CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 10 juin 2010, n° 09-04057
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Agfa Gevaert (SA)
Défendeur :
Sauvage Médical Service (SARL), Distribution Médico Chirurgicale (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
Mmes Brylinski, Beauvois
Avoués :
SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, SCP Boiteau Pedroletti
Avocats :
Me Guerin, Selarl Bernard Rineau, Associés
Faits et procédure :
Agfa Gevaert (ci après Agfa) commercialise sous la marque " Agfa " des appareils de traitement des images médicales réalisées par les radiologues.
Dans le cadre de cette activité, elle conclut avec ses clients (radiologues, cliniques, hôpitaux), des contrats de maintenance préventive et curative de ces matériels " Agfa ", une partie de cette maintenance étant sous-traitée à un réseau de sous-traitants qu'elle a constitué, dénommé " Mozaïc ".
Ce réseau comprend une douzaine d'entreprises spécialisées réparties sur le territoire français. A chacune, Agfa garantit une exclusivité sur un territoire convenu, pour la réalisation en sous-traitance de la maintenance préventive et curative de certains types de ces matériels " Agfa ".
Courant 2003, Jean-Yves Sauvage, alors salarié d'Agfa, est devenu sous-traitant dans le réseau " Mozaïc " dans la région Ouest.
Il a créé, avec Joël Salle (qui exploitait déjà une entreprise de maintenance, principalement de matériel de radiologie, la société JS Maintenance), la SARL Sauvage Médical Service (SMS), et a signé un contrat de sous-traitance avec Agfa le 10 novembre 2003.
Ce contrat a été conclu pour une durée de 24 mois, allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 et était tacitement reconductible.
Le territoire attribué à SMS comportait 12 départements de l'Ouest de la France (22-29-35-37-44-49-53-56-72-79-85-86).
Agfa s'engageait à remettre chaque mois à SMS une liste des clients ayant conclu avec elle un contrat de maintenance, avec l'indication de chaque matériel, le type de contrat de maintenance souscrit par le client pour chaque matériel, le nombre de visites de maintenance préventive à effectuer, et à partir de quelle date.
Elle s'engageait également à mettre gratuitement à disposition de son sous-traitant les pièces détachées nécessaires à la réalisation de la maintenance.
De son côté, SMS s'interdisait toute facturation directe aux clients d'Agfa pour des interventions régies par le contrat.
Fin 2004, Agfa a confié à la SARL Distribution Médico Chirurgicale (ci après DMC), dont le gérant était Joël Salle, pour un an, un contrat de distribution non-exclusif sur les départements 22-29-56-35-44.
Parallèlement, Agfa et SMS sont entrées en discussion afin de définir les modalités d'un éventuel renouvellement du contrat de sous-traitance après le 31 décembre 2005.
Par lettre du 31 mai 2005, Agfa a dénoncé à SMS le contrat de sous-traitance " Mozaic ". Elle lui a par ailleurs fait parvenir un projet de contrat comportant diverses modifications importantes par rapport aux stipulations contenues dans le contrat en cours.
Ces nouvelles conditions ont été signées par SMS qui a cependant manifesté des réserves à le faire. Agfa et SMS ont alors conclu un nouveau contrat de sous-traitance daté du 30 mai 2005, ce contrat ne devant cependant entrer en vigueur que le 1er janvier 2006.
En juin 2005, SMS a informé Agfa qu'elle s'apprêtait à reprendre l'activité de maintenance de la société JS Maintenance et qu'elle achèterait des pièces à Agfa pour faire la maintenance de matériels Agfa pour son propre compte.
Agfa ne s'est pas opposée à cette reprise d'activité par SMS mais a exigé la signature d'un avenant, lequel a été signé le 6 juillet 2005.
