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Décisions

ADLC, 22 juillet 2010, n° 10-DCC-79

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés La Compagnie de Formation Chezy (CFC) et Forteam par Duke Street Holdings Ltd

ADLC n° 10-DCC-79

22 juillet 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 11 juin 2010, déclaré complet le 17 juin 2010 relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Compagnie de Formation Chezy (CFC) et Forteam par FCPR Duke Street Capital VI et Parallel Private Equity Duke Street Limited ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. FCPR Duke Street Capital VI est un fonds commun de placement à risque dont la gestion est assurée par la société de droit français Duke Street SAS. Parallel Private Equity Duke Street Limited Patnership est un véhicule d'investissement géré et contrôlé par la société de droit anglais Duke Street General Partner Limited. Ces deux sociétés de gestion sont contrôlées in fine par la société Duke Street Holdings Ltd (ci-après " DSC). Les investisseurs des fonds gérés par DSC sont principalement des banques, des compagnies d'assurances ou des fonds de pension qui n'exercent aucun contrôle sur ceux-ci. Les fonds gérés par DSC détiennent des participations contrôlantes dans le capital d'entreprises actives dans différents domaines d'activité tels que les soins dentaires, les produits alimentaires et non-alimentaires, les équipements nautiques, les pièces de précisions en alliage, les solutions de protection contre l'usure, les services informatiques, le diagnostic médical, le rachat et le recouvrement de créances, les guichets automatiques et les réseaux de paiement pour les consommateurs. Les sociétés détenues par les fonds gérés par DSC ont réalisé, en 2009, un chiffre d'affaires mondial hors taxes de 2 688,2 millions d'euro dont 285 millions d'euro en France.

2. La Compagnie de Formation Chezy (ci-après " CFC ") est une société anonyme dont l'essentiel du capital se répartit entre les époux X ([>50] %) et Monsieur Y ([<50] %). CFC et ses filiales constituent un groupe d'enseignement supérieur privé et de formation professionnelle qui compte plus de 17 000 étudiants et stagiaires en France. Elle intervient sur le marché via sept écoles (Ecole Pigier, l'Esicad, l'Iscom, Mercure, Ecole internationale Tunon, It Learning Academy, Plus Values) implantées dans plusieurs grandes villes françaises. En 2009, le groupe CFC a réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes de 50,2 millions d'euro dont 50,1 millions réalisés en France.

3. La société Forteam (ci-après " Forteam ") est une société par actions simplifiée dont le capital est détenu directement par la société Institut des Participations de l'Ouest (ci-après " IPO ") et indirectement par les époux Z et les époux A. Forteam et ses filiales sont principalement actifs dans le domaine de la formation professionnelle, des services informatiques et des ressources humaines. Seules ses activités d'enseignement et de formation dispensées par ses filiales Certec, Aftec, Forteam Formation et l'Ecole Supérieure des pays de Loire, seront cédées dans le cadre de la présente opération. Le groupe Forteam a réalisé en 2009, au titre des seules activités cédées, un chiffre d'affaires total hors taxes de 15,8 millions d'euro, exclusivement en France.

4. Pour les besoins de l'opération, une société par actions simplifiée nommée Eduservices (ci-après " Eduservices ") a été constituée par l'acquéreur. Celle-ci acquerra 100 % du capital de CFC et 100 % du capital de Forteam selon les termes prévus par deux contrats de cession.

5. Aux termes du premier, en date du 2 juin 2010, Eduservices s'engage à acquérir l'intégralité du capital et des droits de vote de Forteam auprès d'IPO, des époux Z et des époux A. A son article 3.1 (i), le contrat précise que la réalisation de l'opération d'acquisition de CFC par Eduservices est une condition suspensive de la cession de Forteam à Eduservices.

6. Le second contrat de cession, en date du 10 juin 2010, a été conclu entre Eduservices d'une part, et Monsieur Y et la société Ubibène Grascolo, structure créée par les époux X pour les besoins de l'apport d'actions CFC qu'ils détiennent, d'autre part. En effet, les époux X souhaitent, à l'occasion de l'opération, prendre une participation minoritaire au capital d'Eduservices via la société Ubibène Grascolo.

