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Décisions

CA Paris, 22e ch. A, 29 octobre 2008, n° 06-14071

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Papin

Défendeur :

Gestimmo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouquet

Conseillers :

Mmes Cantat, Vonfelt

Avocats :

Mes Quoirez, Segers

Cons. prud'h. Meaux, sect. encadr., du 2…

23 octobre 2006

Rappel des faits et de la procédure

Gérard Papin a été engagé par contrat de travail écrit à durée indéterminée en date du 1er avril 1998, par la société Gestimmo. Ce contrat de travail prévoyait expressément qu'il était engagé en qualité de négociateur immobilier VRP au sens des articles L. 751 et suivants du Code du travail, hors classification, en application de l'avenant du 27 novembre 1996 à la convention collective nationale de l'immobilier; qu'il serait rémunéré à la commission selon les dispositions de l'article 11.2 du contrat avec une garantie de rémunération à hauteur de 86 244 F brut annuel soit 13 147,81 euro, le taux de commission variant de 14 à 28 % selon le rôle du négociateur dans les affaires, ce pourcentage comprenant le remboursement forfaitaire des frais professionnels de toutes natures, le 13e mois et les congés payés.

La société Gestimmo soutient que Gérard Papin a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour le 26 janvier 2005, par courrier en date du 18 janvier 2005, remis en main propre le même jour, et qu'il a été licencié, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 janvier 2005, pour motif personnel pour les raisons suivantes :

Non-respect de ses obligations contractuelles de loyauté,

Agissements contraires aux intérêts légitimes de la société,

Conclusions d'affaires pour son propre compte.

Enfin elle soutient qu'un accord transactionnel a été régularisé entre les parties le 8 février 2005, aux termes duquel Gérard Papin reconnaissait expressément la rupture de son contrat de travail à la suite de la réception de sa lettre de licenciement en date du 29 janvier 2005, précisait "avoir reçu toutes les sommes au titre de sa collaboration au service de la société" et notamment,"tous les salaires, quelle qu'en soit la dénomination, toutes les primes et indemnités diverses, indemnités de congés payés, indemnité de rupture quelles qu'en soit la nature et le fondement" et renonçait "expressément et irrévocablement à toute prétention quelle qu'en soit la nature du fait de l'exécution et de la cessation du contrat de travail" en contrepartie du versement d'une indemnité transactionnelle de 2 000 euro net en plus des indemnités conventionnelles de rupture.

Gérard Papin a saisi le Conseil des prud'hommes de Meaux le 11 avril 2005.

Par jugement en date du 23 octobre 2006, le Conseil des prud'hommes de Meaux, section encadrement a débouté Gérard Papin de l'intégralité de ses demandes considérant :

Que la convention nationale de l'immobilier était applicable au contrat de travail de Gérard Papin,

Que la transaction conclue le 8 février 2005 était conforme (date de conclusion, concessions réciproques) et, qu'en conséquence, la transaction licite permettant aux parties de mettre fin à un différend concernant la rupture du contrat de travail,

Que Gérard Papin avait été libéré de la clause de non-concurrence dans la transaction,

Que s'agissant des rappels de salaires sollicités, il ressortait des bulletins de salaires que ceux-ci avaient été réglés.

Gérard Papin a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des fins et moyens de l'appelant, il reprend devant la cour ses demandes de première instance à savoir:

- l'application des dispositions de la convention collective nationale des VRP,

- la condamnation de la société Gestimmo à lui verser :

* 38 676 euro au titre de la contre partie financière de sa clause de non-concurrence,

* 20 000 euro à titre de rappel de commissions sur la période du 1er janvier 2004 au 30 avril 2005,

Il demande à la cour de :

Constater qu'aucune procédure de licenciement n'a été mise en œuvre à son encontre et qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Gestimmo au paiement des sommes suivantes :

* 9 669 euro à titre d'indemnité de préavis,

* 966,90 euro à titre de congés payés y afférents,

* 15 980 euro à titre d'indemnité spéciale de rupture,

* 77 352 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

* 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des fins et moyens de l'intimée, la société Gestimmo demande la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l'intégralité des demandes formées par Gérard Papin, outre sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la nullité de la transaction

En application des articles 2044 du Code civil et L. 1232-6 du Code du travail, la transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du Code du travail.

Gérard Papin soutient qu'il n'a jamais été convoqué à entretien préalable et que l'enveloppe censée contenir la notification de la lettre de licenciement était vide de tout contenu, que dès lors la transaction signée le 8 février 2005, était nulle et non avenue.

La société Gestimmo dans ses conclusions, ne conteste pas que le courrier adressé en recommandé présenté le 1er février 2005, était vide de toute lettre, ainsi qu'il en a été constaté à l'audience du conseil des prud'hommes, mais soutient qu'il ne s'agit que d'une erreur de secrétariat.

Toutefois, la cour relevant qu'en application des dispositions susvisées, peu important que le salarié ait signé la lettre de convocation à entretien préalable remise en mains propres, l'envoi d'une lettre vide ne pouvant valoir notification du licenciement et ce dernier n'ayant pas date certaine, la transaction conclue le 8 février 2005 est nulle et non avenue, et Gérard Papin est recevable à contester son licenciement et à revendiquer le paiement des commissions qu'il estime lui être dues.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Sur la convention collective applicable

Le contrat de travail signé par Gérard Papin, intitulé contrat de travail de négociateur immobilier VRP, précise "hors classification conventionnelle. En application de l'avenant n° 15/1 du 22 novembre 1996 à la convention collective nationale de l'immobilier applicable à compter du 1er janvier 1997".

