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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 septembre 2010, n° 08-01683

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jet Systèmes (SARL)

Défendeur :

Eidos Spa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Mouillard, M. Roche

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Bommart-Forster-Fromantin

Avocats :

Mes Chauvin, Levy

T. com. Evry, du 12 déc. 2007

12 décembre 2007

La SARL Jet Systèmes, ayant son siège à Grigny (91) et immatriculée au RCS d'Evry a été de 1988 à 2005 le distributeur pour la France et le Maroc de la société de droit italien Eidos dont le siège est en Italie;

Après trois accords de distribution conclus successivement par les deux sociétés dont le premier le 14 juillet 1988, celles-ci signaient le 19 février 1997 un contrat de distribution à durée déterminée d'une durée de 12 ans devant se terminer le 31 décembre 2008 ;

Ce contrat précisait:

- le matériel dont la distribution était confiée à Jet Systèmes,

- le territoire de distribution exclusive de Jet Systèmes, à savoir la France et le Maroc,

- les conditions de vente, de livraison et de paiement ainsi que les remises accordées par Eidos,

- la politique commerciale et l'obligation de veiller aux intérêts réciproques;

La société Jet Systèmes s'engageait contractuellement à installer à sa charge un service après-vente sur le territoire de distribution ;

Certaines restrictions étaient prévues dont l'obligation de non-concurrence pour le distributeur, l'obligation de la société Eidos de ne vendre exclusivement les produits contractuels qu'au distributeur dans le territoire concédé ;

Selon la société Jet Systèmes, la société Eidos a violé l'engagement d'exclusivité en fournissant directement des clients ou en distribuant par une autre entreprise des produits contractuels en France et a engagé une action en référé ; par ordonnance du 13 avril 2005, le juge des référés a débouté la société Jet Systèmes au motif de l'existence d'une contestation sérieuse au fond ;

Le 1er juillet 2005, la société Eidos a résilié le contrat aux motifs :

- d'une totale perte de confiance,

- d'une carence de Jet Systèmes dans son obligation d'assistance technique après-vente,

- d'un refus de Jet Systèmes d'informer Eidos sur les conditions du marché;

Par lettre du 11 juillet 2005, la société Jet Systèmes a contesté la décision de résiliation et a mis la société Eidos en demeure de poursuivre l'exécution des engagements souscrits dans le cadre du contrat signé le 19 février 1997 ;

La société Jet Systèmes a assigné la société Fidos devant le Tribunal de commerce d'Evry afin de voir juger que la rupture avant son terme du contrat de distribution par la société Eidos est abusive, de voir prononcer la résiliation dudit contrat aux entiers torts et griefs de la société Eidos et de la voir condamner au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Le Tribunal de commerce d'Evry par jugement du 12 décembre 2007 a:

- condamné la SARL Jet Systèmes à payer à la société Eidos la somme de 43 156,34 euro au titre de factures demeurées impayées, augmentée des intérêts légaux à compter du 29 septembre 2005 et jusqu'à parfait paiement,

- condamné la SARL Jet Systèmes à payer à la société Eidos la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté cette dernière pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes formées plus amples ou contraires aux motifs les disant mal fondées ou devenues sans objet,

- condamné la SARL Jet Systèmes aux entiers dépens;

LA COUR,

Vu l'appel interjeté le 24 janvier 2008 par la SARL Jet Systèmes ;

Vu les conclusions signifiées le 7 août 2009 par lesquelles la SARL Jet Systèmes demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a violé les dispositions des articles 4 et 16 du Code de procédure civile et en conséquence l'annuler en toutes ses dispositions,

- de juger la demande de la société Eidos visant à voir juger le contrat de distribution du 19 février 1999 et les obligations d'approvisionnement et de distribution exclusifs afférentes comme caduques, irrecevables sur le fondement des articles 465 et 567 du Code de procédure civile comme étant une demande nouvelle en cause d'appel et, subsidiairement mal fondée,

- de juger la rupture avant son terme du contrat de distribution en date du 19 février 1999, décidée le 1er juillet 2005 par la société Eidos, abusive et prononcer la résiliation dudit contrat aux entiers torts et griefs de la société Eidos,

- de condamner la société Eidos à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 360 000 euro en réparation du préjudice subi par Jet Systèmes en raison de l'exécution de mauvaise foi par Eidos du contrat de distribution antérieurement à la rupture, et la somme de 112 366 euro au titre du préjudice subi du fait du non-respect par Eidos des taux de remise contractuels,

