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Décisions

TUE, 8e ch., 7 octobre 2010, n° T-452/08

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DHL Aviation SA/NV, DHL Hub Leipzig GmbH

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Juges :

Mme Martins Ribeiro, MM. Papasavvas (rapporteur), Dittrich

Avocats :

Mes Burnside, van de Walle de Ghelcke

TUE n° T-452/08

7 octobre 2010

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Antécédents du litige

1 Les requérantes, DHL Aviation SA/NV et DHL Hub Leipzig GmbH, appartiennent au groupe DHL (ci-après " DHL "). DHL est un des principaux groupes opérant dans le secteur des services de colis express. Il est détenu à 100 % par Deutsche Post AG.

2 Après avoir négocié avec plusieurs aéroports, DHL a décidé, en 2005, de déplacer sa plate-forme européenne de fret aérien de Bruxelles (Belgique) à Leipzig-Halle (Allemagne), à partir de 2008.

3 L'aéroport de Leipzig-Halle est exploité par Flughafen Leipzig-Halle GmbH (ci-après " FLH "), qui est une filiale de Mitteldeutsche Flughafen AG (ci-après " MF "). MF détient une participation de 94 % dans FLH. Les autres actionnaires de FLH sont le Land de Saxe (5,5 %), le Landkreis Nordsachsen (0,25 %) et la ville de Schkeuditz (0,25 %). Les actionnaires de MF sont le Land de Saxe (76,64 %) et le Land de Saxe-Anhalt (18,54 %), ainsi que les villes de Dresde (2,52 %), de Halle (0,2 %) et de Leipzig (2,1 %). MF n'a pas d'actionnaires du secteur privé.

4 Le 4 novembre 2004, MF a décidé de construire une nouvelle piste Sud de décollage et d'atterrissage (ci-après la " piste Sud "). Celle-ci devait être financée par un apport en capital, d'un montant de 350 millions d'euro, à MF ou à FLH par leurs actionnaires publics (ci après l'" apport en capital ").

5 Le 21 septembre 2005, FLH, MF et DHL Hub Leipzig ont signé un accord-cadre (ci-après l'" accord-cadre "). En vertu de l'accord-cadre, FLH est tenu de construire la piste Sud et d'honorer d'autres engagements pendant toute la durée de celui-ci. Parmi ceux-ci figurent, notamment, la garantie d'opérer en continu sur la piste Sud, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (ci-après la " clause 24/7 "), et celle qu'au moins 90 % des transports aériens effectués par ou pour DHL puissent être réalisés à tout moment à partir de ladite piste (ci-après la " clause des 90 % "). L'accord-cadre fixe les conditions garanties par FLH et MF pour le commencement de la construction et la mise en exploitation de la nouvelle plate-forme, ainsi que pour son fonctionnement ultérieur. Il inclut également des accords sur les conditions d'exploitation, les taxes aéroportuaires et la location de terrains. S'agissant des garanties postérieures à la mise en exploitation de la nouvelle plate-forme, l'accord-cadre prévoit que, si FLH ne remplit pas, après ladite mise en exploitation, les conditions d'exploitation qu'il contient, FLH et MF seraient tenues de dédommager DHL Hub Leipzig de tout préjudice et de toute perte qu'elle subirait. Dans le cas d'une limitation substantielle de ses activités, DHL Hub Leipzig pourrait également résilier l'accord-cadre et demander une indemnisation pour tous les frais directement et indirectement liés au déplacement vers un autre aéroport. Si DHL Hub Leipzig devait se déplacer vers un autre aéroport à la suite d'une interdiction réglementaire des vols de nuit, FLH pourrait ainsi se voir obligée de lui verser jusqu'à [confidentiel] (1) euro.

6 Le 21 décembre 2005, le Land de Saxe a émis une lettre d'intention en faveur de FLH et de DHL Hub Leipzig (ci-après la " lettre d'intention "). Celle-ci vise à garantir la performance financière de FLH pendant la durée de l'accord-cadre et engage le Land de Saxe à indemniser DHL Hub Leipzig, à concurrence de [confidentiel] euro, dans l'hypothèse où l'aéroport de Leipzig-Halle ne serait plus en mesure d'être utilisé comme prévu dans ledit accord.

7 Le 5 avril 2006, la République fédérale d'Allemagne a, conformément à l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), notifié à la Commission des Communautés européennes l'accord-cadre et la lettre d'intention.

8 Le 27 avril 2006, la Commission a demandé des informations supplémentaires, que les autorités allemandes lui ont transmises le 24 juillet 2006.

9 Le 26 juillet et le 21 août 2006 ont eu lieu des réunions auxquelles ont participé la Commission, FLH, MF, DHL et les autorités allemandes.

10 Par lettre du 23 novembre 2006, la Commission a informé la République fédérale d'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE. Celle-ci portait sur l'accord-cadre, sur la lettre d'intention, ainsi que sur l'apport en capital. Cette décision ainsi que l'invitation faite aux intéressés de présenter leurs observations sur les aides envisagées ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne du 2 mars 2007 (JO C 48, p. 7).

11 La République fédérale d'Allemagne a présenté ses observations le 23 février 2007. La Commission a reçu des observations de la part de tiers intéressés qu'elle a transmises, par lettre du 16 mai 2007, aux autorités allemandes en leur offrant la possibilité de répondre dans un délai d'un mois. La Commission a reçu les observations desdites autorités par lettre du 13 juin 2007.

12 À la demande de la République fédérale d'Allemagne, des réunions ont été organisées le 18 juin et le 25 septembre 2007. À la suite de ces réunions, les autorités allemandes ont transmis à la Commission des informations complémentaires le 19 octobre et les 7 et 18 décembre 2007, ainsi que le 17 mars et le 9 avril 2008.

Décision

13 Le 23 juillet 2008, la Commission a adopté la décision 2008-948-CE relative à des aides accordées par l'Allemagne à DHL et à l'aéroport de Leipzig-Halle (JO L 346, p. 1, ci après la " décision ").

14 S'agissant de l'apport en capital, la Commission a considéré, dans la décision, que l'aide d'État d'un montant de 350 millions d'euro que la République fédérale d'Allemagne entendait accorder à FLH aux fins de la construction de la piste Sud et des infrastructures aéroportuaires connexes était compatible avec le Marché commun conformément à l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

15 S'agissant de l'accord-cadre et de la lettre d'intention, la Commission a estimé que, d'une part, les garanties illimitées accordées dans cet accord et, d'autre part, ladite lettre, constituaient des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE dans la mesure où le Land de Saxe, MF et FLH couvraient les risques opérationnels de DHL à des conditions qu'un investisseur privé opérant dans des conditions normales d'une économie de marché n'aurait pas acceptées. Étant donné que DHL avait déjà bénéficié du montant maximal d'une aide à l'investissement compatible en application de l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE, la Commission a considéré que les garanties illimitées de l'accord-cadre et la lettre d'intention n'étaient pas compatibles avec le Marché commun.

16 Le dispositif de la décision se lit comme suit :

" Article premier

L'aide d'État d'un montant de 350 millions [d'euro] que [la République fédérale d']Allemagne entend accorder à l'aéroport de Leipzig-Halle aux fins de la construction d'une nouvelle piste Sud et des infrastructures aéroportuaires connexes est compatible avec le Marché commun conformément à l'article 87, paragraphe 3, [sous] c), [CE].

Article 2

L'aide d'État que [la République fédérale d']Allemagne entend accorder à DHL par le biais de la lettre d'intention n'est pas compatible avec le Marché commun. Par conséquent, cette aide ne peut pas être accordée.

Article 3

L'aide d'État que [la République fédérale d']Allemagne entend accorder à DHL par la prise en charge de garanties illimitées (conformément aux sections 8 et 9 de l'accord-cadre) n'est pas compatible avec le Marché commun. Par conséquent, ces garanties illimitées prévues par l'accord-cadre doivent être supprimées.

Article 4

1. [La République fédérale d']Allemagne récupère la partie de l'aide visée à l'article 3 et qui a déjà été mise à la disposition de DHL (c'est-à-dire la taxe au titre des garanties pour la période allant du 1er octobre 2007 à la suppression des garanties illimitées).

2. Le montant de l'aide récupérée comprend les intérêts, depuis le moment où l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à son remboursement effectif.

[...] "

Faits postérieurs à l'adoption de la décision

17 Lors de l'audience, les parties ont indiqué au Tribunal qu'elles avaient conclu un accord concernant l'exécution de la décision. Elles ont, en particulier, souligné que l'accord-cadre avait été modifié par le biais d'un acte notarié en date du 10 juillet 2009 et que le montant à récupérer conformément à l'article 4 de la décision avait été évalué à 1 081 439 euro, cette somme ayant été placée sur un compte bloqué dans l'attente de l'issue du présent recours.

