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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 10, 21 septembre 2010, n° 08-07885

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Auto Ritz (SA)

Défendeur :

Société commerciale Citroën (Sté), Péron

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boitaud

Conseillers :

M. Labrégère, Mme Brugidou

Avocats :

Mes Bertin, Losi, Burget

Cons. prud'h. Paris, sect. com., du 18 m…

18 mars 2008

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par la société Auto Ritz d'un jugement contradictoire du Conseil de prud'hommes de Paris en formation de départage en date du 18 mars 2008 l'ayant condamnée à verser à Nathalie Péron

2 135 euro à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

272 euro au titre des congés payés sur préavis

2 254 euro à titre d'indemnité pour licenciement économique

9 000 euro sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail

600 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

et ordonné la remise des documents conformes au jugement;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 8 juin 2010 de la société Auto Ritz appelante, qui sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui restituer les sommes qu'elle lui a versées et de la société commerciale Citroën à lui verser 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 8 juin 2010 de Nathalie Péron intimée qui sollicite de la cour à titre principal la confirmation du jugement entrepris et, y ajoutant, le paiement de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à titre subsidiaire, la condamnation de la société commerciale Citroën au paiement de ces différentes sommes ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 8 juin 2010 de la société commerciale Citroën intimée, qui conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société Auto Ritz à lui verser 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR

Considérant qu'il est constant que Nathalie Péron a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2001 en qualité de secrétaire facturière catégorie employée par la société Auto Ritz, concessionnaire automobile de la marque Citroën conformément à un contrat de concession conclu avec la société Automobiles Citroën ; qu'après avoir proposé à son concessionnaire le rachat de la concession, la société Citroën a procédé à l'ouverture d'un point de vente le 1er juillet 2002 dans l'arrondissement où était implantée la société Auto Ritz ; que la date de résiliation du contrat de concession a été différée d'un commun accord au 30 avril 2006 ; que par courrier en date du 3 mars 2006 la société Citroën a fait savoir à son concessionnaire qu'elle n'entendait pas reprendre les salariés, les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne lui paraissant pas applicables à l'espèce ; que le licenciement de l'intimée pour motif économique à titre purement conservatoire sans réserve et sans préjudice de l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail à l'issue définitive des procédures en cours lui a été notifié par la société Auto Ritz par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 avril 2006 ; qu'à cette date l'intimée percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1 429 euro et relevait de la convention collective des services de l'automobile ;

Que l'intimée a saisi le conseil de prud'hommes le 13 juillet 2006 en vue de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture ;

Considérant que la société Auto Ritz expose que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail sont bien applicables à l'espèce ; que la société Citroën lui avait concédé depuis une trentaine d'années la représentation de sa marque ; qu'elle était restée le dernier distributeur indépendant sur Paris ; que la société commerciale Citroën avait décidé de confier cette représentation à un unique opérateur consistant en une filiale à 100 % ; que le point de vente ouvert en juillet 2002 dans le 13e arrondissement a continué l'activité de la société Auto Ritz; qu'aucun nouveau distributeur sur Paris n'a d'ailleurs été nommé ; que les investigations menées par la société Auto Ritz auprès de ses clients professionnels ou institutionnels ont fait apparaître que sa clientèle a été reprise par la société Citroën ; que celle-ci est donc devenue de plein droit l'employeur des salariés à compter du 1er mai 2006; que le licenciement est donc nul ; que seule la société Citroën doit répondre des conséquences de la rupture du contrat de travail ;

Considérant que Nathalie Péron fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de motif économique; que la société Auto Ritz n'a pas respecté son obligation de reclassement; que l'intimée s'est retrouvé brutalement sans emploi; que la rupture de son contrat de travail est imputable à titre principal à la société Auto Ritz ou à titre subsidiaire à la société commerciale Citroën;

Considérant que la société commerciale Citroën soutient qu'elle n'était pas tenue de reprendre les contrats de travail en l'absence de transfert d'une entité économique autonome; qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau règlement communautaire, des réseaux de distribution sélective et non plus exclusive ont été mis en place ; que les trois critères établissant le transfert automatique ne sont pas réunis ; que la représentation de la marque s'articule autour de trois activités, la vente de véhicules neufs, l'activité de réparateur agréé ou après vente, et la fourniture de pièces de rechange pouvant être exploitées séparément; qu'en l'absence de transfert la société Auto Ritz doit seule être condamnée au paiement des indemnités de rupture ;

