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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 7 décembre 2006, n° 05-02149

RENNES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thierry

Conseillers :

Mmes Letourneur-Baffert, Tardy-Joubert

Avocat :

Me Villey

TGI Nantes, ch. corr., du 29 sept. 2005

29 septembre 2005

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Nantes par jugement en date du 29 septembre 2005, pour :

Facturation non conforme, par personne morale, de vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, NATINF 021924

Facturation non conforme, par personne morale, de vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, NATINF 021924

Facturation non conforme, par personne morale de vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, NATINF 021924

a prononcé la relaxe de la SA X.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 7 octobre 2005 à titre principal

La prévention:

Considérant qu'il est fait grief à la SA X:

- d'avoir à Ancenis, de janvier à décembre 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, dans les circonstances reprises dans le procès-verbal en date du 06/06/2003 de la DCCRF, dans le cadre d'une activité professionnelle, émis dans le cadre de ses relations commerciales avec Y, des factures incomplètes, en l'espèce en émettant deux factures comportant les anomalies suivantes:

- une absence de remise de la facture à la fin de la réalisation de la prestation;

- deux désignations imprécises des services rendus;

faits prévus par les articles L. 441-3 al. 3, L. 441-5 du Code du commerce, 121-2 du Code pénal et réprimés par les articles L. 441-4, L. 441-5 du Code du commerce, 131-38, 131-39 5° du Code pénal;

- d'avoir à Ancenis, de janvier 2001 à décembre 2002, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, dans les circonstances reprises dans le procès-verbal en date du 06/06/2003 de la DCCRF, dans le cadre d'une activité professionnelle, émis dans le cadre de ses relations commerciales avec Z, des factures incomplètes, en l'espèce en émettant deux factures comportant les anomalies suivantes :

- 27 absences de remise de la facture dès la fin de la réalisation de la prestation;

- 4 désignations imprécises des services rendus;

faits prévus par les articles L. 441-3 al. 3, L. 441-5 du Code du commerce, 121-2 du Code pénal et réprimés par les articles L. 441-4, L. 441-5 du Code du commerce, 131-38, 131-39 5° du Code pénal;

- d'avoir à Ancenis, de janvier 2001 à décembre 2002, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, dans les circonstances reprises dans le procès-verbal en date du 06/06/2003 de la DCCRF, dans le cadre d'une activité professionnelle, émis dans le cadre de ses relations commerciales avec A, des factures incomplètes, en l'espèce en émettant deux factures comportant les anomalies suivantes:

- 15 absences de date de réalisation de la prestation;

- 27 absences de remise de la facture dès la fin de la réalisation de la prestation;

- 2 absences de factures;

- 4 désignations imprécises des services rendus;

faits prévus par les articles L. 441-3 al. 3, L. 441-5 du Code du commerce, 121-2 du Code pénal et réprimés par les articles L. 441-4, L. 441-5 du Code du commerce, 131-38, 131-39 5° du Code pénal;

Motifs:

Les appels sont réguliers et recevables en la forme.

Sur l'exception de nullité de la citation du 26 juillet 2005 et de la procédure subséquente:

Il y a lieu de statuer sur cette exception, soulevée par voie de conclusions, conformément aux dispositions de l'article 459 du Code de procédure pénale.

Cette citation, délivrée le 26 juillet 2005 au siège social de la société X (avis de réception signé le 28 juillet), énonce les faits poursuivis et vise les textes de loi qui les réprime ; elle contient les autres indications et mentions prévues par l'article 551 du Code de procédure pénale.

C'est sur les faits énoncés par cette citation, et au vu des qualifications qui leur étaient appliquées, qu'il a été statué par le jugement dont appel et c'est par conséquent dans le même cadre de fait et de droit que la cour se trouve saisie.

La société prévenue a donc été parfaitement en mesure de connaître les griefs formulés à son encontre par cette seconde citation, la première, en date du 25 avril 2005, ayant donné lieu à un jugement de relaxe du 9 juin 2005 qui a constaté le caractère erroné de cette première citation et n'a à aucun moment opéré un renvoi à une audience ultérieure. Il n'y avait donc aucun doute, contrairement à ce que prétend la prévenue, sur le fait que la citation délivrée le 26 juillet 2005 était la seule à déterminer les faits et qualifications dont le tribunal aurait à connaître, et sur lesquels il serait par conséquent débattu, à l'audience du 8 septembre 2005.

La société X, dont le conseil avait déjà obtenu copie de la procédure le 26 mai 2005 pour l'audience du 9 juin 2005, était donc en mesure d'exercer normalement sa défense à l'audience du 8 septembre 2005 et ne peut valablement se prévaloir d'aucune incertitude dans la détermination du fondement exact des poursuites exercées à son encontre.

En conséquence, l'exception de nullité est rejetée.

Au fond:

L'appel du Ministère public ne visant que le jugement du 29 septembre 2005, et non celui du 9 juin 2005 qui est désormais définitif, la demande de l'intimée tendant à la confirmation de ce jugement est irrecevable comme excédant la saisine de la cour.

Les 1er et 16 octobre et 14 novembre 2002, les Services de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Loire-Atlantique ont procédé au siège social de la société anonyme X, à Ancenis, à des contrôles portant sur les factures établies à destination de cette société dans le cadre des contrats de coopération commerciale, de partenariat commercial régional et de participation aux opérations promotionnelles régionales que cette société avait conclus - soit sous sa dénomination actuelle, soit sous son ancienne dénomination "X1" en vigueur jusqu'au 1er janvier 2002 - avec les sociétés suivantes:

- A,

- Z,

- Y.

Ont été relevées par les fonctionnaires verbalisateurs plusieurs infractions aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce.

1. Ce texte dispose, en son second alinéa, que le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service et que l'acheteur doit la réclamer.

Ces dispositions sont impératives et instituent à la charge des deux cocontractants des obligations complémentaires et réciproques ; l'acheteur doit donc réclamer toute facture qui ne lui serait pas délivrée dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service.

Or, l'exploitation des factures a permis de constater que, pour 15 factures A, 27 factures Z et une facture Y, il y avait un décalage entre la date de réalisation de la prestation de service et la délivrance de la facture, ce décalage pouvant aller de quelques jours, pour la plupart des factures Z, à plusieurs semaines - pour quelques factures Z - deux à trois mois pour les factures A et même plus de cinq mois pour la facture Y du 12 novembre 2001 (prestation de service réalisée le 4 juin 2001).

Le délit se trouve ainsi caractérisé dans sa matérialité par la constatation des laps de temps écoulés entre la réalisation des prestations de services et la délivrance des factures correspondantes.

En imposant à l'acheteur l'obligation de réclamer la facture, l'article L. 441-3 du Code de commerce le rend passible de la sanction prévue à l'article L. 441-4 en cas de violation de cette obligation, incriminant ainsi l'omission imputable à celui qui doit être le destinataire de la facture, ce en parfaite conformité avec les dispositions des articles 111-3 et 121-1 du Code pénal et sans qu'il y ait lieu de considérer, contrairement à l'argumentation développée en pages 18 à 26 des conclusions de l'intimée, le fait, inopérant à cet égard, que la coresponsabilité de l'acheteur en cas de fraude fiscale est posée par l'article 1786 du Code général des impôts.

En conséquence, les infractions ayant consisté pour les organes ou représentants de la SA X à omettre de réclamer les factures dès la réalisation des prestations de services considérées sont bien caractérisées et le jugement dont appel sera réformé en ce qu'il a prononcé sa relaxe de ce chef;

2. L'article L. 441-3 du Code de commerce dispose en son troisième alinéa que la facture doit mentionner, entre autres indications, la dénomination précise des produits vendus et des services rendus.

Au regard de ces dispositions, il apparaît que certaines des dénominations relevées sur les factures par les fonctionnaires verbalisateurs et retenues par la prévention ne permettent pas d'identifier avec précision la nature exacte des services rendus.

Il s'agit des libellés suivants:

"Soit : le maintien de la même gamme de produits que l'année précédente sur la centrale régionale (gamme ou produit désigné ci-dessous). La centrale s'engage à réaliser le volume de chiffre d'affaires indiqué ci-dessous pour cette gamme ou produit,

Soit : le lancement à l'échelon régional de nouveaux produits du fournisseur au cours de la période définie ci-après",

formule reproduite sur huit factures de la SA Z répertoriées aux tableaux figurant en pages 4, 5 et 8 du procès-verbal du 6 juin 2003 (dossier n° 16935-03) et citée en pages 9 (dernier alinéa) et 10 (premier alinéa) de ce procès-verbal, et où le mode alternatif et hypothétique de la désignation ne permet pas de savoir quelle sorte de prestation est ainsi facturée;

"L'amélioration des performances logistiques", formule reproduite sur trois factures A des 31 mai 2001, 27 et 28 juin 2002,

"Action de diffusion du tronc d'assortiment commun (TAC)", première phrase de la formule constituant le libellé de la facture Y du 23 juillet 2001,

ces mentions lapidaires ne permettant pas d'identifier avec précision la nature exacte des services rendus.