7. Si l'opération d'acquisition de Forteam ne peut se faire à défaut de la réalisation de l'autre opération, l'inverse n'est pas vrai. Toutefois, conformément à la communication consolidée de la Commission européenne " si une conditionnalité de fait peut être établie de manière satisfaisante, elle peut également être suffisante pour permettre de considérer les opérations comme une opération de concentration unique ". Elle souligne à cet égard que " l'interdépendance d'opérations multiples peut apparaître au vu des déclarations faites par les parties elles-mêmes ou de la conclusion simultanée des accords en cause " (1). La Commission européenne indique aussi que " les opérations qui constituent un tout en fonction des objectifs économiques poursuivis par les parties doivent également être appréciées dans le cadre d'une seule et même procédure. Dans ces cas, la modification de la structure du marché est induite par l'ensemble de ces opérations mises bout à bout. " (2). Au cas d'espèce, l'acquisition de CFC et Forteam est concomitante, voulue et organisée comme telle par les parties. Ces acquisitions portent sur un même secteur d'activité et poursuivent un même objectif économique. Il peut donc être considérer que ces deux acquisitions constituent une opération unique.

8. A l'issue de l'opération, les époux X via la société Ubibène Grascolo conserveront une participation minoritaire dans le capital d'Eduservices. Il sera alors détenu par DSC à hauteur de [>50]% et par Ubibène Grascolo à hauteur de [<50] %. Il ressort du projet de statuts constitutifs d'Eduservices que les droits consentis à Ubibène Grascolo n'excèderont pas ce qui est normalement consenti à un actionnaire minoritaire pour la protection de ses intérêts financiers. DSC exercera donc un contrôle exclusif sur Eduservices, détenteur de l'intégralité du capital des sociétés Forteam et CFC.

9. La prise de contrôle exclusif par DSC, via Eduservices, des sociétés CFC et Forteam, constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

10. Forteam et CFC sont simultanément présentes dans le secteur de l'enseignement supérieur privé et de la formation professionnelle. L'acquéreur, pour sa part, n'est pas présent dans ce secteur d'activité.

11. Les écoles et instituts de formation, filiales des parties, proposent des formations de différentes natures, formation initiale ou par alternance et formation professionnelle continue, dans différents domaines : commerce et gestion d'entreprise, métiers de la création et de la communication, tourisme, hôtellerie, santé et secteur paramédical.

A. LES MARCHES DE SERVICES

12. L'article L. 6111-1 du Code du travail définit la formation professionnelle : " La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l'apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent. "

13. La formation professionnelle continue s'adresse à des salariés ou des demandeurs d'emploi qui, bien qu'étant "consommateurs" finaux de formation, n'expriment pas souvent une demande directe et ne sont que rarement les acheteurs directs du stage de formation. La demande émane plus fréquemment des entreprises et des collectivités publiques à qui il appartient de définir le profil des publics bénéficiaires (3).

14. La pratique décisionnelle communautaire a distingué, sur le marché des formations en informatique, les formations suivies par des adultes à des fins professionnelles de celles fournies à de plus jeunes publics dans un cadre éducatif, invoquant notamment les différences d'âge et d'attentes des stagiaires et les différences qui en découlent en termes de présentation des enseignements (4).

15. Ainsi, une première segmentation de marché peut être envisagée entre la formation initiale ou par alternance d'une part, et la formation professionnelle continue d'autre part.

1. LES MARCHES DE LA FORMATION INITIALE OU PAR ALTERNANCE

16. Plusieurs axes de segmentation peuvent être envisagés :

- selon la nature du cycle de formation : entre formation initiale à temps plein et formation par alternance,

- selon le domaine de formation,

- selon la durée du cycle des études,

- entre l'enseignement public et l'enseignement supérieur privé.

a) Segmentation selon la nature du cycle de formation

17. L'enseignement supérieur propose deux modalités de formation : la formation initiale, à temps plein, et la formation par alternance qui combine périodes en entreprises et en organismes de formation. Il ressort de l'instruction que les étudiants issus du secondaire optant pour l'alternance, recherchent avant tout une formation rémunérée. L'étudiant en alternance a le statut de salarié et perçoit l'alternance comme un moyen d'obtenir un financement pour ses études. La demande de formation initiale à temps plein est de nature différente : l'étudiant diffère son entrée sur le marché du travail et consent un investissement de long terme pour lequel il s'acquitte de l'intégralité des frais de scolarité en début d'année.

18. Les offreurs de formations initiales ne proposent pas toujours une offre équivalente sur le mode de l'alternance, voire ils ne proposent pas de cycles en alternance. L'offre de formations en alternance et à temps plein implique une organisation différente selon la nature de la formation (effectifs séparés, aménagements pédagogiques, désignation d'un tuteur ou d'un maître d'apprentissage pour les étudiants alternants etc.). Les instituts de formation proposant des contrats d'apprentissage - modalité particulière de l'alternance (5) -, dits centres de formation d'apprentis (CFA) doivent être conventionnés (6).

19. Au surplus, l'ensemble des sources publiques d'information et d'orientation des jeunes scindent les informations relatives à la formation initiale de celles sur l'alternance, un portail d'information public exclusivement dédié à l'alternance a été créé en mai 2010 (7).

20. Au regard de ces éléments, une segmentation sera retenue, au cas d'espèce, entre la formation par alternance et la formation initiale.

b) Segmentation selon le domaine de formation

21. Les parties suggèrent une segmentation des marchés par filières de formation par analogie avec les secteurs d'intervention envisagés par la pratique nationale en matière de formation professionnelle (8). Selon la spécialisation choisie par l'étudiant, l'offre de formation se restreint aux seules écoles, instituts ou universités proposant cette spécialité. Les parties proposent de retenir a minima les filières dans lesquelles elles sont présentes comme segments de marché possibles à savoir Commerce/Gestion, Tourisme/Hôtellerie/Accueil, santé/Paramédical/Médico-social, Métiers de l'image et de la Communication/Création, Technologie de l'information. Selon leurs estimations, ces spécialités concernent 53% des effectifs annuels dans l'enseignement supérieur français.

22. Plusieurs éléments confirment la non substituabilité des spécialités de formation entre elles tant du point de vue de la demande ou de la structure de l'offre. Du point de vue de la demande, le choix d'une spécialité conduit le demandeur à ne considérer que les écoles et universités offrant une formation dans ce domaine. De plus, la structure de l'offre diffère par domaine. Certains domaines comme les matières littéraires, la préparation aux métiers de l'enseignement, de la recherche, sont l'apanage de l'université publique et ne sont pas proposées par des instituts de formations privés pour des raisons historiques ou de débouchés professionnels. Inversement, dans certaines spécialités, l'offre du secteur public paraît structurellement insuffisante voire inexistante (classes préparatoires aux études d'ostéopathie, kinésithérapie, écoles d'art ou de journalisme etc.) (9).

23. En ce qui concerne plus spécifiquement le domaine du commerce et de la gestion d'entreprise, l'offre est elle même segmentée : la réputation de certains instituts ou écoles auprès des recruteurs, rend ces derniers peu substituables avec d'autres acteurs du marché national. L'attractivité des grandes écoles de commerces (HEC, ESSEC, ESCP, etc.) confère à ces acteurs un important pouvoir de marché vis-à-vis des étudiants et une hausse de leurs frais de scolarité n'aurait probablement pas pour effet de diminuer le nombre de candidats aux concours d'entrée de ces écoles. Par leur positionnement, ces acteurs cherchent à être concurrentiels aussi bien vis-à-vis d'établissements internationaux de renom (Harvard Business School, Stanford etc.) que des autres écoles de commerce françaises.

24. Au regard de ce qui précède, une segmentation par domaine de formation peut être envisagée. La typologie partielle proposée par les parties semble correspondre à ce qui figure dans les catalogues de formation d'une part, et à la nomenclature interministérielle des spécialités de formations10 d'autre part. Elle sera donc utilisée, au cas d'espèce, pour apprécier les effets de l'opération. Pour le domaine du commerce et de la gestion d'entreprise, il sera considéré que les plus grandes écoles de commerce constituent un marché distinct.

c) Segmentation selon la durée du cycle d'études

25. Outre le domaine de spécialisation, la durée du cycle d'études constitue un paramètre important dans les choix d'orientation des étudiants. Couramment exprimée en années post-baccalauréat (Bac+2 etc.), la durée des formations renvoie à un niveau de qualification facilement identifiable par les recruteurs comme par les étudiants, et auquel correspondent des types d'emploi et des prétentions salariales sur le marché du travail.

