Livv
Décisions

CA Angers, 1re ch., 27 novembre 2007, n° 06-01806

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société constructions vente du Verdet 3 (SCI)

Défendeur :

Stephadis (SC), BVD (SA), Oreas Immo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Chauvel

Conseillers :

Mmes Block, Verdun

Avoués :

SCP Dufourgburg-Guillot, SCP Gontier-Langlois, SCP Chatteleyn, George

Avocats :

Me Vaugelade-Tafani, Sauvage, Baschet

TGI Angers, du 25 juill. 2006

25 juillet 2006

La société BVD est spécialisée dans la distribution aux professionnels et aux particuliers de matériel de bureautique, et exploite sous l'enseigne "Bureau Vallée" un réseau de franchise. Elle a ainsi conclu, le 31 mars 2003, un contrat de franchise avec la société Delaudis, laquelle a, le 8 avril 2003, pris à bail de la Société civile immobilière de construction et de vente du Verdet 3 (dite ci-après SCICV) un emplacement de vente situé sur la zone du Verdet à Libourne, puis effectué, en accord avec ses cocontractants, de nombreux investissements en travaux et personnel en vue d'une ouverture du magasin pour la fin de l'année 2003.

Le maire de la commune de Libourne l'ayant, selon arrêté du 21 novembre 2003, autorisée à exploiter une activité de grossiste, à l'exclusion de tout commerce de détail, la société Delaudis a, par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 2003, signifié à la SCICV du Verdet 3 et à la société BVD qu'elle entendait résilier, d'une part, le contrat de bail, d'autre part, le contrat de franchise, puis, par actes des 26 janvier et 9 février 2004, fait assigner ces sociétés devant le Tribunal de grande instance d'Angers pour les voir condamner in solidum à l'indemniser de divers préjudices dont elle leur imputait la responsabilité sur le fondement des articles 1147, 1184 et 1719 du Code civil.

La société Oreas Immo est intervenue volontairement à la cause pour avoir acquis, le 26 mars 2004, de la SCICV du Verdet 3, l'immeuble, objet du bail.

Par jugement du 25 juillet 2006, le tribunal a :

- condamné la société BVD à payer à la SARL Delaudis la somme de deux cent dix sept mille huit cent soixante dix huit euro et quatre vingt dix huit centimes (217 878,98 euro) in solidum avec la SCICV du Verdet 3 à hauteur de quarante trois mille cinq cent soixante quinze euro et quatre vingt centimes (43 575,80 euro) au titre des préjudices subis du fait de leurs inexécutions contractuelles ce qui équivaut pour cette dernière à 20 % du montant des préjudices retenus ;

- débouté la SARL Delaudis de sa demande de restitution sous astreinte de l'original d'une caution de la banque Courtois ;

- débouté la société BVD, la SCICV du Verdet 3 et la SARL Oreas Immo de leurs demandes reconventionnelles ;

- condamné la société BVD et la SCICV du Verdet 3 à payer à la SARL Delaudis la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) au titre de ses frais irrépétibles ;

- condamné la société BVD et la SCICV du Verdet 3 aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

La SCICV du Verdet 3 a, par déclaration du 9 août 2006, formé appel de cette décision contre la société Delaudis, la société BVD et la société Oreas Immo.

Au terme de conclusions prises finalement en commun, ladite société et la société Oreas Immo demandent à la cour, par voie d'infirmation, de :

"Débouter la société civile Stéphadis venant aux droits de la société Delaudis de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Prononcer la résolution du bail aux torts et griefs de la société civile Stéphadis venant aux droits de la société Delaudis ;

La condamner à payer à la SCICV du Verdet 3 la somme de 15 159,50 euro au titre du loyer du 1er trimestre 2004 ;

La condamner à payer à la SARL Oreas Immo la somme de 82 070,20 euro au titre des loyers du 2e trimestre 2004 au 2e trimestre 2005 ;

Condamner la société civile Stéphadis venant aux droits de la société Delaudis à payer à la SCICV du Verdet 3 la somme de 5 000 euro pour procédure abusive ;

Condamner la société civile Stéphadis venant aux droits de la société Delaudis à payer à la SCICV du Verdet 3 la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel."

La société BVD forme appel incident pour :

- voir rejeter toute prétention dirigée à son égard ;

- alors être déchargée de toute condamnation et voir ordonner toutes restitutions ;

- voir condamner la société Stéphadis (venue aux droits de la société Elaudis) à lui payer les sommes de 30 000 euro au titre de la clause pénale stipulée dans le contrat de franchise et, à défaut, à titre de dommages-intérêts, outre indemnité de procédure de 5 000 euro et entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Stéphadis, déclarant venir aux droits de la société Elaudis "à la suite de la dissolution de cette dernière avec transmission universelle de son patrimoine à son associée unique" conclut comme suit :

"Déclarer mal fondés les recours exercés par les sociétés BVD et SCICV du Verdet 3 et Oreas Immo ;

En conséquence, les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité des sociétés SCICV du Verdet 3 et BVD ;

Déclarer que les sociétés BVD et SCICV 3 ont chacune en ce qui les concerne et sur les fondements respectifs précités commis des fautes de nature contractuelle ;

Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident et partiel formé par la société Delaudis et statuant à nouveau ;

Déclarer résilier aux torts et griefs respectifs des sociétés SCICV et BVD :

- la convention de bail,

- le contrat de franchise,

En conséquence, condamner in solidum les sociétés BVD et SCICV 3 à réparer le préjudice subi, savoir :

- une somme de TTC 220 712,98 euro correspondant à des frais engagés en pure perte,

- la somme de 25 572 euro représentant ce qui a été payé au titre des salaires et charges salariales, les licenciements, ainsi que les cotisations sociales,

- la somme de 150 000 euro représentative des divers autres postes de préjudice ;

Condamner la société BVD à restituer en original la caution de la Banque Courtois, sous astreinte de 500 euro par jour de retard passé le délai de un mois de la décision à intervenir ;

Condamner sous la même solidarité que précédemment les sociétés BVD et SICV du Verdet 3 au paiement d'une somme de 7 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamner les sociétés SCICV du Verdet 3 et BVD en tous les dépens."

