conservé l'aéro-souterrain de moins de 100 m... " (cotes 22 à 27, 303, 522).
Pièce saisie n°27 cotée 303 en cotation informatique et 257 dans le RAE :
32. Le marché MP/ATG/02/053/5368/DES de travaux groupés souterrains mixtes (gaz et électricité) d'une longueur de moins de 100 m a été lancé le 4 mars 2003 par la plate- forme achats EGS Montpellier pour le centre EGS Provence avec comme date butoir d'ouverture des premiers plis le 4 avril 2003. Il s'inscrit dans le cadre d'un marché à bons de commande sur la période de 24 mois 1er novembre 2003/31 octobre 2005, portant sur la zone d'Aubagne mais aussi sur les deux autres zones d'Aix-en-Provence/Manosque et Istres/Vitrolles/Salon.
33. Sur la zone d'Aubagne, 23 entreprises ont été consultées parmi lesquelles 11 ont fait une offre : Béranger, EPM, Tropina, MTL, SNEF, Serpollet, SNC EM, TEM, Selco, Suburbaine, Sgetas. N'ont pas répondu : Sobeca, SMCL, CER, Engelvin, Allez, Gazelec, Electrolignes, Torres, Azur Travaux, Giorgi, Sacer, Rampa. Six candidats ont été retenus pour deux tours de négociation : Béranger, EPM, Tropina, MTL, SNEF et Serpollet.
34. Le 11 juillet 2003, deux lots ont été attribués : un premier lot à Serpollet d'un montant de 906 667 euro HT et un second à la SARL MTL de 693 333 euro HT (cotes 538 à 545, 1147 à 1149, 549 à 556).
35. Le document saisi (coté 303) contient des lignes de coefficients de prix avec l'intitulé des entreprises Béranger, EPM, Tropina et MTL, cette dernière identifiée sous le nom " Val " désignant le précédent propriétaire, M. Y... (cotes 22, 23, 303).
36. Les coefficients de la première ligne pour chaque entreprise ressemblent aux valeurs fournies lors de la remise des premiers plis au 4 avril 2003 (date butoir) du marché précité (cotes 542). Les coefficients de la seconde ligne pour chaque entreprise ressemblent aux valeurs fournies lors du premier tour de négociation (cotes 1147).
37. L'écriture de la première ligne est de couleur noire tandis que celle de la seconde ligne à l'exception de celle correspondant à l'entreprise EPM est de couleur bleue.
38. Ces indications sur les coefficients de prix de ces quatre entreprises sont à rapprocher des coefficients de prix transmis lors de la remise des premiers plis au 4 avril 2003 puis pendant le premier des deux tours de négociation ayant permis à l'acheteur EGS Montpellier de situer les six candidats retenus pour la négociation, à savoir les quatre entreprises précitées, Béranger, EPM, Tropina et MTL, auxquelles s'adjoignent les deux entreprises SNEF et Serpollet (cotes 542, 1147).
39. On peut alors constater que certains de ces coefficients de soumissions (en gras dans le tableau ci-après) figurant dans la pièce manuscrite cotée 303 sous l'intitulé de ces quatre entreprises sont identiques aux coefficients déposés par lesdites entreprises lors de la remise des premiers plis au 4 avril 2004 puis pendant le premier des deux tours de négociation (cotes 303, 542, 1147) :
<emplacement tableau>
40. On observe dans le tableau n° 2, une exacte similitude sur les montants des coefficients remis à EGS Montpellier par Béranger lors de la remise des premiers plis et ceux figurant sur la pièce saisie alors que pour la première étape de la phase de négociation, seuls quatre des dix coefficients correspondent à ceux remis au donneur d'ordre, ce qui est de nature à indiquer que le document manuscrit a été rédigé par Béranger après la phase de remise des premiers plis au 4 avril 2003, mais avant la remise des offres lors de la première étape de la phase de négociation.
41. Une remarque semblable peut être faite pour les coefficients d'EPM puisque correspondent la totalité des dix coefficients remis lors de la remise des plis au 4 avril 2003 et sept des dix coefficients offerts lors de la première étape de la phase de négociation.
42. Pour MTL, Béranger connaît quatre des dix coefficients remis lors de la remise des premiers plis au 4 avril 2003 et cinq des dix coefficients offerts lors du premier tour de négociation.
