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Décisions

Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-69.573

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Viola

Défendeur :

Page jaunes (SA), France Télécom (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Monod, Colin

T. com. Paris, 8e ch., du 8 févr. 2006

8 février 2006

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2009) que M. Viola qui exerce son activité d'antiquaire sous la dénomination Aabam Antiquités André Viola a été inscrit en 1999 et 2000 dans l'annuaire des pages blanches et jaunes sous cette appellation ; qu'ayant découvert en 2001 que cette inscription avait été remplacée par celle de "Viola" et les sociétés Pages Jaunes et France Télécom ayant refusé de l'inscrire sous la précédente appellation, M. Viola les a assignées en paiement de dommages-intérêts et aux fins de voir ordonner à la société France Télécom de l'inscrire dans ses annuaires sous le nom Aabam et à la société Pages Jaunes d'accepter ses encarts publicitaires sous ce même nom ;

Attendu que M. Viola fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes à l'encontre des sociétés Pages Jaunes et France Télécom alors, selon le moyen : 1°) qu'une personne privée, serait-elle chargée d'une mission de service public, ne peut être investie d'un pouvoir de police ; qu'en affirmant que la société Pages Jaunes était "en droit d'instaurer des règles nouvelles afin d'empêcher des pratiques abusives entravant la concurrence" et pouvait, à ce titre, "interdire toute dénomination constituée d'une succession de lettres A et B, à l'exception des noms patronymiques", quand une telle mesure d'interdiction ne pouvait être édictée que par une autorité de police administrative et non par une société privée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 2°) qu'en toute hypothèse, une personne privée ne saurait unilatéralement porter atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en affirmant que la société Pages Jaunes était "en droit d'instaurer des règles nouvelles afin d'empêcher des pratiques abusives entravant la concurrence" et pouvait, à ce titre, "interdire toute dénomination constituée d'une succession de lettres A et B, à l'exception des noms patronymiques", quand une telle mesure, manifestement attentatoire à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété dont l'exposant était titulaire sur la marque qu'il avait fait enregistrer, ne pouvait être édictée par une personne privée, la cour d'appel a violé les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen et l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1147 du Code civil ; 3°) qu'en toute hypothèse, une personne privée ne saurait se faire juge de la validité d'une marque, sur laquelle seul un juge ou des autorités administratives compétentes peuvent se prononcer ; que M. Viola exerçait son activité d'antiquaire sous le nom "Aabam Antiquités ", qu'il avait fait enregistrer à titre de marque auprès de l'Institut national de la propriété industrielle ; qu'en affirmant que la société Pages Jaunes était "en droit d'instaurer des règles nouvelles afin d'empêcher des pratiques abusives entravant la concurrence" et pouvait, à ce titre, "interdire toute dénomination constituée d'une succession de lettres A et B, à l'exception des noms patronymiques", quand la société Pages Jaunes ne pouvait, en dehors de toute intervention du juge judiciaire, se prononcer sur la validité d'un nom commercial librement choisi et enregistré à titre de marque, la cour d'appel a méconnu les articles R. 712-10 du Code de la propriété intellectuelle et 1147 du Code civil ; 4°) qu'en toute hypothèse, le juge ne peut, à moins d'en constater la nullité, refuser de tirer les conséquences légales du droit de propriété conféré par une marque régulièrement enregistrée ; que M. Viola exerçait son activité d'antiquaire sous le nom "Aabam Antiquités", qu'il avait fait enregistrer à titre de marque auprès de l'Institut national de la propriété industrielle ; qu'en approuvant la suppression des annuaires édités par la société Pages Jaunes de la marque régulièrement enregistrée par l'exposant, sans en avoir constaté la nullité, la cour d'appel a violé l'article 1147, ensemble les articles L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle et 544 du Code civil ; 5°) qu'en toute hypothèse, la recherche d'un positionnement favorable dans un annuaire ne saurait, en soi, caractériser une concurrence déloyale ; qu'en affirmant cependant que la société Pages Jaunes était fondée à interdire et supprimer de ses annuaires toute dénomination composée d'une succession de lettres A ou B dès lors que cette mesure tendait à éviter les pratiques abusives entravant la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que les règles généralement appliquées par les sociétés France Télécom et Pages Jaunes, suivant les recommandations du Conseil national de la consommation, ont pour objet d'éviter l'utilisation abusive du classement alphabétique pour voir apparaître son nom en début de rubrique et excluent les dénominations constituées d'une succession de lettres A et B sauf s'il s'agit du patronyme de l'abonné; qu'il relève encore que ces règles s'appliquent indistinctement à tout annonceur et que la souscription d'insertions publicitaires dans les annuaires est soumise au respect des conditions générales ; que dès lors qu'il se déduit de ces constatations et appréciations qu'aucun pouvoir de police administrative n'a été reconnu à la société Pages Jaunes et que les mesures prises par cette dernière à l'encontre de M. Viola, quant au refus d'insertion de sa marque dans l'annuaire, l'ont été en vertu de conditions générales, opposables à M. Viola, qui l'autorisaient à adopter de nouvelles règles de classement pour éviter des détournements de l'ordre alphabétique, peu important que cette marque n'ait pas été annulée, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions que M. Viola ait prétendu que la mesure prise par la société Pages Jaunes l'était en violation des articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, enfin, qu'en retenant que la société Pages Jaunes était en droit d'instaurer des règles nouvelles afin d'empêcher des pratiques abusives entravant la concurrence, qu'elle pouvait à ce titre interdire toute dénomination constituée d'une succession de lettres A et B, à l'exception des noms patronymiques, et en en déduisant que la société Pages Jaunes ne pouvait publier la marque sous laquelle M. Viola était inscrit au registre du commerce de Metz, à savoir Aabam Antiquités André Viola, dès lors que cette marque était en contradiction avec les règles instituées par les conditions générales en matière de parution des annonces, la société Pages Jaunes devant respecter ses conditions générales de publication, la cour d'appel n'a pas reconnu à la société Pages Jaunes le droit de se prononcer sur la validité de la marque enregistrée par M. Viola et n'a fait que tirer les conséquences de règles contractuellement définies ; d'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa deuxième branche et qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.