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Décisions

Cass. 3e civ., 28 septembre 2010, n° 08-20.387

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

BVD (SA)

Défendeur :

Société constructions vente du Verdet 3 (SCI), Stephadis (SC), Oreas immo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Assié

Avocat général :

M. Bailly

Avocats :

SCP Ortscheidt, Me Carbonnier

TGI Angers, du 25 juill. 2006

25 juillet 2006

LA COUR : - Donne acte à la société BVD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile immobilière de construction-vente du Verdet 3 et la société Oreas immo ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 27 novembre 2007 rectifié par arrêt du 18 novembre 2008), que la société BVD (le franchiseur) a conclu le 31 mars 2003 un contrat de franchise avec la société Delaudis concernant l'exploitation d'un magasin spécialisé dans la distribution aux professionnels et aux particuliers de matériel de bureautique ; que le 8 avril 2003, la société Delaudis a conclu un bail avec la société civile immobilière de construction-vente du Verdet 3 (la SCICV) portant sur un emplacement de vente dans lequel elle a effectué des travaux en vue de l'ouverture du magasin pour la fin de l'année 2003 ; qu'un arrêté municipal du 21 novembre 2003 l'ayant autorisée à exploiter la seule activité de grossiste, à l'exclusion de tout commerce de détail, la société Delaudis, aux droits de laquelle est venue la société Stephadis, a notifié le 13 décembre 2003 à la SCICV et à la société BVD sa décision de résilier tant le contrat de bail que le contrat de franchise et les a assignées en réparation de son préjudice ; que la société Oreas immo est intervenue volontairement en sa qualité de nouveau propriétaire de l'immeuble loué (le bailleur) ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, examiné par la chambre commerciale : - Attendu que la société BVD fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Stephadis, aux droits de la société Delaudis, en retenant sa responsabilité pour un tiers dans la survenance du dommage alors, selon le moyen : 1°) qu'en retenant la responsabilité du franchiseur, motifs pris qu'elle n'avait pas assisté le franchisé et qu'elle ne lui avait pas proposé des recherches de solution de remplacement lorsque celui-ci n'avait pas obtenu l'autorisation d'exploiter un commerce de détail dans l'emplacement de vente choisi en accord avec le franchiseur, sans constater que le contrat de franchise stipulait l'obligation pour le franchiseur d'assister le franchisé s'il rencontrait des difficultés administratives pour l'ouverture de son commerce, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que le franchisé avait "pris l'initiative de rompre les deux contrats sans tentative de rapprochement auprès de ses partenaires", de sorte qu'il ne pouvait être imputé au franchiseur de ne lui avoir pas proposé des solutions de remplacement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 3°) qu'en toute hypothèse, la violation de l'obligation d'assistance par le franchiseur ne peut être sanctionnée qu'au titre de la perte de chance subie par le franchisé de trouver une solution de remplacement, lorsqu'il a fait face à l'impossibilité d'exploiter le commerce de détail dans l'emplacement choisi ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient par motifs adoptés que le contrat prévoyait l'étude de l'implantation et de l'emplacement choisi, ce qui ne pouvait exclure l'aspect juridique de ce choix d'installation, que cette obligation est d'autant plus importante qu'elle a fait l'objet d'une rémunération spécifique et que, dès lors que son franchisé était confronté à des difficultés sérieuses mettant en péril l'équilibre économique et financier prévu, établi à partir de données fondées sur une double activité de grossiste et de vente au détail, il était du devoir du franchiseur de proposer une solution alternative à son franchisé, et de tout mettre en œuvre pour que la difficulté puisse être surmontée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'à la suite de l'arrêté municipal, le franchiseur avait le devoir de proposer une solution alternative à son franchisé, et de tout mettre en œuvre pour que la difficulté puisse être surmontée, peu important la rupture ultérieure du contrat par le franchisé sans rapprochement avec le franchiseur, la cour d'appel a pu statuer comme elle l'a fait ;

Et attendu enfin qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des écritures de la société BVD qu'elle ait soutenu devant la cour d'appel que le préjudice de la société Delaudis ne serait qu'une perte de chance ; que le moyen mélangé de fait et de droit, est nouveau ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé : - Attendu qu'ayant retenu, dans une proportion qu'elle a souverainement fixée, que le préjudice subi par la société Stephadis, venant aux droits de la société Delaudis, résultait des fautes conjuguées des trois partenaires à l'opération, le bailleur pour avoir annoncé une possibilité d'exploitation qui n'avait pas été totalement autorisée à la date prévue, le franchiseur pour ne pas avoir suffisamment assisté le franchisé et ne pas lui avoir proposé des recherches de solution de remplacement, et le franchisé lui-même pour avoir pris l'initiative de rompre les deux contrats sans tentative de rapprochement auprès de ses partenaires, notamment quant à l'exercice d'un recours administratif, et alors qu'il disposait au moins d'une autorisation d'exploitation à concurrence de 70 %, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois.