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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 21 septembre 1990, n° 2957-88

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baizet (Epoux)

Défendeur :

Cofradel (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mailhes

Conseillers :

M. Durand, Mme Robert

Avoués :

Mes Cabannes, Magnillat

Avocats :

Mes Vigliano, Mouisset

T. com. Lyon, du 21 mars 1988

21 mars 1988

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

Aux termes d'un contrat conclu le 20 janvier 1981 la société Cofradel a confié à Monsieur et Madame Baizet la gestion et l'exploitation d'une de ses succursales de Lyon.

Suite à la révélation d'un déficit important elle s'est prévalue de la clause résolutoire pour mettre fin au contrat le 23 février 1984.

L'inventaire de fin de gestion dressé le jour même ayant révélé un déficit de 54 153,16 F dont elle n'a pu obtenir amiablement le remboursement par les époux Baizet, la société Cofradel a saisi le Tribunal de commerce de Lyon qui, par jugement du 21 mars 1988 a condamné ceux-ci à lui verser ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 septembre 1986 ainsi que 5 000 F à titre de dommages et intérêts et 2 000 F à titre d'indemnité.

Les époux Baizet ont fait appel de cette décision aux fins de voir débouter la société Cofradel de ses prétentions et la voir condamner à leur verser 10 056,51 F représentant le solde en leur faveur après apurement des comptes ainsi que 150 000 F à titre de dommages et intérêts pour révocation abusive du contrat et 8 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils soutiennent que la société Cofradel ne rapporte pas la preuve d'un déficit qui leur soit imputable; qu'en effet elle a sous évalué à 20 000 F le montant du vol survenu le 1er novembre 1983 alors que l'inventaire dressé le lendemain a révélé un manquant de 48 740 F;

Qu'elle n'a pas de surcroit fait de déclaration auprès de son assureur se privant de la possibilité d'obtenir l'indemnisation de ses pertes.

En revanche contestant la valeur probante des inventaires invoqués ils s'estiment créanciers après apurement des comptes des sommes de 2 720,97 F au titre d'un solde sur commissions et indemnités diverses et de 7 335,54 F représentant le montant des livraisons effectuées le 23 février 1984 jour de l'inventaire de fin de gérance et que la société Cofradel a abusivement porté au débit du compte.

Considérant en conséquence qu'en l'absence de déficit prouvé la révocation du contrat est abusive, ils entendent être indemnisés du préjudice qu'ils ont subi par l'allocation d'une somme de 150 000 F représentant environs deux années de commissions et obtenir en outre une indemnité de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Cofradel qui conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à lui verser 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile fait valoir qu'en leur qualité de gérants les époux Baizet sont responsables des marchandises reçues en dépôt et tenus de couvrir tout déficit d'inventaire; que la preuve du manquant dont elle s'est prévalue pour résilier le contrat résulte de l'inventaire de fin de gestion établi le 23 janvier 1984 conformément aux stipulations contractuelles, que la somme de 20 000 F portée au crédit du compte au titre du vol survenu le 1er novembre 1983 résulte de leur propre estimation des produits manquants; que cette perte inférieure au montant de la franchise fixée par l'assureur ne pouvait donner lieu à indemnisation; que la livraison du 23 février 1984 ayant été portée à l'inventaire établi le même jour devaient bien être inscrite au débit du compte; que la résiliation du contrat étant justifiée par le déficit constaté les époux Baizet ne sont pas fondés à prétendre à des dommages et intérêts pour rupture abusive; que le caractère dilatoire de leur appel justifie leur propre condamnation à des dommages et intérêts.

Motifs et décision

Attendu qu'aux termes de l'article XVI du contrat de gérance liant les parties la société Cofradel est en droit de résilier le contrat en cas de déficit d'exploitation;

Que l'existence d'un déficit est révélée par le compte de gestion qui, entre deux inventaires, comptabilise au débit la valeur du stock de départ et la valeur des marchandises reçues au magasin pendant toute la durée de la gestion et au crédit les commissions versées et valeur du stock de sortie;

Qu'en l'espèce le récapitulatif comptable à partir duquel la société Cofradel a établi l'arrêté de compte sur lequel elle fonde sa réclamation fait ressortir un manquant de 74 153,16 F recrédité à hauteur de 20 000 F au titre du vol de marchandises survenu le 1er novembre 1983;