Le 15 novembre 2005 Agfa a mis SMS et DMC en demeure de mettre fin aux agissements qu'elle leur imputait, à savoir le fait de mettre en commun leurs moyens, pour chercher à évincer leur propre donneur d'ordre et conclure pour leur propre compte de nouveaux contrats de maintenance avec ces mêmes clients chez qui Agfa avait missionné SMS (sur son territoire contractuel) ou d'autres sous-traitants du réseau " Mozaïc " (hors du territoire de SMS, essentiellement en région parisienne), et les a également mis en demeure de prendre l'engagement de lui transférer le bénéfice des contrats de maintenance qu'elles pourraient conclure avec les clients d'Agfa, à peine de résiliation du contrat de sous-traitance.
SMS a alors répondu en estimant de son côté qu'Agfa, avait abusé de sa position dominante en obtenant d'elle la signature du nouveau contrat de maintenance conclu en mai 2005.
Aussi l'a-t-elle mise en demeure de modifier les conditions financières du nouveau contrat de sous-traitance pour 2006 sous délai d'un mois, à défaut de quoi elle résilierait elle même les contrats signés en novembre 2003 et en juin 2005.
Le 28 novembre 2005, Agfa a écrit à SMS, estimant que la réponse ainsi faite éludait les faits reprochés, tout en ne les contestant pas, ce qui l'amènerait à résilier le contrat au terme du délai d'un mois à compter du 15 novembre 2005.
C'est dans ces conditions que, le 19 décembre 2005 Agfa a résilié, aux torts de SMS, avec effet immédiat, les deux contrats de sous-traitance, celui de 2003, dont elle rappelait qu'il avait été dénoncé par sa lettre du 31 mai 2005 pour le 31 décembre 2005, et le nouveau contrat prévu pour prendre sa suite à compter du 1er janvier 2006.
Par ailleurs, par lettre du 16 décembre 2005, elle l'avait informée de ce qu'elle ne bénéficierait plus de la remise de 25 % sur l'achat de pièces détachées à compter du 21 décembre suivant.
Agfa a ensuite assigné SMS et DMC devant le Tribunal de commerce de Nanterre, par acte du 10 février 2006 en vue d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle estimait lui avoir été causée par les manœuvres de captation de clientèle commises par les deux sociétés.
Outre des dommages et intérêts, Agfa demandait au tribunal de faire injonction à SMS et DMC de s'abstenir, pendant un an à compter du jugement, de démarcher ses clients auprès desquels SMS était intervenue en sa qualité de sous-traitante et de conclure avec eux des contrats de maintenance et au besoin, pour compléter les preuves déjà produites, de désigner un expert en vue de constater l'existence de propositions de contrats de maintenance émanant de SMS et DMC à destination de sa clientèle et la conclusion de contrats avec ses clients existants à fin novembre 2005.
SMS, par voie reconventionnelle, demandait au tribunal de condamner Agfa à maintenir les conditions contractuelles de remise pendant un an, et de lui allouer 15 000 euro par mois jusqu'au jugement à intervenir, de juger la résiliation du contrat maintenance abusive sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° et 5°, et de lui allouer la somme de 200 000 euro en réparation de son préjudice et de condamner Agfa au paiement d'une facture de 26 459 euro et à 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 13 juin 2006, le Tribunal de commerce de Nanterre a débouté Agfa de toutes ses demandes.
Accueillant pour partie les demandes reconventionnelles, il a condamné Agfa au maintien des conditions contractuelles de vente des pièces de rechange pendant un an à compter du 1er janvier 2006, avec exécution provisoire et sous astreinte, au paiement des factures pouvant être dues à SMS et DMC et notamment au paiement d'une facture de novembre 2005 pour 26 459 euro ainsi qu'au paiement de 200 000 euro de dommages et intérêts à SMS, et de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur l'appel interjeté par Agfa, la cour de ce siège a confirmé le jugement entrepris en presque toutes ses dispositions notamment celles qui déboutaient Agfa et la condamnaient - et, y ajoutant, a dit que SMS était débitrice de 3 781,95 euro au titre de quatre factures impayées, qu'Agfa n'avait pas exécuté le jugement en ce qui concerne la remise de 25 % et qu'il devrait en être tenu compte lors de l'établissement des comptes, qu'Agfa devait payer une indemnité complémentaire de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les demandes reconventionnelles de SMS et DMC fondées sur un préjudice d'image et financier, pour 50 000 euro chacune, ont été rejetées.
