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Décisions

Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-15.716

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Graveleau (Sté), GAN Eurocourtage IARD

Défendeur :

SCP Cure-Thiébaut (ès qual.), CFF (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me de Nervo, SCP Gaschignard, SCP Tiffreau, Corlay

T. com. La-Roche-sur-Yon, du 6 nov. 2007

6 novembre 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 avril 2009), que la société Transports Graveleau (la société Graveleau) et la société CFF transports (la société CFF), dont M. X était le gérant, ont conclu un contrat aux termes duquel la société CFF réalisait des prestations de transport en sous-traitance ; que le contrat à durée indéterminée précisait que sa rupture pouvait être notifiée par l'une ou l'autre des parties à tout moment avec un préavis d'un mois ; que par lettre simple du 11 juin 2003, la société Graveleau a mis fin à ce contrat à effet au 1er septembre 2003 ; qu'après avoir obtenu en référé par ordonnance du 22 octobre 2003 une mesure d'expertise aux fins de déterminer les conséquences financières subies par elle à la suite de la rupture des relations contractuelles, la société CFF a été mise en liquidation judiciaire et la SCP Cure-Thiébaut désignée en qualité de liquidateur judiciaire par jugement du 10 mai 2005 ; que le 23 janvier 2006, M. X et la SCP Cure-Thiébaut, ès qualités, ont assigné la société Graveleau en dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ; que cette dernière a appelé en garantie la société GAN Eurocourtage IARD, son assureur ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis : - Attendu que la société Graveleau fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les actions intentées par la SCP Cure-Thiébaut, ès qualités, et M. X, alors, selon le moyen : 1°) que l'action en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'un contrat, prononcée par l'une des parties en application d'une clause de résiliation figurant à ce contrat, a nécessairement un fondement contractuel ; que la rupture abusive de relations commerciales a une nature contractuelle dès lors que ces relations étaient établies par un contrat entre les parties ; qu'en l'espèce il est constant que les juges du fond ont retenu qu'était en cause l'application de l'article 1 du contrat du 14 mars 1994 conclu entre la société Graveleau et la société CFF qui précisait "que la rupture de ce contrat à durée indéterminée pourrait être notifiée par l'une des parties à tout moment avec un préavis d'un mois" et ce après que "par lettre simple du 11 juin 2003, à laquelle le conseil de la société CFF a répondu le 11 juillet 2003, la société Graveleau a mis fin à ce contrat à effet au 1er septembre 2003" ; qu'il en résultait, par conséquent, que l'action engagée par la SCP Cure-Thiébaut, ès qualités, pour rupture brutale dudit contrat de transport avait nécessairement un fondement contractuel en ce qu'elle reposait sur l'application des dispositions convenues entre les parties ; qu'en considérant que l'action engagée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce pour rupture brutale de relations commerciales établies "engage la responsabilité délictuelle de (l') auteur (de la résiliation)" et que "il en résulte que l'action engagée par la SCP Cure-Thiébaut sur ce fondement est recevable, les dispositions prévues par l'article L. 133-6 du Code de commerce, qui ne concerne que les actions découlant du contrat de transport, étant inapplicables" ou encore que "l'action (...) de la SCP Cure-Thiébaut ayant un fondement purement délictuel, elle doit être déclarée recevable", la cour d'appel a violé ensemble les dispositions de l'article 1147 du Code civil et des articles L. 442-6-I-5° et L. 133-6 du Code de commerce ; 2°) que l'action d'un tiers, dirigeant de société, pour le préjudice que lui aurait causé la rupture du contrat conclu par sa société par le cocontractant de celle-ci, n'est recevable que dans la limite de la recevabilité de l'action principale de la société ; que l'existence de la faute doit être examinée au regard du contrat conclu entre les parties et que, dès lors que l'action du cocontractant est prescrite, l'action du tiers fondée sur cette faute contractuelle est nécessairement prescrite à son tour ; qu'il est constant que M. X, en sa qualité personnelle, n'a jamais entretenu de relations commerciales avec la société Graveleau ; qu'en disant que l'action de M. X ayant une nature délictuelle, la prescription posée par l'article L. 133-6 du Code de commerce ne lui était pas applicable, la cour d'appel a violé les deux articles précités ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que conformément à l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur, l'arrêt retient que l'action engagée par la SCP Cure-Thiébaut sur ce fondement est recevable ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'action dont elle était saisie ne relevait pas des dispositions de l'article L. 133-6 du Code de commerce, la cour d'appel n'a pas encouru le grief du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Graveleau fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait rompu abusivement les relations commerciales qui la liaient à la société CFF et de l'avoir condamnée à payer à la SCP Cure-Thiébaut, ès qualités, une certaine somme, alors, selon le moyen, que les dispositions du décret n° 2001-659 du 19 juillet 2001 "portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants", invoquées par la société Graveleau, étaient applicables à la rupture du contrat litigieux prononcée par la société Graveleau le 11 juin 2003 ; que le contrat-type déterminé par les dispositions précitées prévoyait deux hypothèses pour sa résiliation, à savoir : - soit les parties ont contractuellement prévu un délai de préavis en cas de rupture et celui-ci doit s'appliquer à l'exclusion de tout autre, - soit le contrat est silencieux sur ce point et, dans ce cas, un préavis de 3 mois doit être respecté lorsque les relations ont duré plus d'une année ; que l'application de ce contrat-type qui avait vocation à régir les relations des parties au litige excluait celle de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; que les parties ayant contractuellement prévu un préavis d'un mois qui a été respecté et même au-delà, aucune faute ne pouvait être reprochée à la société Graveleau ; qu'en toute hypothèse, les appelants n'étaient pas fondés à invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce pour tenter de contourner le contrat-type et la loi des parties ; qu'en appliquant néanmoins l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, la cour d'appel a violé les articles 2 et 12 du décret n° 2001-659 du 19 juillet 2001, ensemble l'article L. 442-6 5° du Code de commerce par fausse application ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le délai de préavis contractuel était prévu dans le contrat du 14 mars 1994 et écarté l'application du contrat-type, la cour d'appel a, sans encourir le grief du moyen, retenu que le délai de préavis était manifestement insuffisant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Graveleau fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes à l'encontre de la société GAN Eurocourtage IARD, alors, selon le moyen : 1°) qu'en application de la police d'assurance souscrite auprès de la société GAN Eurocourtage IARD, la société Graveleau se trouvait garantie des conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle "et ayant pour origine des fautes, erreurs de faits ou de droit, omissions involontaires, inexactitudes commises soit par l'assuré, soit par des personnes dont il est civilement responsable" ; qu'il en résultait que seule la faute commise volontairement, c'est-à-dire avec volonté de provoquer le dommage, était source d'exclusion de garantie ; qu'il ne pouvait en être ainsi de l'usage par la société Graveleau de la faculté de résiliation prévue au contrat de transport - exercée, de surcroît, avec un préavis de trois mois - d'une durée triple du préavis contractuellement fixé ; qu'en considérant que " la responsabilité de la société Graveleau étant engagée sur un fondement délictuel, pour une faute commise volontairement hors du cadre strictement professionnel de l'entreprise, il n'y a pas lieu de condamner la compagnie GAN Eurocourtage IARD à garantir ladite société des condamnations prononcées contre elle ; que la société Graveleau sera déboutée de son appel en garantie", la cour d'appel a méconnu les dispositions du contrat d'assurance, partant, violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en application de la police d'assurance souscrite auprès de la société GAN Eurocourtage IARD, la société Graveleau se trouvait garantie des conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle "et ayant pour origine des fautes, erreurs de faits ou de droit, omissions involontaires, inexactitudes commises soit par l'assuré, soit par des personnes dont il est civilement responsable" ; qu'il en résultait qu'entrait bien dans le cadre de la responsabilité professionnelle l'usage de la faculté de résiliation prévue au contrat de transport conclu entre les parties dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle ; qu'en considérant que "la responsabilité de la société Graveleau étant engagée sur un fondement délictuel, pour une faute commise volontairement hors du cadre strictement professionnel de l'entreprise, il n'y a pas lieu de condamner la compagnie GAN Eurocourtage IARD à garantir ladite société des condamnations prononcées contre elle ; que la société Graveleau sera déboutée de son appel en garantie", la cour d'appel a méconnu les dispositions du contrat d'assurance, partant, violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la société Graveleau a engagé sa responsabilité du fait de la rupture abusive des relations entretenues entre elle et la société CFF, l'arrêt retient encore que le contrat d'assurance souscrit par la société Graveleau couvre la responsabilité civile de l'assurée, dans l'exercice de son activité professionnelle, pour des faits ayant pour origine des fautes, erreurs de fait ou de droit, omissions involontaires, inexactitudes, commises soit par l'assuré, soit par des personnes dont il est civilement responsable ; que de ces constatations et appréciations, desquelles il ressortait que le contrat d'assurance ne couvrait pas la responsabilité de la société Graveleau pour rupture brutale des relations commerciales, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu de condamner la compagnie GAN Eurocourtage IARD à garantir la société Graveleau des condamnations prononcées contre elle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.