26. En matière d'investissement éducatif, différentes études ont relevé que le comportement des individus pourrait être modélisé comme le résultat d'un calcul coûts-avantages pondéré par leur probabilité de réussite, sous contraintes des données sociologiques individuelles11. Ce phénomène d'auto-sélection conduit certains étudiants à privilégier une formation courte afin d'accéder plus rapidement au marché du travail, d'autres préfèreront investir dans une formation plus longue ou maximiser leurs chances de réussite en passant par une école préparatoire. Il ressort d'études statistiques menées auprès des bacheliers choisissant des cycles courts de type BTS ou DUT (12), une vraie motivation pour des études courtes (13). La distinction entre études longues et études courtes semble être un critère déterminant du point de vue de la demande.

27. Les critères de spécialisation et de durée des cycles d'études sont interdépendants. Certaines spécialités offertes par les parties, comme les formations aux métiers de l'hôtellerie et du tourisme sont presque systématiquement proposées en cycles courts. Ainsi, on estime que 92 % des étudiants souhaitant se former en Hôtellerie/Tourisme/ Accueil ont opté pour des cursus courts de type BTS (14).

28. La réforme dite " LMD " (Licence-Master-Doctorat) vise à harmoniser les niveaux de sortie de l'enseignement supérieur à l'échelle européenne. Le système repose sur trois niveaux : la licence, correspondant à un Bac+3, le master à un Bac+5 et le doctorat à un Bac+8. La conversion des diplômes existants selon la grille LMD se met en place progressivement en France, elle est jugée incontournable par les acteurs interrogés. Par conséquent, si une segmentation selon le niveau de diplôme ou la durée du cycle d'études devait être envisagée, elle devrait se faire selon la classification LMD.

29. Toutefois, les parties n'ont pas été en mesure de transmettre leurs parts de marché sur les segments Licence (Bac+3) et Master (Bac+5) sur lesquels elles sont présentes, leurs propres diplômes n'ayant pas toujours été convertis et les statistiques relatifs aux effectifs étudiants par filière n'étant pas encore disponibles selon cette classification. Elles ont estimé leurs parts de marché entre les filières dites courtes (Bac+2) et les filières plus longues (Bac + 3 à Bac+5).

30. Au cas d'espèce, le marché des formations initiales par domaine de formation fera l'objet d'une analyse selon qu'il s'agit d'une formation longue (Bac+3 et au-delà) ou courte (Bac+2).

d) Segmentation entre l'enseignement public et l'enseignement supérieur privé

31. Les parties soulignent que la concurrence est vive entre acteurs publics et acteurs privés et que les étudiants envisagent l'ensemble des formations qui leurs sont proposées indépendamment du statut de l'établissement.

32. Toutefois, l'Autorité de la Concurrence considère qu'un écart de prix substantiel et durable entre des produits ou services est un indice de non substituabilité et de non appartenance au même marché (15). Un écart de prix peut être la cause, ou la conséquence, de l'absence de substituabilité.

33. Les parties estiment que les frais de scolarité moyens d'un cycle de formation initiale dans le secteur de l'enseignement privé s'élèvent à 5097 euro par an et par étudiant (16). Par comparaison, le montant des droits d'inscription dans un cursus de formation universitaire s'élevait en, en 2009, à 171 euro pour un diplôme de licence, 231 euro pour un diplôme de master et 350 euro pour un doctorat (17).

34. Le test de marché a indiqué qu'une part importante des bacheliers écarte les cycles offerts par l'enseignement privé au seul motif des frais de scolarité.

35. De plus, l'enseignement supérieur privé est perçu par certains demandeurs comme plus qualitatif dans la manière d'encadrer l'étudiant, de suivre sa progression, de lui enseigner un savoir plus professionnalisant et moins théorique qu'à l'université. Ces spécificités font que certaines familles, notamment dans la filière Commerce/gestion, s'adressent presque automatiquement au secteur privé, selon le test de marché. Une perception qui serait renforcée par les taux d'échec affichés par les universités, soit 50 % des inscrits en première année qui sont en situation d'échec au terme de leurs deux premiers semestres (18).