- de condamner la société Eidos à payer la somme de 1 626 522 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis par Jet Systèmes en conséquence de la rupture abusive de son contrat,

- de débouter la société Eidos de ses demandes reconventionnelles comme étant infondées et dire très subsidiairement qu'il sera fait compensation avec les sommes dues à Jet Systèmes,

- de condamner la société Eidos à payer la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 19 avril 2010 par lesquelles la société Eidos Spa demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur le principe de la caducité du contrat de distribution et réformer ce jugement quant à la date de cette caducité, et jugeant à nouveau,

- de juger caduque à compter du 1er septembre 1998 la clause d'approvisionnement exclusif mise à la charge de Jet Systèmes dans le contrat de distribution du 19 février 1997, en application de [l'article] L. 330-1 du Code de commerce,

- de juger l'obligation de distribution exclusive des produits de la société Eidos par la société Jet Systèmes sur le territoire contractuel, mise à la charge de Eidos dans le contrat de distribution, indivisible de celle d'approvisionnement exclusif mise à la charge de Jet Systèmes, et donc réciproquement devenue caduque à compter du 1er septembre 1998,

- de juger que ces deux clauses d'exclusivité réciproques constituaient la substance essentielle du contrat de distribution du 19 février 1997, les autres clauses en étant l'accessoire et juger par conséquent que le contrat de distribution du 19 février 1997 est devenu caduc à compter du 1er septembre 1998,

- de juger en toute hypothèse la rupture des relations contractuelles à l'initiative d'Eidos le 10 juillet 2005 imputable à la société Jet Systèmes,

- de juger qu'en raison de la gravité des fautes et manquements de la société Jet Systèmes dans l'exécution de ses obligations, c'est à bon droit et de façon non abusive que la société Eidos a rompu ces relations contractuelles, sans préavis, mais après avoir notifié depuis 2001 ses griefs et son mécontentement à la société Jet Systèmes,

- de débouler la société Jet Systèmes de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens tels que soutenus dans ses conclusions d'appel,

- de juger subsidiairement que la baisse du taux de remise a constitué l'exercice légitime par Eidos d'une exception de non-exécution par Jet Systèmes de ses obligations,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Jet Systèmes à payer à la société Eidos la somme en principal de 43 158,34 euro au titre de cinq factures de 2005 demeurées impayées,

- de condamner en outre la société Jet Systèmes à payer les intérêts moratoires sur ce montant en principal, à titre principal selon les règles italiennes applicables, à savoir le décret législatif italien 231-2002 du 9 octobre 2002, et sur la base des taux publiés par la gazette officielle du ministère de l'Economie et des Finances italien, à compter de la date d'échéance des factures, et à titre subsidiaire, en application de l'article 1153 du Code civil français à compter du 11 avril 2006, avec capitalisation des intérêts, outre une somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la première instance, une somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'instance en appel, ainsi que les entiers dépens ;

Sur la demande de nullité du jugement,

Considérant que la société Jet Systèmes fait valoir que le premier juge n'était pas saisi d'une demande en nullité du contrat et qu'il s'agit d'une demande nouvelle;

Considérant que dans ses conclusions devant les premiers juges la société Eidos a conclu à la nullité de la clause d'exclusivité d'achat à la charge de Jet Systèmes au-delà d'une période de 10 années à compter de sa prise d'effet ; que la demande de Eidos en annulation de la clause litigieuse tendait à faire écarter la prétention adversaire visant la résiliation abusive du contrat;

Considérant en conséquence qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du jugement entrepris ;

Qu'il s'agit donc d'un moyen sur lequel les parties ont pu débattre contradictoirement;

Sur la durée de la clause d'exclusivité,

Considérant que les premiers juges ont pris en compte les contrats successifs conclus entre les parties pour dire que la clause d'exclusivité en résultant avait eu une durée de 20 ans, pour la déclarer nulle et pour fixer [le] terme du contrat liant les parties au 14 juillet 1998 soit 10 ans après le premier contrat;

Considérant que l'article L. 330-1 du Code de commerce dispose " est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur ... s'engage vis-à-vis de son vendeur à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur " ;

Considérant que les parties ont conclu différents accords de distribution entre le 14 juillet 1988 et le 19 février 1997, comportant des obligations similaires dont une exclusivité de commercialisation au profit de Jet Services soit :