Agfa s'est pourvue en cassation. SMS et DMC ont formé un pourvoi incident.
Par arrêt en date du 31 mars 2009, la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 18 septembre 2007 et renvoyé devant la Cour d'appel de Versailles autrement composée.
Les parties ont à nouveau conclu, Agfa le 22 février 2010 et SMS et DMC le 25 février 2010.
Sur ce, LA COUR,
Vu l'article 455 du Code de procédure civile et lesdites conclusions,
Sur les demandes d'Agfa
Attendu que ces demandes, sous leurs différents fondements, sont recevables ;
Attendu qu'il convient d'analyser la pertinence des griefs que formule Agfa contre SMS au regard des obligations de cette société au 19 décembre 2005, date de la résiliation opérée par Agfa ; qu'à cette date, seul le contrat du 10 novembre 2003, conclu pour une durée de 24 mois, allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, était en vigueur ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner, comme Agfa invite la cour à le faire par une argumentation qui, sur ce point, est inopérante, les stipulations du contrat signé en mai 2005, dès lors que celui-ci ne devait entrer en vigueur que le 1er janvier 2006 ;
Attendu en revanche qu'il y a lieu de prendre en considération qu'il existait alors trois rapports juridiques distincts entre Agfa et SMS et DCM, à savoir en premier lieu les relations commerciales entre Agfa et Joël Salle (puis JS Maintenance puis SMS à partir de mai 2005), en deuxième lieu le contrat du 10 novembre 2003 (entre Agfa et SMS) et en troisième lieu le contrat entre Agfa et DCM ; que ces trois relations, ainsi que leurs tenants et aboutissants, notamment le rôle la présence de Joël Salle, étaient parfaitement connues d'Agfa ;
Attendu que l'article 15-1 du contrat du 10 novembre 2003 stipule que "la société SMS s'interdit, par la signature de ce contrat, toute facturation directe aux clients d'Agfa Gevaert SA, son donneur d'ordre, pour des interventions régies par ce contrat" ; qu'en revanche, comme le souligne SMS, le contrat de maintenance en sous-traitance du 10 novembre 2003 ne contenait aucune interdiction, pour SMS, de concurrencer Agfa ; que de même aucune interdiction de concurrence ne s'imposait dans le cadre des relations commerciales entre Agfa et Joël Salle (puis JS Maintenance, puis SMS) non plus que dans celui du contrat entre Agfa et DCM ;
Attendu dans ces conditions que, comme le soulignent SMS et DCM, la première nommée a entretenu, postérieurement à la disparition de JS Maintenance, une relation double avec Agfa, à savoir d'une part une relation que SMS qualifie de "libre" - hors contrat aussi bien préventive que curative avec achat de pièces au tarif réduit (moins 25 %), poursuite de l'activité en place existante depuis 1993 et d'autre part une relation de sous-traitance sous contrat du 10 novembre 2003, sans achat de pièces, avec une relation connexe de sous-traitance curative ;
Attendu que compte tenu de ce double régime de relations, SMS était en principe fondée à développer l'activité de maintenance libre que lui reconnaissait le contrat du 10 novembre 2003, activité pour laquelle Agfa continuait d'ailleurs à lui facturer les pièces détachées avec une remise de 25 % ; que par ailleurs, s'agissant de DMC, aucune restriction ne lui ayant été imposée, elle était libre de préconiser à la clientèle le système de maintenance de son choix ; que l'économie de l'un et l'autre de ces deux contrats ne faisait nullement obstacle à l'une et l'autre de ces activités ;
Attendu qu'Agfa fait valoir que, cependant, connaissant de manière très précise les besoins de la clientèle d'Agfa et les caractéristiques de ses contrats de maintenance (contenu, date de renouvellement, fin de période de garantie) grâce aux listes mensuelles transmises par elle, SMS avait exploité ces informations ; que par ailleurs, sa société soeur, DMC, avait agi de même, apportant les informations privilégiées qu'elle détenait en raison de son contrat de distribution avec Agfa (tarifs des contrats de maintenance et politique commerciale d'Agfa) ; qu'ainsi SMS et DMC avaient mis leurs moyens en commun pour l'évincer et conclure pour leur propre compte de nouveaux contrats de maintenance avec ces mêmes clients ;
