CCE, 15 octobre 1990, n° 90-535
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Cekacan
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la notification présentée le 28 mars 1988 par Akerlund & Rausing (ci-après A & R) (Suède) d'un contrat de coopération conclu le 17 février 1987 avec Europa Carton Aktiengesellschaft (ci-après ECA) (Allemagne), vu l'essentiel du contenu de la notification (2) publié conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
(1) A & R a demandé une attestation négative ou, à défaut, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE pour un contrat de coopération avec ECA concernant l'exploitation et la commercialisation dans certains États membres de la Communauté et dans les pays tiers d'un nouveau procédé et d'un nouveau type d'emballage dénommé Cekacan. Cette coopération reposait pour l'essentiel sur la création d'une nouvelle société, Ceka Europe, appartenant pour 74 % du capital à A & R et pour 26 % à ECA.
A. Les entreprises
(2) A & R est un groupe suédois qui concentre ses activités dans le secteur des emballages, surtout pour produits alimentaires, et qui effectue des efforts de recherche sur de nouveaux systèmes d'emballage en matériaux à base de carton, aluminium et plastique, considérés comme la nouvelle génération d'emballages par opposition aux emballages classiques en verre et en métal.
A & R appartient au groupe Swedish Match qui a été racheté récemment par le groupe forestier suédois Stora.
Le chiffre d'affaires d'A & R a été pour 1986 de 250 millions d'écus et celui de Swedish Match a atteint 1 500 millions d'écus.
(3) ECA est une société allemande dont les activités principales concernent les cartons et les emballages en carton. ECA détient deux usines de fabrication de carton, quatre usines de pliage et impression de carton et huit usines d'emballage en carton ondulé en Allemagne, et une usine de pliage et impression de carton aux Pays-Bas. ECA appartient au groupe canadien Consolidated Bathurst Inc., qui a été racheté récemment par le groupe US Stone Container Corporation.
Le chiffre d'affaires d'ECA pour l'année 1986 a été de 400 millions d'écus et celui de Consolidated Bathurst Inc. s'est élevé à plus de 1 500 millions d'écus.
(4) Ceka International, division de A & R, est devenue la propriétaire des brevets, du savoir-faire et des marques Cekacan, par l'achat en 1983 de la société suédoise Esselte Pac Aktiebolag (ci-après Esselte Pac), l'inventeur des nouvelles méthodes.
(5) ECA a participé financièrement au développement des machines basées sur les inventions faites par Esselte Pac et a obtenu en contrepartie le droit exclusif d'exploitation de ces machines pour le territoire allemand, en vertu d'un accord dit de licence exclusive qui a été signé le 1er avril 1982. Après le rachat d'Esselte Pac par A & R, ECA est devenue licenciée de celle-ci, et l'est restée jusqu'au jour de la signature de l'accord de coopération, objet de la présente notification. Néanmoins, l'accord de 1982 sera remis en vigueur avec quelques modifications au cas où l'accord de coopération serait terminé.
B. Le produit et sa commercialisation
(6) Le produit consiste en un nouveau type d'emballage hermétique, fabriqué en carton laminé avec des matériaux plastiques et de l'aluminium, destiné pour l'essentiel à l'emballage de produits alimentaires secs sensibles à la présence de l'oxygène, comme des cacahuètes, du lait en poudre, du cacao, etc. L'emballage Cekacan est une boîte rigide, constituée en gros par un corps, un fond et un couvercle de fermeture.
(7) Le corps et le fond sont constitués du même matériau: du carton laminé avec des matériaux plastiques et de l'aluminium. Ce carton doit être préalablement coupé et imprimé selon les souhaits des clients et se présente sous forme de feuilles. Ces feuilles sont introduites dans la machine Cekacan où le corps est formé et où le fond est appliqué. La boîte doit ensuite être remplie selon des méthodes usuelles qui comportent l'expulsion de l'oxygène de la boîte et le couvercle de fermeture est ensuite fixé dans la machine Cekacan. Ce couvercle est en aluminium et en matériaux plastiques et comporte un système d'ouverture facile. Un deuxième couvercle en plastique, permettant la refermeture de la boîte après chaque utilisation est habituellement ajouté dans le cas de l'emballage des produits de consommation différée (par exemple le cacao).