36. Toutefois, l'identification des acteurs qui relèvent du secteur privé est difficile tant les statuts juridiques (établissement de droit public, structures associatives, consulaires, sociétés de droit privé etc.) et les situations (reconnaissance ou non par l'État, homologation ou non des diplômes délivrés, subventionnement public etc.) sont hétérogènes. La perception des demandeurs est également très floue. Par conséquent, le seul critère du niveau des frais de scolarité sera retenu distinguant d'une part l'enseignement supérieur dispensé par les universités (incluant les IUT) et les lycées publics (classes préparatoires aux grandes écoles, sections de techniciens supérieurs) du reste de l'enseignement supérieur.

2. LE MARCHE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE

37. La pratique décisionnelle nationale a envisagé de délimiter le marché de la formation professionnelle selon les secteurs d'intervention tout en laissant ouverte la définition précise de ces segments de marché (19).

38. Le Conseil de la Concurrence, dans son avis n° 08-A-10 du 18 juin 2008 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP), souligne la grande diversité des acteurs et des situations sur le marché de la formation professionnelle. Ainsi " 45 777 établissements dispensateurs de formation ont effectivement réalisé des actions de formation professionnelle, ce qui représente un chiffre d'affaires global de 8,8 milliards d'euro. Les prestataires individuels, bien que numériquement importants sur le marché (30%), n'en réalisent qu'une faible part, environ 4%. 13 500 établissements, soit environ le quart du total des organismes qui interviennent dans le secteur, ont l'enseignement ou la formation comme activité principale (+ 2,1%). En 2004, ces 13 500 opérateurs ont dégagé un chiffre d'affaires de 5,4 milliards d'euro. Ils représentent ainsi 60% du chiffre d'affaires global du marché. Les organismes appartenant au secteur public et assimilé, y compris les structures régionales de l'AFPA (20) et ceux relevant de l'éducation nationale, ne représentent que 6 % de ces établissements, mais ils réalisent 21% de l'ensemble de leur chiffre d'affaires. " Les données pour l'année 2009 suivent la même tendance (21) ;

39. La formation professionnelle continue répond à des modalités spécifiques de financement. Le Conseil de la concurrence rappelle que " toutes les entreprises sont assujetties à l'obligation de formation professionnelle, dont elles peuvent s'acquitter de multiples manières : par des actions internes, par des conventions conclues avec des organismes de formation librement choisis, par des conventions conclues avec un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), par le financement de centres de formation pour chômeurs ou des engagements de versement au Trésor public " (22). Dans ce contexte, les organismes publics et parapublics ne disposent pas d'un monopole légal en matière de formation continue comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence (23).

40. Etant donné les particularités d'organisation et de financement du secteur, il peut être envisagé un marché de la formation professionnelle continue par domaine d'intervention, englobant prestataires privés et publics.

41. Cependant, en l'absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte des marchés de la formation peut demeurer ouverte, à l'occasion de la présente décision.

B. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES

1. LES MARCHES DE LA FORMATION INITIALE ET DE LA FORMATION PAR ALTERNANCE

42. Les parties considèrent que les marchés de la formation initiale et de la formation par alternance sont de dimension nationale. Si une délimitation nationale peut être retenue pour les segments hautement sélectifs du marché de l'enseignement supérieur (grandes écoles etc.), la situation paraît différente pour les autres segments de marché.

43. Les analyses menées auprès des publics intéressés par une formation courte montrent que l'attachement à l'environnement géographique d'origine est un des critères de choix de l'étudiant parmi les établissements offrant la spécialité souhaitée (24). A titre d'exemple, en 2002-2003, quatre bacheliers sur cinq n'ont pas changé d'académie en entrant en IUT (25). Une étude sur les bacheliers montre que " pour s'informer sur les différentes filières, les lycéens privilégient les journées portes ouvertes ou les rencontres avec les établissements d'enseignement supérieur, qui se sont multipliées ces dernières années et permettent aux lycéens de se faire une idée plus concrète des formations offertes : plus de quatre nouveaux bacheliers sur dix ont participé à de telles manifestations. Elles sont encore plus souvent citées que les magazines ou les brochures, distribués en particulier dans le cadre des nombreux forums et salons de l'orientation, qui restent des sources d'information très utilisées, particulièrement par les bacheliers généraux. La recherche de renseignements sur Internet prend de l'importance, mais elle ne joue encore qu'un rôle marginal, citée par un nouveau bachelier sur dix (26) ". Il ressort de l'instruction qu'aucun bachelier n'est éloigné de plus de 150 à 200 km d'un lieu d'enseignement supérieur sur la grande majorité des formations proposées.

