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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 14 septembre 2010, n° 09-14586

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Luxottica France (SAS)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence, Ordre des avocats à la Cour de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos (faisant fonction)

Avocats :

Mes Saint-Esteben, Rameau, Repiquet

TGI Paris, JLD, du 17 juin 2009

17 juin 2009

Procédure

Vu le procès-verbal de saisie dressé le 24 juin 2009 par l'Autorité de la concurrence dans les locaux de la SAS Luxottica France situés à Les Espaces de Sophia - bâtiment B-80, route des lucioles à Valbonne (06560),

Vu le recours déclaré le 6 juillet 2009 par la SAS Luxottica France,

Vu les conclusions déposées le 21 janvier 2010 par la SAS Luxottica France,

Vu les observations déposées le 27 mai 2010 par l'Autorité de la concurrence,

Vu les conclusions d'intervention volontaire déposées le 9 juin 2010 par l'Ordre des avocats à la Cour de Paris,

Vu les conclusions orales développées par le Ministère public,

Entendues les parties à l'audience du 10 juin 2010,

Sur quoi, le délégataire du Premier Président

Considérant que, par ordonnance du 17 juin 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'Autorité de la concurrence à faire procéder aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans diverses sociétés exerçant leur activité dans le secteur des montures de lunettes et des lunettes de soleil notamment dans les locaux de la SAS Luxottica France situés à Les Espaces de Sophia - bâtiment B-80, route des lucioles à Valbonne (06560); que, par ordonnance du 19 juin 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grasse a désigné le chef de service territorialement compétent avec mission de désigner les OPJ; que, le 24 juin 2009, l'Autorité de la concurrence a notifié ces ordonnances au directeur général de la société Luxottica ; que les opérations qui ont suivi ont permis la saisie de documents et supports d'information réunis sous les scellés 1 à 10 ;

Considérant que la société Luxottica France demande au délégataire du Premier Président d'annuler l'ensemble des opérations de visite et de saisie pratiquées le 24 juin 2009 avec restitution de l'intégralité des pièces saisies, aucune copie ou aucun original ne pouvant être conservé ni utilisé par une personne ou autorité autre que son propriétaire ;

Considérant que l'Ordre des avocats à la Cour de Paris, intervenant volontaire, sollicite également l'annulation, dans leur intégralité, des saisies litigieuses ayant porté sur des correspondances échangées entre la société Luxottica et ses avocats et qui, ce faisant, ont violé le principe de la confidentialité des correspondances entre un avocat et son client;

Considérant que l'Autorité de la concurrence conclut à la régularité des opérations et donne son accord pour restituer par destruction les documents informatiques listés ;

- en annexes 10 des conclusions de la société Luxottica à l'exception de quelques messages figurant en scellés n° 8 (messagerie de M. Mutinelli), et n° 10 (messagerie de M. Duranton),

- en annexe 12 des conclusions de la société Luxottica à l'exception de quelques messages figurant en scellés n° 8 (messagerie de M. Mutinelli) ;

Considérant que le Ministère public a conclu au respect de la confidentialité sauf si les correspondances sont en rapport avec l'infraction;

a) Sur l'absence d'établissement préalable d'un véritable inventaire des documents saisis

Considérant que la société Luxottica reproche aux rapporteurs d'avoir dressé des inventaires en annexes 2 et 3 qui ne comportent pas la liste des courriers électroniques saisis mais font uniquement apparaître les 6 fichiers informatiques au sein desquels ont été intégralement enregistrées les messageries électroniques saisies ;

Mais considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie que les rapporteurs ont saisi 7 fichiers informatiques comportant les messageries professionnelles de M. Mutinelli et de M. Duranton se trouvant sur leur messagerie Outlook; que, compte tenu de la présence dans ces fichiers de documents entrant dans le champ de l'autorisation, ils ont procédé à la copie intégrale du fichier, sans possibilité d'isoler, d'individualiser donc d'inventorier les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation; que dès lors, sans enfreindre les dispositions de l'article 56 du Code de procédure pénale, les messageries ont été inventoriées sans énumération de l'intitulé de l'ensemble des messages qu'elles comportent; que le moyen ainsi soulevé doit être écarté;

b) Sur l'absence de recours à la procédure de mise sous scellés provisoires

Considérant que la société Luxottica reproche aux rapporteurs de ne pas avoir mis sous scellé provisoire la messagerie de MM. Duranton et Mutinelli;

