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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 septembre 2010, n° 08-23648

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AZ Services (SARL)

Défendeur :

L'Oréal (SA), Lancôme (SNC), Prestige et collections international (SNC), Cacharel et Cie (SNC), Malfaisan (ès qual.), PSD (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mmes Chokron, Gaber

Avoués :

SCP Gerigny-Freneaux, Me Teytaud

Avocats :

Mes Guetta, Bertrand

TGI Créteil, du 18 nov. 2008

18 novembre 2008

Vu le jugement contradictoire du 18 novembre 2008 rendu par le Tribunal de grande instance de Créteil,

Vu l'appel interjeté le 16 décembre 2008 par la société AZ Services, exploitant sous l'enseigne Samarkand,

Vu les dernières conclusions du 18 mai 2009 de la société appelante,

Vu l'assignation devant la cour d'appel du 22 avril 2009 de Maître Emmanuel Malfaisan ès qualité de liquidateur judiciaire de la société PSD, suivant acte remis au domicile du destinataire, lequel n'a pas constitué avoué,

Vu les uniques conclusions du 1er septembre 2009 des sociétés L'Oréal, Lancôme parfums et beauté & Compagnie, dite Lancôme, Prestige et collections international exerçant sous l'enseigne Giorgio Armani parfums, dite Giorgio Armani, et parfums Cacharel, intimées et incidemment appelantes,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 mars 2010,

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties ;

Qu'il sera simplement rappelé que:

- les sociétés Lancôme et L'Oréal respectivement titulaires des marques françaises semi figuratives Trésor Lancôme, Trésor, Miracle Lancôme et d'un modèle français d'emballage représentant l'emballage des parfums Emporio Armani Il et Elle ont avec les sociétés Giorgio Armani et parfums Cacharel assigné la société AZ Services le 8 avril 2003 devant le Tribunal de grande instance de Créteil en contrefaçon de marques, de modèle, contrefaçon artistique de fragrances de leurs parfums (Trésor, Miracle, Noa, Acqua di Gio et Emporio Armani Il et Elle), concurrence déloyale et parasitaire,

- la société AZ Services a assigné le 11 août 2003 en garantie son fournisseur la société PSD;

Considérant que les premiers juges ont selon la décision dont appel en particulier :

- constaté l'absence de reprise de la procédure à l'encontre de Maître Malfaisan, ès qualité de liquidateur de la société PSD, et partant l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la société AZ Services,

- rejeté l'exception de nullité d'un constat d'huissier du 19 décembre 2002 d'achat des produits incriminés,

- dit qu'en commercialisant les eaux de parfum La Valeur, Pure, Classe, Sweet Pearls, Pink Wonder et Arrivederci Due, la société AZ Services, a commis des actes de contrefaçon des marques Trésor Lancôme, Trésor, et Miracle, du modèle d'emballage de la société L'Oréal, des fragrances des parfums Trésor, Miracle, Noa, Acqua di Gio, Emporio Armani Il et Elle, ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice des sociétés L'Oréal, Lancôme, Giorgio Armani et parfums Cacharel, prononçant des mesures d'interdiction et de confiscation sous astreinte et condamnant la société AZ Services à payer, outre 500 euro à chacune des sociétés demanderesses en application de l'article 700 du Code de procédure civile, 500 euro en réparation de chacun des actes de contrefaçon de marques, de modèle et de fragrances retenus, 500 euro pour chacun des actes de concurrence déloyale pour reprise des éléments caractéristiques des parfums Trésor, Miracle, Noa et Acqua di Gio, et 1 000 euro au titre des actes de parasitisme subis par chacune des sociétés Lancôme, Giorgio Armani et parfums Cacharel;

Considérant que la société AZ Services, qui sollicite l'infirmation de cette décision, fait en particulier valoir que :

- elle exploite un commerce de bazar et de ventes de tous articles de Paris au Kremlin Bicêtre, la partie parfumerie de son activité ne représentant qu'une infime partie de son chiffre d'affaires,

