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Décisions

CCE, 3 mai 1989, n° 89-633

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Concernant les aides qui ont été ou doivent être accordées par le Gouvernement espagnol à Enasa, entreprise produisant des véhicules utilitaires sous la marque "Pegaso"

CCE n° 89-633

3 mai 1989

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, après avoir mis, conformément aux dispositions dudit article, les intéressés en demeure de présenter leurs observations, considérant ce qui suit:

I

Par lettre du 17 septembre 1986, la Commission a demandé des renseignements aux autorités espagnoles au sujet d'une aide sous la forme d'un nouvel apport en capital que celles-ci auraient eu l'intention, selon des informations publiées dans la presse, d'accorder à Enasa en 1986.

Par lettre du 6 février 1987 de sa représentation permanente, le Gouvernement espagnol a confirmé que le holding public INI avait octroyé 5 milliards de pesetas espagnoles à Enasa en 1986 en vue de financer les dépenses exceptionnelles liées à l'adaptation des capacités et de l'emploi et de financer les stocks de véhicules militaires. Les autorités espagnoles ont également fourni des renseignements concernant les apports en capital effectués en 1983 et 1985, les activités industrielles d'Enasa, ses difficultés commerciales et financières, la réduction des effectifs qui se poursuivait, les investissements prévus et les difficultés de l'entreprise résultant de l'adhésion de l'Espagne à la Communauté.

Le 20 mai 1987, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE à l'égard de l'apport en capital non notifié fourni par le holding public INI à Enasa en 1986. Pour prendre cette décision, la Commission a considéré que, en raison de la situation financière de l'entreprise en question depuis 1981, qui s'est caractérisée par des pertes et par un fort endettement, la fourniture de 5 milliards de pesetas espagnoles ne pouvait pas être considérée comme relevant de l'apport de capital à risque selon la pratique normale des sociétés en économie de marché, mais constituait une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

Compte tenu des problèmes de surcapacité auxquels les secteurs des véhicules commerciaux et utilitaires sont confrontés au niveau communautaire et de l'absence de plan de restructuration concis et bien arrêté qui devrait non seulement permettre de rétablir la viabilité d'Enasa, mais aussi contribuer fortement à la rationalisation des secteurs communautaires concernés, la Commission a considéré que l'aide en question ne pouvait pas bénéficier des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 de l'article 92 du traité CEE.

Par lettre du 25 mai 1987, la Commission a mis le Gouvernement espagnol en demeure de présenter ses observations et de répondre aux questions précises qu'elle lui posait dans sa lettre. Conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE, les autres États membres et les tiers ont eux aussi été mis en demeure de présenter leurs observations.

II

Dans le cadre de cette procédure, le Gouvernement espagnol a présenté ses observations par lettre du 14 septembre 1987. Dans sa lettre, il faisait valoir que l'apport en capital de 5 milliards de pesetas espagnoles, fourni par l'INI le 30 décembre 1986, ne pouvait pas être considéré comme une aide au sens de la position de la Commission sur la participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises, ne tombait pas sous le coup de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE parce qu'il n'affectait pas les échanges intracommunautaires, mais était une aide existante au sens de l'article 93 paragraphe 1, parce qu'il avait été autorisé par l'INI en 1982, bien avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Le Gouvernement espagnol indiquait également que l'apport en question servait à financer les plans sociaux mis en œuvre entre 1983 et 1985, pouvait peut-être être considéré comme compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 92 paragraphe 3 lettre c) du traité CEE en raison des éléments de restructuration qu'il comportait, devrait partiellement être examiné sur la base de l'article 92 paragraphe 3 lettre a) parce que 15 % de la production d'Enasa a pour cadre une région défavorisée et qu'une partie de ces ressources publiques relève de l'application de l'article 223 paragraphe 1 lettre b) du traité CEE, parce qu'elle concerne la production par Enasa de véhicules militaires.

Dans la même lettre, les autorités espagnoles ont communiqué, en insistant sur leur caractère strictement confidentiel, les grandes lignes du plan de restructuration d'Enasa pour la période 1987-1991, qui prévoit de procéder à des apports en capital très importants.

Quatre autres États membres ont présenté leurs observations dans le cadre de la procédure susmentionnée.

III

Par lettre du 2 octobre 1987, la Commission a invité les autorités espagnoles à notifier, conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE, les nouvelles aides qu'elles avaient l'intention d'accorder dans le cadre du plan de restructuration concernant la période 1987-1991.

Par lettre du 18 décembre 1987 de sa représentation permanente, le Gouvernement espagnol a notifié à la Commission son projet tendant à accorder 96 milliards de pesetas espagnoles à Enasa, par l'intermédiaire du holding public INI, à l'appui de son plan de restructuration pour la période 1987-1991.

Le plan de restructuration a pour objectif de rétablir la viabilité d'Enasa par le biais de la fermeture de son unité de production de fourgonnettes et de camionnettes de Valladolid et de certaines installations de production de composants, et d'axer la production de l'entreprise sur les poids lourds. Le plan prévoit également la réduction des effectifs, une restructuration financière, un investissement et un programme de recherche et développement qui permettront à Enasa de rationaliser les installations de production restantes et d'introduire de nouvelles technologies.

Les autorités espagnoles estiment que les apports en capital prévus par l'INI en faveur d'Enasa ne peuvent pas être considérés comme des aides qui tomberaient, à ce titre, sous le coup de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE, parce que, en sa qualité d'unique actionnaire d'Enasa et convaincue de la viabilité de l'entreprise, l'INI se comporte comme un investisseur privé. Même si ces apports comportent des éléments d'aide, ces aides ne relèvent pas de l'application de l'article 92 paragraphe 1, parce qu'elles n'affectent pas les échanges entre États membres et qu'elles ne faussent pas la concurrence intracommunautaire au sens dudit article. En fait, Enasa n'a produit en 1986 que 8 500 véhicules, soit à peine 3 % de la production communautaire totale. Comme les échanges intracommunautaires de poids lourds ont porté, au total, sur 81 070 unités en 1986, les 314 unités exportées par Enasa vers les autres États membres de la Communauté n'ont représenté que 0,4 % de ce total. En outre, la part du marché espagnol des poids lourds détenue par Enasa a de nouveau diminué au cours du premier semestre de 1987 (de 18,5 % à 13,9 %). Il n'y a pas non plus de preuve qu'Enasa a faussé la concurrence, parce que cela n'a pas été le cas.

Le 17 février 1988, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE à l'égard de l'aide publique notifiée de 96 milliards de pesetas espagnoles prévue à l'appui du plan de restructuration d'Enasa pour la période 1987-1991. Pour prendre cette décision, la Commission a considéré que, comme la situation financière de l'entreprise s'est caractérisée depuis 1976 par une augmentation rapide des pertes et de l'endettement, la contribution en capital de 96 milliards de pesetas espagnoles ne pouvait pas être considérée comme relevant de l'apport de capital à risque selon la pratique normale des sociétés en économie de marché, mais constituait, par conséquent, une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

Compte tenu de l'absence de renseignements supplémentaires au sujet des aides et des efforts futurs de restructuration d'Enasa, de la sensibilité du secteur de l'automobile, des capacités excédentaires existant dans les secteurs des poids lourds et des autobus au niveau communautaire et des liens entre ce projet d'aide et la procédure en cours pour la même entreprise, la Commission a considéré qu'il n'y avait pas de raison suffisante de penser que la nouvelle aide pouvait bénéficier d'une des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 de l'article 92 du traité CEE.

Par lettre du 25 février 1987, la Commission a mis le Gouvernement espagnol en demeure de présenter ses observations et de répondre aux questions précises qu'elle posait dans sa lettre. Conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE, les autres États membres et les tiers ont eux aussi été mis en demeure de présenter leurs observations.

IV

Les autorités espagnoles ont présenté leurs observations dans le cadre de cette procédure par lettres des 25 mars et 30 septembre 1988. Elles ont également communiqué les renseignements précis demandés par la Commission par lettres des 5 juillet, 21 novembre et 25 novembre 1988, ainsi qu'au cours de plusieurs réunions bilatérales qui ont eu lieu avec les services de la Commission entre juillet 1988 et février 1989.

Les informations en question concernent les aspects suivants:

- description des mesures de restructuration,

- description des investissements et des dépenses de recherche et développement,

- informations relatives à la production et à la capacité et données commerciales,

- situation financière et perspectives, - réduction des effectifs et coût des plans sociaux,

- prévisions concernant la viabilité à l'issue de la mise en œuvre du plan de restructuration, et perspectives de marché,

- principes et données en matière d'imposition et de comptabilité,

- politique de l'entreprise en matière de prix et accords de coopération avec d'autres constructeurs de poids lourds de la Communauté.

Il ressort de la réponse des autorités espagnoles du 30 septembre 1988 que l'apport en capital de l'INI en 1986 s'est élevé à 12,5 milliards de pesetas espagnoles et non à 5 milliards, chiffre communiqué initialement. Selon les autorités espagnoles, cet apport en capital ne devrait pas être considéré comme une aide, parce que son octroi avait été décidé avant le 1er janvier 1986, date de l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Dans leur communication, les autorités espagnoles ont étendu l'application du plan de restructuration à la période 1986-1991, en ont modifié le coût ainsi que la capacité d'autofinancement de l'entreprise et ont présenté des arguments au sujet des éléments d'aide contenus dans les aides publiques envisagées, d'un montant total de 108,5 milliards de pesetas espagnoles (12,5 milliards de pesetas espagnoles en 1986 plus 96 milliards de pesetas espagnoles entre 1987 et 1991). Elles ont estimé que les éléments ci-après ne devaient pas être considérés comme des aides au sens de l'article 92 paragraphe 1:

- les pertes d'un montant de 44,869 milliards de pesetas espagnoles qui ont été subies avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, dont 26,464 milliards de pesetas espagnoles ont été comptabilisés pendant les exercices antérieurs à 1986 et 18,406 milliards de pesetas espagnoles seront comptabilisés au cours des prochaines années. Sur les conseils de consultants indépendants, l'INI a reconnu ces pertes et la nécessité de les couvrir par des apports en capital. Toutefois, en raison d'un manque de ressources, l'octroi des apports en question, qui s'ajouteront aux 12,5 milliards de pesetas espagnoles de 1986, a été remis à une période ultérieure,

- les 21,050 milliards de pesetas espagnoles que l'INI paiera pour racheter les reports fiscaux d'Enasa (comme pour tout autre actif), opération qui s'appuie sur l'autorisation du ministère espagnol des finances, du 2 février 1987, concernant la consolidation fiscale du groupe INI pour la période 1986-1988. Une note du ministère des finances à ce sujet a été communiquée,