Que les époux Baizet contestent cet arrêté de compte en invoquant le caractère non probant des inventaires ainsi que la sous évaluation du produit du vol et se prétendent créanciers des sommes de 2 720,97 F pour solde de commissions et de 7 335,54 F représentant la valeur des marchandises livrées le jour de leur départ;

Mais attendu que le récapitulatif comptable versé aux débats et à partir duquel la société Cofradel a dressé l'arrêté de compte du 24 avril 1984 a été établi conformément aux modalités fixées conventionnellement sur la base d'une part des inventaires d'entrée et de sortie effectués contradictoirement et dont la teneur s'impose aux gérants qui en ont reconnu l'exactitude en y apposant leur signature en bas de chaque feuillet et qui ne justifient pas avoir émis la moindre contestation par la suite sur les valeurs ou quantités retenues et d'autre part du compte courant comptabilisant toutes les recettes et les livraisons à partir de données communiquées et contrôlées par les gérants eux-mêmes qui disposent d'un relevé de chacune des livraisons;

Que les époux Baizet ne sauraient être davantage fondés à contester le montant de la déduction opérée sur le déficit constaté au titre du vol perpétré dans le magasin le 1er novembre 1983 dès lors que cette évaluation de 20 000 F correspond à l'estimation maximale faite par Monsieur Baizet du produit de ce vol corroborée par l'inventaire établi le jour même par Madame Baizet et le représentant de la société Cofradel faisant ressortir à 17 228,54 F la perte subie et qu'ils ne versent aux débats aucune pièce susceptible d'établir l'inexactitude de cette évaluation;

Qu'ils ne peuvent donc sérieusement prétendre voir imputer au vol en cause l'intégralité du déficit de 48 740 F révélé en décembre 1983 par l'inventaire global effectué en leur présence le 2 novembre 1983 et ce d'autant que l'inventaire suivant réalisé à leur demande le 14 février 1984 a révélé un nouveau déficit de plus de 19 000 F réalisé entre le 2 novembre 1983 et le 14 janvier 1984 alors qu'aucun autre vol n'avait été perpétré;

Qu'ils ne sauraient non plus faire grief à la société Cofradel de n'avoir pas déclaré ce sinistre à son assureur alors que celle-ci justifie par la production de la police que le montant du vol étant inférieur à la franchise fixée, elle ne pouvait prétendre à aucune indemnisation;

Qu'au demeurant ses pertes étant subies par la société son éventuelle carence à en obtenir l'indemnisation n'a pu faire grief aux époux dont la contestation est dépourvue d'intérêt;

Attendu que le solde de commissions et indemnités de 2 720,97 F ayant bien été porté à l'arrêté de compte du 24 avril 1984 par la comptabilisation au crédit de la somme de 14 353,45 F et au débit de celle de 11 632,48 F les époux Baizet ne sont pas fondés à voir déduire une seconde fois cette somme du solde arrêté;

Qu'ils ne sont pas davantage fondés à voir opérer une déduction de 7 335,54 F représentant la valeur des marchandises livrées le jour de leur départ alors qu'il ressort du dernier feuillet du compte courant de gestion sur lequel elle figure que ces marchandises ont été prises en compte dans l'inventaire de sortie dont la valeur de 127 327,78 F est portée en bas de ce feuillet;

Qu'ayant ainsi rapporté la preuve d'un déficit d'exploitation d'un montant non contestable de 54 153,16 F la société Cofradel était bien fondée en vertu de l'article XVI du contrat à révoquer la gérance consentie aux époux Baizet dont la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour rupture abusive est donc dépourvue de fondement;

Qu'étant responsables des marchandises qu'ils reçoivent et du produit de leur vente les époux Baizet sont tenus nonobstant la résiliation du contrat, de couvrir le déficit d'exploitation apparu au cours de leur gestion;

Que la société Cofradel est donc bien fondée à leur en réclamer le remboursement assorti des intérêts au taux légal à compter de son assignation;

Que faute d'éléments permettant de caractériser un abus de résistance de la part des époux Baizet la société Cofradel sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts;

Qu'il est par contre équitable de lui allouer une nouvelle indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris Déboute la société Cofradel de sa demande en dommages et intérêts Condamne Monsieur et Madame Baizet à lui verser une nouvelle indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Les condamne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Magnillat avoué.