43. Concernant l'entreprise Tropina, seule la valeur du coefficient w (0,260) est commune entre la pièce saisie et celle du dépôt des offres le 4 avril 2003.
44. Les noms des deux entreprises SNEF et Sgetas, autres soumissionnaires à ce marché, figurent également sur la pièce saisie mais sans indication de leurs coefficients de prix.
45. Le classement des entreprises en compétition pour le second tour de négociation et l'attribution des lots se présente comme suit (cotes 550, 551) :
<emplacement tableau>
46. Il a été retenu de ces constatations dans la notification de griefs que Béranger a eu connaissance de tout ou partie des éléments de soumissions des entreprises EPM, MTL à deux stades de la consultation, avant le dépôt des premières offres et pendant le premier tour de négociation ainsi que de Tropina pour la première phase.
c) Les autres éléments concernant les échanges d'informations pour les deux marchés de travaux groupés EGS Provence zone d'Aubagne 1er novembre 2003/31 octobre 2005 aéro-souterrains et souterrains mixtes de moins de 100 m
47. Par procès-verbal du 3 septembre 2004, le gérant de Béranger a déclaré au sujet des consultations relatives aux deux marchés mixtes et aéro-souterrains précités :
"... la négociation se fait selon des informations déclinées par le client. Le client nous informe de la position des différents concurrents (EPM, Tropina, Valdivia (MTL)) pour le marché mixte, (EPM, EM et TEM) pour le marché aéro-souterrain <100 m. J'entends par client : EDF-GDF.
Concernant les négociations, en fonction des éléments et des informations que je reçois, je décide ou non de continuer les enchères à la baisse (...)
Concernant les informations sur les différents concurrents précités, celles-ci sont le plus souvent demandées au client. La manière de procéder ci-dessus décrite est à mon sens, répandue..." (cote 525).
48. Par un deuxième procès-verbal du 10 septembre 2004, l'intéressé poursuit :
"... s'agissant des marchés souterrains mixtes et aéro souterrains < 100 m lancés en 2003 (centre EGS Provence), des coefficients concernant les entreprises EPM, MTL et Tropina (marchés mixtes) et EPM, EM et TEM (aéro-souterrains < 100 m) m'ont été communiqués, en cours de négociation, par les acheteurs de la plate-forme achats de Montpellier. Ceci s'est effectué lors des discussions relatives aux négociations, au téléphone vraisemblablement " (cote 528).
49. Le gérant de Béranger a déclaré par un troisième procès-verbal du 27 septembre 2004 ne pas vouloir faire connaître l'identité des contacts qu'il aurait eus avec la plate-forme d'achats EGS Montpellier :
" ... s'agissant des coefficients concernant les entreprises EPM, MTL et Tropina (marchés souterrains mixtes) EPM, EM et TEM (aéro-souterrains < 100 m) relatifs respectivement aux marchés souterrains mixtes (Aubagne) et aéro-souterrains < 100 m (Aubagne) lancés en 2003 par le centre EDF GDF Services Provence, dont les montants m'ont été communiqués en cours de négociation par les acheteurs de la plate-forme achats de Montpellier, je ne souhaite pas révéler l'identité de mes contacts... " (cote 531).
50. Cette pratique de communication par la plate-forme des achats de Montpellier des coefficients pratiqués par les entreprises concurrentes n'a pas été confirmée par les représentants des entreprises entendus au cours de l'enquête tels que Tropina (cote 585), MTL (cote 534), Forclum PACA (cotes 589, 590), TEM (cote 600), EPM (cotes 580, 581).
51. Pour sa part, par procès-verbal du 29 juin 2004 déjà cité, le chef de la plate-forme achat réseaux de Montpellier a insisté sur l'interdiction formelle faite aux acheteurs chargés des appels d'offres de communiquer toute information concernant l'offre d'une entreprise aux autres entreprises :
"...pendant la phase de négociation, les acheteurs ne remettent aucune information concernant l'offre d'une entreprise aux autres entreprises. Le mode de fonctionnement de l'acheteur s'appuie sur le Code de déontologie dénommé "la déontologie des relations avec les fournisseurs" dans lequel sont indiqués les préceptes fondamentaux des relations avec les fournisseurs, parmi lesquels l'équité de traitement (...)
