ADLC, 4 août 2010, n° 10-DCC-88
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint de la société Nico par la société Machal
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 7 juillet 2010, relatif à la prise de contrôle de la société Nico par la société Machal, formalisée par un contrat conclu le 16 juin 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits " adhérents associés ", conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de " Groupements des Mousquetaires ". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Écomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au " Groupement des Mousquetaires ".
2. La société ITM Alimentaire Sud-Ouest est une société de droit français détenue à 99 % par la société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaire Sud-Ouest l'animation et le développement du réseau de franchisés exploitant sous les enseignes Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région Sud-Ouest de la France.
3. La société ITM Alimentaire Sud-Ouest et le groupe ITM Entreprises auquel elle appartient ont réalisé, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d'affaires mondial hors taxes de [20-30] milliards d'euro, dont [15-25] en France.
4. La société Machal est une société par actions simplifiée qui, par l'intermédiaire de ses filiales, exploite plusieurs points de ventes alimentaires : un supermarché sous enseigne Intermarché localisé dans la ville de Foix, un supermarché sous enseigne Ecomarché dans la ville de Belesta, ainsi qu'une boulangerie et un fonds de commerce de restauration rapide. La société est détenue à hauteur de [>50] % par les époux X et des membres de leur famille, ITM Entreprises détenant une action. Monsieur et Madame X sont signataires de la charte d'adhésion au groupement des Mousquetaires depuis le 7 mars 2006.
5. La société Nico est une société par actions simplifiées de droit français qui exploite un point de vente, de type supermarché, à l'enseigne " Intermarché " situé à Laroque d'Olmes (09). La société Tagavert, elle-même contrôlée par la société ITM Alimentaire Sud-Ouest, détient [>50] % en pleine propriété et [>5] % en usufruit du capital de la société Nico. Le reste du capital de la société Nico est réparti entre ITM Alimentaire Sud-Ouest et ITM Entreprises. La société Nico a réalisé, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d'affaires total hors taxes de 8,3 millions d'euro.
6. La société Machal s'est engagée à acquérir la majorité des titres de la société Nico par contrat conclu le 16 juin 2010. A l'issue de l'opération, la société Machal détiendra [>50] % en pleine propriété et [>5] % en usufruit des titres de la société Nico. Madame X détiendra personnellement cinq actions en pleine propriété. Le reste du capital sera réparti entre ITM Alimentaire-Ouest, à hauteur de [>5] % en nue-propriété, et ITM Entreprises qui détiendra une action de préférence.
7. Les statuts de la société Nico confèrent à ITM Entreprises, via son action de préférence et pendant une durée de 25 ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fond de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fond de commerce similaire sous une enseigne concurrente. De plus, au-delà de cette période, ITM Entreprises conservera un droit de préférence, en cas de cession, pendant une durée de 5 ans.
8. Il ressort de ce qui précède qu'après l'opération, la société Nico sera contrôlée conjointement par la société Machal et le groupe ITM Entreprises. L'opération s'analyse donc comme une prise de contrôle conjoint de la société Nico par la société Machal, le groupe ITM Entreprises conservant un contrôle conjoint sur la cible.
9. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
10. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées (2) dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
11. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales (3), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
12. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte tenu que des magasins dont la surface est situé à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les faits.
13. Au cas d'espèce, le magasin concerné par l'opération, qui a une surface de vente de 1 200 m², entre dans la catégorie des supermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
14. Dans ses décisions récentes (4) relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.
15. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
16. Au cas d'espèce, l'analyse portera sur le marché réunissant les supermarchés et autres formes de commerce équivalentes dans un rayon de 15 minutes en voiture autour de Laroques d'Olmes.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
17. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (5) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (6).
18. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION
19. Sur le marché comprenant les supermarchés et autres formes de commerce équivalentes, situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour de Laroque d'Olmes, le magasin exploité par la cible est le seul magasin exploité sous une enseigne appartenant au groupe ITM Entreprises. La société Machal ne détient pas, directement ou indirectement, de supermarchés ou d'hypermarchés dans la zone ainsi définie.
20. La présente opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché concerné.
B. MARCHÉ AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
21. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne porte que sur un seul magasin, n'est pas susceptible de renforcer la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises qui approvisionnait déjà, avant l'opération, les points de vente à dominante alimentaire de l'acquéreur et le magasin cible ni la puissance d'achat de la société Machal.
22. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l'approvisionnement.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0099 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis de l'Autorité de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.
2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005
3 Décisions C 2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C 2007-172 Carrefour Plane Plamidis du 13 février 2008, C 2007-154 Système UVergali du 3 décembre 2007, C 2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C 2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.
4 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 jullet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.
5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.
6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C 2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C02006-15 Carrefour/Groupe Hamon du 14 avril 2006, C 2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour /SAGC du 9 juillet 2008.