- les investissements à des fins militaires d'un montant de 9,304 milliards de pesetas espagnoles réalisés dans le cadre de la politique nationale de défense, dont 5,2 milliards de pesetas espagnoles à des fins purement militaires et concernant des projets secrets et 4,104 milliards de pesetas espagnoles correspondant à 50 % du montant des investissements réalisés dans les domaines militaire et civil,

- 16,242 milliards de pesetas espagnoles, soit la partie du coût des mesures de licenciement volontaire qui excède les obligations légales minimales et qui correspond à la pratique normale dans les milieux industriels en Espagne. Il faut savoir que, en vertu de la législation espagnole, les entreprises ne peuvent licencier du personnel que sur une base de volontariat et après négociation,

- les charges financières supplémentaires d'un montant de 6,113 milliards de pesetas espagnoles, que l'entreprise doit supporter depuis le début de 1986 en raison du report de l'octroi des apports en capital.

En conséquence, les autorités espagnoles estiment que seuls 10,908 milliards de pesetas espagnoles devraient être considérés comme des aides au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE et que le niveau de l'aide ne serait, dans ces conditions, que de 20 % étant donné que les dépenses de restructuration s'élèvent à 54 milliards de pesetas espagnoles.

Le plan de restructuration a pour objectif de rétablir la viabilité de l'entreprise et, selon les autorités espagnoles, le montant des aides publiques prévues constitue le minimum nécessaire pour assurer la restructuration financière et technique de l'entreprise. En même temps, celle-ci déploie un maximum d'efforts pour contribuer au financement du plan en réduisant fortement son fonds de roulement, en cédant certains actifs et bâtiments, et en ayant une marge brute d'autofinancement positive pendant les dernières années de la réalisation du plan.

Quatre autres États membres ont présenté leurs observations dans le cadre de la procédure susmentionnée.

V

Enasa a été créée en 1946 par l'INI, holding public chargé de la reconstruction industrielle en Espagne, et a repris les activités et les ressources d'Hispano Suiza, constructeur automobile le plus ancien d'Espagne. Enasa s'est développée dans un marché fermé en tant que producteur intégré de camions, d'autobus et de véhicules militaires. C'est en 1974 qu'Enasa a produit le plus de véhicules depuis sa création (26 000) avec un effectif de 12 500 personnes. Confronté à une crise économique et à des pertes depuis 1976, qui ont coïncidé avec l'ouverture de l'économie espagnole aux échanges internationaux, l'INI a conclu, en 1980, un accord avec International Harvester, premier producteur américain de poids lourds, en vertu duquel ce dernier a pris une participation de 35 % dans le capital d'Enasa et a introduit un plan d'expansion ambitieux, qui prévoyait le développement et la production par Enasa de poids lourds, de moteurs et de tracteurs destinés principalement à l'exportation vers les États-Unis d'Amérique et les autres pays d'Europe. Toutefois, en 1982, en raison de la crise que connaissait le marché américain, International Harvester s'est désengagé d'Enasa, mettant ainsi brutalement fin à la réalisation du plan d'investissement. Enasa, qui avait déjà réalisé des investissements importants dans les nouvelles activités, est ainsi restée avec des capacités excédentaires en ce qui concerne les produits d'exportation pour lesquels il n'y avait plus de marché, par exemple les moteurs diesel, et s'est trouvée manquer de ressources financières pour renouveler sa production traditionnelle. En conséquence, Enasa a recherché de nouveaux associés pour procéder à une fusion complète ou pour des projets de développement à coûts partagés. Enasa n'a pas réussi à trouver un partenaire en vue d'une fusion, mais elle a conclu des accords de coopération technique avec DAF et ZF.

Enasa est actuellement le principal producteur de camions et d'autobus d'Espagne. En 1987, elle employait 6 959 personnes et a produit 12 980 véhicules civils et militaires. Enasa possède quatre unités de production en Espagne, à Madrid, Barcelone, Mataró (Barcelone) et Valladolid. Deux de ses filiales produisent elles aussi des véhicules, à savoir Seddon Atkinson au Royaume-Uni et Pegaso Venezuela. En outre, Enasa contrôle des filiales de distribution en Espagne, en France, au Benelux et au Chili, ainsi que plusieurs filiales plus petites spécialisées dans le financement.

En Espagne, Enasa dispose d'une capacité de production annuelle de 19 100 véhicules, 23 850 moteurs, 13 000 boîtes de vitesses, 15 000 essieux arrière, 18 000 cabines et de nombreux autres composants de taille plus réduite. Seddon Atkinson, qui est indépendant d'Enasa, a une capacité de production annuelle de 3 600 véhicules.

Enasa occupe la première place sur le marché espagnol des autobus et des poids lourds (40,7 % et 38,2 % respectivement en 1987) mais détient une part relativement peu importante du marché des camionnettes et fourgonnettes, sur lequel elle propose des modèles importés (VW et MAN) rebaptisés Enasa, tout en éliminant progressivement sa propre gamme de production. Seddon Atkinson, quant à elle, détient une faible part du marché britannique des camions. Enasa détient près de 3 % du Marché communautaire des camions de plus de 6 tonnes. Elle n'a cependant exporté que 600 véhicules environ vers les autres pays de la Communauté en 1987.

