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Décisions

Cass. 1re civ., 24 septembre 2009, n° 08-14.524

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Saint Jean (Sté)

Défendeur :

Panzani (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

Lyon, du 13 mars 2008

13 mars 2008

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu que la société Panzani qui avait conclu le 15 mai 2000 un contrat triennal de fourniture industrielle portant sur des pâtes fraîches avec la société Dauphipate, aujourd'hui dénommé société Saint Jean, après avoir informé cette dernière le 23 septembre 2002 de son intention de ne pas reconduire le contrat au delà du 31 mars 2005, a, le 23 juin 2003, en invoquant des problèmes de qualité et la présence de staphylocoques pathogènes dans les fabrications de sa contractante, informé celle-ci de ce qu'elle rompait le contrat le 1er juillet 2003 ; que la société Saint Jean a sollicité la réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de cette rupture brutale du contrat ;

Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt (Lyon, 13 mars 2008) de débouter la société Saint Jean de sa demande, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de fourniture industrielle liant les sociétés Panzani et Saint Jean stipulait qu'une partie ne pourrait mettre fin au contrat de manière anticipée, au motif de l'inexécution par l'autre partie de ses obligations, qu'après une mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, demeurée infructueuse pendant un mois ; qu'en écartant toute faute de la société Panzani dans la rupture anticipée du contrat en raison d'une prétendue multiplication des non-conformités des produits fournis par l'exposante, quand il était constant que la société Panzani n'avait jamais mis en demeure la société Saint Jean à propos de telles non-conformités conformément aux prévisions du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) qu'une partie au contrat ne peut, sans commettre de faute, le résilier unilatéralement de manière anticipée, au mépris du terme fixé par le contrat lui-même, sauf à établir un comportement ou un manquement d'une particulière gravité imputable à son cocontractant ; qu'en l'espèce, ainsi que le soulignait la société Saint Jean, les non-conformités alléguées par la société Panzani à l'appui de la rupture anticipée du contrat n'avaient donné lieu de la part de cette dernière à aucune des mesures prévues au contrat ; qu'il était en particulier constant que la société Panzani n'avait pas mis en œuvre l'article 6.4 du contrat, spécialement dédié aux non-conformités, et n'avait pas rappelé plusieurs produits dont elle a pourtant par la suite excipé de la non-conformité pour rompre brutalement le contrat ; qu'il était également avéré que la société Panzani n'avait jamais délivré de mise en demeure à l'encontre de la société Saint Jean, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire si elle avait réellement considéré que les non-conformités constatées au cours de l'année 2003 étaient graves, de nature à compromettre la santé publique, et partant susceptibles de justifier une rupture anticipée du contrat ; qu'en écartant néanmoins tout caractère fautif de la rupture, sans prendre en considération comme elle le devait ces éléments déterminants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; 3°) qu'une partie au contrat ne peut le résilier unilatéralement de manière anticipée, au mépris du terme fixé par le contrat lui-même, sauf à établir un comportement ou un manquement d'une particulière gravité imputable à son cocontractant ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Panzani, dans son courrier du 23 juin 2003, n'avait pas rompu le contrat avec effet immédiat, mais au contraire indiqué mettre fin aux commandes de produits à la société Saint Jean seulement à compter du 1er juillet 2003, soit huit jours plus tard ; qu'il s'en évinçait que la société Panzani elle même considérait que les manquements finalement reprochés à la société Saint Jean pour rompre brutalement le contrat n'étaient pas suffisamment graves pour justifier un arrêt immédiat des commandes, ni donc en particulier de nature à compromettre la santé publique ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans prendre en considération comme elle y était invitée cette circonstance révélatrice de l'absence de gravité suffisante des manquements censés justifier la rupture unilatérale anticipée du contrat venant en principe à terme le 31 mars 2005, et de laquelle s'évinçait, partant, le caractère fautif et abusif de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; 4°) qu'en se fondant, pour considérer que la société Saint Jean aurait fabriqué des produits non-conformes justifiant une rupture unilatérale anticipée du contrat, sur les analyses de lots dont plusieurs n'avaient été livrés que postérieurement à la lettre de rupture contractuelle de la société Panzani du 23 juin 2003, et qui ne pouvaient partant avoir justifié cette rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 5°) que la société Saint Jean avait insisté devant les juges du fond sur la circonstance tirée de la concomitance troublante de la rupture anticipée du contrat prononcée par la société Panzani avec la finalisation et la distribution des produits fournis par la société Lustucru, récemment rachetée par Panzani ; qu'elle avait à cet égard souligné que dès ce rachat, la société Panzani savait qu'elle n'avait plus besoin des produits fournis par la société Saint Jean, et que la dramatisation soudaine par la société Panzani, précisément au moment où les produits Lustucru étaient prêts à être distribués, de non-conformités sans réelle gravité et pour lesquelles la société Panzani n'avait jusqu'alors pris aucune mesure particulière, ne constituait qu'un prétexte pour rompre abusivement de manière anticipée le contrat devant en principe s'exécuter jusqu'au 31 mars 2005 ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans aucunement prendre en considération ces circonstances, ni rechercher si la société Panzani n'avait pas adopté un comportement déloyal à l'égard de sa cocontractante en prenant prétexte de certaines non-conformités des produits fabriqués pour faire cesser brutalement, au moment opportun pour elle, ses relations commerciales avec la société Saint Jean et réorganiser sa production au moyen des infrastructures et du savoir-faire qu'elle détenait depuis l'acquisition de la société Lustucru, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'au vu du rapport de l'expert contenant, en premier lieu, les analyses réalisées par l'institut d'hygiène alimentaire mettant en évidence, notamment, dans les produits de la société Saint Jean visés par la lettre de la société Panzani en date du 23 juin 2003 d'une part, que 58 % des barquettes examinées présentaient un taux de germes par gramme supérieur à 100 et n'étaient donc pas conformes à la réglementation et que 5,5 % de l'ensemble des échantillons correspondaient à des produits contenant plus de 10 000 germes par gramme et donc assimilables à des produits à risque, d'autre part, et en second lieu, les propres analyses réalisées par la société Saint Jean elle même, convergentes pour établir un dénombrement de germes de staphylocoques dorés supérieur au seuil réglementaire, la cour d'appel qui n'avait pas à se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et qui a retenu que la multiplication des non-conformités des produits aux critères microbiologiques définis par l'arrêté du 21 décembre 1979 susceptibles de conséquences sur la santé publique constituait une faute grave de la part de la société Saint Jean, a pu en déduire que cette contamination microbienne justifiait la résiliation immédiate du contrat ; qu'ainsi, sans se déterminer en fonction d'analyses portant sur des lots livrés postérieurement à la date de rupture contractuelle, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.