- le procès verbal de constat du 19 décembre 2002 est nul, n'a aucune valeur probante et la preuve des faits reprochés n'est en conséquence pas rapportée,

- elle ne disposait d'aucun moyen de suspecter les produits litigieux et a été trompée par les agissements de la société PSD qui les lui a fournis, subsidiairement les dommages et intérêts alloués doivent être réduits, et en tout état de cause le montant des éventuelles condamnations doit être fixé au passif de la société PSD qui lui doit garantie,

- subsidiairement, il n'existe aucun risque de confusion ni préjudice;

Considérant qu'à l'appui de sa demande en nullité du procès verbal de constat, dressé le 19 décembre 2002 à la demande des sociétés L'Oréal, Giorgio Armani et Lancôme, la société AZ Services réitère en cause d'appel le moyen tiré de l'absence d'autorisation présidentielle, dont les premiers juges ont connu et auxquels, en se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte ; qu'il sera ajouté qu'il ne saurait être reproché à l'huissier de ne pas avoir indiqué qu'il procédait à une saisie contrefaçon puisque tel n'était pas le cas ni de ne pas avoir décliné sa qualité à l'appelante alors qu'il est resté à l'extérieur de son magasin et qu'il importe peu pour apprécier la validité de l'acte qu'il ne contienne aucune photographie des produits achetés ni de facture plus détaillée que celle produite ; que c'est à juste titre que le tribunal a également rejeté le moyen subsidiaire tendant à dénier tout caractère probant à un tel constat régulier en la forme, qui atteste suffisamment de l'achat de produits litigieux pour un total de 52,10 euro, le ticket de caisse et la facture obtenue étant annexés à l'acte qui contient la description de ces produits, savoir les emballages et flacons de parfum Arrivederci Due, La Valeur, Sweet Pearls, Pure Class et Pink Wonder, sur lesquels l'huissier a apposé sa signature et la date de l'acte, et qui sont, comme en première instance, versés en original aux débats ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée en ses dispositions relatives audit procès verbal;

Considérant que, de même, sur la contrefaçon de marques, de modèle et de droits d'auteur au titre des fragrances de parfums la société AZ Services ne présente pas actuellement de nouveaux moyens ou de nouveaux éléments de preuve, étant rappelé que la bonne foi est inopérante en la matière devant les juridictions civiles ; que les premiers juges ont exactement apprécié :

- le risque de confusion :

* d'une part, entre respectivement le flacon et l'étui du parfum La Valeur vendu par l'appelante et la marque semi figurative Trésor Lancôme n° 1 581 643 représentant un flacon de parfum et la marque semi figurative Trésor n° 1 564 082 représentant un étui de parfum, écartant avec pertinence, pour la contrefaçon de la première marque, l'absence de reprise des reliefs du flacon représenté compte tenu de l'impression d'ensemble donnée,

* d'autre part, entre le flacon d'eau de parfum Pink Wonder et la marque semi figurative Miracle Lancôme n° 3 038 943 représentant un flacon de parfum, rappelant à bon droit que l'action n'était pas fondée sur une reprise des dénominations utilisées,

- l'identité d'impression d'ensemble produite par l'emballage du produit Pure Class et le modèle français d'emballage n° 97 3651 du parfum Emporio Armani, relevant également à juste titre que la reprise de la dénomination n'était pas invoquée mais que la reprise des caractéristiques du modèle était établie nonobstant la différence de couleur,