Procédure et conclusions des parties

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

19 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision en ce qu'elle les identifie comme bénéficiaires d'une aide d'État considérée comme incompatible avec le Marché commun et en ce qu'elle ordonne à la République fédérale d'Allemagne de recouvrer cette prétendue aide d'État ;

- condamner la Commission aux dépens.

20 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

- condamner les requérantes aux dépens.

21 Après la clôture de la procédure écrite, les requérantes ont, par lettre du 19 novembre 2009, informé le Tribunal qu'elles limitaient le présent recours au deuxième grief du quatrième moyen et qu'elles se désistaient, par conséquent, des premier, deuxième, troisième et cinquième moyens, ainsi que des premier et troisième griefs du quatrième moyen, ce dont le Tribunal a pris acte. Elles ont en outre demandé au Tribunal de statuer sur les dépens de manière appropriée.

22 La Commission a présenté ses observations sur ce désistement partiel le 10 décembre 2009, en demandant au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et de condamner les requérantes aux dépens.

23 Lors de l'audience, la Commission a renoncé à invoquer l'irrecevabilité du grief du quatrième moyen subsistant à la suite du désistement, ce dont le Tribunal a pris acte.

En droit

Sur la recevabilité du recours en tant qu'il concerne DHL Aviation

Arguments des parties

24 La Commission soutient que le recours est irrecevable dans la mesure où il a été introduit par DHL Aviation. En effet, elle constate que seule DHL Hub Leipzig peut être considérée comme bénéficiaire de l'accord-cadre et comme tirant des droits de la lettre d'intention. Par conséquent, seule DHL Hub Leipzig serait directement et individuellement concernée par la décision. Les requérantes n'auraient d'ailleurs pas expliqué pourquoi DHL Aviation serait directement et individuellement concernée par la décision et pourquoi elle aurait un intérêt à la voir annuler. À cet égard, s'agissant du fait que DHL Aviation a participé à la procédure formelle d'examen en soumettant des observations, la Commission estime, en se fondant sur la jurisprudence, qu'il n'est pas suffisant pour rendre cette requérante individuellement concernée par la décision.

25 Les requérantes indiquent que c'est DHL Aviation qui a présenté des observations le 2 avril 2007, pour le compte du groupe, sur la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen. DHL Aviation aurait donc pris part à la procédure administrative et aurait, par conséquent, un intérêt propre à l'annulation de la décision.

Appréciation du Tribunal

26 Il y a lieu de relever que la recevabilité du recours en ce qu'il est introduit par DHL Hub Leipzig, dont la Commission n'a d'ailleurs pas contesté la qualité pour agir, ne fait aucun doute dès lors que, étant partie à l'accord-cadre et étant bénéficiaire des garanties issues de la lettre d'intention, elle est directement et individuellement concernée par la décision.

27 Dans ces conditions, s'agissant d'un seul et même recours, il n'y a pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission s'agissant de DHL Aviation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, points 30 et 31 ; arrêts du Tribunal du 14 décembre 2004, FICF e.a./Commission, T-317-02, Rec. p. II-4325, point 40, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T-282-06, Rec. p. II-2149, point 50).

Sur le fond

28 À la suite du désistement partiel, les requérantes soulèvent, en substance, un moyen unique, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant que la clause 24/7 et la clause des 90 % avaient effectivement été " mises à la disposition " de DHL et que ce dernier en avait donc bénéficié.

Arguments des parties

29 Les requérantes soulignent que, en vertu du droit civil allemand, toute aide d'État versée sans notification préalable et/ou autorisation par la Commission est nulle et non avenue, dès l'origine. Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne, ci-après le " BGH ") aurait ainsi jugé que, dans le cadre d'un contrat, la conséquence logique d'une violation de l'article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE est que ledit contrat est nul et non avenu au titre de l'article 134 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand). Un contrat considéré comme nul et non avenu aux termes de l'article 134 du Bürgerliches Gesetzbuch le serait dès l'origine et ne serait donc plus susceptible d'être exécuté. Cette nullité serait en outre inconditionnelle et irrémédiable, de sorte que même une autorisation ultérieure de l'aide par la Commission n'affecterait pas la nullité du contrat qui y est afférent. La Commission aurait d'ailleurs reconnu la jurisprudence du BGH dans son projet d'orientations concernant l'application par les juridictions nationales de la législation relative aux aides d'État.

30 Les requérantes estiment donc que, en vertu de la jurisprudence du BGH, la clause 24/7 et la clause des 90 % doivent être considérées, dès l'origine, comme nulles et non avenues ainsi que dénuées d'effet. DHL n'aurait ainsi pas pu faire appliquer ces clauses devant une juridiction allemande. Partant, DHL n'aurait jamais réellement bénéficié de ces clauses et n'aurait donc tiré aucun avantage économique pouvant faire l'objet d'un recouvrement. La décision, dans laquelle la Commission a ordonné le recouvrement de l'aide, serait donc " injustifiée " et ne pourrait être exécutée, étant donné qu'il est objectivement impossible de procéder audit recouvrement. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu'une décision de la Commission imposant une obligation qui est objectivement impossible à réaliser, est invalide. En conséquence, l'article 4 de la décision devrait être annulé.

31 La Commission réfute l'argumentation des requérantes.

Appréciation du Tribunal

32 Il convient de rappeler que l'objectif poursuivi par la Commission lorsqu'elle exige la récupération d'une aide illégale est de faire perdre à son bénéficiaire l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et de rétablir la situation antérieure au versement de ladite aide (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 66 ; du 4 avril 1995, Commission/Italie, C-348-93, Rec. p. I-673, point 27, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75-97, Rec. p. I-671, point 65).

33 En l'espèce, à l'article 4, paragraphe 1, de la décision, la Commission a ordonné la récupération de la partie de l'aide consistant dans la prise en charge des garanties illimitées prévues dans l'accord-cadre, dont DHL avait déjà bénéficié, celle-ci correspondant à la taxe qui aurait dû être appliquée au titre desdites garanties pour la période allant du 1er octobre 2007 à la suppression des garanties illimitées. Le paragraphe 2 du même article prévoit que le montant de l'aide récupérée comprend les intérêts, depuis le moment où l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à son remboursement effectif.

34 Or, force est de constater que, même à supposer, comme le soutiennent les requérantes, que la clause 24/7 et la clause des 90 % soient considérées comme nulles et non avenues ex tunc, dans l'ordre juridique allemand, en application de la jurisprudence du BGH, cela n'aurait aucune conséquence sur l'obligation de récupération et sur la légalité de la décision.

35 En effet, en premier lieu, il doit être relevé que, en vertu de l'accord-cadre, DHL Hub Leipzig a bénéficié, à partir de la date de début des opérations à l'aéroport de Leipzig-Halle, définie par ledit accord comme étant le 1er octobre 2007, des garanties stipulées dans la clause 24/7 et dans la clause des 90 %. Ainsi qu'il ressort du considérant 14 de la décision, FLH devait en effet, conformément à l'accord-cadre, continuer à garantir à DHL Hub Leipzig après le début des opérations à l'aéroport de Leipzig-Halle, notamment, un accès aérien illimité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à cet aéroport et la possibilité d'effectuer au moins 90 % de ses vols à partir de la piste Sud. Si ces conditions d'exploitation n'avaient pas été remplies, FLH et MF auraient dû, selon l'accord-cadre, dédommager DHL Hub Leipzig de tout préjudice et de toute perte qu'elle aurait subi. Lors de l'audience, les requérantes n'ont par ailleurs pas contesté avoir pu effectivement utiliser l'aéroport de Leipzig-Halle dans les conditions initialement prévues par l'accord-cadre, même si elles ont indiqué que cela n'était pas en application de la clause 24/7 et de la clause des 90 %.

36 En second lieu, il doit être constaté que, selon le considérant 232 de la décision, l'accord-cadre ne prévoit pas explicitement le versement d'une contrepartie au titre des garanties fournies dans le cadre de ce dernier, de sorte que DHL Hub Leipzig en a bénéficié gratuitement. Lors de l'audience, les requérantes ont d'ailleurs reconnu n'avoir versé aucune somme au titre des garanties consenties dans l'accord-cadre.

37 Il s'ensuit que DHL Hub Leipzig a bénéficié, à compter du 1er octobre 2007 et jusqu'à la suppression des garanties illimitées prévues par l'accord-cadre, d'un avantage par rapport à ses concurrents au sens de la jurisprudence visée au point 32 ci-dessus, consistant, ainsi que la Commission l'a fait valoir, dans le fait de ne pas avoir eu à payer de taxe pour obtenir lesdites garanties. C'est donc à tort que les requérantes estiment que DHL n'a tiré aucun avantage économique pouvant faire l'objet d'un recouvrement.

38 À cet égard, il convient de souligner que, lors de l'audience, les requérantes ont confirmé qu'elles ne contestaient pas que la clause 24/7 et la clause des 90 % constituaient des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. Or, la qualification d'aide, au sens d'aide d'État incompatible avec le Marché commun, requiert, notamment, que la mesure en cause accorde un avantage à son bénéficiaire (arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T-34-02, Rec. p. II-267, point 110 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39-94, Rec. p. I-3547, point 60 ; du 29 juin 1999, DM Transport, C-256-97, Rec. p. I-3913, point 22, et arrêt du Tribunal du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T-204-97 et T-270-97, Rec. p. II-2267, point 66). Il s'ensuit que, en ne contestant pas la qualification des garanties en cause d'aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, les requérantes admettent, à tout le moins implicitement, que de telles mesures leur ont conféré un avantage, étant donné que l'existence de ce dernier est une condition nécessaire à ladite qualification.

39 Dans ces conditions, afin de respecter l'objectif de l'obligation de récupération des aides illégales, tel qu'il a été rappelé au point 32 ci-dessus, il était loisible à la Commission d'ordonner la récupération de la partie de l'aide qui a été mise à la disposition de DHL, correspondant à la taxe qui aurait dû être appliquée au titre des garanties en cause pour la période allant du 1er octobre 2007 jusqu'à leur suppression.

40 La circonstance, évoquée par les requérantes, selon laquelle la clause 24/7 et la clause des 90 % ont été consenties en violation des obligations de l'article 88, paragraphe 3, CE et que, ce faisant, elles peuvent, le cas échéant, être considérées comme nulles et non avenues ex tunc en droit allemand ne saurait remettre en cause le fait que DHL Hub Leipzig a effectivement joui de l'aide en cause et qu'elle a de ce fait bénéficié d'un avantage sur le marché par rapport à ses concurrents. Par conséquent, et sans qu'il y ait lieu pour le Tribunal de se prononcer sur les conséquences, en droit allemand, de l'illégalité de l'aide en cause, force est de constater que ladite circonstance ne saurait avoir, en l'espèce, d'incidence sur l'obligation de rembourser la partie de l'aide qui a été mise à la disposition de son bénéficiaire, étant donné que, ainsi qu'il ressort du point 32 ci-dessus, l'objectif de la récupération d'une aide illégale est de faire perdre à son bénéficiaire l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et de rétablir la situation antérieure au versement de ladite aide.

41 À cet égard, il y a lieu de relever que la réalisation de cet objectif ne saurait dépendre des conséquences du non-respect de l'article 88, paragraphe 3, CE en droit national (voir, par analogie, s'agissant de l'absence d'influence sur ledit objectif de la forme dans laquelle l'aide a été octroyée, arrêt de la Cour du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183-91, Rec. p. I-3131, point 16).

42 S'agissant, par ailleurs, de l'argumentation concernant la prétendue impossibilité d'exécuter la décision, il convient de relever que, ainsi que le soutiennent les requérantes, la Commission ne saurait imposer, par une décision, sous peine de son invalidité, une obligation dont l'exécution serait, dès sa naissance, de manière objective et absolue, impossible à réaliser (arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, précité, point 86). Toutefois, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, contrairement à ce que prétendent les requérantes, DHL Hub Leipzig a, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, effectivement bénéficié sur le marché d'un avantage par rapport à ses concurrents. À l'article 4 de la décision, la Commission a ordonné la récupération de l'aide en cause, ainsi que le paiement des intérêts qui y sont afférents. Or, aucun élément ne permet de considérer qu'il aurait été impossible aux autorités allemandes d'exécuter cette obligation. Au demeurant, il doit être relevé, à titre surabondant, que l'accord auquel les parties sont parvenues à la suite de l'adoption de la décision démontre que l'aide en cause a pu faire l'objet d'une quantification, en l'occurrence à 1 081 439 euro, confirmant qu'il est possible d'exécuter la décision en procédant à la récupération de ladite somme. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l'exécution de l'obligation de récupération, prévue dans la décision, était, dès sa naissance, de manière objective et absolue, impossible à réaliser, de sorte que la validité de la décision ne saurait être affectée à cet égard.

43 Il convient enfin de souligner qu'admettre la thèse des requérantes porterait gravement atteinte à l'application des règles relatives aux aides d'État ainsi qu'à l'objectif de l'obligation de récupération des aides illégales. En effet, elle permettrait aux États membres, dont le droit interne reconnaît la nullité des actes par lesquels des aides illégales sont octroyées, de faire bénéficier des entreprises de telles aides tout en rendant impossible leur récupération, dans l'hypothèse où la Commission en aurait constaté l'incompatibilité et en aurait ordonné la récupération.

44 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen unique doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

45 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) DHL Aviation SA/NV et DHL Hub Leipzig GmbH sont condamnées aux dépens.