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Décisions

CCE, 12 janvier 1990, n° 90-46

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Alcatel Espace/ANT Nachrichtentechnik

CCE n° 90-46

12 janvier 1990

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne,

vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la demande d'attestation négative et la notification en vue d'obtenir une exemption, présentées au titre des articles 2 et 4 du règlement n° 17 le 28 juillet 1986 par Alcatel Espace SA, Courbevoie, et ANT Nachrichtentechnik GmbH, Backnang, pour l'accord conclu le 11 février 1986 par ces deux sociétés, vu l'essentiel du contenu de la demande et de la notification publié (2) conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. Introduction

(1) Le 28 juillet 1986, les entreprises Alcatel Espace SA, France (ci-après dénommée " Ates "), et ANT Nachrichtentechnik GmbH, république fédérale d'Allemagne (ci-après dénommée " ANT "), ont notifié un accord à la Commission.

(2) Cet accord a pour objet de promouvoir la recherche et le développement (R et D) concernant certains équipements électroniques spatiaux dans les domaines des satellites civils de radiocommunications et de télévision et radiodiffusion civiles et de la transmission de données à destination, en provenance de ou entre satellites et/ou engins spatiaux dans le monde, et de promouvoir l'exploitation commune des résultats et un certain degré de commercialisation en commun.

(3) La notification visait à demander l'octroi d'une attestation négative ou, à défaut, d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17,

B. Les parties

(4) Ates est directement contrôlée par Alcatel CIT (France), filiale d'Alcatel NV, deuxième fabricant mondial de matériel et de systèmes de communication. Au sein du groupe Alcatel, Ates est le principal fabricant d'équipements électroniques spatiaux destinés à être embarqués à bord de satellites ou d'engins spatiaux. En 1986, Ates a réalisé un chiffre d'affaires de 813 millions de francs français (120 millions d'écus). Au cours de la même période, son chiffre d'affaires dans le domaine couvert par l'accord a été de 481,5 millions de francs français (71 millions d'écus).

(5) ANT est l'une des entreprises allemandes les plus importantes dans le domaine de la technologie des télécommunications. Son capital est détenu par Robert Bosch GmbH (83 %) et Allianz Versiche

rungs AG (17 %). En 1986, ANT a réalisé un chiffre d'affaires total de 1 256 millions de marks allemands (590 millions d'écus), dont 124 millions de marks allemands dans le domaine couvert par l'accord (58 millions d'écus).

C. L'accord

(6) Les principales dispositions de l'accord sont les suivantes:

a) Le domaine couvert par l'accord est la partie spatiale des systèmes de communication utilisant des satellites et/ou des engins spatiaux et/ou des sous-systèmes de communication utilisés à bord de satellites ou d'engins spatiaux à usage civil dans les domaines:

- des services civils de radiocommunication et de télévision directe par satellite,

- de la transmission de données à destination, en provenance de ou entre satellites et/ou engins spatiaux aux fins de télémesure, de poursuite et de télécommande, d'observation ou autre.

b) Les parties coopéreront en matière de recherche et développement dans le domaine couvert par l'accord de façon à éviter les doubles emplois dans ces activités et mettront leurs ressources en commun pour exploiter les résultats de ces activités en rationalisant la fabrication, l'entretien et l'essai de ces systèmes, ainsi qu'en coopérant lors des soumissions et des négociations concernant des contrats dans le domaine couvert par l'accord. Cet objectif sera normalement atteint en attribuant le développement et la fabrication de chaque pièce d'équipement à l'une ou l'autre partie. L'accord comporte des directives pour l'attribution des divers éléments d'équipement entre les parties. Toutefois, étant donné les grandes variétés de matériels transportés à bord de chaque satellite individuel (ou petite série de satellites), ces lignes directrices sont complétées par une procédure d'attribution des travaux dans tout projet de satellite donné.

