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Décisions

ADLC, 16 août 2010, n° 10-DCC-84

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Compas par la société coopérative agricole Champagne Céréales SCA

ADLC n° 10-DCC-84

16 août 2010

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 22 juin 2010, déclaré complet le 25 juin 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Compas par la société coopérative agricole Champagne Céréales SCA ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Champagne Céréales SCA est une société coopérative agricole à capital variable, holding du groupe Champagne Céréales (ci-après " Champagne Céréales "). Champagne Céréales, via son pôle agricole, est principalement actif dans la collecte, l'achat et la revente des productions de ses associés coopérateurs, essentiellement du blé, de l'orge, du maïs et du colza et la commercialisation de produits d'agrofourniture auprès de ses adhérents. Champagne Céréales compte 8354 adhérents répartis sur sept départements de l'Est de la France (Aisne, Ardennes, Marne, Haute-Marne, Aube, Meuse et Vosges). Champagne Céréales est également présent en aval au stade de la transformation industrielle des céréales (meunerie, malterie, maïserie, amidonnerie/glucoserie, produits de boulangerie, viennoiserie, pâtisserie, nutrition animale et bioénergie).

2. Champagne Céréales a réalisé au 30 juin 2009, date du dernier exercice clos, un chiffre d'affaires mondial total hors taxes de 2 512 millions d'euro, dont 1 256 millions réalisés en France.

3. La société Compas Groupe SAS est la holding d'un groupe familial composé de trois filiales, Compas SAS, Minjard SAS et Compagri SAS (ci après " Compas "), respectivement actives dans la vente d'agrofourniture agricole et viticole, d'emballages de produits viticoles et dans la collecte et la commercialisation de céréales et d'oléo-protéagineux dans la région Champagne-Ardenne.

4. Au 31 octobre 2009, date du dernier exercice clos, le chiffre d'affaires mondial hors taxes du groupe Compas s'élève à 94,6 millions d'euro, dont [>50] millions d'euro ont été réalisés en France.

5. L'opération projetée consiste en l'acquisition de la totalité des titres du groupe Compas par Champagne Céréales, formalisée par un protocole de cession d'actions en date du 25 mai 2010. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Compas par la société Champagne Céréales SCA, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les parties à l'opération sont simultanément actives sur les marchés de l'agrofourniture en engrais, produits phytosanitaires et semences non biologiques, sur les marchés de la collecte et de l'achat de céréales, oléagineux et protéagineux ainsi que sur les marchés de la commercialisation de ces mêmes productions.

8. Champagne Céréales est seule présente sur les marchés situés en aval de la commercialisation de céréales et oléo-protéagineux.

A. LES MARCHÉS DE L'AGROFOURNITURE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

9. En matière d'agrofourniture, la pratique décisionnelle nationale (1) distingue la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires et la distribution d'autres matériels agricoles.

10. Les autorités de concurrence nationales ont également envisagé, pour chaque famille de produits, une segmentation en fonction des types de cultures (maraîchage, polyculture).

11. En outre, s'agissant de la distribution de semences, les autorités de concurrence nationales (2) ont considéré l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique.

12. Enfin, la pratique décisionnelle nationale (3) s'est interrogée sur l'existence d'un marché distinct s'agissant de la distribution de produits pour le vignoble, celui-ci pouvant être sous-segmenté de la manière suivante : i) matériel de palissage des vignes, ii) matériel d'oenologie, iii) matériel de conditionnement, iv) engrais et v) produits phytosanitaires.

13. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

14. Au cas d'espèce, les parties à l'opération sont simultanément actives sur les marchés de la distribution d'engrais, de semences non biologiques et de produits phytosanitaires destinés à la polyculture. La cible est seule présente sur les marchés de l'agrofourniture pour le vignoble.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

15. S'agissant des marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, la pratique décisionnelle (4) retient une dimension locale. De fait, l'analyse de ces marchés s'effectue souvent au niveau départemental.