(8) La boîte Cekacan est destinée à remplacer les boîtes usuelles en aluminium, verre ou plastique, les sachets en matériau alumineux et les boîtes en carton plié avec emballage plastique à l'intérieur. En effet la caractéristique principale de la méthode Cekacan est de rendre possible la fabrication d'un emballage à base de carton et néanmoins complètement hermétique ne nécessitant, par conséquent, aucun autre emballage intérieur.
Les autres caractéristiques du produit concernent notamment les possibilités de décoration publicitaire, la facilité d'ouverture et la facilité de rangement (par empilement) avant utilisation, et d'écrasement après utilisation. Après utilisation la boîte Cekacan constitue un déchet non polluant et recyclable.
Il n'existe pas, pour le moment, selon les informations des parties, d'autres méthodes semblables. Comme il s'agit d'un tout nouveau produit, il ne peut pas encore actuellement être question de parts de marché dans la Communauté européenne, ni même en Allemagne. Les principaux concurrents de la nouvelle méthode d'emballage sont les producteurs d'emballages en aluminium, verre et matières plastiques.
(9) Ceka International est le producteur des machines Cekacan et des couvercles spéciaux de fermeture. Ces couvercles et certaines parties des machines Cekacan sont protégés par des brevets (sauf au Portugal et en Grèce) qui doivent arriver à échéance en 1997 dans les autres États membres.
(10) Les " laminés " sont produits par A & R Flexible (division d'A & R), et peuvent être produits par d'autres producteurs qui possèdent le savoir-faire nécessaire. Europa Carton ne possède pas ce savoir-faire.
(11) Les travaux d'impression et coupage des laminés peuvent être réalisés par n'importe quelle entreprise de la profession. A & R et ECA sont des concurrents pour la prestation de ces services.
(12) La commercialisation des emballages Cekacan est faite par location de machines Cekacan à des clients avec possibilité de livraison des produits nécessaires pour la fabrication des emballages. Les clients demeurent, néanmoins, toujours libres d'acheter les matériaux d'emballage à d'autres sources que le fournisseur des machines.
(13) Aux termes du contrat de 1982, ECA avait le droit exclusif d'exploitation du procédé et d'achat ou de location des machines Cekacan auprès du concédant pour ce qui est du territoire allemand. Le contrat incluait une licence sur les dessins et les droits de marque.
ECA était tenue d'exploiter les procédés en louant les machines Cekacan aux clients et en livrant les matériaux d'emballage à ces clients. Le contrat de location entre ECA et les clients incluait une licence appelée licence d'usage des machines et de vente des produits emballés dans les boîtes Cekacan. Toutefois il était interdit à ECA de louer les machines à des clients installés en dehors du territoire allemand tout en étant tenue de signaler au concédant les demandes reçues dans ce sens. Elle était aussi tenue de ne pas relouer les machines retournées par les clients sans en informer le concédant. ECA devait consacrer tous ses efforts à la commercialisation des emballages en cause et ne devait pas s'engager dans la commercialisation ou la production des systèmes similaires au système Cekacan sans avoir au préalable averti le concédant. Dans ce dernier cas, celui-ci pouvait mettre fin à l'exclusivité.
L'accord devait rester en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994, avec reconduction tacite par période d'un an, sauf décision contraire de l'une des parties.
C. Résumé du contrat notifié
(14) La coopération entre les parties instaurée par l'accord notifié a remplacé l'accord de 1982. A & R et ECA ont constitué une société à responsabilité limitée avec siège à Hambourg sous le nom de Ceka Europe pour une durée indéterminée, dont elles détiennent respectivement 74 et 26 % du capital.
Selon les statuts, la société peut être gérée par un ou deux gérants. Au cas où il existe deux gérants, la représentation de la société est conjointe. Les gérants ont besoin de l'accord de l'assemblée générale pour les opérations plus importantes qui dépassent l'activité commerciale normale et peuvent entraîner des risques particuliers. L'assemblée prend ses décisions à la majorité simple, sauf dans des cas particuliers où est requise la majorité qualifiée de 80 % du capital initial. Ces cas particuliers sont l'adoption du budget annuel, l'adoption du plan commercial et financier trisannuel, les décisions sur des investissements de plus de 500 000 marks allemands, les décisions sur la distribution des bénéfices et les décisions sur la modification des statuts.
(15) La nouvelle société est responsable de l'exploitation des procédés en cause sur un certain territoire qui comprend l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la France, l'Italie, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Autriche et la Suisse.