VI

Le plan de restructuration d'Enasa notifié à la Commission concerne la période 1986-1991 et coûtera 138,831 milliards de pesetas espagnoles (environ 1 milliard d'écus). Il prévoit la fermeture de trois unités de production obsolètes, celle de Valladolid, qui produit des fourgonnettes et des petits camions, celle de Madrid, qui fabrique des composants, et celle de Barcelone, où sont assemblés des autobus et qui produit des composants. Les dépenses de rationalisation (autres que les dépenses au titre des plans sociaux) que ces trois fermetures entraîneront s'élèvent à 2 milliards de pesetas espagnoles. Lorsque le plan aura été mis en œuvre, les capacités de production en Espagne seront les suivantes: 13 280 véhicules (-31 %), 18 800 moteurs (-21 %), 13 000 boîtes de vitesses, 15 000 essieux arrière, 17 300 cabines (-4 %) et une réduction du nombre des autres composants.

La surface qui sera libérée dans deux usines sera utilisée à d'autres fins. C'est ainsi qu'à Valladolid, de nouvelles installations seront mises en place pour la production de véhicules spéciaux et militaires (capacité annuelle: 1 080 véhicules). À Madrid, la place disponible sera utilisée principalement pour le stockage.

Pour améliorer la productivité des installations restant en activité, 39,394 milliards de pesetas espagnoles seront nécessaires pour réaliser des investissements matériels et financiers et pour les dépenses de recherche et développement. Compte non tenu de 1986, le plan d'investissement pour la période 1987-1991 peut être ventilé comme suit:

<emplacement tableau>

Ces investissements permettront à Enasa de porter sa production, au cours du plan de restructuration, de 11 984 véhicules civils en 1986 à 12 887 véhicules (+7,5 %) grâce à une plus forte utilisation des capacités restantes. En outre, dans les segments du marché où la production sera abandonnée, l'entreprise espère vendre en 1991, sous la marque Enasa, 8 677 véhicules importés pour conserver ou développer sa part de marché. Enasa pourra ainsi porter son chiffre d'affaires de 61,8 milliards de pesetas espagnoles en 1986 à 114,8 milliards de pesetas espagnoles en 1991.

Le plan prévoit de ramener les effectifs de 8 633 personnes à la fin de 1985 à 5 100 à la fin de 1991. La plupart de ces suppressions d'emploi se feront dans le cadre de plans onéreux de licenciements volontaires. Le coût total du volet social de la restructuration s'élèvera à 42,891 milliards de pesetas espagnoles.

Le plan de restructuration prévoit également le remboursement de 54,546 milliards de pesetas espagnoles de dettes financières nettes, ce qui permettra de ramener les charges financières à une proportion plus normale de 3,5 % du chiffre d'affaires d'ici 1991, contre 17 % en 1985. À la fin du plan de restructuration, Enasa aura un niveau d'endettement qui sera toujours deux fois plus élevé que son capital social et son endettement financier net correspondra à 23 % de son chiffre d'affaires.

Selon les chiffres actualisés les plus récents communiqués par les autorités espagnoles, le coût total (138,8 milliards de pesetas espagnoles) sera financé comme suit:

- par les ressources propres de l'entreprise (réduction du fonds de roulement, marge brute d'autofinancement positive et cession d'actifs) à concurrence de 30,355 milliards de pesetas espagnoles,

- par l'INI (apports en capital, contributions exceptionnelles et crédits d'impôt) à hauteur de 108,436 milliards de pesetas espagnoles.

VII

Le secteur européen des poids lourds (six tonnes et plus) connaît de graves problèmes depuis 1980, année où la production a atteint 421 000 unités environ. Celle-ci n'était plus que de 287 000 unités en 1986, soit 32 % de moins qu'en 1980. Cette diminution était partiellement imputable à la faiblesse de la demande sur le marché européen, mais principalement à une chute des exportations (de 184 000 à 90 000 unités seulement en 1986). La diminution des exportations a surtout concerné les pays en voie de développement d'Afrique et d'Asie, qui ont connu une baisse des prix du pétrole et des produits de base et où la concurrence japonaise a été particulièrement forte. Il en est résulté d'importantes surcapacités évaluées à 40 % environ en 1983/1984, une vive concurrence par les prix sur le marché européen et de graves difficultés financières pour les producteurs européens. En 1983 et 1984, on estime que leurs pertes nettes cumulées se sont élevées à 600 millions d'écus environ. Depuis 1984, point culminant de la crise, les producteurs européens ont engagé un processus de restructuration qui s'est traduit par des réductions de capacité et d'effectifs, des augmentations de productivité, des accords d'association en matière de développement de produits et, depuis 1986, par le retrait de plusieurs constructeurs (en 1986, General Motors s'est retiré, Ford a fusionné avec IVECO et, en 1987, Leyland a fusionné avec DAF). Cette restructuration a permis au secteur européen des poids lourds de s'adapter aux nouvelles structures de la demande (la surcapacité était estimée à 20 % en 1987). Enasa est actuellement le seul producteur de poids lourds déficitaire de la Communauté (exception faite des petits producteurs, pour lesquels les données financières disponibles sont incomplètes).

La situation du secteur européen des autobus est très semblable à celle des poids lourds, essentiellement parce que la plupart des constructeurs de poids lourds produisent aussi des autobus.

Il y a quatre producteurs de véhicules utilitaires (camions et/ou autobus) en Espagne: hormis Enasa, il y a RVI (Renault), Motor Iberica (Nissan) et Daimler-Benz. Il est à noter que les producteurs en question ont été protégés de la concurrence étrangère par un droit d'importation de 28 % jusqu'à l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Le taux de ce droit a été progressivement réduit et sera complètement supprimé d'ici la fin de 1992. La diminution de la protection tarifaire depuis 1986 a entraîné une forte progression des importations en Espagne, ce qui a conduit à des pertes de marché pour les producteurs espagnols.