Aucune disposition de l'accord n'interdit à l'une ou l'autre partie d'exercer une activité en dehors du domaine couvert par l'accord dès lors que celle-ci n'est pas incompatible avec les obligations auxquelles les parties ont souscrit.

c) Modalités de coopération

i) Chacune des parties s'efforcera de définir des spécifications pour les charges utiles des satellites et les sous-systèmes dont elle est responsable, de telle sorte que les équipements développés par l'autre partie puissent être utilisés dans les meilleures conditions possibles.

ii) Les deux parties s'informeront réciproquement, à intervalles réguliers, sur leur programme de R et D concernant les équipements qui entrent dans le domaine couvert par l'accord.

iii) Après l'attribution définitive, d'un commun accord, de certains équipements à l'une des deux parties, la procédure sera la suivante:

- avant de commencer à développer ces équipements, les parties se consulteront au sujet des objectifs à atteindre, notamment en matière de performances, de coûts et de délais de livraison,

- la partie chargée du développement financera la recherche et le développement,

- la partie chargée du développement sera responsable des activités de R et D et de la fabrication des équipements qui lui sont attribués, mais elle informera complètement l'autre partie des résultats de sa R et D,

- si la partie chargée du développement sous-traite une partie de la R et D ou la fabrication d'équipements qui lui sont attribués, elle donnera la priorité à l'autre partie,

- l'autre partie ne développera pas seule les mêmes équipements,

- l'autre partie se procurera ses équipements auprès de la partie chargée du développement. Si la proposition de cette dernière ne répond pas aux conditions requises en matière de performances, de prix et de délais de livraison, l'autre partie pourra demander à d'autres fournisseurs de faire des propositions concurrentes en consultation préalable et en étroite collaboration avec la partie chargée du développement.

d) Les brevets en cause appartenant à l'une des deux parties et les brevets pour lesquels une partie a le droit de concéder une sous-licence seront communiqués à l'autre partie, qui aura une licence non exclusive et exempte de redevance pour exercer ses activités dans le domaine couvert par l'accord.

En cas d'inventions mises au point conjointement par des employés des deux parties, les demandes de brevet relatives à ces inventions seront déposées au nom des deux parties.

e) Chaque partie convient de garder secrets les renseignements confidentiels qui lui sont communiqués par l'autre partie et de ne pas les utiliser et divulguer qu'aux fins de l'accord. À l'expiration de ce dernier, chaque partie renverra ses exemplaires de tous les renseignements confidentiels qu'elle a reçus de l'autre partie. Les obligations en matière de confidentialité prennent fin cinq ans après l'expiration de l'accord.

f) Des réunions auront lieu entre les membres compétents du personnel des deux parties en vue de procéder à l'examen de questions d'ordre technique, de commercialisation et de ventes.

En outre, les parties s'informeront périodiquement des développements extérieurs à caractère technique ou commercial dont elles ont eu connaissance et qui peuvent affecter leurs activités de R et D dans le domaine couvert par l'accord ou l'exploitation des résultats.

g) i) Comité exécutif

Chacune des parties nomme trois membres d'un comité exécutif. Ce comité prend ses décisions à l'unanimité; celles-ci sont obligatoires pour les deux parties. Le comité exécutif est chargé de définir la politique générale et des lignes directrices concernant le fonctionnement de l'accord et son évolution future.

ii) Comité de direction

Le comité de direction comprend également trois membres représentant chaque partie. Il prend ses décisions, qui sont obligatoires, à l'unanimité. S'il n'est pas possible de décider à l'unanimité, la question est soumise au comité exécutif.

Le comité de direction a pour rôle, conformément aux orientations définies par le comité exécutif, de prendre les décisions importantes concernant la politique commerciale, technique et industrielle. Ces décisions concernent notamment la définition de projets et de stratégies appropriées, la coopération dans le domaine des activités commerciales, le déroulement de la coopération dans les activités de R et D et de production et les décisions relatives à la répartition des équipements.

h) Exploitation des résultats

Les résultats peuvent être exploités de trois façons:

i) Projets de commercialisation en commun pour les activités dans lesquelles les deux parties assurent la fabrication et la fourniture à la suite de l'acceptation par le client d'une offre faite par les deux parties agissant en tant que cocontractants.

ii) Projets de commercialisation individuelle pour les activités dans lesquelles une seule partie est l'entrepreneur ou le fournisseur principal.

iii) Projets de commercialisation autonome pour les activités dans lesquelles une seule partie produit et fournit des équipements de sa propre fabrication.