Le statut de VRP étant d'ordre public, peu important qu'un arrêt du Conseil d'Etat du 17 janvier 1986 ait exclu les VRP immobiliers de l'accord national interprofessionnel en date du 3 octobre 1975 pour les soumettre exclusivement à la convention collective de l'immobilier, Gérard Papin est recevable à invoquer le bénéfice de ce statut.

Il résulte du libellé du contrat de travail, de la lettre de licenciement et des pièces produites, que Gérard Papin avait pour tâche exclusive et constante de prospecter et de rechercher une clientèle à l'extérieur de l'entreprise, en vue d'une prise d'ordre immédiate, concrétisée par la signature de contrats qu'il transmettait à son employeur, sans pouvoir faire aucune opération pour son propre compte, qu'il était exclusivement dédié à la négociation de contrats dans le domaine de l'immobilier professionnel, et était exclusivement rémunéré à la commission selon un barème préétabli. Le contrat de travail de Gérard Papin était donc régi par les dispositions des articles L. 7311-1 et suivants du Code du travail et le jugement sera de même réformé sur ce point.

Sur le rappel de commissions

Gérard Papin soutient que la société Gestimmo ne lui a pas versé les commissions dues sur la période du 1er janvier au 22 décembre 2005 et n'a pas déféré à la sommation de communiquer qu'il lui a adressée le 23 décembre 2005.

La société Gestimmo soutient qu'elle lui a remis le registre des mandats sur l'année 2004, qu'elle a régularisé le 9 février 2005 le détail des dossiers susceptibles d'aboutir à une rémunération, qu'il a perçu plus de 33 000 euro en 2004 et qu'en toute hypothèse il travaillait pour son propre compte et qu'elle ne lui doit aucun rappel de salaire.

Gérard Papin a perçu en février 2005 des commissions sur vente de 6 349,20 euro, en mars 2 961,42 euro, en avril 1 298,66 euro outre un rappel sur le bulletin d'avril de 5 224,77 euro.

La moyenne de ses salaires étant en 2004 de 2 801,42 euro et pour les 4 premiers mois de 2005 jusqu'à la fin de son préavis de 2 258,42 euro, la cour, constatant le refus de l'employeur de déférer à la somation de communiquer, qui seule permettrait de vérifier le montant éventuel des commissions sur le chiffres d'affaires réalisé sur les mandats obtenus par Gérard Papin pendant sa période d'activité, et prenant en compte l'activité réalisée par Gérard Papin durant ses derniers mois d'emploi, estime devoir fixer le montant des sommes dues à ce titre à 10 000 euro et réformer de même le jugement entrepris.

Sur le montant des indemnités de rupture

Au vu des bulletins de salaire produits aux débats, Gérard Papin a perçu au titre du préavis en février 4 135,14 euro (6 349,20 / 28 X 20), en mars 2 361,42 euro, en avril 1 298,66 euro outre un rappel de 5 224,77 euro. Il a donc été rempli de ses droits.

Gérard Papin a perçu une indemnité de licenciement basée sur la convention collective de l'immobilier.

Or, à défaut d'indemnité de clientèle, Gérard Papin avait droit à une indemnité conventionnelle de licenciement. Lorsque l'entreprise est soumise à une autre convention collective, l'indemnité conventionnelle de substitution qui s'applique aux termes de l'article L. 7313-17 du Code du travail est l'indemnité la plus favorable au salarié, en l'espèce l'indemnité prévue par l'article 14 de la convention collective des VRP, soit, eu égard à l'ancienneté du salarié au jour de la rupture du contrat de travail (7 ans et 1 mois ) (0,70 x 2 801,42 euro x 7)+(0,70 x 1/12 x 2 801,42 euro) = 13 890,38 euro et Gérard Papin ayant perçu 4 045,56 euro à ce titre, la société Gestimmo lui reste redevable de la somme de 9 844,82 euro.

Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

Le protocole transactionnel ayant été déclaré nul et de nul effet, Gérard Papin, dont le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence d'une durée de 18 mois dans un rayon de 20 km de l'agence, sans contrepartie financière, a droit, aux termes de l'article 17 de la convention collective des VRP à la somme de 2/3 x 2 801,42 euro x 18 = 33 617 euro.

Sur le licenciement

L'absence de lettre de licenciement dans le courrier adressé à Gérard Papin dument constatée par le Président du conseil des prud'hommes, peu important ainsi que le soutient la société Gestimmo, que cette absence ait été due à une erreur de secrétariat, rend le licenciement de Gérard Papin dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Toutefois Gérard Papin ayant signé la lettre de convocation à entretien préalable remise en mains propres et ne démontrant pas qu'elle ait été antidatée, ni qu'aucun entretien ne se soit tenu, la cour rejette sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure.

La société Gestimmo comprenait moins de 10 salariés, et Gérard Papin qui comptait plus de 7 ans d'ancienneté dans l'entreprise, était âgé de 60 ans et est resté demandeur d'emploi jusqu'au 20 février 2006, la cour estime devoir fixer le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à la somme de 40 000 euro.

Il y a lieu de déduire de cette somme les sommes allouées et versées au titre de la transaction annulée. La société Gestimmo reste donc redevable envers Gérard Papin de la somme de 38 000 euro.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Gérard Papin l'ensemble des frais irrépétibles qu'il a dû engager tant en première instance que devant la cour et il sera fait droit à sa demande de ce chef.

L'employeur qui succombe ne peut demander des indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré ; Annule la transaction ; Condamne la société Gestimmo à verser à Gérard Papin les sommes de 10 000 euro au titre de rappel de commissions, 9 844,82 euro au titre du solde de l'indemnité de licenciement, 33 617 euro au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, 38 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Déboute Gérard Papin du surplus de ses demandes et la société Gestimmo de sa demande reconventionnelle.