VIII

Lors de son examen de la compatibilité avec le Marché commun des interventions publiques (montant total: 108,436 milliards de pesetas espagnoles) envisagées ou effectuées à l'appui du plan de restructuration d'Enasa, la Commission a déterminé dans quelle mesure ces interventions constituaient des aides au sens de l'article 92 du traité CEE.

En ce qui concerne les apports en capital de 12,5 milliards de pesetas espagnoles effectués en 1986, les autorités espagnoles ont apporté la preuve que la décision de procéder à cette injection de capital avait été prise avant le 1er janvier 1986, c'est-à-dire avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, et qu'elle avait été accordée en 1986 uniquement à cause des contraintes budgétaires de l'INI à l'époque. Cette somme comprend les 5 milliards de pesetas espagnoles pour lesquels la Commission a ouvert la première procédure et qui ont servi à financer les dépenses liées aux suppressions d'emploi qui ont été engagées entre 1983 et 1985. On peut considérer que les apports en capital de 12,5 milliards de pesetas espagnoles qui ont sauvé Enasa de la faillite en 1986 ne doivent pas être prises en considération dans la présente décision, parce que leur octroi a été décidé avant le 1er janvier 1986, c'est-à-dire avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté et, par conséquent, avant que celle-ci ne soit soumise au droit communautaire.

Les autres aides, d'un montant de 95,976 milliards de pesetas espagnoles, ont été notifiées à la Commission en liaison avec le plan de restructuration concernant la période 1987/1991 et se composent de trois éléments:

- des crédits d'impôt de 21,040 milliards de pesetas espagnoles,

- des apports en capital de 34,317 milliards de pesetas espagnoles,

- des contributions exceptionnelles de 40,619 milliards de pesetas espagnoles.

En ce qui concerne les crédits d'impôt estimés à 21,040 milliards de pesetas espagnoles, les autorités espagnoles ont fourni la preuve, par notes des 15 et 24 février 1989, qu'il y a un régime fiscal très particulier en Espagne, mis en place par le décret royal no 1414/77, qui permet de consolider les reports fiscaux au niveau du groupe. Le résultat net du groupe consolidé est alors la seule base imposable et il est possible de déduire les reports fiscaux du groupe des bénéfices futurs de ce dernier au cours des cinq exercices suivants. Par décret ministériel du 2 février 1987, le ministère espagnol de l'économie et des finances a offert au groupe INI la possibilité de bénéficier de ce régime pour les exercices 1986, 1987 et 1988. Pendant ces trois exercices, les reports fiscaux d'Enasa ne pouvaient être utilisés par l'INI que dans la mesure où le groupe enregistrait des pertes pendant lesdits exercices. Enasa a perdu automatiquement son droit de bénéficier de ses reports fiscaux au cours de ces trois années.

Comme d'autres groupes industriels espagnols qui bénéficient de ce régime fiscal particulier, l'INI a mis au point un mécanisme permettant de répartir le paiement de l'impôt et les reports fiscaux entre ses filiales. Les filiales qui réalisent des bénéfices doivent payer 35 % à l'INI, qui accorde à ses filiales déficitaires un crédit d'impôt à concurrence de 28 % du montant des pertes (27 % jusqu'en 1987). Ce pourcentage est basé sur le niveau maximal des avantages fiscaux accordés pour les investissements. L'INI même a enregistré des pertes en 1986 et 1987, pour lesquelles il a obtenu un crédit d'impôt. En 1988, il a réalisé des bénéfices et pourra utiliser une partie du report fiscal constitué au cours des années précédentes. On s'attend à ce que l'INI bénéficie une nouvelle fois de ce régime après 1988.

Les crédits d'impôt évalués à 21,040 milliards de pesetas espagnoles équivalent aux reports fiscaux normaux résultant des pertes d'Enasa, dont bénéficie la société mère INI. Comme ce montant correspond à un avantage offert par le régime fiscal espagnol, il ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

En ce qui concerne les apports en capital d'un montant de 34,317 milliards de pesetas espagnoles, dont 29,117 milliards de pesetas espagnoles sont destinés à couvrir les pertes d'exploitation cumulées et 5,2 milliards de pesetas espagnoles, à reconstituer le capital social d'Enasa, il s'agit d'aides d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

La Commission a défini sa position à l'égard des participations des autorités publiques dans les capitaux des entreprises en septembre 1984 et en a informé les États membres par lettre du 17 septembre 1984. Aux termes de cette communication, il s'agit d'aides d'État quand il y a apport par les pouvoirs publics de capital neuf dans des entreprises si cet apport est réalisé dans des circonstances qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché. Tel est le cas lorsque la situation financière de l'entreprise et notamment la structure et le volume de l'endettement sont tels qu'il ne paraît pas justifié d'escompter un rendement normal (en dividendes ou en valeur) des capitaux investis dans un délai raisonnable ou lorsque l'entreprise ne serait pas, du seul fait de l'insuffisance de sa marge brute d'autofinancement, en mesure d'obtenir sur le marché des capitaux les moyens financiers nécessaires pour effectuer un programme d'investissements.