Les acheteurs ne révèlent pas le prix des offres des entreprises à quelque stade que ce soit de la consultation... " (cotes 372, 373 cf. également Code " la déontologie des relations avec les fournisseurs " cotes 350 & 354, guide " Fondamentaux des achats " cotes 449 & 450)
52. De son côté, par courrier du 15 février 2008, la délégation juridique régionale EDF de Marseille précise que :
" pour l'ensemble de ses marchés, sur demande expresse d'un des soumissionnaires ayant fait une offre recevable mais non retenue, les seules informations que nous transmettons sont relatives aux caractéristiques et avantages relatifs à l'offre retenue. " (cotes 1 122, 1 123).
53. Toutefois, par courrier du 20 mars 2008, la délégation juridique régionale EDF de Marseille en réponse à la demande des services d'instruction concernant la transmission à un soumissionnaire (Boulanger en l'occurrence (cotes 95, 96, 101, 326, 327, 329 à 332) d'informations sur les résultats de quelques marchés par les centres opérationnel EGS Marseille Etoile ou EGS Provence :
" Je fais suite à votre courrier du 18 février 2008, dans le cadre duquel vous nous précisez que des unités opérationnelles telles Marseille Etoile, ou EGS Provence communiquent, sur sollicitation de candidats non retenus, et une fois les marchés attribués, les lots attribués ou les coefficients des attributaires.
Si ces communications témoignent d'un écart par rapport à la communication habituellement effectuée sur nos marchés par les plate-formes achat, elles restent néanmoins conformes aux préconisations de la directive 2004/17 CE du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (art 49), à l'ordonnance de transposition 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics (art 17) et à son décret d'application 2006-1308 du 20 octobre 2005 (art 44), en ce qu'il est prévu que l'entité adjudicatrice puisse communiquer à tout candidat dont l'offre est rejetée les caractéristiques et avantage de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché concerné " (cote 1 136).
54. Si la plate-forme d'achats EGS Montpellier a pu occasionnellement renseigner un candidat dont l'offre est rejetée sur les lots attribués et les coefficients de prix remis par les attributaires, il n'est pas établi qu'elle a communiqué en cours de négociation les coefficients pratiqués par les entreprises concurrentes à l'entreprise Béranger comme celle-ci le prétend.
55. La réalité d'une telle information apparaît d'autant plus douteuse que les coefficients de prix des entreprises portés sur les pièces 305 et 308 d'une part et 303 de l'autre ne recoupent pas entièrement les montants des soumissions officielles des entreprises, que les pièces 305 et 308 révèlent des ratures sur plusieurs coefficients peu compatibles avec la transcription d'informations communiquées, enfin que les entreprises citées sur la pièce 303 ne comprennent pas le moins-disant Serpollet et sur les pièces 305 et 308 le moins-disant Brouquier.
2. LE MARCHÉ DE TRAVAUX GROUPÉS EGS PROVENCE ZONE D'AUBAGNE 1ER NOVEMBRE 2001/31 OCTOBRE 2003 SOUTERRAINS MIXTES DE MOINS DE 100 MÈTRES
56. Un document manuscrit saisi auprès de TEM (coté 100) énumère trois séries de coefficients, libellés en francs. Concernant la série centrale de coefficients de prix, le chef d'agence d'Aix-en-Provence de TEM a déclaré par procès-verbal en date du 30 septembre 2004 : "... il s'agit, vraisemblablement, du niveau des coefficients plafonds nécessaires pour envisager l'obtention du marché Travaux groupés de réseaux souterrains mixtes et de raccordements clientèle < 100 m d'EDF GDF Services Provence en 2001 communiqués par la plate-forme achats de Montpellier à la remise des premières offres..." (cotes 100, 604) :
Pièce 18 cotée 100 en cotation informatique et 62 dans le RAE :
57. Le marché MP/ATG/01/072 de travaux groupés de souterrains mixtes (gaz et électricité) d'une longueur de moins de 100 m a été lancé le 7 juin 2001 par la plate-forme achats EGS Montpellier pour le centre EGS Provence avec comme date butoir d'ouverture des premiers plis le 5 juillet 2001. Il s'inscrit dans le cadre d'un marché à bons de commandes sur la période de 24 mois 1er novembre 2001/31 octobre 2003, portant sur la zone d'Aubagne mais aussi sur les deux autres zones d'Aix-en-Provence/Manosque et Vitrolles/Istres.