16. La partie notifiante considère que le marché géographique pertinent est de dimension supra-départementale. Elle avance, en ce sens, plusieurs arguments tels que l'émergence d'opérateurs de dimension nationale livrant à partir d'une seule plateforme de stockage nationale, l'implantation de bureaux de vente par les grands négociants dans les différentes régions françaises, ou encore l'apparition et le développement de la vente à distance. En ce sens, les parties citent la Commission européenne qui, dans sa décision n° IV/M.0026 Cargill/Unilever du 20 décembre 1990 relative au marché du négoce agricole en général, avait relevé que les négociants livraient les agriculteurs en semences, engrais et produits agro-chimiques dans un rayon de 100 miles (environ 160 kilomètres) autour de leur magasin.

17. Plusieurs décisions récentes ont confirmé, dans d'autres régions françaises, une tendance à l'allongement des distances de livraison (5). Dans la décision de l'Autorité 09-DCC-38 du 4 septembre 2009, la possibilité offerte aux agriculteurs de se faire livrer les volumes achetés et, le rayon de livraison couvert par les distributeurs de semences, ainsi que la situation centrale du département du Puy-de Dôme, a mené l'Autorité à effecteur l'analyse du marché de l'agrofourniture en semences au niveau de la région Auvergne.

18. Dans le cas d'espèce, s'agissant de l'agrofourniture en produits phytosanitaires, les répondants au test de marché soulignent le caractère transportable et durable de ces produits et la faiblesse des coûts de transport au regard de leur prix. Ils considèrent que les agriculteurs, afin d'optimiser leurs dépenses en produits phytosanitaires, peuvent être amenés à faire jouer la concurrence hors de leurs départements. En revanche, pour l'approvisionnement en semences et engrais non-liquides des agriculteurs, le caractère pondéreux de ces produits est présenté comme limitant le rayon de livraison des offreurs.

19. La question de l'éventuel élargissement des marchés des produits phytosanitaires peut cependant être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue, et l'analyse sera menée sur les données présentées par les parties pour chaque département et sur l'ensemble des 7 départements sur lesquels elles sont présentes.

B. LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES, OLÉAGINEUX ET PROTÉAGINEUX

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

20. Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 07-D-16 du 9 mai 2007 a noté " qu'il existe un ou des marchés amont de la collecte de céréales auprès des agriculteurs, distincts de ceux, avals, de la commercialisation au niveau national et international par les organismes collecteurs ".

21. L'Autorité de la concurrence a par ailleurs indiqué que la collecte des différents types de céréales (blé dur, blé tendre, maïs, orge...), forme un marché de produits unique. En effet, les silos utilisés pour le stockage se composent de plusieurs cellules indépendantes dans lesquelles sont entreposés les grains. Chaque cellule n'accueille qu'une seule espèce de céréales à la fois, mais les espèces ainsi stockées peuvent varier au cours de l'année (blé dur, blé tendre, orge...).

22. La partie notifiante considère que l'analyse opérée par l'Autorité s'agissant de la collecte de céréales est transposable aux oléagineux et protéagineux et qu'il existe, par conséquent, un marché unique de la collecte incluant les céréales, les oléagineux et les protéagineux.

23. Au cas d'espèce, l'analyse portera sur la collecte de céréales, celles de colza et de tournesol, ainsi que sur la collecte de protéagineux, la question de la segmentation du marché de la collecte entre ces différents produits pouvant être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées quelle que soit la solution retenue.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

24. Les autorités de concurrence nationales ont considéré que les marchés de la collecte de céréales sont de dimension locale. L'analyse a été menée, tant par le ministre de l'Economie que par l'Autorité de la concurrence, à l'échelle départementale ou sur des zones de 45 kilomètres autour des installations de stockage (6).

25. Différentes modalités de collecte sont possibles. Les agriculteurs peuvent apporter eux-mêmes leurs produits au silo, généralement en tracteur, sur des distances relativement courtes.

26. Les produits peuvent aussi être collectés par camion au lieu de production ou de stockage de l'agriculteur, et transportés sur des distances plus importantes, jusqu'à un silo local appartenant au collecteur ou jusqu'au lieu d'implantation du client.

27. Dans la décision C2006-99 du 28 septembre 2006, le ministre avait déjà relevé que 35 % des clients de la partie notifiante sur les marchés de la collecte se trouvait à une distance comprise entre 10 et 45 kilomètres de leur distributeur.