L'exploitation commerciale du produit est faite par Ceka Europe et comporte la location et l'installation des machines Cekacan chez les clients, la livraison des matériaux nécessaires à la fabrication des emballages Cekacan (si les clients le désirent) comme distributeur exclusif d'A & R et de ECA, et la prestation aux clients de l'assistance technique nécessaire.
(16) Les deux parties s'engagent, par conséquent, à ne pas faire concurrence à Ceka Europe sur le territoire en cause par la production et/ou la vente, directe ou indirecte, des produits contractuels et/ou machines Cekacan.
Dans la version initiale de l'accord notifié, il était aussi interdit à ECA de s'engager dans la production ou la vente de produits ou machines similaires. Après discussion avec les services de la Commission, les parties ont décidé la suppression de cette dernière clause.
(17) Les matériaux et services nécessaires à la fabrication des emballages Cekacan, dont Ceka Europe est le distributeur exclusif pour A & R et ECA, sont contractuellement les suivants:
a) machines et pièces détachées (avec l'installation et les services d'assistance), couvercles et bandes de fermeture;
b) laminés pour le corps et pour le fond;
c) découpage et impression des laminés produisant le corps et le fond des emballages.
Pour la livraison aux clients des matériaux destinés à la production des emballages Cekacan, A & R et ECA sont ainsi obligés de passer par Ceka Europe, bien que, matériellement, les livraisons soient effectuées directement par eux.
(18) Pour chaque groupe, il existe des dispositions concernant l'approvisionnement de Ceka Europe.
a) Ceka International approvisionne Ceka Europe pour la totalité de ses besoins concernant ces produits.
b) A & R Flexible aura jusqu'au 1er janvier 1995 un droit de préférence pour l'approvisionnement de Ceka Europe, jusqu'à 100 % de ses besoins concernant ces produits. Au-delà de cette date, Ceka Europe sera libre, en ce qui concerne les nouvelles machines installées, d'acheter les produits à d'autres fournisseurs en accordant néanmoins à A & R Flexible un droit de préférence.
c) Selon les dispositions de l'article 6.3 de l'accord principal, " ECA aura jusqu'au 1er janvier 1995 un droit de préférence pour approvisionner Ceka Europe pour un large pourcentage de ses besoins de coupage et impression " des laminés constituant le corps et le fond des emballages fabriqués dans les machines Cekacan. Ainsi ECA a le droit de livrer au moins une quantité égale à 110 % du volume des livraisons de Ceka Europe aux clients allemands pour l'utilisation en Allemagne, pourvu que la quantité qu'ECA livre aux clients en dehors de l'Allemagne ne dépasse pas 20 % des quantités globales livrées par les parties dans le territoire en dehors de l'Allemagne. Ceka Europe a le droit de remplacer les ordres de fournitures adressées à ECA provenant de pays autres que l'Allemagne par des ordres du même volume, provenant d'Allemagne, jusqu'à 15 % du total du volume des livraisons à l'intérieur de l'Allemagne.
Pour la vente de ses services de découpage et impression pour des applications Cekacan, ECA est, en effet, limitée en pratique au territoire allemand. Néanmoins, celle-ci serait libre, au cas où elle recevrait des commandes, de vendre directement, sans passer par Ceka Europe et sans limitation de quantité, ses services, soit à des clients installés en territoire allemand, soit à des clients installés dans d'autres territoires (concurrence passive).
À partir du 1er janvier 1995, Ceka Europe sera libre, en ce qui concerne les nouvelles machines installées, de se procurer les services de découpage et d'impression auprès d'autres fournisseurs, en conservant, néanmoins, à ECA un droit de préférence (article 6.3 de l'accord principal).
(19) L'accord notifié, entré en vigueur le 1er mars 1987, a été conclu pour une période initiale de trois ans et est automatiquement renouvelé faute de résiliation avec préavis de dix mois. À partir du 1er mars 1990, le contrat est en vigueur pour une période indéterminée sous réserve de résiliation par une des parties avec préavis de dix mois. L'accord peut aussi être résilié sans préavis au cas où il serait impossible d'aboutir à un accord entre les actionnaires sur une question qu'ils auront considérée comme " a major issue ".