Attendu qu'Agfa fait notamment valoir que l'un des supports de l'information qu'elle dispensait en ce qui concerne les tarifs des contrats de maintenance était un logiciel développé par elle et dénommé " SPEPGSO ", logiciel interactif contenant tous les outils nécessaires à l'établissement d'offres commerciales de contrats de maintenance " Agfa " aux clients (tarifs, propositions commerciales, textes des contrats, etc.) ; que SMS et DMC ont piraté ou copié ce logiciel dans les démarches qu'elles ont effectué pour leur propre compte ;
Attendu qu'Agfa ajoute que, dans le cadre de leur prospection, SMS et DMC se présentaient aux clients comme des sociétés aux activités étroitement complémentaires, comme cela résulte d'un document commercial commun à ces deux sociétés qui circulait, en novembre 2005, chez des clients d'Agfa ;
Attendu sur le premier point que, comme précédemment indiqué, eu égard aux obligations contractuelles de SMS, d'une part, et de DMC, d'autre part, telles que précédemment rappelées, il n'est pas justifié que SMS et DMC auraient, comme le prétend Agfa, utilisé à leur profit des informations privilégiées, s'agissant des propositions effectuées ; qu'en effet le contrat de maintenance en sous-traitance du 10 novembre 2003 ne contenait aucune interdiction, pour SMS, de concurrencer Agfa ; que de même aucune interdiction de concurrence ne s'imposait dans le cadre des relations commerciales entre Agfa et Joël Salle (puis JS Maintenance, puis SMS) non plus que dans celui du contrat entre Agfa et DCM ; que dans ces conditions, et sauf stipulations expresses des contrats, les informations données par Agfa à l'une et l'autre de ces sociétés pouvaient sans faute contractuelle être utilisées par elles dans le cadre de leurs activités libres, sauf à ce qu'il en soit stipulé autrement ; que nonobstant ces éléments, Agfa ne justifie en rien de ce qu'elle aurait précisé à SMS et à DMC, dont elle connaissait les liens et dont elle connaissait les droits, que les informations qu'elle leur fournissait ne pouvaient être utilisées dans le cadre de leurs activités libres, activités qui, contrairement aux allégations d'Agfa n'étaient nullement " contraires à ses intérêts " mais qui les servaient certes dans une moindre mesure que la sous-traitance puisqu'elles conduisaient à assurer, à la satisfaction de la clientèle, la maintenance de ses matériels et, par voie de conséquence, à en assurer le succès ; que, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, en régularisant les contrats de sous-traitance à SMS et de distribution non-exclusive à DMC, Agfa ne pouvait ignorer qu'elles avaient une direction commune en la personne de Joël Salle et la possibilité d'une concurrence directe avec fourniture de pièces de rechange au tarif réduit laissé sans changement ; qu'elle ne pouvait, non plus, ignorer qu'elle leur fournissait des indications et données utiles à leurs activités libres, indications et données dont elle n'a pas précisé qu'elles auraient été confidentielles ; qu'enfin les stipulations contraires qui figurent au contrat signé entre Agfa et SMS, qui n'était pas encore en cours à la date de la résiliation, montrent, a contrario, que ledit usage était, en lui même, non prohibé ;