Comme Enasa a continuellement subi des pertes, qui ont fortement augmenté à partir de 1985 (17 milliards de pesetas espagnoles en 1985, 24 milliards en 1986 et 11 milliards en 1987), et comme son endettement net s'est aggravé pour s'élever à 89,3 milliards de pesetas espagnoles à la fin de 1986, les apports en capital de 9,117 milliards de pesetas espagnoles constituent des aides d'État parce que, dans ces circonstances, un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché n'aurait pas réalisé cet investissement.

La Commission ne peut pas non plus accepter l'argument selon lequel ces apports ont couvert les pertes subies avant 1986, parce qu'aucune décision formelle de procéder à ces injections de capital n'a été prise avant 1986.

L'apport en capital résiduel de 5,2 milliards de pesetas espagnoles est exclusivement lié à des projets militaires s'inscrivant dans le cadre de la politique nationale de défense. Les investissements et les aides spécifiques concernant la production de véhicules militaires relèvent des dispositions de l'article 223 paragraphe 1 lettre b) du traité CEE et n'ont donc pas été pris en considération par la Commission dans le cas d'espèce.

En ce qui concerne les contributions exceptionnelles de 40,619 milliards de pesetas espagnoles qui sont destinées à couvrir les dépenses pluriannuelles de restructuration, il s'agit d'aides d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE. En effet, l'actionnaire public a fourni ces contributions pour financer des dépenses exceptionnelles précises d'Enasa, à savoir

- la recherche et le développement à long terme (1,363 milliard de pesetas espagnoles),

- les pertes de change (5,218 milliards de pesetas espagnoles),

- les licenciements volontaires (34,038 milliards de pesetas espagnoles).

Ces dépenses devraient normalement être supportées par l'entreprise même. Le financement par l'INI de la totalité des dépenses exceptionnelles d'Enasa permet à celle-ci d'obtenir artificiellement un avantage financier par rapport à ses concurrents, qui doivent supporter eux-mêmes ces dépenses. Ces contributions ne peuvent pas non plus être considérées comme des investissements, parce qu'elles ont été octroyées par l'INI sous la forme de subventions, sans que le capital social en soit modifié.

En conséquence, sur un total de 108,436 milliards de pesetas espagnoles, 69,736 milliards de pesetas espagnoles sont des aides d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE, compte tenu également de l'importance des échanges intracommunautaires de produits fabriqués par Enasa. En fait les échanges intracommunautaires de poids lours et d'autobus ont porté sur 101 147 unités en 1987, dont 11 484 unités, soit 11,4 %, ont été exportées d'Espagne vers les autres États membres. En 1987, Enasa détenait 3 % du Marché communautaire des poids lourds. En 1986, Enasa a exporté 314 autobus et camions vers les autres pays de la Communauté et espère porter ses exportations intracommunautaires à 1 740 unités d'ici 1991. En conséquence, les aides affectent les échanges entre États membres et menacent de fausser la concurrence au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

IX

L'article 92 paragraphe 3 du traité énumère les aides qui peuvent être compatibles avec le Marché commun. La compatibilité avec le traité doit être appréciée au niveau communautaire et non au niveau d'un seul État membre.

Pour garantir le bon fonctionnement du Marché commun et compte tenu des principes énoncés à l'article 3 point a lettre f) du traité, les dérogations au principe défini à l'article 92 paragraphe 1, qui sont énoncées à l'article 92 paragraphe 3, doivent être interprétées de manière stricte lorsqu'un régime d'aide ou un cas individuel d'application est examiné.

Elles ne sont applicables, en particulier, que si la Commission est à même d'établir que, sans l'aide, le jeu des forces du marché ne permettrait pas d'obtenir à lui seul du futur bénéficiaire qu'il adopte un comportement contribuant à atteindre l'un des objectifs visés à ces dérogations.

En ce qui concerne les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 lettres a) et c) et relatives aux aides destinées à favoriser ou à faciliter le développement de certaines régions, l'application de l'aide considérée ne peut pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article susvisé. Bien que l'une des unités de production d'Enasa (celle de Valladolid) soit située dans une zone bénéficiant d'aides régionales, les mesures considérées ne sont pas destinées à développer spécifiquement la région en question, mais à permettre la restructuration d'une entreprise opérant dans le pays tout entier. En outre, les aides concernent le financement d'investissements dont une faible partie seulement est réalisée dans cette région. La notion de développement régional à laquelle est liée la dérogation prévue à l'article 93 paragraphe 3 lettre a) s'appuie essentiellement sur l'octroi d'aides en vue de la réalisation de nouveaux investissements, d'augmentations importantes des capacités ou de transformations d'entreprises nécessitant d'effectuer des investissements corporels et de supporter les coûts annexes liés à ces investissements. Dans le cas d'espèce, les investissements prévus dans le cadre du plan de restructuration concernant l'usine de Valladolid s'élèvent à 510 millions de pesetas espagnoles seulement, c'est-à-dire à peine 1,5 % du montant total des investissements et 0,4 % des dépenses de restructuration.

En ce qui concerne les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 lettre b), il ressort de ce qui précède que l'aide en question n'était pas destinée et ne se prêtait pas à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie espagnole. Le Gouvernement espagnol n'a d'ailleurs pas invoqué cette dérogation.

En ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 lettre c) pour les " aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques ", la Commission peut considérer certaines aides à la restructuration comme étant compatibles avec le Marché commun si elles sont nécessaires au développement du secteur d'un point de vue communautaire et si elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (1).