Vu en leurs développements les dernières conclusions des parties, en date des 14 août 2007 (SICV du Verdet 3 et société Oreas Immo), 26 juin 2007 (société BVD) et 6 août 2007 (société Stéphadis) ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 août 2007 ;

Motifs

Il sera liminairement pris acte de ce que la société civile Stéphadis vient désormais aux droits de la société Elaudis.

Sur les responsabilités

Après un rappel fidèle du libellé des clauses de chacun des contrats interdépendants et des circonstances de fait, le premier juge a justement caractérisé des fautes respectivement commises par la SCICV Verdet 3 et par la société BVD mais, à tort, fait peser sur le bailleur l'essentiel des responsabilités et mis hors de cause la société Delaudis.

Il apparaît en effet que le litige résulte d'une opération mal montée et des fautes conjuguées des trois partenaires :

- le bailleur, pour avoir annoncé une possibilité d'exploitation qui n'a pas été totalement autorisée à la date prévue,

- le franchiseur, pour ne pas avoir suffisamment assisté le franchisé et lui avoir proposé des recherches de solution de remplacement ;

- le franchisé, lui-même, pour avoir pris l'initiative de rompre les deux contrats sans tentative de rapprochement auprès de ses partenaires, notamment quant à l'exercice d'un recours administratif, et alors qu'il disposait au moins d'une autorisation d'exploitation à concurrence de 70 %.

La cour estime devoir en conséquence partager à parts égales, soit par tiers, les responsabilités entre les parties.

Sur les préjudices

Sur le préjudice de la société Delaudis

Le préjudice subi par la société Delaudis a été justement évalué, hormis quant à l'allocation d'une somme de 15 000 euro pour perte d'image et perte de bénéfices qui ne font pas l'objet de justification, d'autant que, sans réplique de sa part, l'un de ses adversaires fait valoir qu'elle a trouvé immédiatement à exploiter une autre activité.

Il s'ensuit que la somme de 217 878,98 euro retenue par le premier juge sera diminuée de 15 000 euro, 202 878,98 euro, dont deux tiers, à la charge in solidum de la société BVD et de la société Oreas Immo, soit 135 252,65 euro.

Sur le préjudice de la société BVD

La société BVD expose que par la faute de la société Delaudis, elle a été privée de "royalties", de sorte qu'elle peut prétendre à des dommages-intérêts à hauteur de 30 000 euro - ce qui s'analyse en une perte de chance, mais à l'appui de laquelle aucune pièce n'est apportée. La demande sera en conséquence rejetée.

Sur les préjudices des SCICV du Verdet 3 et Oreas Immo

Il ne peut être donné suite à la prétention à "résolution" du bail aux torts et griefs exclusifs de la société Stéphadis venant aux droits de la société Delaudis, telle que requise par les SCICV du Verdet 3 et Oreas Immo, et ce, pour les motifs sus-énoncés, ayant abouti à un partage des responsabilités. Par ailleurs, lesdites sociétés réclament à la société Stéphadis, pour "préjudice subi du fait de la non-perception de loyers" :

- la première, la somme de 15 159,40 euro au titre du loyer du 1er trimestre 2004,

- la seconde, pour avoir acquis le 26 mars 2004 "les murs" de la première, la somme de 82 070,20 euro au titre de loyers allant du second trimestre 2004 au second trimestre 2005 inclus.

Sur ce, le bail du 8 avril 2003 a été conclu pour douze ans à compter de la livraison du bâtiment. Le preneur, qui a résilié le bail le 13 décembre 2004, n'émet aucune discussion sur cette date de livraison et sur un défaut de paiement de loyers jusqu'à la date de résiliation du bail notifiée par lui, sans délai, le 13 décembre 2003, de sorte que la demande de la SCICV du Verdet 3 sera accueillie à hauteur des 2/3, soit 5 053,16 euro.

En revanche, la société Oreas Immo ne développe aucun moyen à l'appui de ses prétentions à paiement de loyers ultérieurs et afférents à des locaux, dont on ne sait de surcroît s'ils ont pu être reloués et, auquel cas, dans quelles conditions.

Sur la demande de la société Stéphadis aux fins de restitution de l'original d'un acte de cautionnement

Le rejet de cette demande par le premier juge repose sur une motivation pertinente que la cour adopte, faute, d'une part, d'apport d'éléments nouveaux, et, d'autre part, de réplique à l'observation pertinente faite par la société BVD, selon laquelle la réclamation est formée contre elle alors qu'il ressort des écritures de la société Stéphadis que l'acte aurait été remis au bailleur.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige conduit à écarter toute prétention à allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive et à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à laisser à chacune des parties la charge des dépens de première instance et d'appel, par elle exposés.

Par ces motifs, statuant publiquement et contradictoirement, donne acte à la société Stéphadis de ce qu'elle vient désormais aux droits de la société Delaudis ; Et infirmant le jugement entrepris, dit que les responsabilités dans la survenance du litige incombent à parts égales, soit pour 1/3 à la SCICV du Verdet 3, 1/3 à la société BVD et 1/3 à la société Delaudis elle-même ; Condamne in solidum la société BVD et la société Oreas Immo, cette dernière comme venant aux droits de la SCICV du Verdet 3 à payer à la société Stéphadis la somme de 135 252,65 euro ; Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire ; Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel par elle exposés.