Pour chaque projet de commercialisation en commun ou individuelle, y compris les appels d'offres, il appartient au comité de direction de définir la stratégie et de déterminer laquelle des deux parties sera l'entreprise principale.

La partie qui agit en qualité d'entreprise principale dans un projet de commercialisation individuelle veille, dans la mesure du possible, à ce que l'autre partie soit le sous-traitant/fournisseur pour tous les équipements qu'elle ne fabrique pas elle-même.

Chacune des parties reste libre de réaliser des projets de commercialisation autonome.

Les deux parties conviennent de se fournir mutuellement tout équipement et toute pièce détachée pour celui-ci qui peut lui être demandé par l'autre partie.

i) L'accord est conclu pour une période initiale de cinq ans. Il sera automatiquement prorogé par périodes de trois ans, à moins d'être résilié par l'une des parties moyennant un préavis écrit d'un an au moins.

Après réception du préavis de résiliation de l'accord, les droits de licence de brevets peuvent être prorogés à la demande du licencié, sous réserve que les parties conviennent de conditions raisonnables et non-discriminatoires.

j) Si la négociation ne permet pas de régler un différend éventuel, les parties conviennent qu'il sera finalement réglé par voie d'arbitrage.

k) L'annexe I de l'accord énumère les équipements suivants et en recommande une répartition entre les parties:

- récepteur (Rcvr),

- multiplexeur d'entrée (Imux),

- amplificateur des canaux (Camp),

- amplificateur de puissance (HPA),

- multiplexeur de sortie (Omux),

- répéteur TTC.

Ces équipements ne représentent qu'une partie relativement faible de ceux qui font l'objet de l'accord et aucun d'eux ne peut être considéré comme un produit final, à savoir un satellite complet. Les équipements énumérés sont incorporés dans des sous-systèmes tels que les sous-systèmes de répéteur et les sous-systèmes de poursuite, de télémesure et de télécommande. Aucun des équipements susvisés ne peut être utilisé dans des domaines autres que ceux de l'espace.

D. Les produits et le marché

Nature de la demande

(7) Les marchés des satellites et de leurs composants sont inhabituels en ce sens que chaque satellite (ou petite série de satellites) est un projet spécifique qui requiert des composants nouvellement mis au point ou, au minimum, fortement adaptés, assemblés selon une conception individuelle qui dépend des besoins particuliers du client. Lorsqu'ils sont combinés à la haute technologie concernée, ceci implique normalement que chaque nouveau projet de satellite requière une injection substantielle de R et D qui est étroitement intégrée à la production du satellite et de ses composants, dont chacun est proche du prototype. De plus, les satellites doivent évidemment être robustes et fiables, mais aussi légers que possible. Considérés ensemble, ces facteurs font que les utilisateurs des satellites et leurs maîtres d'œuvre insistent sur un très haut degré de coopération entre toutes les parties intéressées au développement d'un satellite donné.

Parts de marché et position concurrentielle

(8) Un grand nombre de concurrents fabriquent et vendent des équipements couverts par l'accord: environ dix-huit dans la Communauté, trois en Suède, six aux États-Unis d''Amérique, deux au Canada et trois au Japon.

Le tableau ci-dessous donne une estimation du chiffre d'affaires, au niveau mondial, des principaux fabricants de satellites spatiaux en Europe et dans le reste du monde.

<emplacement tableau>

Ces données permettent de constater que le chiffre d'affaires combiné d'Alcatel et d'ANT dans ce secteur est inférieur à celui de plusieurs autres fabricants européens et beaucoup moins élevé que celui de quelques fabricants non-européens.

Même si le marché à prendre en compte est défini étroitement comme celui des productions couvertes par la coopération et même s'il est géographiquement délimité aux acheteurs basés dans la Communauté européenne, la part de marché des parties à l'accord se situe en-dessous de 20 %. Si l'on tient compte du marché mondial ou du marché des satellites dans leur ensemble, leur part de marché est encore bien inférieure.