44. Les parties font valoir que le choix d'un cursus long (Bac+4/5), de type Master, est un investissement important pour lequel la proximité géographique n'est pas un critère de choix déterminant. La délimitation géographique du marché des formations longues serait donc nationale

45. L'influence de l'origine géographique de l'étudiant dans ses choix d'orientation invite à s'interroger sur une délimitation infranationale du marché des formations privées de l'enseignement supérieur. En l'espèce, l'analyse sera menée aux niveaux nationaux et infranationaux, couvrant les académies de Nantes, Rennes et Caen, sans qu'il soit nécessaire de trancher cette question à l'occasion de la présente opération.

2. LE MARCHE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE

46. Les principaux opérateurs de formation professionnelle étant nationaux, la pratique décisionnelle nationale a envisagé une délimitation nationale du marché de la formation professionnelle tout en laissant la question ouverte (27).

47. Il convient de s'interroger sur la pertinence d'une délimitation géographique plus restreinte au motif que certains bassins d'emploi ont des besoins de formation particuliers (zones touristiques etc.) et que la demande de formation des petites et moyennes entreprises est plus susceptible de considérer les offres de formation au niveau local. La question d'une dimension infranationale des marchés de la formation professionnelle peut néanmoins être laissée ouverte à l'occasion de la présente décision.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHES DE LA FORMATION INITIALE A TEMPS PLEIN ET PAR ALTERNANCE

48. L'analyse concurrentielle s'appuiera sur des donnés exprimées en volume (effectifs étudiants). Les grandes écoles de commerce/gestion hautement sélectives étant susceptibles de constituer un propre segment de marché sur lesquels les parties ne sont pas présentes, leurs effectifs annuels seront exclus de ceux de la filière Commerce/gestion pour l'analyse concurrentielle, hypothèse la plus défavorable aux parties.

49. Sur les marchés nationaux de la formation initiale et par alternance dispensée par des établissements d'enseignement privé, l'opération entraîne des chevauchements dans les domaines Commerce/Gestion, Tourisme/ Hôtellerie/Accueil et Santé/Paramédical. Les parts de marchés ont été estimées par les parties au regard de leurs effectifs annuels rapportés aux statistiques nationales disponibles :

<emplacement tableau>

50. Sur le marché des formations initiales en Tourisme/Hôtellerie/Accueil de type Bac+2, la nouvelle entité aura une part de marché de 19,9 % après l'opération. Elle restera confrontée à la concurrence de nombreuses autres écoles privées comme l'Institut Européen de Formation au Tourisme (IEFT), Le Cordon Bleu, l'Institut Paul Bocuse (IPB) ou l'école Vatel. Sur les autres segments de marché envisagés, les positions acquises après l'opération sont limitées.

51. Si l'on considérait un marché géographique restreint à la région ouest rassemblant les effectifs des académies de Nantes, Rennes et Caen, l'opération emporterait des chevauchements uniquement sur les formations de niveau Bac+2 en Commerce/Gestion et Tourisme/ Hôtellerie/Accueil, avec les parts de marché suivantes :

<emplacement tableau>

52. Concernant les formations Bac+2 en Tourisme et en Commerce/Gestion, la nouvelle entité aura des parts de marché entre 13 et 19,6 % des effectifs étudiants régionaux du secteur privé, elle restera confrontée à la concurrence de nombreux lycées privés qui préparent à des BTS dans ces deux domaines.

53. Dans la filière Commerce/Gestion, la région compte plusieurs écoles offrant des diplômes de niveau Bac+2 comme l'Enacom (Ecole Nantaise de Commerce), l'Ensec (Ecole Supérieure d'enseignement commercial) ou les écoles du groupe RISE (Réseau des Instituts Supérieurs de l'Entreprise) à Nantes et Rennes.

