CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 20 mai 2010, n° 09-01420
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Egetra (SA)
Défendeur :
Alstom Transport (SA), Alstom Power (SA), Alstom Power Service (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
Mmes Brylinski, Beauvois
Avoués :
SCP Tuset Chouteau, SCP Bommart Minault
Avocats :
Me Pion, Bariani
Faits et procédure
La société Etudes Gestion Transit, ci-après Egetra, est une société de transports et commissionnaire de transports de marchandises par route.
Elle a travaillé à compter de 1994 et ce jusqu'en mai 2005, pour le compte de différentes sociétés du groupe Alstom, sans recours à un contrat-cadre.
Faisant valoir que les sociétés du groupe Alstom avaient rompu de manière brutale les relations commerciales, sans notification écrite préalable et sans préavis, la société Egetra a assigné, par actes d'huissier des 28 août 2006, les sociétés Alstom Transport, Alstom Power Conversion, Alstom Power et Alstom Power Service pour les voir à titre principal condamner in solidum à lui payer la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts.
En cours de procédure, la société Egetra s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la société Alstom Power Conversion.
Par jugement rendu le 28 octobre 2008, le Tribunal de commerce de Nanterre a constaté ce désistement, a condamné, avec exécution provisoire :
- Alstom Transport, à payer à la société Egetra, la somme de 3 000 euro avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- Alstom Power, la somme de 600 euro et Alstom Power Service que la somme de 1 400 euro, avec intérêts à compter de la décision,
- in solidum Alstom Transport, Alstom Power et Alstom Power Service la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Egetra a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2010, la société Egetra demande à la cour, vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 28 octobre 2008 en ce qu'il a jugé que les sociétés Alstom Transport SA, Alstom Power Service, Alstom Power SA ont engagé leur responsabilité à l'égard de la société Egetra en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce pour avoir rompu abusivement les relations commerciales existant entre elles ;
- confirmer ledit jugement en ce qu'il a fixé à 6 mois le préavis dû par les sociétés Alstom Transport SA, Alstom Power Service, Alstom Power SA à la société Egetra ;
- l'infirmer sur le quantum des dommages et intérêts alloués,
et statuant à nouveau,
- condamner la société Alstom Transport à lui payer la somme de 44 400 euro à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts à compter de l'assignation ;
- condamner la société Alstom Power à lui payer la somme de 20 500 euro à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts à compter de l'assignation ;
- condamner la société Alstom Power Service à lui payer la somme de 8 500 euro à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts à compter de l'assignation ;
- condamner in solidum les sociétés Alstom Transport, Alstom Power Service et Alstom Power à lui payer la somme de 9 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés Alstom Transport, Alstom Power Service et Alstom Power aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Tuset-Chouteau, avoués près la Cour d'appel de Versailles en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 7 janvier 2010, comportant appel incident, les sociétés Alstom Transport, Alstom Power Service et Alstom Power demandent à la cour de :
A titre principal,
- constater qu'il n'existait pas de " relations commerciales établies " entre les sociétés intimées et la société Egetra et en conséquence, infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre le 28 octobre 2008 de ce chef, débouter la société Egetra de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sur ce point ;
- constater que les sociétés n'ont pas mis fin, même partiellement en ce qui concerne la société Alstom Power Service à leurs relations avec la société Egetra de manière soudaine, imprévisible et violente et en conséquence, infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre le 28 octobre 2008 de ce chef et débouter la société Egetra de l'ensemble des demandes ;
A titre subsidiaire,
- constater que la société Egetra ne rapporte pas la preuve de l'existence et du quantum du préjudice qu'elle prétend avoir subi, et en conséquence infirmer le jugement et la débouter de l'ensemble des demandes ;
- condamner la société Egetra à payer la somme de 3 000 euro à chacune des sociétés intimées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Bommart Minault avoués conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
A l'appui de son appel, la société Egetra fait valoir que l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce est indépendante de l'existence d'un contrat-cadre ou d'une convention écrite, que le fait que les relations commerciales n'aient été assorties d'aucune exclusivité en faveur du prestataire ne dispense pas non plus le client de respecter un préavis de rupture, que l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce s'applique également indépendamment de tout engagement du client à garantir au prestataire un chiffre d'affaires minimum, que l'absence d'investissements particuliers du prestataire pour satisfaire aux demandes du client n'est pas non plus un élément de nature à l'exclure l'article L. 442-6 du Code de commerce, qu'il en est de même d'une position de dépendance économique, qu'enfin des variations du chiffre d'affaires d'une année sur l'autre ne sont pas de nature à dispenser le client de son obligation de respecter un préavis.