58. Sur la zone d'Aubagne, 26 entreprises ont été consultées parmi lesquelles 16 ont fait une offre : TEM, SNEF, Torres, EPM, SNC EM, SPEEC, STPC, Béranger, Electrolignes, Tropina, Sgetas, SPIE, Sobeca, Gazelec, Sogeca, Sotrindec. Les 16 entreprises ayant répondu ont été retenues pour un seul tour de négociation.
59. Ce marché a fait l'objet de deux lots sur la zone d'Aubagne attribués pour un même montant de 846 092 euro HT à aucune des deux entreprises mises en cause mais aux sociétés Béranger et EPM (cotes 814, 815).
60. Le service d'enquêtes a recoupé les indications du document manuscrit saisi chez TEM avec les coefficients déposés de son côté par SNEF pour la remise des premiers plis au 5 juillet 2001 (cotes 100, 804) retranscrits dans le tableau n° 5 ci-dessous :
<emplacement tableau>
61. Le tableau montre l'identité parfaite entre la série des 11 coefficients figurant sur le document saisi auprès de TEM, reproduits à la ligne centrale du tableau, et la série des 11 coefficients déposés par SNEF pour la remise des premiers plis au 5 juillet 2001 (date butoir) du marché de travaux groupés EGS Provence zone d'Aubagne 1er novembre 2001/31 octobre 2003 souterrains mixtes de moins de 100 m. A cet égard, les coefficients qui ont été réellement proposés par TEM sont, sans être jamais inférieurs, le plus souvent plus élevés, que ceux de SNEF jusqu'à 6,15 %.
62. La déclaration précitée par procès-verbal du 30 septembre 2004 du chef d'agence d'Aix-en-Provence de TEM permet de dater cet échange d'informations pendant la phase d'attribution du marché de travaux groupés EGS Provence zone d'Aubagne 1er novembre 2001/31 octobre 2003 souterrains mixtes de moins de 100 m puisque l'intéressé y admet que la prise en compte de ces 11 coefficients lui permettra "d'envisager l'obtention " de ce marché.
63. Il a été soutenu dans la notification de griefs que TEM a eu connaissance des éléments de soumissions de SNEF au stade de la consultation, avant le tour de négociation.
II. Les griefs notifiés
64. Au vu des éléments qui précèdent, les griefs suivants ont été notifiés le 17 avril 2008 :
" - la pratique concertée sur le marché de travaux groupés 1er novembre 2003/31 octobre 2005 d'aéro-souterrains de moins de 100 m :
Il est fait grief aux quatre sociétés Béranger (RCS B 072 802 689), EPM (RCS B 410 653 760), TEM (RCS B 381 855 709) et Forclum Méditerranée (RCS B 388 758 617) auparavant dénommée SNC EM, d'avoir échangé, en 2003, des informations sur leurs offres pour le marché sur appel d'offres EGS Provence zone d'Aubagne de travaux groupés 1er novembre 2003/31 octobre 2005 d'aéro-souterrains de moins de 100 m, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1, notamment 2° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles.
- La pratique concertée sur le marché EGS Provence zone d'Aubagne de travaux groupés 1er novembre 2003/31 octobre 2005 de souterrains mixtes de moins de 100 m :
Il est fait grief aux quatre sociétés Béranger (RCS B 072 802 689), EPM (RCS B 410 653 760), MTL (RCS B 433 882 610) et A. Tropina (RCS B 671 620 417), d'avoir échangé, en 2003, des informations sur leurs offres pour le marché sur appel d'offres EGS Provence zone d'Aubagne de travaux groupés 1er novembre 2003/31 octobre 2005 de souterrains mixtes de moins de 100 m, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1, notamment 2° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles.
- La pratique concertée sur le marché EGS Provence zone d'Aubagne de travaux groupés 1er novembre 2001/31 octobre 2003 de souterrains mixtes de moins de 100 m :
Il est fait grief aux deux sociétés SNEF (RCS B 056 800 659) et TEM (RCS B 381 855 709), d'avoir échangé, en 2001, des informations sur leurs offres pour le marché sur appel d'offres EGS Provence zone d'Aubagne de travaux groupés 1er novembre 2001/31 octobre de souterrains mixtes de moins de 100 m, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1, notamment 2° du Code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles. "
65. Le rapporteur a reçu les observations des parties sur les questions de fond et a renoncé dans son rapport à soutenir la totalité des griefs précédemment formulés en proposant de ne pas poursuivre la procédure à l'égard des sociétés incriminées.