- la contrefaçon de droits d'auteur en ce qui concerne les fragrances des parfums Trésor, Miracle, Noa, Emporio Armani Il, Emporio Armani Elle et Acqua di Gio avec respectivement les eaux de parfum La Valeur, Pink Wonder, Sweet Pearls, Pure Class Homme, Pure Class Femme et Arrivederci Due, après avoir relevé que la société AZ Services ne contestait ni le principe de la protection des fragrances en cause au titre du droit d'auteur ni leur originalité, puis analysé l'étude produite par les sociétés poursuivantes (rapport Breese établi sur les enseignements d'analyses physico-chimique, en composantes principales, et sensorielles auprès de consommateurs) et répondu aux observations ainsi qu'à l'argumentation de la société AZ Services de ce chef qui n'apporte aucun élément nouveau ; qu'il sera enfin relevé qu'aucun acte de contrefaçon de la marque Noa ni du modèle de flacon ou d'emballage du parfum Acqua di Gio ne sont invoqués (seul étant reprochés de ces chefs des actes de concurrence déloyale) et que les moyens de ces chefs sont dès lors inopérants ; que la décision déférée sur les actes de contrefaçon sera donc confirmée ;

Considérant que le tribunal a jugé que la société AZ Services avait en outre commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que l'appelante reprend devant la cour ses moyens de première instance en prétendant que les produits commercialisés sous les dénominations La Valeur, Pink Wonder, Sweet Pearls, Arrivederci Due et Pure Class, ne peuvent constituer, au regard d'une clientèle d'attention moyenne que des " pastiches " et non des imitations et que les différences entre les modes de distribution en cause suffisent à écarter tout risque de concurrence et de confusion ; que les premiers juges y ont cependant répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; qu'il sera ajouté que si les produits incriminés sont commercialisés à des prix bien moindres que ceux dont ils s'inspirent, il n'en demeure pas moins qu'ils bénéficient de façon injustifiée et à titre lucratif, en vue d'attirer la clientèle, de leur renommée; qu'en conséquence la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a retenu des actes de concurrence déloyale et de parasitisme;

Considérant que les préjudices subis par la société L'Oréal et ses filiales qui en demandent incidemment le réexamen ont été exactement appréciés par les premiers juges en tenant compte des éléments du dossier, étant observé qu'il n'est produit aucune nouvelle donnée susceptible de modifier leur évaluation ; que les mesures d'interdiction et de confiscation telles que prononcées par le tribunal sont justifiées et doivent de même être purement et simplement confirmées en l'absence de tout élément nouveau ; qu'il n'y a pas plus lieu qu'en première instance d'ordonner une publication dont la nécessité n'a pas été retenue compte tenu de l'ancienneté des faits ;

Considérant que la société AZ Services sollicite la garantie de la société PSD et a assigné à cette fin le liquidateur de celle-ci en cause d'appel ; qu'elle justifie suffisamment ne pas être spécialisée dans la vente de produits de parfumerie et avoir acquis de tels produits, dont ceux incriminés auprès de la société PSD, laquelle était tenue de lui délivrer des produits pouvant être licitement revendus; que la société appelante s'avère dès lors recevable et fondée en son appel en garantie tendant à ce que le montant des condamnations prononcées à son encontre soient fixé au passif de la société PSD;

Considérant que la décision déférée sera en définitive confirmée en toutes ses dispositions, sauf en celles concernant l'appel en garantie de la société AZ Services ;

Considérant que l'équité commande, pour les frais irrépétibles d'appel, une nouvelle application de l'article 700 du Code de procédure civile au seul profit des sociétés L'Oréal, Lancôme, Giorgio Armani et parfums Cacharel;

Par ces motifs, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la société AZ Services à l'égard de la société PSD faute de reprise de la procédure à l'encontre de son liquidateur; Statuant à nouveau de ce chef; Constate que la société AZ Services a assigné en cause d'appel Maître Emmanuel Malfaisan en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PSD; Fixe au passif de la société PSD le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société AZ Services du chef des demandes formées par les sociétés L'Oréal, Lancôme parfums et beauté & Compagnie, Prestige et Collections International exerçant sous l'enseigne Giorgio Armani Parfums, et parfums Cacharel, y compris celles au titre des frais irrépétibles et des dépens; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation; Condamne la société AZ Services aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Teytaud, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à chacune des sociétés L'Oréal, Lancôme parfums et beauté & Compagnie, Prestige et collections international, et parfums Cacharel, une somme complémentaire de 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel.