ADLC, 5 août 2010, n° 10-DCC-89
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société SA Port Louis Distribution par la société ITM Entreprises
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 7 juillet 2010, relatif à l'acquisition de l'intégralité des titres de la société SA Port Louis Distribution par le groupe ITM Entreprises, formalisée par un protocole de cession en date du 22 juin 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupement des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".
2. La société ITM Alimentaire Ouest est une société de droit français détenue à [>50] % par la société ITM Alimentaires France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaires Ouest l'animation et le développement du réseau de franchisés exploitant sous les enseignes Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région Ouest de la France.
3. La société ITM Alimentaires Ouest et le groupe ITM Entreprises auquel elle appartient ont réalisé, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d'affaires mondial hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] en France.
4. La société Port Louis Distribution est une société anonyme de droit français qui exploite un point de vente à dominante alimentaire sous l'enseigne Intermarché à Riantec (56). Les titres de la société Port Louis Distribution sont détenus à [>50] % par les époux X et leurs enfants. La société Port Louis Distribution est liée à la société ITM Entreprises par un contrat d'enseigne conclu en date du 7 avril 2004. De plus, Monsieur et Madame X sont signataires de la charte d'adhésion au " Groupement des Mousquetaires ". La société ITM Entreprises détient une action au sein du capital de la société Port Louis Distribution qui, d'après les statuts de la société mis à jour le 19 décembre 2003, ne lui confère pas de droits particuliers. La société Port Louis Distribution a réalisé, au cours du dernier exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d'affaires hors taxes de [>15] millions d'euro.
5. L'opération notifiée, formalisée par un protocole de cession en date du 22 juin 2010, consiste en l'acquisition de la totalité des titres de Port Louis Distribution par le groupe ITM Entreprises, via la société ITM Alimentaire Ouest.
6. En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle exclusif de la société Port Louis Distribution par le groupe ITM Entreprises, l'opération notifiée est bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
8. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
9. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface légale de vente égale ou supérieure à 2 500 m².
10. En l'espèce, le magasin concerné par l'opération occupe aujourd'hui une surface de vente de 2 573 m², il rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
11. Dans ses décisions récentes (4) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
12. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
13. Sur un marché incluant les hypermarchés situés dans un rayon de 30 minutes autour de Riantec, les activités des parties ne se chevauchent pas. L'analyse concurrentielle portera donc uniquement sur le marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés dans un rayon de 15 minutes autour de Riantec.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (5) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (6).
15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION
16. Sur le marché comprenant les supermarchés et autres formes de commerce équivalents, situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour de Riantec, l'Intermarché exploité par la cible représente 17 % des parts de marché exprimées en surfaces de vente (soit 2 573 m² sur une surface totale de 15 441 m²). Sont également présents sur la zone de Riantec deux supermarchés Intermarché situés à Plouhinec et Merlevenez détenant respectivement 11 % et 8 % des parts de marché, un maxi-discompteur Netto situé à Lanester détenant 4 % des parts de marché. Les hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteur exploités sous une enseigne ITM Entreprises représentent donc, sur la zone de chalandise de 15 minutes autour de Riantec, une part de marché cumulée de 40 %.
17. Ces magasins font face à la concurrence d'un hypermarché sous enseigne du groupe Leclerc détenant 30 % des parts de marché, d'un supermarché sous enseigne du groupe Casino détenant 6 % des parts de marché, de trois maxi-discompteurs sous enseigne LIDL détenant une part de marché cumulée de 16 % d'un maxi-discompteur sous enseigne du groupe Carrefour détenant 5 % de parts de marché, et d'un supermarché sous enseigne du groupe U détenant 3 % des parts de marché.
18. De plus, la partie notifiante a indiqué que le groupe Leclerc a obtenu le 26 juin 2009 une autorisation d'agrandissement de son hypermarché présent sur la zone de 4 600 m² à 5 050 m², qu'il a aussi obtenu le 29 avril 2010 l'autorisation de la CDAC de créer un nouveau un point de vente de 3 000 m², et que le groupe Super U a obtenu le 16 février 2010 l'autorisation de créer un nouveau point de vente de 2 500 m². Ces créations et agrandissements de points de vente ramèneront la part de marché, calculée en surfaces de vente, de la nouvelle entité à 29 %.
19. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.
B. MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
20. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération qui ne concerne qu'un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
21. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0100 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis de l'Autorité de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix /Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005 3
3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis du 13 février 2008, C 2007-154 Système UVergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 jullet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.
5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C02006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C 2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour /SAGC du 9 juillet 2008.