III. Discussion
A. SUR LA PROCÉDURE
66. Les parties contestent les opérations de visite et saisie auxquelles il a été procédé pendant l'enquête, au cours desquelles ont été saisis dans les entreprises Béranger et TEM les documents ci-dessus analysés.
67. Le 6 janvier 2004, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Marseille rendait une ordonnance autorisant les services d'enquête de la DGCCRF " à procéder ou à faire procéder, dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et aux saisies de tous documents nécessaires à la recherche de la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par le point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce et relatifs aux marchés publics de travaux d'éclairage public, électriques et téléphoniques dans le département des Bouches du Rhône ainsi que toute manifestation de cette pratique prohibée " (cotes 25 à 57).
68. La SNC EM, dénommée aujourd'hui Forclum PACA, qui n'a été ni visée par l'enquête, ni par l'ordonnance d'autorisation a pris connaissance des trois documents saisis dans les locaux de Béranger qui lui sont opposés (cotes 278, 305 et 308) par la notification de griefs du 17 avril 2008. Elle a considéré que les opérations de visite et de saisie étaient entachées d'irrégularités manifestes. Elle a déposé une requête devant le juge des libertés et de la détention de Marseille sur le fondement de l'article L. 450-4 dernier alinéa du Code de commerce, alors en vigueur.
69. Bien qu'elle ait fait l'objet de l'opération de visite et saisie en cause, SNEF a également formulé une requête en nullité auprès du juge des libertés et de la détention de Marseille, se considérant comme tiers par rapport aux documents saisis chez TEM qui lui sont opposés dans la notification de griefs.
70. A la demande du juge, les sociétés Forclum PACA et SNEF ont déposé des conclusions pour l'audience du 10 décembre 2008 lui demandant de se déclarer compétent et de se prononcer sur leurs requêtes (cotes 1588 à 1603, 1612).
71. A ce jour l'affaire est restée en l'état, le juge des libertés et de la détention n'ayant pas pris de décision.
72. La société SNEF demande que dans un souci de bonne administration de la justice de ne pas donner suite à la procédure en cours tant que le juge n'a pas statué.
73. La société Forclum PACA fait valoir qu'elle se trouve privée de la possibilité de faire valoir devant l'Autorité de la concurrence une décision d'annulation de la saisie de documents qu'elle n'aurait pas manqué d'obtenir si le juge avait fait diligence. Elle demande à celle-ci d'admettre que les saisies ont été réalisées irrégulièrement.
74. Pour leur part, les sociétés Béranger et EPM demandent à l'Autorité de la concurrence de constater, à titre principal, que l'extension de l'enquête à l'examen des marchés EDF-GDF est irrégulière. Selon elles, les griefs étant fondés sur des pièces irrégulièrement saisies par les enquêteurs car portant sur des marchés non visés, ni étroitement imbriqués avec ceux visés par l'ordonnance d'autorisation du juge judiciaire, ils ne peuvent être que rejetés.
75. Mais l'article L. 450-4, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, ne donne pas compétence au Conseil et désormais à l'Autorité pour apprécier la régularité des opérations effectuées en exécution des ordonnances du juge des libertés et de la détention autorisant les visites et saisies. Par ailleurs, il sera répondu à la demande de la SNEF lors de l'examen au fond.
B. SUR LE FOND
76. Suivant une pratique décisionnelle constante, le Conseil de la concurrence puis l'Autorité de la concurrence rappellent que les entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès lors que la preuve est rapportée, soit qu'elles sont convenues de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé des informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être (décisions n° 06-D-08 relative aux pratiques relevées sur les marchés des collèges de l'Hérault, n° 08-D-33 relative à des pratiques mises en œuvre sur un marché d'appel d'offres pour le transport par autocar, n° 09-D-25 relative à des pratiques d'entreprises spécialisées dans les travaux de voies ferrées et n° 09-D-34 relative à des marchés de travaux publics d'électricité en Corse).
77. Tout échange d'informations préalablement au dépôt des offres est anticoncurrentiel s'il est de nature à diminuer l'incertitude dans laquelle toutes les entreprises doivent se trouver placées relativement au comportement de leurs concurrentes. Cette incertitude est en effet la seule contrainte de nature à pousser les opérateurs à faire le maximum d'efforts en termes de qualité et de prix pour obtenir un marché. A l'inverse, toute limitation de cette incertitude affaiblit la concurrence entre les offreurs et pénalise l'acheteur public, obligé de payer un prix plus élevé que celui qui aurait résulté d'une concurrence non faussée (décisions n° 89-D-42, n° 01-D-17, n° 07-D-47, n° 06-D-08 et n° 09-D-34).