Le plan de restructuration permettra de réduire la capacité d'assemblage d'Enasa de 31 %, essentiellement par le biais de la fermeture de l'usine de Valladolid, qui produit des fourgonnettes et des camionnettes. La capacité sera également réduite pour les composants (fermeture de deux unités et forte réduction de la capacité de production de moteurs). Les capacités restantes seront modernisées et intégrées de façon à produire un grand nombre de nouveaux modèles axés sur des segments de marché moins nombreux. L'usine de Valladolid sera, après sa fermeture, transformée de façon à produire des véhicules spéciaux et des véhicules militaires.

La Commission a procédé à un examen approfondi du plan de restructuration et a conclu qu'il permettait d'assurer le redressement technique, économique et financier de l'entreprise en abaissant le seuil de rentabilité, ce qui garantira que l'entreprise sera de nouveau rentable à l'avenir. En outre, la réduction des capacités garantit qu'Enasa ne pourra pas augmenter sa part du Marché communautaire des poids lourds et autobus. Par ailleurs, on s'attend à ce que la poursuite de la diminution des droits de douane fasse perdre de nouvelles parts de marché à Enasa en Espagne.

Cette restructuration contribue à la restructuration générale du secteur des poids lourds et autobus au niveau communautaire. En 1986, année où le plan de restructuration d'Enasa a été élaboré, le secteur des camions et autobus connaissait encore une importante surcapacité et tous les autres producteurs de la Communauté adaptaient leur production et leur capacité à la diminution de la demande en supprimant leurs capacités excédentaires pour les camions et autobus et en réduisant la gamme des véhicules qu'ils produisaient eux-mêmes. Par conséquent, Enasa apporte une contribution importante à la rationalisation du secteur en question au niveau communautaire.

La Commission a également tenu compte, dans son appréciation, du fait qu'Enasa opérait il y a quelques années sur un marché national très protégé, sans devoir faire face à la forte concurrence des autres producteurs européens. Cette absence de concurrence a eu une influence directe négative sur la compétitivité et la situation générale de l'entreprise. L'adhésion de l'Espagne à la Communauté et l'ouverture progressive qui en a résulté du marché espagnol des véhicules utilitaires à la concurrence communautaire ont contraint Enasa à adapter sa structure de production à la concurrence internationale dans des conditions très draconiennes et dans des délais relativement courts. En conséquence, les aides contribuent à l'adaptation nécessaire de l'entreprise à la concurrence plus forte existant dans le Marché commun.

Il est possible de comparer, dans une certaine mesure, la situation d'Enasa avec la situation précaire des filiales " autobus et poids lourds " de Renault et du groupe Rover il y a deux ans, à savoir RVI, d'une part, et Leyland Bus et Leyland Trucks, d'autre part. Cette situation se caractérise par la perte continuelle de parts de marché, un énorme endettement consécutif à plusieurs années de pertes très importantes, un niveau de productivité nettement inférieur à celui des concurrents, une gamme de production vieillissante et trop diversifiée, une absence d'intégration des divers sites de production et enfin, ce qui n'est pas la moindre des caractéristiques, par un grave problème de sureffectif. On retrouve également la volonté de la société même et de l'actionnaire public de réorganiser profondément l'entreprise et de faire les sacrifices sociaux nécessaires pour sortir du cercle vicieux et retrouver la rentabilité. Cette réorganisation suppose non seulement un long effort continu de restructuration technique, économique et financière, mais aussi la mise en œuvre d'un programme de rationalisation onéreux.

Par le biais de ses décisions du 18 mars 1987 concernant la restructuration et la privatisation des filiales " poids lourds et autobus " du groupe Rover et du 29 mars 1988 concernant la restructuration du groupe Renault, qui incluait la restructuration de sa filiale " poids lourds RVI ", la Commission a autorisé dans les deux cas l'octroi d'aide substantielle sous forme d'apports en capital. Les plans de restructuration des deux producteurs de véhicules utilitaires prévoyaient des réductions de capacité importantes et de nombreux licenciements. Dans l'un et l'autre cas, la Commission s'est assurée que l'aide était proportionnée à la gravité du problème qu'il s'agissait de résoudre, que les distorsions de concurrence étaient réduites au minimum et que le plan de restructuration permettait de garantir le redressement des entreprises.

En ce qui concerne Enasa, la Commission est arrivée à la conclusion que, si la restructuration garantit le redressement de l'entreprise, les aides envisagées doivent cependant être considérées comme excessives quand on les compare au coût total de la restructuration et des investissements. En effet, le montant total des aides (69,736 milliards de pesetas espagnoles) est très élevé par rapport au coût du plan de restructuration pour la période 1987/1991, à savoir 128,434 milliards de pesetas espagnoles (à l'exclusion des projets militaires), ce qui représente 54 % (2). Le niveau de l'aide est donc nettement supérieur à la réduction prévue de la capacité (31 %). En outre, il aurait pour effet de placer l'entreprise dans une situation financière plus favorable que celle de ses concurrents de la Communauté.

En conséquence, la Commission, après avoir consulté les autorités espagnoles, a examiné dans quelle proportion il était possible de réduire l'aide sans compromettre le redressement technique, économique et financier de l'entreprise de façon à ce que le niveau de l'aide qui doit être accordée soit, par rapport au coût total du plan de restructuration, proportionnel à la gravité des problèmes que le plan s'efforce de résoudre, à savoir la surcapacité qui doit être supprimée dans l'entreprise par le biais de réductions des capacités existantes.