- un accord du 14 juillet 1988 : période du 1er septembre 1988 au 31 août 1990 avec tacite reconduction annuelle,

- un accord du 13 mars 1990 : période du 1er avril 1990 au 31 mars 1993 avec tacite reconduction tri-annuelle,

- un accord du 16 février 1994 : période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1999 avec tacite reconduction pour cinq ans,

- un accord du 19 février 1997 : période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2008 soit une période de 12 années;

Mais considérant que le contrat du 19 février 1997 ne constitue pas une simple prorogation des accords antérieurs mais qu'il résulte d'une négociation et reflète la commune intention des parties au moment de sa conclusion, la société Jet Systèmes recherchant un nouvel accord de longue durée pour réaliser des investissements;

Considérant que l'inobservation du délai de l'article L. 330-1 n'entraîne pas la nullité de la clause mais sa réduction à 10 ans;

Considérant qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de juger valable le contrat conclu le 19 février 1997 sauf à dire que la durée de la clause d'exclusivité est limitée à 10 ans, soit du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2006;

Sur la rupture des relations,

Considérant que Eidos reproche à Jet Systèmes d'avoir engagé une action en référé à son encontre et à l'encontre d'une société tierce, d'avoir manqué à ses obligations dans l'assistance après-vente aux clients et dans l'information sur ses activités et les conditions du marché sur le territoire français, estimant que la recrudescence des plaintes de clients particulièrement importants avait mis en péril fin 2004, début 2005 ses intérêts commerciaux et avait justifié une rupture des relations commerciales sans préavis ;

Considérant que si la société Jet Systèmes a saisi en référé le président du Tribunal de grande instance de Bobigny, c'était pour faire cesser la vente de produits Eidos sur le territoire français par la société Meca West en violation de la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait; qu'elle n'a pas été déboutée, le juge des référés constatant par ordonnance du 13 avril 2005 l'existence d'une difficulté sérieuse relevant du juge du fond ; que Jet Systèmes n'a fait qu'exercer son droit d'ester en justice ce qui ne constitue pas une violation de ses obligations de distributeur ; que l'exercice de ce droit était parfaitement légitime dès lors qu'il apparaît tant du constat dressé le 21/11/2004 par Maître Dubois huissier de justice qui se transportait au parc des expositions à Villepinte et constatait que la société Meca West avait un stand et commercialisait des machines Eidos que des courriers produits au cours de l'instance par Eidos dont celui du 31 janvier 2007 de la société Pelletier exprimant sa satisfaction " depuis la mise en place de la nouvelle organisation avec la société Meca West ", du 15/02/2007 de la société Packaert écrivant " depuis le changement que vous avez effectué en 2004, nous sommes très satisfaits des prestations de votre nouvel agent : Meca West "

Considérant que si la société Eidos se prévaut des réclamations formulées par [ces] clients, il convient de relever qu'elle verse des pièces concernant 9 clients dont 5 se sont exprimés par voie de mail quelques jours seulement avant l'envoi de la lettre de résiliation alors que les relations commerciales se sont déroulées sur une période de 17 ans ; que trois de ces clients, Packaert, Givenchy et Cap Diana qui avaient relevé un problème technique sur un matériel précis ont continué à passer des commandes à Jet Systèmes après la rupture avec Eidos ;

Que si les clients Flipi, Cap Diana, Dejoie se sont plaints de délais de livraison de pièces et de fourniture de documentation, la société Eurosérum faisant état de délais de réapprovisionnement et de prise de commande et de capacité à répondre techniquement, Jet Systèmes justifie avoir régulièrement interpellé Eidos et l'avoir mise en demeure de respecter les délais de livraison contractuellement prévus et avoir exigé de pouvoir bénéficier de formations;

Considérant que le 16 mai 2001, le dirigeant de Jet Systèmes écrivait "il y a un an nous vous avions demandé une formation pour actualiser nos connaissances sur les machines existantes et voir les nouvelles versions des machines. Dans votre fax du 14/06/2000 vous nous avez demandé de retarder celle-ci de quelques mois", précisant par courrier du 28 mai 2001, "nous connaissons très bien les produits que nous installons et nous dépannons depuis des années : printess 120, printess 180, swing 531 et 53C. Nous demandons une formation immédiatement de 2 jours sur les nouveaux produits: coditherm, swing 128 et l'évolution d'easy code";