Considérant en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société commerciale Citroën a notifié à la société Auto Ritz la résiliation du contrat de concession à compter du 1er mai 2006 ; que la société Auto Ritz avait pour objet la vente de véhicules neufs de la marque Citroën, la vente de pièces de rechange Citroën et la réparation et l'entretien des véhicules de ladite marque ; que l'entrée en vigueur du règlement communautaire 1400-2002 en date du 31 juillet 2002 est sans incidence sur le présent litige; qu'en effet il importe uniquement de rechercher si les différentes activités de la société Auto Ritz constituaient un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique et poursuivant un objectif propre et si, postérieurement au 1er mai 2006, cet ensemble a conservé son identité et son activité s'est poursuivie au sein de la société commerciale Citroën; que le règlement communautaire en vigueur à compter du 1er octobre 2003 n'a eu pour effet que de permettre la mise en place de réseaux de distribution sélective, se substituant à la distribution exclusive résultant du contrat de concession ; qu'ainsi il n'a entraîné des répercussions que sur les modalités d'exécution de l'activité de la société et non sur son activité en tant que telle ; que la vente de véhicules neufs de la marque Citroën, la vente de pièces de rechange, ainsi que la réparation et l'entretien des véhicules de ladite marque au sein de la société Auto Ritz constituaient bien des entités économiques autonomes caractérisées par l'affectation d'un personnel spécialisé au sein de chaque activité, l'attribution de locaux spécifiques pour l'exercice de celle-ci et la poursuite d'un objectif propre défini par l'objet de l'activité ; que postérieurement au 1er mai 2006 ces différentes activités se sont poursuivies au sein de la société commerciale Citroën ; qu'ainsi la vente de véhicules neufs de la marque Citroën a continué de s'effectuer principalement au sein de la succursale de la société appelante, la SCC Paris-Italie sise avenue d'Italie; que de même la vente des pièces de rechange ainsi que de la réparation des véhicules automobiles a été poursuivie par la société commerciale Citroën par le biais tant de sa succursale implantée dans le XIIIe arrondissement que des quinze autres établissements situés dans la ville de Paris; que l'instauration d'une distribution sélective n'a pas conduit à l'implantation de la moindre société distincte de la société commerciale Citroën dans la zone de chalandise et exerçant la même activité de distribution de produits de la marque Citroën; que les investigations menées par la société Auto Ritz auprès de son ancienne clientèle tant institutionnelle que privée ont fait apparaître que postérieurement au 1er mai 2006 celle-ci s'est fournie de façon quasi intégrale et en tous cas significative auprès soit de la société commerciale Citroën soit de la succursale du XIIIe arrondissement de celle-ci, que ce transfert a intéressé l'ensemble des activités de vente de véhicules neufs de vente de pièces de rechange et de réparation et d'entretien des véhicules Citroën ;

Considérant en conséquence que le contrat de travail de Nathalie Péron a été transféré de plein droit au sein de la société commerciale Citroën ; que le licenciement de celle-ci survenu le 24 avril 2006 doit être déclaré privé d'effet par suite du transfert de l'entité économique autonome au sein de cette dernière société;

Considérant en application de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'il est constant que la société commerciale Citroën a refusé d'employer l'intimée à compter du 1er mai 2006 alors que le contrat de travail avait été transféré en son sein de plein droit ; que ce refus constitue à lui seul un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Considérant qu'il n'existe aucune contestation sur le montant du reliquat d'indemnité de congé payés afférents au préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sollicités par l'intimée ; que le licenciement étant par ailleurs dépourvu de fondement l'indemnité pour licenciement économique n'est pas due;

Considérant en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail que l'intimée bénéficiait d'une ancienneté de près de cinq années au sein de l'entreprise à la date de la rupture de son contrat de travail ; qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi immédiatement et n'a pu obtenir que tardivement le bénéfice d'allocations de chômage ; qu'il convient d'évaluer le préjudice ainsi subi sur le fondement des dispositions légales précitées à la somme de 9 000 euro ;

Considérant qu'il convient d'ordonner le remboursement par l'intimée des sommes versées par la société Auto Ritz à l'occasion de la notification du licenciement et en exécution des décisions de justice antérieures ;

Considérant en application de l'article L. 1235-4 alinéa 1 et 2 du Code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a plus de deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés;

Considérant que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société commerciale Citroën des allocations versées à l'intimée dans la limite de six mois ;

Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la société Ritz les frais qu'ils ont dû exposer devant les premiers juges et en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient d'allouer la somme de :

1 500 euro à Nathalie Péron

1 000 euro à la société Auto Ritz

sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris; Statuant à nouveau ; Condamne la société commerciale Citroën à verser à Nathalie Péron 2 135 euro à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ; 272 euro à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis; 9 000 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; Déboute Nathalie Péron du surplus de sa demande; Ordonne le remboursement par Nathalie Péron des sommes versées par la société Auto Ritz à l'occasion de la notification du licenciement et en exécution des décisions de justice antérieures; Ordonne le remboursement par la société commerciale Citroën des allocations de retour à l'emploi versées à l'intimée dans la limite de six mois; La condamne à verser au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 1 500 euro à Nathalie Péron 1 000 euro à la société Auto Ritz; La condamne aux dépens.