Attendu, sur le second point, qu'Agfa justifie de trois utilisations ou copies de son logiciel par SMS et DMC, notamment avec utilisation de ses marque et slogan et de l'intervention irrégulière d'un de ses employés ; que cependant, si ces utilisations ponctuelles constituent une faute contractuelle de SMS, ces marque et slogan ne pouvant, par nature, être utilisés par des tiers sans autorisation expresse, elles étaient insuffisantes, en elles-mêmes et compte tenu de leur caractère très ponctuel, à justifier la résiliation du contrat effectuée par Agfa le 19 décembre 2005, d'autant qu'il n'est plus justifié d'une telle utilisation postérieurement à la mise en demeure faite par Agfa le 15 novembre 2005 - mise en demeure qui au demeurant se fondait non sur des obligations stipulées au contrat en cours, mais sur des obligations stipulées dans celui du 30 mai 2005 qui, comme précédemment souligné, ne régissait pas encore les rapports entre les parties et ne devait entrer en vigueur que le 1er janvier suivant -; qu'en effet, contrairement aux allégations d'Agfa, le courrier du conseil de SMS en date du 14 décembre 2005 ne saurait constituer une réitération des agissements dénoncés, non plus qu'une manifestation de volonté d'une telle réitération à l'avenir ;
Attendu que de même, la faute ponctuellement commise par SMS ne pouvait justifier qu'il fût mis fin, à compter du 21 décembre suivant, à la remise de 25 % qui était consentie à SMS sur l'achat de pièces détachées ;
Attendu que ces seuls faits ne sauraient non plus, eu égard à leur caractère isolé, être constitutifs de concurrence déloyale, non plus que de parasitisme ;
Attendu, sur le troisième point, que compte tenu du fait que les liens entre SMS et DMC étaient connus d'Agfa et du fait que, comme précédemment rappelé, elles avaient l'une et l'autre, la faculté d'effectuer une activité hors contrat, le fait qu'elles se soient présentées, dans le cadre de leur prospection, comme des sociétés aux activités étroitement complémentaires ce qui, au demeurant, était effectivement le cas n'est nullement fautif ;
Attendu que, dès lors qu'il n'est nullement démontré que cela se serait situé dans une démarche destinée à détourner les clients concernés, il ne saurait encore être reproché à SMS la politique commerciale suivie, avec notamment certaines interventions gratuites, qui sont constitutives d'une démarche commerciale normale à l'égard de la clientèle, comme Agfa le reconnaît elle-même, une telle démarche commerciale normale ne nécessitant pas une autorisation écrite préalable et spécifique d'Agfa, le fait qu'elles aient été effectuées selon un numéro d'intervention d'Agfa démontrant suffisamment un accord de celle-ci, accord dont il n'est pas démontré qu'il aurait été surpris ;
Attendu par ailleurs qu'il n'est pas justifié que cette démarche aurait servi, comme l'allègue Agfa, à permettre à des clients de différer la date de conclusion d'un nouveau contrat de maintenance, en changeant de prestataire, ni qu'elle aurait consisté à " s'attirer les bonnes grâces " de clients " en leur offrant des PMV gratuites, pour mieux les persuader de conclure un contrat de maintenance " avec SMS ou DMC plutôt qu'avec Agfa ;
Attendu enfin qu'il ne saurait être reproché à SMS non plus qu'à DMC que des clients d'Agfa aient résilié leur contrat y compris si cela a été pour devenir clients de l'une ou de l'autre, dès lors que de telles résiliations ne sont pas la conséquence de manœuvres déloyales de l'une ou de l'autre de ces deux sociétés ; qu'en effet il ne résulte d'aucun élément que les résiliations invoquées auraient été consécutives à de telles manœuvres ; qu'au contraire, si la plupart des courriers de résiliation ne mentionnent pas le motif qui a déterminé leur auteur, certains font état de griefs (notamment défaut d'informations (pièces 11 et 75), indiquent que la décision résulte de l'ancienneté du matériel (pièce 20), voire font état d'une véritable insatisfaction des prestations d'Agfa (pièce 76) ;
Attendu enfin qu'Agfa ne justifie pas de son allégation selon laquelle SMS a refusé de fournir les numéros de machines censées être sous contrat de maintenance préexistants chez JS Maintenance et dont elle allait poursuivre l'exécution, parce qu'elle avait notamment l'intention à l'avenir de reprendre en direct la maintenance faite jusque-là par elle en sous-traitance d'Agfa chez un certain nombre de clients ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que le jugement déféré, en ce qu'il a débouté Agfa de ses demandes de réparation du préjudice qu'elle avance avoir subi du fait de fautes de SMS et de DMC, doit être confirmé ; que, par ailleurs, Agfa doit être déboutée de sa demande de remboursement de 11 996,26 euro représentant la remise de 25 % sur les achats de pièces faits par SMS depuis 2006 avec cette remise ;