(20) Dans le cas où le contrat prend fin, la coopération entre les parties doit être réaménagée par la remise en vigueur de l'ancien contrat de 1982, soumis à quelques modifications, les clients étant répartis entre ECA et A & R de façon à ce que soient attribués à ECA les clients domiciliés en Allemagne et à A & R tous les autres clients. A & R aura aussi le droit de racheter les actions de Ceka Europe détenues par ECA.
(21) Parmi les modifications à apporter au contrat de 1982, il était également prévu d'inclure une nouvelle clause comportant l'obligation pour ECA d'acheter à A & R la totalité de ses besoins de laminés pour les corps et les fonds destinés à être employés pour la fabrication du produit contractuel.
À la suite des discussions avec les services de la Commission, les parties ont renoncé au maintien de cette clause.
(22) En cas de remise en vigueur du contrat de 1982, ECA sera libre d'approvisionner en matériaux d'emballage les clients Cekacan à l'extérieur de l'Allemagne, soit activement, soit passivement (simple réponse à des demandes non sollicitées). Suite aux modifications de l'accord par les parties, ECA pourra également, à ce moment, répondre à des demandes de location de machines en provenance de pays autres que l'Allemagne (concurrence passive).
(23) La Commission ayant formulé des observations, A & R et ECA ont accepté d'apporter certaines modifications au contrat notifié. L'accord ainsi modifié a été communiqué à la Commission le 27 avril 1989.
(24) La Commission a reçu le 4 janvier 1990 des observations de caractère technique de la part d'un tiers intéressé à la suite de la publication de la communication conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17. Il n'a pourtant été manifesté aucune opposition à l'adoption par la Commission d'une décision favorable à l'égard de l'accord notifié.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
Article 85 paragraphe 1
(25) La création de la nouvelle société Ceka Europe ne semble pas véritablement représenter un projet de développement d'une coopération à long terme entre les deux entreprises pour l'exploitation des procédés mais semble plutôt être limitée à la coopération dans une phase initiale en vue d'introduire et de commercialiser la technologie Cekacan dans un ensemble de pays européens.
(26) En effet, ECA n'a qu'une minorité des actions de Ceka Europe ce qui, selon les règles de gestion, ne lui donne qu'un moyen de bloquer des décisions vraiment essentielles. L'accord n'a été conclu que pour une durée de trois ans et peut être, à partir de ce moment, librement résilié par les parties, avec préavis de dix mois. Compte tenu du droit d'option d'A & R sur l'achat des actions détenues par ECA, en cas de résiliation de l'accord, la situation est telle qu'A & R peut librement, à partir de la troisième année, prendre le contrôle total de Ceka Europe, renvoyant ECA à l'exploitation des procédés dans le territoire allemand sous l'ancien contrat de 1982.
(27) De plus, les parties ont également le droit, dans le domaine de la clause sur le " major issue ", de mettre fin immédiatement à l'accord, sans respecter le délai de dix mois. D'ailleurs, même dans la situation présente, il peut être considéré, d'une part, qu'A & R détient le contrôle effectif de la nouvelle société et, d'autre part, qu'ECA voit de toute façon ses prestations de coupage et d'impression des laminés destinés à la fabrication des emballages Cekacan limitées, en gros, au territoire allemand. On peut donc conclure que le but de l'opération en cause ne dépasse pas les efforts nécessaires à l'introduction de la technologie Cekacan sur un marché élargi.
(28) Il n'est pas étonnant qu'A & R souhaite bénéficier de l'appui d'ECA, qui, ayant participé financièrement aux travaux de développement de la technologie, a déjà une expérience dans l'exploitation des procédés en cause en Allemagne, plutôt que d'essayer, toute seule, d'introduire ces procédés dans un marché plus vaste. (29) Il est en outre normal qu'ECA renonce à son exclusivité sur le territoire de l'Allemagne en échange d'une participation financière dans Ceka Europe et de la garantie du maintien du volume des prestations des services de coupage et d'impression pour des applications Cekacan, surtout quand elle conserve toujours la possibilité de mettre fin, à brève échéance, à la coopération et de reprendre son exclusivité.
(30) Hors du cadre de l'accord de 1982, les parties ne peuvent pas être considérées comme des concurrents directs en ce qui concerne l'exploitation des procédés Cekacan ou la production des matériaux de base (les laminés) pour les emballages Cekacan. Néanmoins, elles doivent être considérées comme des concurrents potentiels, soit en ce qui concerne l'exploitation des méthodes similaires aux méthodes Cekacan, soit en ce qui concerne la production et la vente des laminés.