De plus, il semble y avoir une " courbe d'apprentissage " substantielle pour tous les aspects de la production de satellites, de sorte que plus une entreprise participe à des projets spatiaux similaires (à la fois civils et militaires), plus elle peut efficacement mettre au point et produire de nouveaux satellites ou leurs composants. Cet effet est particulièrement bénéfique pour l'industrie spatiale des États-Unis d'Amérique où le nombre de projets spatiaux est plus élevé qu'en Europe. Les budgets alloués aux activités spatiales aux États-Unis d'Amérique et en Europe ont été en 1986 les suivants:

<emplacement tableau>

Profitant de leur forte position sur le marché mondial et de la taille de leur marché intérieur, certains fabricants non européens de matériel spatial peuvent se permettre d'avoir des budgets de recherche et développement et/ou des ressources financières et commerciales plus importants que ceux de leurs homologues européens et, par conséquent, couvrent un éventail beaucoup plus large d'activités dans le domaine des équipements, sous-systèmes et systèmes électroniques spatiaux.

Ceci peut expliquer pourquoi les constructeurs européens ne se font concurrence qu'au niveau des sous-systèmes et des équipements, alors que les autres producteurs sont concurrents en ce qui concerne le produit entièrement fini, ce qui influence naturellement la structure de la concurrence.

La participation des parties de coût total d'un satellite (lancement exclu) peut varier sensiblement depuis un très faible pourcentage lorsque leur fourniture est limitée à un seul appareil jusqu'à, exceptionnellement, près de la moitié si elles sont responsables de la totalité de la charge utile d'un satellite de télécommunications.

Pour toutes ces raisons, les sociétés de la Communauté européenne ne travaillant que relativement peu la technologie des satellites, ils ont des difficultés à concurrencer d'autres sociétés non européennes plus importantes.

Ces facteurs ont permis aux concurrents non européens de remporter des contrats pour de nombreux projets récents à l'intérieur de la Communauté tels que les satellites de communication directe, Astra/SES et British Satellite Broadcasting.

Le marché géographique

(9) En raison des prix élevés des produits finals, les coûts de transport au site de lancement importent peu. Ainsi, sauf lorsqu'il existe des restrictions juridiques ou des préférences d'achat nationales, les acheteurs de satellite de la Communauté (ou d'ailleurs) n'ont pas de raison particulière d'acheter à des fabricants locaux.

Dans le domaine faisant l'objet de l'accord, les parties réalisent leur chiffre d'affaires principalement dans le Marché commun.

Restrictions d'ordre juridique

(10) Les principales restrictions d'ordre juridique existant sur le marché peuvent se résumer comme suit:

Les règles du Cocom en matière de contrôle des exportations s'appliquent aux activités spatiales et imposent de sévères restrictions.

Le " Buy American Art " et des lois similaires imposent des restrictions supplémentaires.

En Europe, le principe du " retour géographique " de l'Agence spatiale européenne postule en équilibre entre la contribution financière de chaque État partie à l'Agence et la part de marché détenue par les fabricants de ces États dans les programmes spatiaux.

Principaux utilisateurs

(11) Les principaux utilisateurs des produits finis sont les suivants:

- les administrations nationales des télécommunications dans le monde entier (PTT),

- les agences et organismes spatiaux tels que:

- Intelsat

- Inmarsat

- Eutelsat

- NASA

- DLR, DARA

- ESA

- CNES

- ISRO (Inde)

- NASDA (Japon)

- CAST (Chine)

- Eumetsat,

- les consortiums de satellites de communication directe tels que:

- ASTRA/SES,

- British Satellite Broadcasting.

E. Argumentation des tiers

La Commission n'a pas reçu d'observation de tiers à la suite de la publication de la communication prévue à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1 du traité

(12) L'accord conclu le 11 février 1986 par Alcatel Espace et ANT Nachtrichtentechnik est un accord entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité.

Cet accord concerne la coopération en matière de recherche et développement ainsi que la mise en commun des ressources des parties en vue de l'exploitation de ces résultats par le biais de la rationalisation de la fabrication, de l'entretien et de la mise à l'épreuve de ces équipements, ainsi que par l'intermédiaire de la coopération en matière de soumission d'offres et de négociation des marchés dans le domaine susmentionné.