Considérant qu'il s'ensuit que les éléments produits par Eidos n'apportent pas la preuve de manquements imputables à Jet Systèmes dans ses relations avec les clients ;

Considérant que Eidos fait état d'un défaut d'information de la part de Jet Systèmes qui aurait été la cause de la baisse des ventes depuis 2002 ; sans pour autant justifier de demande en ce sens préalable à la résiliation qui n'aurait pas été satisfaite;

Considérant que Eidos prétend que le volant de commandes passées fin 2004 était destiné à tenir le montant minimum de ventes fixé par le contrat et éviter une résiliation ce qui aurait pu poser des risques de paiement et justifiait une demande de garantie bancaire ; que toutefois elle n'apporte aucun élément sur un risque qu'elle aurait encouru du fait d'une politique commerciale de son distributeur en matière de stocks qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier, d'autant qu'elle ne lui était pas préjudiciable, Jet Systèmes ayant toujours respecté l'objectif annuel minimum de volume de commandes ce que ne conteste pas Eidos;

Considérant qu'il s'ensuit que les motifs de résiliation invoqués par Eidos pour résilier brutalement sans préavis, avant son terme le contrat de distribution sont dépourvus de tout fondement ; que la résiliation constitue une faute engageant la responsabilité contractuelle de Eidos ;

Sur l'exécution du contrat par Eidos,

Considérant que la société Jet Systèmes expose que la société Eidos a cessé à partir de 2000 de respecter ses engagements ;

Considérant que l'article 1134 du Code civile dispose que les conventions doivent être exécutées de bonne foi:

Considérant que dès la fin de l'année 1999, Eidos prétendait procéder à une harmonisation de ses relations avec ses distributeurs et leur proposait la signature d'un avenant qui était refusé par Jet Systèmes qui estimait qu'il s'agissait de modifications substantielles du contrat ;

Considérant que dès le 10/01/2001 Eidos écrivait "les rapports d'affaires avec votre société continuent sans enthousiasme... Nous sommes dans l'attente de nous libérer d'un distributeur qui, avec la force d'un contrat signé, représente le passé et ne peut être le futur puisque nous avons des idées différentes... et nous vous rappelons que nous sommes disponibles à étudier un accord convenable pour terminer notre collaboration avant la fin du contrat";

Considérant qu'il résulte des éléments exposés que Eidos n'a dès lors cessé de créer des difficultés à son distributeur français, l'écartant de la hot line dont bénéficiaient les autres distributeurs en Europe, de son site Internet, laissant ainsi croire qu'il n'existait pas de distributeur référencé en France alors que l'article 11 du contrat concernant la publicité lui faisait obligation de soutenir son distributeur ;

Considérant qu'avant même la résiliation Eidos a vendu directement à des clients de Jet Systèmes et a fait distribuer son matériel par une société concurrente de Jet Systèmes au mépris complet de la clause d'exclusivité alors que dans le même temps elle bloquait les livraisons à Jet Systèmes, lui imposant de nouvelles conditions non prévues contractuellement à savoir l'établissement d'un cahier des charges et la constitution d'une garantie bancaire, alors qu'en 17 ans de collaboration, Jet Systèmes n'avait jamais eu d'incident de paiement et qu'elle était alors parfaitement à jour de ses paiements;

Considérant que Jet Systèmes n'a cessé de signaler les difficultés qu'elle rencontrait écrivant le 08/02/2001 "vous persistez à fournir des machines (notamment Sprint S 842) accompagnées de documentations en anglais alors que le contrat (art 11) prévoit expressément que les brochures de système sont fournies en français";

" Vous ne respectez pas les délais de livraison prévus au contrat (jusqu'à 13 semaines au lieu de 4 à 8 semaines prévues contractuellement),

vous facturez à Jet Systèmes des réparations de produits ou accessoires alors que ceux-ci sont encore sous garantie,

vous avez décidé depuis quelques temps que la communication entre les techniciens s'effectuerait en anglais alors que pendant de nombreuses années elle s'est toujours effectuée en français,

Ceci est à rapprocher de votre refus de toute assistance technique en hot line ou de toute formation sur le matériel,

vous ne faites pas respecter l'exclusivité que vous avez consentie à Jet Systèmes sur son propre territoire,

vous avez décidé de réviser à la baisse les conditions de remises prévues à l'article 4 du contrat de distribution ";