78. La preuve de pratiques anticoncurrentielles peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d'instruction qui peuvent être tirés de documents ou de déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant. Les indices retenus doivent constituer un faisceau d'indices graves, précis et concordants (décisions n° 08-D-22 relative à des pratiques mises en œuvre par les géomètres experts dans le cadre de marchés publics du Haut-Rhin et n° 09-D-34).
1. SUR LE PREMIER GRIEF DE PRATIQUE CONCERTÉE ENTRE LES SOCIÉTÉS BÉRANGER, EPM, FORCLUM PACA EX-SNC EM ET TEM SUR LE MARCHÉ EGS DE TRAVAUX GROUPÉS D'AÉRO-SOUTERRAINS AFFÉRENTS À LA PÉRIODE DU 1ER NOVEMBRE 2003 AU 31 OCTOBRE 2005
79. Les deux documents saisis chez Béranger (cotés 305 et 308) contiennent des lignes de coefficients de prix qui, comparés avec les coefficients de prix soumis par les quatre sociétés lors de la remise des plis puis pendant la négociation des offres avec EGS, présentent de très grandes similitudes qui montrent que M. X... a eu connaissance des coefficients de prix remis par ses concurrents pour remporter le marché de travaux aéro- souterrains. Cette similitude est complète en ce qui concerne les dix coefficients soumis par EPM lors de la remise des plis et les dix coefficients remis par TEM lors de la phase de négociation mais partielle en ce qui concerne les coefficients remis par ces mêmes sociétés au cours des autres phases de la mise en concurrence et en ce qui concerne les coefficients remis par la SNC EM (paragraphes 13, 21 et suivants.).
80. Un troisième document (coté 278) saisi dans la même entreprise, daté du 13 février 2003, donc antérieur à la date du 24 avril 2003 fixée pour la remise des plis énumère les entreprises EPM, SNC EM et Béranger en mentionnant le marché de travaux d'EGS Provence en cause. Ainsi, M. X... savait qu'en dehors de sa propre entreprise, deux autres entreprises étaient intéressées par le marché. Les trois entreprises se sont vues attribuer des lots (paragraphes 27 à 29).
81. Pour contester avoir échangé des informations avec ses concurrents, M. X... a soutenu avoir eu connaissance de ces coefficients grâce aux informations fournies par la plate- forme achats réseaux de Montpellier, ce que celle-ci a démenti (paragraphes 47 et suivants).
82. Toutefois, s'il est établi que M. X... a eu connaissance de coefficients de prix remis par ses concurrents, les éléments recueillis sont insuffisants pour démontrer à quel moment il en a eu connaissance et si les informations reçues provenaient de ses concurrents.
83. En premier lieu, les deux documents (cotés 305 et 308) ne sont pas datés et ne comportent aucune indication ou signe qui permette de les rapprocher du troisième document lui- même daté mais qui peut ne concerner qu'une simple projection des concurrents potentiels, locaux et habituels. L'absence de date ne permet pas de déterminer le moment auquel a pu avoir lieu l'échange d'informations par rapport au déroulement des opérations de mise en concurrence.
84. En deuxième lieu, les deux documents présentant les lignes de coefficients de prix ne peuvent être rapprochés d'aucun autre document significatif et ne comportent aucune indication, ou signe suggérant qu'un contact a eu lieu avec les concurrents auprès desquels des informations sur ces coefficients auraient été obtenues.
85. En troisième lieu, aucun élément au dossier ne vient étayer matériellement le reproche selon lequel l'information proviendrait des concurrents. En particulier, la circonstance que la procédure de passation des marchés utilisée, qui induit des échanges entre l'acheteur et les soumissionnaires, ainsi qu'une connaissance habituelle des coefficients couramment demandés aux entreprises permettent sans doute de prévoir certains coefficients mais ne peuvent conduire au degré d'exactitude constaté, est à cet égard insuffisante.
86. Les indices réunis en ce qui concerne ce premier grief ne constituent donc pas un faisceau d'indices assez graves, précis et concordants permettant de retenir le grief d'échange d'informations à l'encontre des entreprises Béranger, EPM, Forclum PACA et TEM.