Mais considérant que le recours à la procédure de mise sous scellés provisoires est prévu par l'article 56, 40 alinéa du Code de procédure pénale en cas de difficultés; qu'en l'espèce, les rapporteurs ont pu réaliser l'inventaire sur place, nonobstant l'importance quantitative des messageries; que le grief ainsi formulé doit être également rejeté ;

c) Sur l'absence de sélection ultérieure des seuls documents utiles à l'avancement de l'enquête

Considérant que la société Luxottica reproche à l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir effectué la sélection qui s'impose au sein des courriers saisis ;

Mais considérant que, pour les motifs techniques ci-dessus évoqués, l'Autorité de la concurrence n'est pas en mesure de procéder de sa seule initiative à une sélection des seuls messages utiles à l'enquête; que, d'autre part, compte tenu du recours portant sur les opérations de saisie, l'Autorité de la concurrence a pu estimer préférable de maintenir les choses à l'état sans intervenir sur les fichiers saisis ;

d) Sur la saisie d'éléments hors champ de l'enquête

Considérant que la société Luxottica reproche à l'Autorité de la concurrence d'avoir saisi dans la messagerie de MM. Duranton et Mutinelli des emails n'entrant pas dans le champ de l'enquête ;

Mais considérant que, dés lors que ces documents ne sont pas couverts par le secret professionnel et les droits de la défense et qu'ils ont été saisis selon les modalités ci dessus exposées, parmi d'autres documents qui rentraient dans le champ de l'enquête, les rapporteurs n'ont enfreint aucune disposition légale ; que la demande de nullité des opérations de saisie présentée à ce titre doit être rejetée, étant précisé qu'en toute hypothèse ces messages ne pourront pas être utilisés;

e) Sur la saisie de pièces couvertes par le secret qui s'attache aux correspondances entre un avocat et son client

Considérant que la société Luxottica expose que la messagerie électronique de M. Duranton qui a été saisie comporte 170 courriers électroniques échangés avec les avocats de la société et que celle de M. Mutinelli en comprend 90; que l'énumération des ces messageries figure dans la pièce n° 10 produite aux débats par la société Luxottica;

Considérant que l'Autorité de la concurrence qui ne conteste pas cette situation est d'accord pour restituer par destruction les documents informatiques ainsi listés; que cette proposition qui tient compte des contingences technique et qui assure, certes à postériori, le respect du secret professionnel et des droits de la défense selon les termes de l'article 56 du Code de procédure pénale, doit être retenue ; qu'il a en effet déjà été relevé que le tri sur place des messageries n'était pas possible ; qu'en raison du caractère général attaché à cette protection, il n'y a pas lieu d'exclure de cette restitution par destruction les quelques documents listés dans ses conclusions par l'Autorité de la concurrence;

Considérant que la restitution par destruction qui ménage l'ensemble des intérêts en présence constitue la sanction la plus adaptée; qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de nullité de l'ensemble des opérations de saisie qui présente un caractère disproportionné et reviendrait à annuler une partie des saisies intervenue dans des conditions parfaitement régulières;

f) Sur la saisie des pièces concernant la vie privée des salariés

Considérant que la société Luxottica expose que la messagerie électronique professionnelle de MM. Duranton et Mutinelli qui a été saisie comporte des courriers électroniques se rapportant à la vie privée des intéressés ; que l'énumération des ces messageries figure dans la pièce n° 12 produite aux débats par la société Luxottica;

Considérant que l'Autorité de la concurrence qui ne conteste pas cette situation est d'accord pour restituer par destruction un certain nombre de ces documents; que cette proposition sera retenue sans exclusion des quelques documents listés dans ses conclusions par l'Autorité de la concurrence qui, en toute hypothèse, ne rentrent pas dans le champ de l'enquête;

Par ces motifs, LA COUR, Rejetons la demande de nullité du procès-verbal de saisie dressé le 24 juin 2009 par l'Autorité de la concurrence dans les locaux de la SAS Luxottica France situés à Les Espaces de Sophia - bâtiment B-80, route des lucioles à Valbonne (06560), Ordonnons la restitution par destruction de l'intégralité des documents informatiques listés en annexes 10 et 12 des conclusions de la société Luxottica; Rejetons toutes autres demandes, Condamnons la société Luxottica aux dépens.