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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 24 février 2009, n° 08-01655

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AACAB

Défendeur :

Caisse régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique, Le Goff

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP Gautier-Lhermitte, SCP d'Aboville, de Moncuit Saint-Hilaire & Le Callonnec

Avocats :

Me Lecarpentier, SCP Bachy-Valton-Krongrad

TGI Quimper, ord. prés., du 13 févr. 200…

13 février 2008

Exposé du litige

Dans le courant de l'année 2007, paraissait, sur un site Internet " http://exactions.bancaires.free.fr " une page dans laquelle il était indiqué :

" Crédit Maritime : abordez la banque avec prudence.

" Si vous avez confié de l'argent au Crédit Maritime, en donnant procuration à cette banque, et si, à cette occasion,

- Des placements financiers vous font perdre de l'argent,

- Des parts sociales liées à un crédit ne sont toujours pas remboursées,

" Vous êtes alors probablement concernés ".

De même, des tracts portant le logo du Crédit Maritime " appel à témoins " étaient affichés en divers endroits, invitant d'éventuels clients mécontents à appeler un numéro de téléphone pour témoigner d'éventuels déboires qu'ils auraient pu connaître dans le cadre de leurs relations avec le Crédit Maritime.

Enfin, un mailing était envoyé aux professionnels de la mer susceptibles d'être clients de cette banque à titre d'appel à témoins pour recenser " les placements financiers désastreux réalisés à l'aide de prêts et découverts en compte consentis par le Crédit Maritime ".

Estimant être victime d'une campagne de dénigrement sous le couvert de l'Association d'Aide contre les Abus Bancaires (AACAB), la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de Loire-Atlantique (le Crédit Maritime) a engagé une procédure en référé devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper.

Par ordonnance du 13 février 2008, le Président du Tribunal de grande instance de Quimper, statuant en référé, a :

- fait interdiction à l'AACAB d'exploiter tous les sites similaires à l'ancien site http://exactions.bancaires.free.fr sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée,

- fait interdiction à l'AACAB de diffuser des tracts portant le logo du Crédit Maritime intitulé " appel à témoins " sous astreinte de 200 euro par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, pendant une durée de deux mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit, ou de toute infraction constatée,

- fait interdiction à l'AACAB de réitérer tout mailing analogue à celui visé dans l'assignation au préjudice du Crédit Maritime sous astreinte de 200 euro par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, pendant une durée de deux mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit, ou de toute infraction constatée,

- s'est réservée le pouvoir de liquider l'astreinte,

- condamné l'AACAB à payer au Crédit Maritime la somme de 1 000 euro à titre de provision,

- condamné l'AACAB à payer au Crédit Maritime la somme de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'AACAB aux dépens.

L'AACAB a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance,

- surseoir à statuer en application de l'article 4 du Code pénal,

- dire que l'AACAB n'est pas l'auteur du site Internet incriminé, des affiches et tracts litigieux,

- vu sa bonne foi,

- constater qu'il y a une contestation sérieuse,

- infirmer l'ordonnance dont appel,

- débouter le Crédit Maritime de toutes ses demandes,

- condamner le Crédit Maritime à lui payer la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles,

- condamner le Crédit Maritime aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Crédit Maritime demande à la cour de :

- confirmer la décision, exception faite du quantum de la provision allouée,

- condamner l'AACAB à lui verser la somme de 20 000 euro à titre de provision pour la réparation du préjudice subi,

- condamner l'AACAB en tous les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Monsieur Le Goff a fait l'objet d'une assignation avec procès-verbal de recherches infructueuses le 13 novembre 2008.

La cour se réfère pour plus ample exposé des faits, moyens aux écritures des parties en date des 12 novembre et 10 décembre 2008.

Sur ce,

Sur le sursis à statuer :

Considérant que trois séries de faits distincts sont invoquées par le Crédit Maritime, qui constituent selon lui, un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin,

Considérant alors que le sursis à statuer en raison de l'existence d'une procédure pénale mettant en cause l'AACAB dans les faits de diffamation du Crédit Maritime ne saurait être utilement invoqué,

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'AACAB,

- Sur le trouble manifestement illicite :

Considérant que l'AACAB rapporte la preuve de ce qu'elle n'est pas le titulaire du site Internet http://exactions.bancaires.free.fr, lequel a été fermé ; que toutefois, la connexion faite par Maître Jobard, huissier de justice et constaté par procès-verbal du 3 septembre 2007 renvoyait à l'AACAB dont il était donné l'adresse, que l'AACAB a été ainsi manifestement impliquée dans la campagne engagée contre le Crédit Maritime,

Considérant que le tract " appel à témoin " mentionne le numéro de téléphone de l'AACAB, qu'il fait appel aux personnes qui ont perdu de l'argent lors de placements financiers au Crédit Maritime ou n'ont pas encore obtenu le remboursement de leurs parts sociales liées à un crédit, que les termes employés jettent la suspicion sur le Crédit Maritime.

Considérant que les courriers ne sont pas de simples réponses apportées à des demandes de clients du Crédit Maritime, que les termes employés " vous êtes probablement client... ", " notre appel à témoin " excluent une telle affirmation,

Considérant que tous ces éléments révèlent une campagne de dénigrement, qu'il existe en l'espèce un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin,

Considérant en effet que les méthodes employées dépassent manifestement la nécessité d'information du public que l'AACAB estime être de son devoir de donner, peu important le bien fondé de sa position qu'elle estime pouvoir tirer de décisions judiciaires, et peu important encore sa volonté affichés dans les mailings de "ne pas nuire au Crédit Maritime",

Considérant également qu'il importe peu que le délit de diffamation qui est reproché à l'AACAB devant le juge pénal soit ou non constitué, que la cour doit ici seulement vérifier l'existence d'un trouble manifestement illicite,

Considérant enfin qu'il importe peu que l'AACAB élève des contestations alors que justement, celles-ci peuvent justifier les mesures demandées,

Considérant que la décision du premier juge sera confirmée en toutes ses dispositions,

- Sur la provision :

Considérant que l'existence d'un dénigrement qui est manifeste crée inévitablement un préjudice à celui qui en est victime, que l'allocation d'une provision à valoir sur l'indemnisation est possible,

Considérant que la décision du premier juge sera confirmée,

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que, succombant en ses prétentions, l'AACAB sera condamnée à payer au Crédit Maritime la somme de 2 000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et supportera les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile

Par ces motifs, LA COUR, Confirme l'ordonnance déférée, Condamne l'Association d'Aide contres les Abus Bancaires à payer à la Caisse de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de Loire-Atlantique la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles, Condamne l'Association d'Aide contre les abus bancaires aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.