2. SUR LE DEUXIÈME GRIEF DE PRATIQUE CONCERTÉE ENTRE LES SOCIÉTÉS BÉRANGER, EPM, MTL ET A. TROPINA SUR LE MARCHÉ EGS DE TRAVAUX GROUPÉS DE SOUTERRAINS MIXTES AFFÉRENTS À LA PÉRIODE DU 1ER NOVEMBRE 2003 AU 31 OCTOBRE 2005
87. Un seul document a été saisi chez Béranger (coté 303) qui contient comme ceux analysés précédemment des lignes de coefficients de prix. Ces coefficients comparés avec les coefficients de prix soumis par les quatre sociétés lors de la remise des plis puis pendant la négociation des offres avec EGS présentent des similitudes moins grandes que celles constatées dans les documents relatifs au précédent marché mais qui montrent que M. X... a également eu connaissance des coefficients de prix remis par ses concurrents pour remporter le marché de travaux des souterrains mixtes. Cette similitude est complète en ce qui concerne les dix coefficients de prix soumis par EPM lors de la remise des plis mais réduite à sept lors de la première phase de négociation. Elle est partielle en ce qui concerne les coefficients remis par MTL et réduite à un seul coefficient pour l'entreprise Tropina. Le document mentionne enfin deux soumissionnaires SNEF et Segetas sans indication de coefficient (paragraphes 31 à 39).
88. Pour contester avoir échangé des informations avec les concurrents, M. X... a fourni les mêmes explications, démenties par l'acheteur et par ses concurrents.
89. Ces éléments sont cependant insuffisants pour fonder le grief d'échange d'informations à propos de ce marché. En effet, ils se résument à un document qui ne peut constituer à lui seul une preuve formelle car il n'est pas daté, ne comporte aucune référence, ni aucune indication ou signe montrant qu'un contact a eu lieu avec les entreprises concurrentes. Le défaut d'explication de l'auteur du document ne suffit pas à renforcer cet élément de preuve pour constituer un faisceau d'indices probants.
90. Le grief d'échange d'informations n'est pas retenu à l'encontre des sociétés Béranger, EPM, MTL et A. Tropina concernant ce marché.
3. SUR LE TROISIÈME GRIEF DE PRATIQUE CONCERTÉE ENTRE LES SOCIÉTÉS TEM ET SNEF SUR LE MARCHÉ DES TRAVAUX GROUPÉS DE SOUTERRAINS MIXTES AFFÉRENTS À LA PÉRIODE DU 1ER NOVEMBRE 2001 AU 31 OCTOBRE 2003
91. Un seul document a été saisi chez TEM (coté 100) qui contient une série de 11 coefficients de prix parfaitement identiques à ceux déposés par SNEF lors de la remise de plis concernant ce marché. Les coefficients remis par TEM sont tous plus élevés que ceux remis par SNEF. Aucune des deux entreprises n'a remporté l'un des deux lots composant ce marché, qui ont été attribués à Béranger et EPM (paragraphes 56, 60 à 62).
92. TEM n'a pas donné d'explication valable en soutenant que les coefficients de prix figurant sur le document correspondaient à des coefficients plafonds communiqués par la plate- forme achats de Montpellier (paragraphe 56).
93. Néanmoins, les éléments relatifs à ce marché sont insuffisants pour fonder le grief d'échange d'informations entre TEM et SNEF. En effet, ils se résument à un seul document qui ne peut constituer une preuve formelle car il n'est pas daté, ne comporte aucune référence, ni aucune indication ou signe montrant qu'un contact a eu lieu avec SNEF. Le défaut d'explication de l'auteur du document ne suffit pas à renforcer cet élément de preuve pour constituer un faisceau d'indices probants.
94. Le grief d'échange d'informations n'est pas retenu à l'encontre des sociétés TEM et SNEF concernant ce marché.
95. Aucune pratique concertée n'étant établie à l'encontre de la SNEF, la demande faite par celle-ci de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge de la détention et des libertés sur les opérations de visite et saisie évoquée au paragraphe 72 est sans objet.
Décision
Article unique : Il n'est pas établi que les sociétés Béranger, Électricité Provence Méditerranée (EPM), SNC EM devenue Forclum PACA, Travaux électrique du Midi (TEM), Société Nouvelle Électric Flux (SNEF), Midi Travaux Location (MTL) et A. Tropina ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.