(13) Les deux parties possèdent leur propre service de recherche et développement, qui effectue les travaux de recherche dans le domaine couvert par l'accord et, hormis les projets qui font l'objet de restrictions particulières d'ordre juridique, les parties sont concurrentes.

(14) Les dispositions ci-après de l'accord ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le Marché commun:

1. La répartition des équipements entre les parties à des fins de recherche, de développement et de production introduit une spécialisation aux termes de laquelle ces procédés seront développés par une seule partie, l'autre étant tenue de ne pas développer ses propres procédés. Bien que l'accord prévoie des licences réciproques de brevets non-exclusives et gratuites et des brevets communs dans certains cas, il en résulte néanmoins une restriction de la concurrence en R et D dans la mesure où seule l'une des deux parties élaborera un projet spécifique de R et D alors qu'auparavant les deux parties auraient pu le faire. La restriction est assez significative dans une industrie où pratiquement toute nouvelle commande exige un nouvel investissement important en R et D.

2. La procédure prévue par l'accord, pour l'acquisition par une partie de l'équipement fabriqué par l'autre partie, bien que laissant à la première nommée la possibilité de faire appel à un autre fournisseur, tend à éliminer la concurrence des fournisseurs tiers.

3. Les dispositions de l'accord concernant l'échange d'informations entre les parties sur toutes les possibilités de commercialisation et les dispositions qui attribuent à des comités communs la prise de décision concernant les politiques technique, industrielle et de commercialisation, restreignent elles aussi la concurrence.

(1) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.

Bien qu'il puisse y avoir des projets de commercialisation autonome, l'existence d'un programme de recherche et développement élaboré conjointement et de comités communs auxquels il appartient de prendre les décisions en matière de commercialisation aura certainement pour effet que l'une des deux méthodes de commercialisation en commun sera choisie chaque fois que cela sera possible, ce qui éliminera un fournisseur du marché dans tous ces cas.

L'accord a donc pour effet de modifier l'autonomie dont jouissaient auparavant les parties en matière de programmation, de financement, de recherche et développement, de production et de commercialisation des équipements visés par l'accord, les parties ne pouvant plus agir de manière autonome.

(15) Comme les parties sont établies dans des États membres différents et se proposent, par le biais de l'accord, de commercialiser en commun leurs équipements sur le marché mondial et donc naturellement aussi sur le Marché communautaire, l'accord aura nécessairement un effet sensible sur les échanges entre les États membres.

(16) Par conséquent, l'accord tombe dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité.

B. Règlement (CEE) n° 418-85

(17) Le règlement (CEE) n° 418-85 de la Commission (3) prévoit que les catégories d'accords de recherche et de développement dont les dispositions remplissent ses conditions bénéficient de l'exemption par catégorie de l'interdiction énoncée à l'article 85 paragraphe 1 du traité. De plus, l'exemption peut être étendue à certains accords contenant d'autres restrictions par voie de la " procédure d'opposition ".

L'accord établit des structures de coopération entre les parties qui dépassent l'objet et la portée du règlement (CEE) n° 418-85 et les parties n'ont pas demandé à la Commission d'appliquer la procédure d'opposition. En fait, la coopération entre les parties ne se limite pas à la recherche et au développement et à l'exploitation des résultats, mais s'étend à la commercialisation des produits. Ainsi, lorsqu'elles sont convenues de soumettre une offre conjointe pour un contrat relatif à un satellite, elles doivent de toute évidence se mettre d'accord sur le prix de l'offre, ce qui limite leur liberté de fixation des prix. Ceci implique, inter alia, que l'accord tombe dans le champ d'application de l'article 6 [en particulier l'article 6 point d)] de ce règlement. Dès lors, bien que la part de marché détenue par les parties est inférieur à 20 %, le règlement (CEE) n° 418-85 ne s'applique pas en l'espèce et ne peut davantage être étendu pour la couvrir par le biais de la procédure d'opposition.

C. Article 85 paragraphe 3 du traité

(18) Le programme de recherche et développement établi conjointement par les parties contractantes est de nature à promouvoir le progrès technique et économique.