Considérant que Jet Systèmes a adressé en janvier 2004 une mise en demeure à Eidos de livrer les commandes passées en novembre et décembre ; que le 20/01/2005, elle l'avisait de l'annulation de deux commandes faute d'avoir pu donner une date de livraison;

Considérant que Eidos a cessé d'exécuter de bonne foi le contrat [pour] obtenir de Jet Systèmes l'acceptation de nouvelles conditions en multipliant dès lors les exigences à son égard;

Que le 13 janvier 2005 Eidos exigeait une garantie bancaire de 90 000 euro alors qu'aucun incident de paiement n'avait eu lieu et que le contrat stipulait un règlement à 60 jours à compter de la facturation ;

Qu'elle lui demandait de réaliser un cahier des charges pour chaque matériel fourni;

Considérant qu'il résulte de ces éléments qu'Eidos s'est comporté de façon déloyale vis-à-vis de son distributeur français ;

Sur la réparation,

Considérant que Jet Systèmes demande à la cour de réparer ses préjudices résultant d'une part des manquements d'Eidos antérieurs à la résiliation, d'autre part de la résiliation abusive ;

Considérant que s'agissant de son préjudice antérieur à la rupture, elle fait valoir qu'elle réalisait un chiffre d'affaires constitué essentiellement de produits Eidos et qu'à compter de 2001, en raison du comportement de son fournisseur exclusif, ses résultats d'exploitation n'ont cessé de se dégrader, chiffrant sa perte à 360 000 euro correspondant au cumul des résultats d'exploitation de 2002 à juillet 2005;

Qu'elle ajoute à ce montant une somme de 112 366 euro en réparation de son préjudice pour non-respect des taux de remise contractuellement prévus, le contrat ayant prévu des remises de 30 % du tarif officiel sur les systèmes et pièces détachées, 18 % sur les consommables et 22 % sur les rubans thermiques robotherm;

Considérant que Eidos fait observer que Jet Systèmes a diversifié son activité, exerçant celle de marchand de biens et a opéré des transferts d'activités sur d'autres sociétés et que la présentation de ses bilans n'est pas significative ; que les chiffres d'achats de marchandises de 2001 à 2004 ne correspondent pas aux commandes passées par Jet Systèmes à Eidos;

Mais considérant que Eidos ne conteste pas que le montant de ses ventes à Jet Systèmes a connu une baisse substantielle entre 1996 et 2004, passant d'environ 591 860 en 1996 à environ 220 000 en 2004 soit une baisse de 371 860 correspondant à une baisse de 62,83 % du chiffre 1996;

Qu'il est manifeste que cette baisse est en relation directe avec les difficultés rencontrées par le distributeur confronté au comportement déloyal de son fournisseur générant un manque à gagner pour le distributeur;

Considérant que cette baisse est intervenue de façon significative à partir de 2001; qu'il convient de relever que pour cet exercice Jet Systèmes a réalisé un chiffre d'affaires de 827 762 euro dont 780 951 euro de ventes de marchandises dont l'essentiel se composait des matériels Eidos dégageant un résultat d'exploitation de 136 607 euro ;

Que ces chiffres n'ont cessé de décroitre entraînant de fait une diminution des achats à Eidos;

Que le préjudice de Jet Systèmes résulte du comportement de son fournisseur qui l'a manifestement privé de la chance de commercialiser du matériel dans des proportions au moins égales au chiffres d'affaires réalisé en 2001 ;

Considérant que la cour estime que ce préjudice sera indemnisé par la somme de 150 000 euro ;

Considérant que le contrat stipulait que les remises pouvaient être rediscutées chaque année ; que Eidos ne conteste pas avoir décidé d'appliquer une baisse des remises sans avoir respecté les conditions contractuelles ;

Considérant que Jet Systèmes expose qu'il résultait de la nouvelle base de calcul appliqué par Eidos à compter de 2004 que les remises ne représentaient plus en moyenne que 17 % soit 7 % de ce qui avait été convenu, ce que ne conteste pas Eidos;

Considérant que pour chiffrer son préjudice Jet Systèmes se prévaut des chiffres d'affaires réalisés alors que les remises s'appliquaient de façon différenciée selon les produits et sur les achats effectués par Jet Systèmes et non sur ses ventes ;

Considérant de plus que le préjudice de Jet Systèmes ayant été calculé à partir de l'année de référence 2001, il a été tenu compte des remises dont a alors bénéficié Jet Systèmes qui étaient celles contractuellement convenues ; que ce chef de préjudice est donc inclus dans le montant alloué à Jet Systèmes ;

Considérant qu'il convient de réparer le préjudice subi par Jet Systèmes du fait de la rupture brutale et abusive du contrat ;

Que Jet Systèmes demande une réparation au titre de 3 années et demi et détaille son préjudice comme étant de:

648 760 euro au titre du manque à gagner

827 762 euro au titre de sa réorganisation et de la recherche d'une nouvelle carte de distributeur;

Considérant toutefois que le contrat a pris fin à l'issue d'une période de 10 ans soit le 31 janvier 2006 ; qu'au jour de la résiliation le 1er juillet 2005, il ne restait à courir qu'un an et demi ; que le préjudice de Jet Systèmes doit être retenu au titre de cette seule période;

Considérant que Jet Systèmes conclut que son préjudice résulte de la marge bénéficiaire sans pour autant préciser le montant de sa marge brute, chiffrant son préjudice sur la base du résultat net d'exploitation 2004 en réintégrant la rémunération de son dirigeant soit 185 660 euro ;

Considérant que ce résultat prend en compte un chiffre d'affaires de 388 554 euro qu'il n'y a lieu toutefois de ne retenir que les ventes de marchandises soit 350 662 euro ;

Considérant que la cour estime à 160 000 euro la réparation compensant le préjudice de Jet Systèmes résultant de la rupture abusive du contrat;

Considérant que le contrat prévoyait une exclusivité pour le matériel Eidos mais autorisait Jet Systèmes à commercialiser un certain nombre d'autres produits non Eidos ; que de plus en cours d'exécution du contrat Jet Systèmes avait entrepris de diversifier ses activités ; que dès lors elle ne justifie pas du préjudice allégué au titre de sa réorganisation ;

Considérant que Jet Systèmes demande à la cour de lui allouer une somme complémentaire de 150 000 euro au titre de l'atteinte à son image résultant du comportement dolosif de Eidos antérieur à la rupture puis dans le cadre de la rupture sans démontrer que les manquements de Eidos dans l'exécution du contrat de distribution aient porté atteinte à son image ; qu'il y a lieu de rejeter sa demande à ce titre ;

Sur la demande au titre des factures et la demande de compensation,

Considérant que 5 factures de juillet et septembre 2005 pour un montant global de 43 158, 345 euro n'ont pas été réglées pat Jet Systèmes ;

Considérant que Jet Systèmes ne conteste pas leur réalité ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande;

Considérant qu'Eidos fait valoir qu'en application des conventions de Vienne et de La Haye, il y a lieu de faire application de la loi italienne pour le calcul des intérêts;

Mais considérant que l'article 16 du contrat stipulait que " la cour compétente sera la cour du lieu de résidence de la partie qui se produira en justice "; que les juridictions françaises ayant été saisies par Jet Systèmes, il y a lieu de faire application de l'article 1153 du Code civil français, qu'il y a lieu de dire que la somme de 43 158,34 euro portera intérêt au taux légal à compter du 11 avril 2006, date des conclusions de Eidos et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre cette somme et celles allouées à Jet Systèmes;

Et considérant que la société Jet Systèmes a dû engager des frais non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, dit qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif ;

Par ces motifs, Dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du jugement entrepris, Déclare recevable la société Eidos en ses demandes, Infirme le jugement entrepris, Dit que la clause d'exclusivité prévue au contrat en date du 19 février 1997 est réduite à 10 ans et s'applique jusqu'au 31 décembre 2006, Dit que la rupture des relations contractuelles à l'initiative de la société Eidos est abusive, Condamne la société Eidos à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 150 000 euro en raison de l'exécution de mauvaise foi du contrat de distribution du 19 février 1997, toutes causes de préjudice confondues, Condamne la société Eidos à payer la somme de 160 000 euro en réparation des préjudices subis en conséquence de la rupture abusive du contrat du 19 février 1997, Condamne la société Jet Services à payer la somme de 43 158,34 euro à la société Eidos au titre des factures impayées, Dit que la somme de 43 158,34 euro portera intérêts au taux légal à compter du 11/04/2006 et fait application de l'article 1154 du Code civil, Dit qu'il y a lieu à compensation avec les sommes dues à Jet Systèmes, Condamne la société Eidos à payer la somme de 15 000 euro à la société Jet Systèmes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Eidos aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.