Attendu qu'Agfa demande en outre condamnation de SMS à lui payer la somme de 3 781,95 euro TTC en paiement des factures n° FR00207066, FR00207065, FR00207296 et 7100014622, avec intérêts au taux égal à une fois et demi le taux de l'intérêt légal à compter du 10 février 2006 ;
Attendu ces demandes ne sont pas contestées, qu'il y a lieu d'y faire droit ;
Attendu qu'Agfa demande enfin condamnation de SMS et DMC, in solidum, à lui payer la somme de 50 000 euro de dommages et intérêts pour atteinte à son image et pour dénigrement résultant de leur lettre-circulaire à la clientèle du 26 juin 2006 ;
Attendu qu'Agfa incrimine en particulier les passages soulignés suivants : " Nous avons créé la société SMS en partenariat avec Agfa France. A l'annonce de la création de la société en 2003, de nombreux clients qui avaient décidé de passer à la concurrence aux motifs d'un manque de qualité dans le service rendu, ont décidé de reconduire leur contrat ", " La société Agfa Gevaert France a décidé en décembre dernier de résilier les contrats qui nous liaient avec elle, suite à notre refus d'accepter de nouvelles conditions tarifaires prohibitives qui nous auraient conduits au dépôt de bilan ", " Vous trouverez ci-joint le délibéré du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre en date du 13 juin. Agfa Gevaert France a été déboutée de toutes ses demandes et a été condamnée à nous verser 200 000 euro de dommages et intérêts " et " Vous avez peut être été destinataires de courriers émanant de la société Agfa Gevaert France (signés par le directeur Agfa Healthcare France, qui pour votre information vient d'être licencié) " ;
Attendu que l'envoi de la copie du dispositif de la décision du Tribunal de commerce de Nanterre, certes faite aux risques et périls de SMS et DCM, ne saurait être considérée comme dénigrante dans la mesure où cette décision est confirmée par la cour de ce siège ; qu'en revanche les trois autres passages incriminés sont constitutifs de dénigrement à l'encontre d'Agfa ; qu'il y a lieu de faire droit à sa demande ; que le préjudice subi doit être évalué à 10 000 euro ;
Attendu, sur les demandes de SMS et DMC, qu'il résulte des éléments précédemment analysés que, comme l'avait exactement jugé le tribunal de commerce dans la décision frappée d'appel, Agfa, en dénonçant brutalement et avec une motivation mensongère une relation commerciale régulièrement établie depuis 1993 avec SMS pour les pièces de rechange et depuis deux ans pour les contrats de sous-traitance vis-à-vis d'une société en état de dépendance économique, a méconnu, dans l'un et l'autre cas, et pour sortir d'une situation dont elle n'avait plus le profit suffisant et tenter d'obtenir un profit supplémentaire, aux exigences posées par l'article L. 442-6 du Code de commerce ; qu'il en résulte que sont justifiées en leur principe les demandes d'indemnisation présentées sur ce fondement ;
Attendu en effet que, s'agissant des relations avec SMS, elles perduraient depuis treize années, pour avoir débuté en 1993 avec Joël Salle dont le fonds a été repris en 2000 par JS Maintenance puis cédé en 2005 à SMS et que SMS générait la majeure partie de son chiffre d'affaires desdites relations ; que sur ces points, la cour reprend les motifs du premier juge et confirme la décision déférée, précision étant apportée que, contrairement aux allégations d'Agfa, les conditions que cette société a ensuite prétendu faire à SMS étaient discriminatoires, comme cela résulte, notamment, de la propre pièce 50 d'Agfa (LRAR par laquelle elle informe, seulement le 21 février 2006, la société Maintenance Imagerie Médicale de ce que, " à compter du 15 février 2006, (ses) pièces détachées sont désormais payables comptant à la livraison " et que, " dans tous les cas les prix seront ceux de (ses) tarifs publics, toutes taxes applicables en sus " et constituent, par voie de conséquence, une rupture de fait des relations commerciales établies dans la mesure où la décision d'Agfa prétendait subordonner des relations à des conditions discriminatoires, contraires aux règles de la concurrence ;