En effet, les équipements visés par l'accord sont techniquement très perfectionnés. Leur développement est extrêmement coûteux et nécessite de grandes compétences. Si les parties assumaient séparément les efforts et les risques en cause, cela ne permettrait certainement pas d'obtenir des résultats aussi rapides, aussi efficaces et aussi économiques que les résultats escomptés.

Il est prévu que le niveau de l'investissement individuel dans le domaine de la recherche et du développement reste identique pour chacune des parties, ce qui conduira à une optimalisation de ces dépenses. Cette dernière entraînera une certaine spécialisation des deux parties dans certains équipements, ce qui permettra aux parties de proposer un éventail plus large d'équipements à la clientèle.

Dans tout programme spatial, chaque équipement est développé en tant que prototype et la rationalisation escomptée permettra d'offrir des équipements de meilleure qualité à des coûts plus concurrentiels. En outre, la répétition des travaux de développement sur des prototypes d'équipement appartenant à la même catégorie peut permettre aux parties de parvenir à un certain niveau de production comparable à celui atteint par d'autres producteurs de satellites. Étant donné le nombre et l'importance des autres concurrents dans le secteur, il est peu probable que la restructuration de concurrence entre ces deux concurrents leur permette d'augmenter leurs prix de façon significative.

La coopération prévue par l'accord devrait permettre non seulement de trouver plus rapidement de meilleures solutions techniques, mais aussi d'éviter les doubles emplois dans les efforts de recherche et développement, ce qui se traduira par des économies.

L'accord contribue donc à promouvoir le progrès technique et les clients devraient bénéficier du profit qui en résulte.

L'accord impose seulement aux parties des restrictions qui sont indispensables pour atteindre ces objectifs.

Le domaine couvert par l'accord et les objectifs du programme de recherche et développement sont bien définis. Aucune disposition de l'accord n'interdit à l'une ou l'autre des parties d'exercer une activité en dehors du domaine limité de l'accord ou ne constitue un engagement pour la répartition finale des équipements visés par l'accord.

La légère préférence accordée à l'autre partie pour la sous-traitance ne constitue qu'un simple élément de l'accord, quelque peu complexe, sur la spécialisation en R et D et la production.

Le fait que chaque partie s'interdise de développer certains équipements attribués à l'autre partie résulte de cette rationalisation qui est la raison même de leur espoir d'obtenir de meilleurs résultats et d'accroître leur compétitivité.

(20) La nature de la demande dans le cas d'espèce est telle qu'il n'est pas réaliste dans la pratique d'opter pour une R et D et une fabrication en commun, tout en maintenant une commercialisation séparée. Cela découle de l'étroite coopération nécessaire entre l'utilisateur, le maître d'œuvre du satellite et les sous-traitants (tels que les parties). Les clients et maîtres d'œuvre insistent pour savoir en détails par qui chaque pièce a été fabriquée et veulent obtenir tous les renseignements techniques importants, dans la mesure où il est généralement impossible de réparer un satellite lorsqu'il est en orbite. La concurrence provient normalement du fait que des clients font des appels d'offres auxquels il est répondu par des consortiums formés au cas par cas. Pour tout projet dans lequel les deux parties désireraient concourir, chacune devrait, en cas d'essai de commercialisation séparée, en même temps promouvoir son propre produit et aider l'autre partie à promouvoir son produit rival vis-à-vis de l'utilisateur final, soit au sein d'un consortium ou comme partie à des consortiums rivaux. Les mêmes techniciens devraient donc décrire et promouvoir deux fois un produit techniquement identique auprès d'un même client. Dans ce contexte, les clients peuvent douter de la capacité des deux parties à coopérer sur le plan technique, si leur coopération commerciale échoue pour une offre conjointe. Ceci peut les conduire à acheter ailleurs. Cela implique que, dans ce cas particulier, les bénéfices d'une R et D et d'une fabrication communes ne peuvent être obtenus que si elles sont combinés à un certain degré de commercialisation en commun.

De plus, l'accord permet des actions autonomes (projets de commercialisation autonome) et/ou par des rapports contractuels habituels, tels que des rapports de co-contractants (projets de commercialisation en commun), de sous-traitance et/ou d'achat (projets de commercialisation individuelle). Des conditions concurrentielles en matière de performances, de prix et de délais de livraison seront exigées pour la fourniture des produits par les parties et entre celles-ci, qui resteront libres de prendre en considération les offres concurrentes émanant de tiers et de leur acheter des produits.