(31) En effet, ECA est un grand producteur de carton ondulé et de carton pliable. Pour pouvoir produire des laminés de carton et matériaux plastiques et aluminium, il suffirait d'acquérir le savoir-faire et de réaliser les investissements nécessaires, ou alors, de s'associer à une entreprise qui posséderait ce savoir-faire. Il en est de même pour l'exploitation de systèmes d'emballage substituables aux emballages Cekacan.
(32) En tout état de cause, il est clair qu'A & R et ECA sont des concurrents directs en ce qui concerne les services de coupage et d'impression des laminés pour la production de la boîte Cekacan.
(33) Ainsi, malgré les modifications apportées par les parties à la demande de la Commission, le réaménagement de la coopération entre les parties par la création de Ceka Europe est de nature à restreindre la concurrence de la manière suivante:
a) Clauses d'exclusivité
(34) A & R et ECA s'engagent à n'exploiter les procédés dans le territoire concerné qu'à travers Ceka Europe et s'interdisent, par conséquent, de la concurrencer dans le domaine qui lui a été attribué. Dans le cadre qui vient d'être tracé, ces clauses ne sont pas restrictives en ce qui concerne les relations entre A & R et Ceka Europe, et doivent être comprises dans le cadre des relations internes au groupe.
(35) En revanche, elles sont restrictives pour ECA dans la mesure où elles l'empêchent de développer librement sa politique commerciale concernant l'exploitation des procédés sur le territoire qui lui avait été concédé (Allemagne). En effet, la création de la nouvelle société a entraîné, en pratique, la disparition d'un concurrent indépendant sur le territoire du Marché commun. ECA ne pourra plus entretenir de relations commerciales avec ses clients allemands, ni se procurer de nouveaux clients pour la location des machines et la fourniture de ses services de coupage et d'impression.
b) Les clauses d'approvisionnement
(36) Les fournitures des matériaux et des services nécessaires à la production de la boîte Cekacan sont prises en charge par Ceka Europe comme distributeur exclusif des parties.
Les clauses qui ont pour objet l'obligation d'achat exclusif de Ceka Europe à A & R et à Ceka International n'ont pas directement des effets restrictifs de concurrence entre ces sociétés car elles doivent être considérées comme des accords internes au groupe.
(37) Par rapport à ECA, ces clauses ont forcément un effet restrictif bien qu'elles concernent soit des produits en partie brevetés, comme c'est le cas pour les machines Cekacan, soit des produits très spécifiques qu'ECA ne produit pas et dont elle ne possède pas le savoir-faire nécessaire pour les fabriquer, comme c'est le cas pour les laminés pour le corps et le fond des boîtes, car ECA est un concurrent potentiel pour la production et la vente de tels matériaux. Elles lui enlèvent toute incitation à s'intéresser à la production de tels matériaux (les laminés, en première ligne) étant donné qu'elle ne serait pas en mesure de les vendre pour les applications Cekacan. Cela restreint aussi sa position concurrentielle par rapport à des tiers fabricants de ces matériaux qui peuvent librement les proposer aux clients Cekacan.
(38) Les clauses qui ont pour objet l'obligation d'achat de certaines quantités minimales des laminés imprimés et coupés à ECA, n'ont pas pour but d'établir une spécialisation entre les parties, mais visent seulement à garantir à ECA le maintien du volume des ventes des services de coupage et impression pour des applications Cekacan, dont elle jouissait en Allemagne à la date de l'accord.