B. LES MARCHES DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE

54. Forteam et CFC sont simultanément présents sur le marché de la formation professionnelle continue en " commerce/gestion ". Toutefois, cette activité concerne moins de 5 % de leurs effectifs annuels et leurs parts de marché cumulées sont inférieures à 1 % sur un marché national. La conclusion serait la même sur un marché plus restreint compte tenu de la forte atomicité du marché et de la localisation géographique des écoles des parties.

55. La présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence tant sur les marchés de la formation initiale ou par alternance que sur ceux de la formation professionnelle continue.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0089 est autorisée.

Notes :

1. Paragraphes 43 et suivants de la communication consolidée de la Commission européenne sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) N°139-2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises

2. Point 40 de la communication de la Commission européenne précitée.

3. Voir les avis du Conseil de la Concurrence n° 00-A-31 du 12 décembre 2000 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP) et n° 08-A-10 du 18 juin 2008 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP).

4. Voir décision de la Commission européenne IV/M.1072 - Bertelsmann/Burda/Futurekids.

5. Au sens de la présente décision, l'alternance regroupe les contrats d'apprentissage - réservés aux 15-26 ans - et les contrats de professionnalisation, ouverts aux adultes mais principalement utilisés par les jeunes : en mai 2009, les 16-25 ans ont représenté 82% des entrées en contrat de professionnalisation (source : Dares).

6. Voir le Code du travail, sixième partie, Livre II, Titre III, article L.6231.1 et suivants.

7. Voir les sites http://www.contrats-alternance.gouv.fr/, de l'Onisep et du Cidj.

8. Voir la lettre du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n° C2008-107 du 12 novembre 2008 aux conseils de la société CDC Capital Investissement, relative à une concentration dans le secteur des contrôles techniques de construction et la décision n° 05-D-41 du 18 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle des jardineries et graineteries.

9. Document de travail KPMG réalisé pour le compte de la partie notifiante ; Rapport du député Jérôme Chartier pour le Premier Ministre " Cinq verbes pour l'enseignement supérieur privé " (La Documentation Française, Mai 2005).

10. La nomenclature des spécialités de formation actuellement utilisée par l'INSEE est celle approuvée par le décret interministériel n° 94-522 du 21 juin 1994

11. Voir sur ce sujet les nombreux travaux théoriques et empiriques de l'économie et de la sociologie en matière d'éducation, notamment ceux de Boudon (1970), Mingat et Eicher (1975), Bourdieu et Passeron (1970), Jencks (1070), Euriat et Thélot,(1995).

12. Brevets de Technicien Supérieur, Diplôme Universitaire technologique

13. Voir les publications du Ministère de l'Education Nationale - Direction de l'évaluation et de la prospective : " Les étudiants en IUT et STS 2003-2004 ", Note d'Information 05.02 ; " L'entrée dans une filière courte après le baccalauréat ", Éducation & formations n° 55, janvier-mars 2000 et S. Lemaire, " Que deviennent les bacheliers après le bac ? ", France, Portrait social 2004-2005, Références-INSEE.

14. Rapport KPMG précité.

15 Voir le paragraphe 319 des lignes directrices de l'Autorité de la Concurrence relatives au contrôle des concentrations d'entreprises.

16 Estimation cohérente avec les " 4 000 à 8 000 euro annuels " évoqués dans le rapport Chartier précité.

17 Voir l'arrêté du 30 juillet 2009 fixant les taux des droits de scolarité dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

18 www.nouvelleuniversité.gouv.fr

19 Voir la lettre C2008-107 précitée.

20 Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa)

21 Indicateurs Dares (2009), Ministère du travail, de la Solidarité et de la Fonction Publique.

22 Voir avis n° 08-A-10 précité

23 Voir les avis n° 00-A-31 et 08-A-10 précités.

24 Voir les publications de la Direction de l'évaluation et de la prospective du Ministère de l'Education Nationale précitées.

25 Voir la publication " Les effectifs des instituts universitaires de technologie en 2002-2003 " Note d'Information 03.53, ministère de l'Education Nationale - Direction de l'évaluation et de la prospective

26 Voir Portrait social 2004-2005, Références-INSEE précité.

27 Voir la décision C2008-107 précitée.

28 Hors grandes écoles de commerce.

29 Hors grandes écoles de commerce.