En ce qui concerne les projets de commercialisation autonome, que chacune des deux parties est libre de mettre en œuvre, celle des deux qui n'a pas développé une pièce d'équipement peut se procurer celle-ci soit en l'achetant directement à la partie qui procède au développement, soit en se la procurant auprès de tiers qui proposent de meilleures conditions en ce qui concerne les performances, les prix et les délais de livraison.

Ce qui précède suppose que lorsque, exceptionnellement, une commercialisation séparée est une possibilité viable, les parties peuvent décider d'y procéder.

(21) La part de marché des parties, bien que définie, n'est pas grande, et il y a beaucoup d'autres grands producteurs tant à l'intérieur de la Communauté qu'ailleurs dans le monde qui sont des concurrents actifs ou potentiels dans le Marché commun. Certains d'entre eux ont une plus grande gamme de produits et des ventes beaucoup plus importantes que les parties. Dès lors, il n'est pas possible que l'accord, de lui-même, puisse permettre aux parties d'éliminer la concurrence dans le Marché commun pour ces produits.

(22) En conséquence, toutes les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3 du traité sont remplies.

D. Applicabilité de l'article 8 du règlement n° 17

(23) Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges.

(24) L'accord peut être autorisé au titre de l'article 85 paragraphe 3 à compter du jour de sa notification, à savoir le 28 juillet 1986, et jusqu'à son expiration, mais en aucun cas jusqu'à une date postérieure au 31 décembre 1996.

(25) Les conditions d'exemption sont remplies pour la période considérée sur la base des circonstances particulières de l'espèce.

(26) L'exemption ne concerne que l'accord notifié et ne porte sur aucune extension de l'accord. Dans ce cas, la structure nécessaire pour obtenir les avantages de la coopération en R et D et la spécialisation de production, requiert un beaucoup plus haut degré de coordination entre les parties que celui qui serait acceptable dans des accords de spécialisation ou de R et D ordinaires et, de ce point de vue, elle pourrait être plus proche du degré et coordination atteint dans un joint-venture.

Ceci oblige la Commission à surveiller si l'accord, combiné avec d'autres actions communes par les parties, pourrait conduire à une réduction importante de la concurrence, car une telle réduction pourrait impliquer que les conditions nécessaires pour une exemption ne seraient plus valides. En conséquence, cette décision est soumise à la condition que les parties informent promptement la Commission de la conclusion de tout contrat ou autre accord qui modifierait, remplacerait ou annulerait l'accord notifié à des équipements d'électronique spatiale non couverte par les termes de l'accord notifié,

A arrêté la présente décision:

Article premier

En vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables à l'accord signé le 11 février 1986 par Alcatel Espace SA et ANT Nachrichtentechnik GmbH, et notifié le 28 juillet 1986.

Article 2

La déclaration prévue à l'article 1er est assortie de la charge suivante:

- les parties informent sans délai la Commission des contrats et autres accords conclus entre elles et qui modifieraient, remplaceraient ou annuleraient l'accord notifié,

- de plus, chaque partie informera la Commission de tous autres contrats ou accords qu'elle concluerait, soit avec des tiers, soit avec l'autre partie, et qui seraient relatifs à des activités conjointes dans le domaine des équipements électroniques spaciaux, pourvu que de tels contrats ou accords aient trait à des affaires importantes (quant à leur volume ou leur importance stratégique) et qu'ils ne peuvent pas être considérés comme de la coopération au sein de projets isolés.

Article 3

La présente décision est applicable avec effet au 28 juillet 1986 et jusqu'au 31 décembre 1996.

Article 4

Les entreprises destinataires de la présente décision sont:

1) Alcatel Espace SA, 11 avenue Dubonnet, F-92107 Courbevois

et

2) ANT Nachrichtentechnik GmbH, Gerberstrasse 33, D-71501 Backnang.

Notes :

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 179 du 15.7.1989, p. 9.

(3) JO n° L 53 du 22.2.1985, p. 5.