La Commission est parvenue à la conclusion qu'il conviendrait de réduire l'aide de 23 milliards de pesetas espagnoles à 46,736 milliards de pesetas espagnoles, ce qui ramènerait son intensité à 36 %, alors que la réduction prévue de la capacité est de 31 %. L'endettement financier net du groupe qui, à la fin de 1986, s'élevait, selon les comptes des sociétés, à 89,275 milliards de pesetas espagnoles, sera ramené à moins de 50 milliards de pesetas espagnoles à la fin de 1991. La Commission estime cependant que ces deux chiffres sont surestimés, parce qu'ils incluent au minimum 10 milliards de pesetas espagnoles de dettes commerciales qu'elle a pu identifier comme étant un fonds de roulement et qu'elle ne peut pas considérer comme étant un endettement financier net en vertu des principes définis dans sa décision 89-58-CEE concernant le groupe Rover (3). En conséquence, la Commission considère que l'endettement financier net de l'entreprise à la fin de 1986 et de 1991 était et sera respectivement de 79,3 milliards de pesetas espagnoles et 40 milliards de pesetas espagnoles. Il en résulte que, malgré la réduction de 23 milliards de pesetas espagnoles du montant de l'aide, le rapport endettement financier/chiffre d'affaires s'améliorera, passant de 106 % à la fin de 1986 à 35 % à la fin de 1991.

Les charges financières plus importantes que l'entreprise devra supporter du fait de la réduction du volume de l'aide ne l'empêcheront pas d'être rentable à l'issue de la mise en œuvre du plan de restructuration. En outre, malgré la réduction en question, la situation nette de l'entreprise s'améliorera, passant de moins 16,6 milliards de pesetas espagnoles avant la mise en œuvre du plan de restructuration à une valeur positive estimée à 4,4 milliards de pesetas espagnoles à l'issue de la réalisation du plan.

Ce qui précède montre que la réduction de 23 milliards de pesetas espagnoles du volume de l'aide ne compromettra pas le succès de la restructuration technique, économique et financière. Une réduction plus importante de l'aide compromettrait cependant fortement le succès du volet financier du plan de restructuration.

En conclusion, l'aide d'un montant de 46,736 milliards de pesetas espagnoles qui doit être accordée à Enasa garantira le redressement de l'entreprise sur le plan technique, économique et financier et contribuera, par le biais de la restructuration envisagée, à résoudre les problèmes structurels auxquels le secteur communautaire des poids lourds et autobus est toujours confronté et qu'il pourrait connaître dans un avenir proche. C'est pourquoi la Commission considère que l'aide facilite le développement du secteur concerné au niveau communautaire sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

La limitation de l'incidence défavorable de l'aide sur les échanges dépend cependant, pour une large part, de la mise en œuvre, dans les délais prévus, de la restructuration future conformément aux dispositions du plan de restructuration notifié. En outre, il convient de veiller à ce que les contributions financières qui ne sont pas considérées comme des aides ne soient pas supérieures aux prévisions communiquées à la Commission.

En conséquence, si la Commission considère que la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 lettre c) est applicable à l'aide de 46,736 milliards de pesetas espagnoles qui doit être accordée à Enasa d'ici 1991, son autorisation n'est valable que si certaines conditions sont remplies, de façon à garantir que les conditions des échanges dans le secteur concerné ne soient pas altérées dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les aides en faveur d'Enasa d'un montant de 69,736 milliards de pesetas espagnoles, qui constituent l'élément d'aide des mesures notifiées par les pouvoirs publics à l'appui du plan de restructuration concernant la période 1987/1991, sont compatibles avec le Marché commun, en vertu de l'article 92 paragraphe 3 lettre c), jusqu'à concurrence de 46,736 milliards de pesetas espagnoles et peuvent être accordées à la condition que le Gouvernement espagnol:

1) s'abstienne d'accorder à Enasa toute aide supplémentaire sous la forme d'apport en capital et s'abstienne d'accorder toute autre forme d'aide dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire avant la fin de 1991, c'est-à-dire avant la fin de la mise en œuvre du plan de restructuration;

2) veille à ce qu'Enasa ait terminé la mise en œuvre de son plan de restructuration d'ici la fin de 1991 selon les modalités communiquées à la Commission.

Pendant toute la durée de la mise en œuvre de ce plan, le Gouvernement espagnol communique à la Commission un rapport semestriel concernant l'effort de restructuration d'Enasa, ses résultats commerciaux, les modifications de ses capacités, sa production, sa politique de prix et ses exportations intracommunautaires par produit, ainsi que le montant des aides et des crédits qu'elle a finalement reçus de l'INI au cours du semestre précédent. Le premier rapport concernant le premier semestre de 1989 doit être communiqué à la Commission avant la fin septembre 1989.

Article 2

La partie résiduelle de l'aide notifiée en faveur d'Enasa, d'un montant de 23 milliards de pesetas espagnoles, constitue une aide d'État qui est incompatible avec le Marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE et qui ne doit donc pas être accordée.

Article 3

Le Gouvernement espagnol informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) Voir l'arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1980, affaire 730/79, Philip Morris (Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1980, p. 2671).

(2) Faute de taux d'intérêt de référence convenu pour l'Espagne, il n'a pas été possible d'actualiser le montant des aides ni les dépenses de restructuration.

(3) JO no L 25 du 28. 1. 1989, p. 92.