Attendu dans ces conditions que le jugement déféré, qui a fait une exacte appréciation du préjudice et de ses modalités de réparation, sera confirmé ; que la somme allouée indemnise l'ensemble du préjudice subi à ce titre, sans qu'il y ait lieu de la majorer ;
Attendu, sur les demandes relatives à la réparation du préjudice consécutif à un dénigrement, que SMS et DMC font valoir qu'Agfa a adressé à ses clients, le 8 juin 2006, un courrier indiquant, sous l'intitulé " information importante concernant la maintenance Agfa dans votre région " que " Vous êtes peut être confrontés, depuis quelques temps, à des sollicitations de sociétés de maintenance se prétendant agréées par Agfa. Sachez que les sociétés SMS et DMC représentées par Messieurs [xxx] ne sont plus accréditées par Agfa depuis le 16 décembre 2005.
Elles ne peuvent donc pas se présenter au nom d'Agfa comme représentant Agfa.
Sachez que, sur votre région, Agfa France n'a agréé que trois partenaires techniques qui sont les sociétés: Image, Ortès, Technead. Ces trois sociétés partenaires répondent à un cahier des charges drastique pour vous garantir le professionnalisme que vous êtes en droit d'exiger. Seule la société Agfa peut vous garantir une pérennité des performances ainsi qu'un suivi de la qualité image grâce à la compétence de nos équipes techniques et applications et à nos liens directs avec nos équipes recherche et développement' " ;
Attendu que ces termes qui, après qu'il soit indiqué que le message est important, sous-entendent que les sociétés SMS et DMC usurperaient des qualités qu'elles n'ont point et qu'elles n'auraient pas la compétence leur permettant d'assurer une maintenance adéquate du matériel Agfa sont gravement dénigrantes et ont causé à ces deux sociétés un préjudice d'image et un préjudice économique qui sont démontrés par les résiliations consécutives, notamment par celle du Dr H. qui explicite les motifs de sa décision par référence à ce courrier ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner Agfa, en réparation de ces préjudices à payer à SMS et DMC la somme de 22 500 euro ;
Attendu que la demande en paiement de la facture FC2005-217 excède les limites de la saisine de la cour, statuant comme cour de renvoi après cassation ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation d'Agfa à payer à SMS et DMC la somme de 40 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de la saisine sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt du 18 septembre 2007 prononcé par la 12e chambre 1re section de cette cour, Confirme, dans les limites de la saisine, le jugement déféré, et statuant plus avant, Condamne SMS à payer à Agfa Gevaert la somme de 3 781,95 euro TTC en paiement des factures n° FR00207066, FR00207065, FR00207296 et 7100014622, avec intérêts au taux égal à une fois et demi le taux de l'intérêt légal à compter du 10 février 2006, Condamne solidairement SMS et DMC à payer à Agfa Gevaert la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice qu'elles lui ont causé en la dénigrant, Condamne Agfa à payer à SMS et DMC la somme de 22 500 euro en réparation des préjudices qu'elle leur a causé en les dénigrant, Dit irrecevable la demande de SMS en paiement de facture, Condamne Agfa à payer à SMS et DMC la somme de 40 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour frais irrépétibles d'appel, La condamne aux dépens, Admet la SCP Boiteau Pedroletti, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.