Les autres formulations, tout en employant parfois des termes du vocabulaire technico-commercial, sont conformes à l'exigence de précision posée par le texte visé et ne peuvent par conséquent constituer l'infraction reprochée à la société prévenue.

On notera en particulier que sont tout à fait explicites les mentions suivantes:

"La présence des produits du fournisseur dans l'assortiment régional adapté à la consommation locale et recommandé à l'ensemble des [magasins] dépendant de la centrale" (factures Z),

"Le maintien de la même gamme de produits que l'année précédente sur la centrale régionale..." (Factures Z dans lesquelles cette mention n'est pas mise en alternance hypothétique avec une autre mention contraire),

"Etude des besoins consommateurs des magasins Y, analyse des infos communiquées par les panélistes" et phrases suivantes de la facture Y du 23 juillet 2001.

Pour les autres mentions, précédemment citées, le délit se trouve caractérisé dans sa matérialité.

En imposant à l'acheteur l'obligation de réclamer la facture, l'article L. 441-3 du Code de commerce le rend passible de la sanction prévue à l'article L. 441-4 dans les cas où il accepte des factures au libellé non conforme à l'exigence légale d'une dénomination précise et s'abstient de réclamer des factures répondant à cette exigence, se rendant ainsi coupable d'un délit spécifique au destinataire des factures concernées.

En conséquence, les infractions sont imputables aux organes ou représentants de la société X et, par réformation partielle du jugement dont appel, les faits mentionnés ci-dessus comme devant recevoir cette qualification seront retenus comme constituant effectivement ces infractions. Dès lors, la prévention ayant visé tous les faits énoncés au trois procès-verbaux du 6 juin 2003 (dossiers DDCCRF n°s 16934-03, 16935-03 et 61674-03), il convient de prononcer la relaxe du chef des infractions fondées sur le libellé des factures autres que celles mentionnées ci-dessus.

3. Le procès-verbal relatif aux factures A (dossier n° 16934-03) relève, pour quinze factures, l'absence de mention de la date de réalisation de la prestation de service, ce qui est contraire à l'une des prescriptions du troisième alinéa de l'article L. 441-3 du Code de commerce.

Ces infractions sont effectivement caractérisées et sont imputables aux organes ou représentants de la société X tenue de réclamer des factures conformes à ces prescriptions.

Le jugement de relaxe sera donc réformé de ce chef.

4. Le procès-verbal susvisé relève, pour deux contrats, l'absence de facturation au jour du contrôle alors que la période de réalisation était achevée depuis plusieurs mois.

Ces infractions sont effectivement caractérisées et sont imputables aux organes ou représentants de la société X tenue de réclamer les factures qui n'aurait pas été délivrées dès la réalisation de la prestation du service.

Le jugement de relaxe sera donc réformé de ce chef.

Les infractions ainsi caractérisées ont été commises dans les conditions prévues par l'article 121-2 du Code pénal par les organes ou représentants de la société X, en l'espèce, M. Alain B, Président du conseil d'administration, qui n'avait donné aucune délégation de pouvoirs.

Compte tenu de la nature et des circonstances de commission des infractions, il convient de prononcer à l'encontre de la société prévenue une peine d'amende de 10 000 euro.

Dispositif:

LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de SA X et à l'égard de la DRCCRF : Reçoit l'appel; Rejette l'exception de nullité de la citation et de la procédure; Déclare irrecevable la demande de confirmation de la décision de relaxe prononcée par jugement du 9 juin 2005 statuant sur les faits retenus dans la citation du 25 avril 2005; Infirme le jugement du 29 septembre 2005 et, statuant à nouveau : - Déclare la société anonyme X responsable pénalement de tous les faits d'omission de réclamer les factures de prestations de services dès leur réalisation, des faits d'acceptation de quinze factures de la société A ne mentionnant pas les dates des prestations de services et des faits d'acceptation de factures ne mentionnant pas la dénomination précise des services rendus pour les huit factures de la SA Z, les trois factures de la société A et la facture de la société Y centrale nationale citées aux motifs qui précèdent; - La relaxe pour le surplus; - En répression, - Condamne la société anonyme X à une amende de 10 000 euro. Le Président donne à la condamnée l'avis prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable la condamnée en application des dispositions des articles 800-1 du Code de procédure pénale et 1018 A du Code général des impôts.