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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 juin 2010, n° 08-08312

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Aristea Spa (SA)

Défendeur :

Benouaich

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Dubosq-Pellerin, SCP Bernabé Chardin Cheviller

Avocats :

Mes Lugnani, Bouglia

T. com. Paris, du 11 déc. 2007

11 décembre 2007

LA COUR,

Vu le jugement du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a:

- dit la société Agef irrecevable,

- dit recevable l'action intentée contre la société Aristea par M. Benouaich,

- condamné la société Aristea à verser à ce dernier la somme de 160 508,26 euro majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2005, date de la mise en demeure,

- condamné la société Aristea à verser à M. Benouaich la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties en leurs demandes autres, plus amples ou contraires;

Vu l'appel interjeté par M. Benouaich et la société Agef et leurs conclusions du 9 février 2009 tendant à faire:

à titre principal,

- condamner la société Aristea au paiement d'une indemnité de fin de contrat d'un montant de 293 412 euro en réparation du préjudice subi par la société Agef ou, à défaut, par M. Benouaich du fait de la résiliation du contrat d'agence commerciale liant les parties,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Aristea sur le fondement du droit italien au paiement de:

- 160 508,26 euro à titre de fin de contrat,

- 132 903,74 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par M. Benouaich,

- 10 000 euro au titre de résistance abusive, et 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société Aristea du 29 septembre 2009 et tendant à faire:

- confirmer le jugement en qu'il a déclaré la société Agef n'avait pas qualité pour agir,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. Benouaich une indemnité de résiliation d'un montant de 160 508,26 euro,

- constater que le montant de l'indemnité de fin de contrat due à M. Benouaich s'élève à la somme de 60 965,78 euro,

- lui donner acte de ce qu'elle propose, depuis le mois de janvier 2005, le versement d'une indemnité de ce montant,

- dire que, par conséquent, cette somme ne doit pas être assortie d'intérêts légaux,

- condamner M. Benouaich à lui restituer toutes les sommes trop-perçues au-delà du montant de 60 955,78 euro, tant en principal qu'à titre d'accessoires, en ce comprise la somme de 5 000 euro versée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en exécution du jugement entrepris à lui payer la somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants:

La société Aristea est une société de droit italien qui exerce une activité de production et distribution d'objets pour la cuisine (assiettes, gobelets, couverts, bols en plastique...).

Le 12 décembre 1994 elle a confié à M. Benouaich un mandat d'agence commerciale portant sur la promotion et la vente de ses produits sur le territoire français.

Au mois de juin 2000, la société Aristea et ce dernier ont conclu un contrat d'agent commercial avec effet rétroactif à compter du 12 décembre 1994.

Toutefois le 14 janvier 2005 la société Aristea a résilié le contrat d'agent commercial considéré en demandant à l'agent d'exécuter une période de préavis de 6 mois.

Le 27 janvier suivant la société Aristea offrait à M. Benouaich le versement d'une indemnité de fin de contrat d'un montant de 60 965,78 euro tandis que celui-ci réclamait le paiement des "indemnités telles que prévues par la législation et les usages français, soit deux années de commissions brutes perçues".

C'est dans ces conditions que, par acte du 28 septembre 2005, la société Agef, laquelle exploitait en qualité de locataire-gérant le portefeuille de mandats d'agent commercial dont M. Benouaich était titulaire, et ce dernier ont assigné la société Aristea devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement d'une indemnité de fin de contrat et qu'est intervenu le jugement.

Sur la qualité pour agir de la société Agef

Considérant que l'intéressée n'est aucunement titulaire du contrat d'agence commerciale conclu entre la société Aristea et M. Benouaich ; qu'elle est ainsi dépourvue de toute qualité à agir dans la présente instance ; qu'il y a lieu, par suite, de la dire irrecevable en son action à l'encontre de la société Aristea;

Sur le droit applicable au présent litige

Considérant que l'article 1er du contrat litigieux énonce qu'il est " conclu conformément aux dispositions du Code civil italien, aux accords économiques et aux dispositions législatives en vigueur "; que son article 15 confirme que " les parties admettent expressément que le présent contrat est soumis à la loi italienne ";

Considérant que si M. Benouaich prétend cependant que "les règles françaises et notamment l'article L. 134-12 du code de commerce, prises en application de l'article 17 de la directive 96-653-CEE constituent des dispositions impératives qui ne sauraient être écartées", il convient de rappeler que la loi du 25 juin 1991, codifiée dans les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, loi protectrice d'ordre public interne, applicable à tous les contrats en cours à la date du 1er janvier 1994, n'est pas une loi de police applicable dans l'ordre international, de telle sorte que la rupture du contrat de droit international peut être régie, conformément aux stipulations contractuelles, par le droit d'un autre Etat ne prévoyant pas l'attribution d'une indemnité de rupture;

Considérant qu'il s'ensuit que les parties ont valablement pu entendre soumettre le contrat conclu au droit italien qui a, dès lors, seul vocation à s'appliquer qu'il s'agisse des dispositions législatives en vigueur ou des conventions collectives relatives aux agents commerciaux expressément visées à l'article 1er précité sous l'appellation "accords économiques collectifs" et entrées de ce fait dans le champ contractuel des parties;