28. Au cas d'espèce, les parties indiquent que la majorité des clients de Compas se trouvent dans un rayon qui excède 24 kms et peut atteindre 100 kms. Les parties ont, de plus, réalisé un test pendant les moissons de juillet 2010 à partir des données GPS embarquées sur des camions de son parc, concluant que ces camions ont parcouru, en moyenne, des trajets de 45 kms entre l'implantation de l'agriculteur et le silo collecteur.

29. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause la délimitation de marché retenue par la pratique décisionnelle. L'analyse sera menée sur des zones d'un rayon de 45 kilomètres autour des installations de stockage de la cible.

30. Plus précisément, l'analyse sera menée sur des zones de 45 kilomètres centrées sur les silos de Changy, Chalons en Champagne et Montaigu, qui recouvrent l'ensemble de la région où les parties sont simultanément présentes, tout en se chevauchant partiellement.

C. LES MARCHÉS DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES, D'OLÉAGINEUX ET DE PROTÉAGINEUX

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

31. La pratique décisionnelle nationale (7), tout en laissant la question ouverte, considère qu'il existe un marché pertinent par type de céréales, oléagineux et protéagineux. Elle distingue par ailleurs le blé dur du blé tendre au motif que les usages de ces deux céréales sont différents : le blé dur est utilisé en semoulerie tandis que le blé tendre sert essentiellement en meunerie et en alimentation animale.

32. En outre, les autorités de concurrence (8) ont considéré qu'il pouvait être envisagé de distinguer des segments incluant uniquement les céréales, oléagineux ou protéagineux d'origine biologique.

33. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la commercialisation de blé tendre, de maïs, de colza, de tournesol et de pois non biologiques.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

34. La pratique décisionnelle nationale (9), tout en laissant la question ouverte, considère que les marchés de la commercialisation des céréales, oléagineux et protéagineux, sont de dimension nationale, voire européenne. Au cas d'espèce, l'analyse sera menée au niveau national.

D. LES MARCHÉS EN AVAL DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES, D'OLÉAGINEUX ET DE PROTÉAGINEUX

35. L'acquéreur est seul présent sur ces marchés qui seront examinés uniquement au titre d'éventuels effets verticaux. Il s'agit des marchés suivants :

- le marché national de la fabrication et de la commercialisation de farine, au sein duquel la pratique (10) distingue la farine biologique de la farine traditionnelle, celle-ci pouvant être sous-segmentée selon les débouchés de la farine. La pratique décisionnelle (11) a analysé ces marchés au niveau régional observant que la production de farine issue d'un site de minoterie est presque toujours commercialisée par celui-ci dans un rayon de 300 kilomètres ;

- le marché de la fabrication et de la commercialisation de malt éventuellement segmenté (12) entre le malt à brasser et le malt à distiller et dont la délimitation géographique, au moins nationale voire européenne ou mondiale, est une question ouverte ;

- le marché de la fabrication et de la commercialisation de semoule de maïs n'a pas été, à ce jour, examiné par la pratique décisionnelle. Les parties proposent une délimitation géographique au moins européenne au regard des importants flux d'exportation. Au cas d'espèce, la définition précise de ce marché peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées quelques soient les hypothèses retenues ;

- le marché européen de la fabrication et de la commercialisation d'amidon de blé natif dont la pratique décisionnelle a envisagé l'existence tout en laissant la question ouverte (13) ;

- le marché européen de la fabrication et de la commercialisation de gluten de blé vital, co-produit de l'amidon de blé (14). La pratique nationale a envisagé une segmentation entre gluten de blé vital et gluten de blé hydrolysé tout en laissant la question ouverte (15) ;

- le marché des édulcorants a été segmenté par la pratique nationale et communautaire (16) entre sirops de glucose et mélanges d'une part, et maltodextrines et sorbitols d'autre part. La délimitation géographique de ce marché est supranationale au regard de la pratique communautaire (17) ;

- le marché de la production et de la vente d'aliments complets pour animaux au sein duquel le ministre de l'Economie (18) a envisagé une segmentation du marché en fonction de l'espèce animale tout en laissant la question ouverte. La pratique décisionnelle retient une dimension locale " correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 km autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés " (19). En l'espèce, la question de la délimitation exacte de ce marché peut être laissée ouverte ;

- le marché européen de la production et de la vente de biodiesel, incluant le diesel minéral selon la pratique de la Commission européenne (20).

III. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

1. LES MARCHÉS DE L'AGROFOURNITURE

36. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés de l'agrofourniture en semences, engrais et produits phytosanitaires non biologiques sur les sept départements correspondant à la zone d'activité de Champagne Céréales.

37. Pour s'approvisionner auprès de Champagne Céréales, les adhérents de la coopérative peuvent passer, pour une campagne donnée, un bon de commande, précisant s'ils souhaitent s'approvisionner pour la totalité des besoins de leur exploitation ou pour un montant déterminé. Ils peuvent aussi ne pas prendre cet engagement, et, ainsi, s'approvisionner, ou non, auprès de la coopérative, ce qui est le cas de [10-20] % à [30-40] % des adhérents selon le marché d'agrofourniture et le département considérés.

38. Les parties ont fourni des estimations de parts de marché établies, d'une part, en valeur, les achats totaux de produits pour chaque département étant estimés sur la base des achats moyens des clients des parties. D'autre part, les parties ont établi une estimation de leur parts de marché sur la base des surfaces agricoles traitées en produits d'agrofourniture pour leur portefeuille de clientèle. Le tableau ci-dessous présente ces deux estimations.

<emplacement tableau>

39. L'addition de parts de marché est limitée dans l'ensemble des départements. Sur le département de la Marne, département où les parts de marché de la nouvelle entité dépasseront [20-30] %, Compas compte [...] clients. Sur le département des Ardennes, les parts de marché relativement fortes atteintes par la nouvelle entité préexistent à l'opération dans la mesure où Compas ne compte dans ce département que [...] clients. De plus, il peut être relevé que les parts de marchés du groupe Compas sont, au mieux, restées stables sur les trois dernières années.

40. Les principaux offreurs alternatifs sont la coopérative de Juniville, Cohesis, Delva, et Estagri, dans le département des Ardennes, la coopérative La Marnaise-Châlons, Cohesis, Soufflet et Hubau, dans le département de la Marne. Il s'agit donc principalement de groupes coopératifs (Coopérative de Juniville, Cohesis, La Marnaise Châlons) susceptibles d'approvisionner des tiers non-coopérateurs dans la limite du plafond légal de 20 % du chiffre d'affaires. Toutefois, le test de marché a révélé que les agriculteurs de la zone pouvaient être adhérents de plusieurs coopératives : une coopérative a ainsi confirmé que deux tiers de ses adhérents étaient engagés auprès de plusieurs coopératives.

41. Par ailleurs, certaines de ces coopératives ont regroupé, avec Champagne Céréales, une partie de leur activité d'approvisionnement en agrofourniture (semences hybrides et produits phytosanitaires) au sein de Sévéal SA et de l'Union Sévéal (21). Sévéal SA achète les produits d'agrofourniture concernés, qui sont revendus, par l'intermédiaire de l'Union Sévéal, aux coopératives associées dans l'union. Les parties soulignent cependant que, s'agissant des engrais, leur commercialisation est assurée par chacune des coopératives qui dispose d'une offre tarifaire propre. S'agissant des semences et des produits phytosanitaires, elles font valoir que chaque coopérative conserve des facteurs de différentiation de son offre, notamment du point de vue des services offerts et ristournes pratiquées.

42. Les parties indiquent par ailleurs que les semences fermières (22) et les engrais organiques représentent respectivement 40 % et 50 % des volumes de semences et d'engrais commercialisés dans le département des Ardennes et de la Marne. Ces données, non prises en compte dans le tableau ci-dessus, viendraient minorer la position des parties. Toutefois, le test de marché n'a pas permis de confirmer que ces sources alternatives d'approvisionnement étaient utilisées de façon conséquente ou étaient appelées à se développer. Au contraire, s'agissant des semences, les agriculteurs sont de plus en plus contraints d'utiliser des semences certifiées pour permettre la traçabilité de leurs productions.

43. En tout état de cause, les parts de marché élevées relevées ci-dessus, et notamment dans le département des Ardennes, doivent être relativisées dans la mesure où la limitation de la dimension géographique des marchés aux frontières du département est artificielle, les contraintes de proximité relevées plus haut n'empêchant pas les agriculteurs de s'approvisionner dans les départements limitrophes, sur lesquels Champagne-Céréales est également présente mais dispose de parts de marché moins importantes. Sur l'ensemble des ces sept départements, le cumul des parts de marché des parties s'élève pour les produits considérés, en valeur, à moins de [20-30] % et, en volume, à moins de [20-30] %.

44. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la présente opération, qui n'entraînera qu'une modification mineure de la structure des marchés considérés, n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

2. LES MARCHÉS LOCAUX DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES, OLÉAGINEUX ET PROTÉAGINEUX

45. Sur ces marchés, Champagne Céréales collecte les céréales, protéagineux et oléagineux, principalement auprès de ses propres agriculteurs coopérateurs via un réseau de silos qu'elle détient sur les sept départements de sa circonscription territoriale.

46. Les adhérents peuvent souscrire un engagement annuel de livraison, précisant s'ils livrent la totalité ou seulement une partie de leur récolte. De plus, tous les adhérents ne souscrivent pas de tels engagements : ainsi, au 30 juin 2009, [30-40] % des adhérents de Champagne Céréales n'avaient souscrit aucun engagement de livraison.

47. Le groupe Compas est également présent sur le marché de la collecte de céréales, d'oléagineux et de protéagineux via 7 silos de stockage localisés dans les départements de l'Aisne (1 silo) et de la Marne (6 silos). De plus, en période de moisson, Compas procède à des ventes directes de la collecte depuis le site de l'agriculteur et les produits ainsi vendus peuvent être livrés directement au lieu d'expédition, sans transiter par un silo.

48. Sur les zones de 45 kilomètres autour de Changy, de Châlons-en-Champagne et de Montaigu, les parts de marché des parties estimées en volume par les parties sont les suivantes :

<emplacement tableau>

49. Sur la zone de 45 kilomètres autour de Changy, d'après les estimations des parties, le cumul des volumes collectés par les parties s'élève de [50-60] % à [60-70] % de l'ensemble de la collecte selon les produits considérés. La nouvelle entité disposera de 55 des 94 silos de la zone. Le renforcement de sa position dû à l'opération est limité. Les autres acheteurs disposant de silos sur cette zone sont : La Marnaise ([10-20] % de l'ensemble de la collecte), Soufflet ([5-10] %), Cohesis ([5-10] %), EMC2 ([5-10] %), Nourricia ([0-5] %), Houppiez ([0-5] %).

50. Sur la zone de 45 kilomètres autour de Châlons-en-Champagne, d'après les estimations des parties, le cumul des volumes collectés par les parties s'élève de [40-50] % à [50-60] % de l'ensemble de la collecte selon les produits considérés. La nouvelle entité disposera de 66 des 128 silos de la zone. Les autres acheteurs disposant de silos sur cette zone sont : Cohesis ([10-20] % de l'ensemble de la collecte), La Marnaise ([10-20] %), Soufflet ([10-20] %), ainsi que d'autres acteurs aux parts de marchés plus limitées tels que la coopérative de Juniville, Scara, Sezanne, Estagri, Coligny.

51. Sur la zone de 45 kilomètres autour de Montaigu, d'après les estimations des parties, le cumul des volumes collectés par les parties s'élève de [20-30] % à [40-50] % de l'ensemble de la collecte selon les produits considérés. La nouvelle entité disposera de 38 des 117 silos de la zone. Les autres acheteurs disposant de silos sur cette zone sont : Cohesis ([20-30] %), Cerena ([20-30] %), la coopérative de Juniville ([5-10] %), ainsi que des acteurs ayant des parts de marché plus limitées tels que la coopérative de la Marnaise, Hubau, Axion, Yverneau, Estagri, Levesque, Scora.

52. Il peut aussi être relevé que, sur chacune de ces zones, les agriculteurs disposeront de plusieurs alternatives pour la collecte de leurs céréales à des distances nettement inférieures à 45 kms, dans la mesure où les silos concurrents sont implantés de manière relativement homogène à l'intérieur des zones considérées.

53. De plus, les parties ont estimé que 20 à 25 % des volumes collectés annuellement font l'objet d'un stockage à la ferme. La majorité des répondants au test de marché ont souligné que ce mode de stockage, qui permet l'enlèvement par camion des produits de l'agriculteur directement sur son lieu d'exploitation, était amené à se développer.

54. Enfin, il convient de rappeler, comme l'Autorité de la concurrence l'a déjà fait dans des décisions antérieures (23), que la particularité des relations entre une coopérative et ses adhérents doit être prise en compte dans l'analyse concurrentielle des opérations de concentration impliquant une ou plusieurs coopératives. A l'occasion du cas n° IV/M.1313 Danish Crown/Vestjyske Slagterier impliquant des coopératives danoises, la Commission européenne a ainsi relevé que les coopératives n'avaient pas la possibilité d'exploiter leur puissance d'achat vis-à-vis de leurs membres fournisseurs.

55. Au vu des éléments qui précèdent, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la collecte de céréales et oléo-protéagineux par le biais d'effets horizontaux.

3. LES MARCHÉS NATIONAUX DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES, OLÉAGINEUX ET PROTÉAGINEUX

56. Sur les marchés nationaux de la commercialisation de céréales, oléagineux et protéagineux, les parts de marché en volume estimées par les parties, pour la campagne 2009/2010, sont les suivantes :

<emplacement tableau>

57. La part de marché de Champagne Céréales sur ces différents marchés restera donc limitée à l'issue de l'opération.

58. Il convient d'ajouter que les concurrents, dont certains sont de grands groupes coopératifs tel que Terrena ou des négociants tel que le groupe Soufflet, auxquels sera confrontée Champagne Céréales, après l'opération, sur ces deux marchés sont très nombreux.

59. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ces marchés par le biais d'effets horizontaux, à l'échelle nationale et donc, a fortiori, à l'échelle européenne.

B. EFFET VERTICAUX

60. Compas commercialise sur un marché national un certain nombre de variétés de céréales et d'oléo-protéagineux susceptibles d'être un intrant pour les activités de transformation industrielle situées en aval et sur lesquelles Champagne Céréales est présente par le biais de ses filiales. Il s'agit notamment du :

- marché de la fabrication et de la commercialisation de farine

- marché de la fabrication et de la commercialisation de malt

- marché de la fabrication et de la commercialisation de semoule de maïs

- marché de la fabrication et de la commercialisation d'amidon de blé natif

- marché de la fabrication et de la commercialisation de gluten de blé vital

- marché des édulcorants

- marché de la production et de la vente d'aliments complets pour animaux

- marché de la production et de la vente de biodiesel.

61. Il convient de souligner la position marginale de Compas sur les marchés nationaux de la commercialisation de blé tendre, d'orge, de maïs, de colza, de tournesol, de pois et de féveroles. Les tonnages collectés puis commercialisés par Compas représentent moins de [0-5] % des volumes commercialisés au niveau national et l'opération conduit à un faible accroissement des quantités collectées par Champagne Céréales.

62. De plus, le pôle industriel de Champagne Céréales ne sécurise que [10-20] % de ses approvisionnements en céréales auprès de la coopérative de son groupe, proportion qui se vérifie au moins sur les cinq derniers exercices.

63. Au niveau de la région Champagne-Ardenne, Nutrixio, filiale de Champagne-Céréales, est présente avec 3 sites de meunerie situés respectivement à Reims (51), Troyes et Brienne-le-Château (10). Dans un rayon d'approvisionnement de 300 km autour de chacune de ces meuneries, la capacité d'approvisionnement de Compas ne dépasse pas [0-5] % des volumes de blé tendre collectée dans la zone. Aussi, l'apport de Compas est minime et laisse quasiment inchangée la position de Champagne Céréales sur le marché régional de l'approvisionnement des minoteries en blé tendre.

64. Sur les autres marchés nationaux et européens de transformation industrielles des céréales et oléagineux, les apports de Compas sont également très limités.

65. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0084 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37 du 13 août 2009 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés Euralis Semences et Sud Céréales, ainsi que les lettres du ministre de l'Economie n° C2007-129 du 21 janvier 2008 aux conseils de la société Terrena, relative à une concentration dans le secteur dela distribution de produits pour le jardinage, le bricolage et pour l'agriculture et n° C2008-112 du 5 décembre 2008, au conseil des coopératives Audecoop, La Toulousaine de Céréales, Groupe Coopératif Occitan, des Unions de coopératives agricoles Lauragaise et Union Oxalliance, relative à une concentration dans le secteur des produits agricoles.

2 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37 précitée et n° 09-DCC-38 du 4 septembre 2009 relative à la fusion des coopératives Limagrain et Domagri, ainsi que la lettre du ministre de l'Economie n° C2008-94 du 2 janvier 2009 aux conseils de la société Axéréal, relative à une concentration dans le secteur des céréales et des oléoprotéagineux.

3 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2008-94 précitée.

4 Voir notamment les lettres du ministre de l'Economie n° C2008-29 du 4 juin 2008, aux conseils de la société coopérative Agrial et de la société coopérative Union Set, relative à une concentration dans le secteur des coopératives agricoles, n° C2008-52 du 30 juin 2008 au conseil de la société coopérative agricole Interface Céréales, relative à une concentration dans le secteur des coopératives agricoles, n° C2008-94, n° C2008-112 et la décision n° 09-DCC-37 précitées.

5 Décision C2008-112 et 09-DCC-38 précitées.

6 Voir notamment la décision de l'Autorité n° 09-DCC-38 précitée, et les décisions du ministre C2006-99 du 28 septembre 2006, C2008-52 du 30 juin 2008, C2008-94 du 2 janvier 2009.

7 Voir les décisions, n° C2008-94 et n° C2008-112 précitées.

8 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-38 ainsi que la lettre du ministre de l'Economie n° C2008-94 précitées.

9 Voir la décision n° C2008-112 précitée.

10 Voir notamment les décisions du ministre C2008-30 du 22 mai 2008 aux conseils de la société Groupe Epis-centre, relative à une concentration dans le secteur de la meunerie, C2008-94 et 09-DCC-38 précitées.

11 Voir notamment les décisions du ministre C2008-30 et C2008-94 et celle de l'Autorité de la Concurrence 09-DCC-38, précitées.

12 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2008-94 précitée et la décision de la Commission européenne du 18 décembre 1998 COMP/M.1372, Hugh Baird/Scottish Newcastle.

13 Voir la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie C2007-24 du 29 mars 2007 au conseil de la société Champagne céréales, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication de produits issus de la transformation de blé tendre.

14 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.2502 Cargill/Cerestar.

15 Voir la lettre C2007-24 précitée.

16 Voir la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 12 juin 2003 aux conseils des sociétés Sucrière Berneuil SAS et Nordzucker AG relative à une concentration dans le secteur de la production et commercialisation de sirop de glucose et de produits amylacés destinés à la consommation humain, la lettre C2007-24 et la décision communautaire M.2502 précitées.

17 La Commission européenne a estimé dans sa décision Cargill/Cerestar que la France, l'Allemagne, le Benelux et à un degré moindre l'Autriche et le Danemark formaient un seul et même marché, compte tenu des flux significatifs d'édulcorants entre ces pays.

18 Voir la décision de l'Autorité de la Concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nutréa, Peigne, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol par les groupes Coopagri Bretagne et Terrena et la lettre du ministre de l'Economie C2007-54 du 25 juin 2007 relative à une concentration dans le secteur des aliments pour bétail.

19 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2005-38 du 1er juillet 2005 au conseil du groupe coopératif Unicopa relative à une concentration dans le secteur de l'alimentation pour le bétail et la décision 09-DCC-91 précitée.

20Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.5388 - Diester Industrie/Oleon group du 8 janvier 2009, et COMP/M.3039 - Soprol / Céréol - Lesieur du 30 janvier 2003.

21 Opération notifiée au ministre de l'Economie et ayant bénéficié d'une autorisation tacite le 3 août 2006.

22 Semences prélevées sur la récolte et triées par les agriculteurs.

23 Voir par exemple les décisions 09-DCC-90, relative à la fusion de la coopérative agricole de la Charente et de al coopérative agricole Syntéane et 10-DCC-41 relative à la fusion par absorption des coopératives Capafrance et Force 5 par la coopérative Océal.