(39) Néanmoins, en restreignant quantitativement les fournitures d'ECA hors du territoire allemand (restriction double: d'abord à 10 % des quantités livrées par Ceka Europe en Allemagne et, ensuite, à 20 % des quantités livrées par les parties hors du territoire allemand), la clause entraîne une restriction de concurrence entre ECA et A & R dans le domaine de ces services, bien que limitée aux ventes destinées à des applications pour la production des boîtes Cekacan à effectuer dans le contexte de l'accord de coopération, par l'intermédiaire de Ceka Europe. La position concurrentielle d'ECA par rapport à des tiers offreurs des services de coupage et d'impression qui peuvent les proposer librement aux clients Cekacan se trouve aussi affaiblie, bien qu'ECA soit théoriquement libre de répondre à des demandes d'approvisionnement de ses services qui lui seraient adressées directement dans le cas où le client refuserait de passer par l'intermédiaire de Ceka Europe. c) La remise en vigueur du contrat de 1982
(40) La clause de l'accord principal qui prévoit la remise en vigueur du contrat de 1982 prévoit également une répartition des clients entre A & R et ECA, qui a pour objet de revenir, en fait, à la situation prévalant antérieurement à la constitution de Ceka Europe. Cette répartition est sauvegardée par les dispositions de l'accord qui réservent à ECA le territoire allemand (exclusivité) et qui l'empêchent d'exploiter ces procédés (location des machines) hors du territoire concédé, sauf dans le cadre d'une simple réponse à une demande non sollicitée.
(41) Cette répartition des clients et le maintien de l'exclusivité d'ECA sur le territoire allemand entraîne des restrictions de concurrence entre ECA et A & R. A & R ou Ceka Europe verront leurs relations commerciales avec ces clients interrompues, car elles ne pourront livrer des machines sur le territoire allemand qu'à ECA et que celle-ci ne pourra pas non plus proposer la location de telles machines hors de ce territoire.
(42) En ce qui concerne l'exploitation par ECA de procédés similaires, il n'existe pas de véritable interdiction. Il y a uniquement une obligation de préavis au concédant de la part d'ECA, si celle-ci décidait de s'engager dans la commercialisation de procédés similaires. Cette obligation ne constitue pas une restriction sensible de concurrence, soit par l'effet favorable pour la concurrence de la suppression de l'exclusivité, soit parce que la perte de l'exclusivité n'empêchera ECA d'exploiter une autre méthode que si elle a des raisons de ne pas croire au succès du nouveau produit, pour le lancement duquel ECA est, d'ailleurs, dans une position privilégiée.
B. Article 85 paragraphe 3
(43) Les accords notifiés remplissent les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de l'application du paragraphe 3 de l'article 85 du traité.
(44) Les accords contribuent à améliorer la production et la distribution des produits concernés et à promouvoir le progrès technique dans le secteur des emballages pour produits alimentaires. En effet, l'emballage Cekacan est un produit nouveau qui représente une innovation technologique considérable et qui peut arriver à occuper une place importante dans le marché en cause. L'emballage Cekacan représente certains avantages par rapport aux méthodes traditionnelles et correspond au goût d'une partie des consommateurs en répondant également à un besoin ressenti sur le marché. Les accords ont pour but d'élargir, sur le territoire du Marché commun, l'exploitation de ce nouvel emballage, dont la commercialisation était restée limitée, dans la période initiale au territoire allemand, à travers la coopération entre le producteur des machines et des matériaux d'emballage et l'entreprise à laquelle avait été confiée l'exploitation commerciale de ces procédés pour le territoire allemand. L'introduction du procédé dans les autres pays du Marché commun connaîtrait beaucoup plus de difficultés si A & R décidait de l'entreprendre toute seule, sans bénéficier de la coopération d'ECA, entreprise communautaire expérimentée dans les domaines du carton et des emballages en carton et ayant déjà recueilli les fruits de son expérience dans l'introduction des procédés en Allemagne. Avec la coopération entre les deux entreprises, on peut s'attendre à une multiplication plus rapide des clients Cekacan dans les pays concernés par la coopération et, par conséquent, le nouveau procédé d'emballage pourra être utilisé partout dans de bonnes conditions d'approvisionnement et d'assistance.
(45) Les utilisateurs, soit l'entreprise alimentaire qui emballe ses produits, soit le consommateur final qui achète le produit emballé, bénéficieront d'une partie équitable du profit qui résulte des accords. En premier lieu, les uns comme les autres bénéficient déjà du fait qu'un nouveau produit, qui doit être considéré comme une innovation technologique considérable, est disponible sur le marché. En deuxième lieu, on peut s'attendre à ce que la concurrence sur le marché en cause (emballages en verre, plastique, métal, etc. pour des aliments secs sensibles à la présence de l'oxygène) s'accroisse du fait de la commercialisation étendue des nouvelles méthodes, avec des effets prévisibles sur les prix des emballages.
(46) Les accords notifiés n'imposent pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs visés:
- La centralisation par Ceka Europe des tâches concernant la location et l'entretien des machines et l'approvisionnement des clients pour les matériaux de base est nécessaire pour la poursuite d'une politique et d'une stratégie commerciale adéquate et conséquente. La fourniture des matériaux d'emballage étant l'une des parties essentielles dans l'exploitation d'une méthode d'emballage, l'interdiction imposée à ECA de proposer directement aux clients Cekacan ses services de coupage et d'emballage (ou, hypothétiquement, des laminés) ne doit pas être considérée comme excessive. La liberté dans les ventes passives est, néanmoins, toujours sauvegardée.
- Les clauses d'approvisionnement de Ceka Europe par ses maisons mères (A & R et ECA) entraînant une limitation des ventes d'ECA en gros au territoire allemand, de ses services de coupage et d'impression et garantissant en même temps à ECA un volume minimal de ces ventes pour des applications Cekacan doivent aussi être considérées comme nécessaires. En l'absence de telles limitations, A & R ne se serait pas engagé dans un projet de coopération avec ECA mais aurait entamé tout seul le processus d'introduction des technologies dans les autres pays, avec les surcoûts et les difficultés que cette façon de procéder aurait provoqués. Sans ces garanties, ECA n'aurait pas accepté de renoncer à sa position découlant du contrat de 1982 qui lui garantissait ses ventes sur le territoire allemand. En outre, par le biais de la réponse éventuelle d'ECA à des demandes directes des clients situés hors d'Allemagne qui se refusent à passer par l'intermédiaire de Ceka Europe et, par l'exportation des produits finis emballés, les ventes d'ECA pour des applications Cekacan hors d'Allemagne sont aussi indirectement assurées.
- La possibilité de résiliation de l'accord de coopération entraînant la remise en vigueur du contrat de licence avec répartition des clients entre A & R et ECA est nécessaire parce qu'elle constitue la clause de sécurité qui permet aux deux contractants de s'engager sans trop de risques dans la coopération envisagée. A & R peut ainsi profiter de l'expérience et de la collaboration d'ECA pour l'élargissement de l'exploitation commerciale de la méthode sans, néanmoins, perdre la possibilité, en tant que détenteur des brevets et du savoir-faire ainsi que fabricant des machines et des laminés, de garder le contrôle de l'opération et de pouvoir, après la période initiale de trois années, renvoyer ECA à sa position découlant du contrat de 1982 et reprendre tout seul l'exploitation des procédés dans les pays du Marché commun autres que l'Allemagne.
Par ailleurs, ECA se voit assurer la possibilité, au cas où elle le trouve plus intéressant du point de vue économique, de retourner à la situation antérieure et de reprendre ses droits d'exclusivité sur le territoire allemand, et cela avec la possibilité de faire de la concurrence à A & R hors du territoire concédé, soit de manière passive en ce qui concerne la location et l'entretien des machines, soit de manière active et passive en ce qui concerne la vente des matériaux d'emballage et des services de coupage et d'impression.
(47) Le marché concerné étant le marché de tous les emballages destinés à des produits alimentaires secs sensibles à l'oxygène et comportant les emballages en différents matériaux comme le verre, le métal et le plastique, les accords ne peuvent donner aux entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17
(48) Le contrat notifié par A & R le 28 mars 1988 comportait un certain nombre de dispositions qui ne remplissaient pas les conditions nécessaires à l'octroi d'une exemption, en particulier des dispositions relatives à des interdictions de concurrence, à des obligations d'achat exclusif et à la protection territoriale.
À la suite des observations formulées par la Commission, les parties ont accepté d'apporter un certain nombre de modifications à leur contrat. En conséquence, la date à laquelle l'exemption peut prendre effet est celle de la communication du contrat modifié.
(49) Dans le cas d'espèce, il est approprié, compte tenu du caractère fortement concurrentiel du marché en cause et des caractéristiques de l'accord de coopération, d'accorder l'exemption pour une période de dix années,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité sont déclarées inapplicables du 27 avril 1989 au 26 avril 1999 à l'accord de coopération conclu entre A & R et ECA le 17 février 1987.
Article 2
Akerlund & Rausing, Box 22, S-22100 Lund, Suède, et Europa Carton Aktiengesellschaft, Spitaler Strasse 11, D-2000 Hamburg 1, Allemagne, sont les destinataires de la présente décision.
Notes :
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° C 293 du 21. 11. 1989, p. 4.