Sur le montant de l'indemnité de résiliation

Considérant que la convention applicable, souscrite le 20 mars 2002 et régissant les contrats d'agence commerciale au visa de la directive CEE n° 86-653 dispose que l'agent est en droit de percevoir, de façon cumulative, deux indemnités distinctes (article 10.1 de la convention):

- une indemnité de résiliation du contrat, calculée en pourcentage de l'ensemble des commissions versées à l'agent tout au long du contrat;

- un indemnité supplétive de clientèle visant à compenser le professionnalisme de l'agent et elle-même composée de deux parties, une partie calculée sur les commissions versées à l'agent (article 10. II A) et une partie complémentaire en fonction du développement des affaires réalisé par l'agent (article II; B) ; que la société Aristea produit des tableaux récapitulant les calculs effectués par ses soins en application des stipulations susmentionnées et dont M. Benouaich ne conteste pas l'exactitude en tant que telle même s'il critique le principe-même de se référer à la convention collective pour apprécier le montant de son indemnisation ; qu'à ce sujet si l'intimé soutient que cette convention lui serait défavorable et contraire au cadre fixé par l'article 17 § 2 de la directive CEE n° 86-653 susmentionnée, il échet de relever que l'accord collectif litigieux, d'une part, fait expressément application des critères énoncés par la directive, à savoir le versement d'une indemnité liée au développement des affaires procuré par l'agent et équitablement fixée, d'autre part, assure, en tous cas, un traitement plus favorable à l'agent, puisqu'il précise, dans les déclarations apposées à la fin de son article 10, que les indemnités calculées selon les modalités qui y sont prévues sont dues même si elles dépassent le montant maximum de l'indemnité tel que prévu par l'article 1751 du Code civil italien; qu'il sera, enfin souligné que ledit article 1751 dont M. Benouaich excipe ne prévoit aucunement que l'indemnité en cause doive correspondre à un an de commissions mais seulement qu'il s'agit d'un maximum que précisément seule la mise en œuvre de la convention collective permet essentiellement de dépasser par le jeu même de ses propres modalités de calcul;

Considérant qu'il convient, dès lors, de condamner la société Aristea à verser à M. Benouaich la somme susmentionnée de 60 965,78 euro, de ne pas l'assortir d'intérêts au taux légal dès lors que l'appelante avait vainement proposé à l'intimé qui l'avait refusé le versement de cette somme depuis le mois de janvier 2005, soit antérieurement à l'introduction de la présente instance ; que, pour sa part, il sera ordonné à M. Benouaich de restituer le trop-perçu des sommes reçues au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement et de dire que le montant correspondant sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, du présent arrêt;

Sur la demande formée par M. Benouaich et tendant au versement de la somme de 132 903,74 euro à titre de dommages-intérêts " au titre des conditions qui ont entouré la résiliation de son contrat d'agence commerciale "

Considérant qu'aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile : " les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ";

Considérant, en l'occurrence, qu'en première instance M. Benouaich s'était borné à solliciter la condamnation de la société Aristea au paiement d'une indemnité de fin de contrat d'un montant de 293 412 euro ou, à titre subsidiaire, de 160 508,26 euro; que la demande susvisée a un objet totalement distinct et est fondée, notamment, sur des actes de dénigrement que l'intimé impute à l'appelante; que n'étant ainsi destinée ni à faire écarter les prétentions adverses ni à permettre d'opposer un moyen de compensation et n'étant pas davantage liée à l'intervention d'un tiers et à la survenance d'un fait nouveau, la prétention ci-dessus présentée doit être regardée comme nouvelle au sens de l'article 564 précité; qu'elle sera, par suite, déclarée irrecevable;

Sur la demande indemnitaire pour " résistance abusive " présentée par M. Benouaich

Considérant que l'ensemble des prétentions de ce dernier ayant été ci-dessus rejeté, sa demande susvisée ne peut également qu'être écartée, la société Aristea n'ayant fait en l'espèce que valoir ses droits en justice;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société Agef irrecevable en son action et M. Benouaich recevable en la sienne, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de dire M. Benouaich irrecevable en sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 132 903,74 euro, de condamner la société Aristea à payer à l'intimé la somme de 60 965,78 euro, d'ordonner à ce dernier de reverser à l'appelante le trop-perçu des différentes sommes reçues en exécution du jugement avec les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt et de le débouter de l'ensemble de ses autres demandes;

Sur l'application de l'article en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Benouaich à verser à la société Aristea la somme de 4 000 euro au titre des frais hors dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a dit la société Agef irrecevable en son action et M. Benouaich recevable en la sienne. L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, Dit M. Benouaich irrecevable en sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 132 903,74 euro, Condamne la société Aristea à payer à l'intimé la somme de 60 965,78 euro. Ordonne à ce dernier de restituer à la société Aristea le trop-perçu des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré avec les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt. Déboute M. Benouaich de l'ensemble de ses autres demandes. Le condamne aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. Le condamne aussi à verser à la société Aristea la somme de 4 000 euro au titre des frais hors dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.