L'article L. 442-6- I-5° du Code de commerce exige seulement des relations commerciales établies, c'est-à-dire des relations " assidues caractérisées par un volume d'affaires important dans le cadre d'une collaboration technique et commerciale suivie " sur une période " non négligeable " selon la jurisprudence. Le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2008 ne fait que confirmer qu'en l'espèce, il existe des relations commerciales établies, c'est-à-dire suivies, stables et habituelles.
Les sociétés Alstom ne peuvent pas non plus se prévaloir d'un usage dans le domaine du transport autorisant à quitter un fournisseur habituel pour un autre sans respecter l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'ordre public. Un tel usage n'existe pas. Elles n'en rapportent d'ailleurs pas la preuve.
Les sociétés Alstom se fondent sur un arrêt du 11 août 1989 de la Cour d'appel de Montpellier, pour soutenir que la rupture des relations commerciales n'était nullement imprévisible, soudaine et violente en raison de la variation du chiffre d'affaires qui aurait laissé prévoir une cessation des relations.
En l'espèce, les sociétés Alstom ont rompu les relations commerciales avec la société Egetra sans avis préalable écrit, du jour au lendemain.
Les sociétés Alstom ne peuvent pas non plus se prévaloir de commandes postérieures au mois de mai 2005. D'une part, aux termes de leurs conclusions, ces commandes postérieures à mai 2005, proviendraient de la seule société Alstom Power Service. D'autre part, il résulte de leur propre pièce n° 7 que sur 108 commandes, 26 sont postérieures au mois de mai 2005, ce qui constitue une rupture partielle abusive et fautive.
Le tribunal a fixé le préavis dû à 6 mois, comme demandé par la société Egetra, aux motifs que " compte tenu de l'ancienneté des relations (1994/2005) cette durée parait proportionnée ". La cour devra confirmer le jugement sur ce point.
Selon la jurisprudence, les dommages et intérêts compensateurs du préjudice subi sont égaux à la marge brute que la victime de la rupture aurait réalisée durant le préavis dû.
Outre l'attestation de son commissaire aux comptes, la société Egetra verse aux débats les livres journaux de ses opérations nationales et internationales sur les exercices 2001 à 2005. Ces livres journaux enregistrent la marge réalisée pour chaque opération, pour chacun de ses clients (et non pas seulement des sociétés Alstom), au jour le jour. Compte tenu de l'exhaustivité de ces livres, leur sincérité ne saurait être remise en cause ; d'autant que les chiffres sont confirmés par l'attestation du commissaire aux comptes.
En réponse, les sociétés Alstom soutiennent qu'il n'existait pas de " relation commerciale établie " entre Egetra et les intimées et que la rupture reprochée n'est pas brutale, c'est-à-dire imprévisible, soudaine et violente, que la société Egetra n'apporte la preuve de son préjudice ni dans son principe, ni dans son quantum.
A titre liminaire, il convient de rappeler que chacune des prestations de transport confiées par les entités du groupe Alstom à la société Egetra faisait l'objet d'un contrat distinct, et il n'existait aucun accord cadre prévoyant un volume d'affaires minimum.
Les sociétés Alstom n'avaient aucun accord d'exclusivité avec Egetra sur le marché des transports européen et concluaient des contrats de transport, en fonction des marchés qu'elles avaient pu elles-mêmes obtenir dans le cadre de leur activité, avec la société de transport dont l'offre était la plus compétitive.
Compte tenu de ces éléments, et du caractère irrégulier de l'activité des sociétés intimées :
- il n'a jamais été question pour les sociétés du groupe Alstom de garantir à la société Egetra un courant d'affaires minimum, ni même un courant d'affaires stable ;
- l'appelante ne pouvait nullement être assurée de se voir confier des prestations pour lesquelles les sociétés intimées faisaient également appel à d'autres transporteurs.
De plus, ainsi que l'appelante le rappelle elle-même dans ses écritures, les contrats de transport conclus entre les intimées et Egetra n'ont nécessité de la part de cette dernière aucun investissement spécifique.
La société Egetra ne se trouvait pas en position de dépendance économique vis-à-vis des intimées, qui ne représentaient qu'une faible part de son chiffre d'affaires.
Or, dans ce contexte, force est de remarquer que le chiffre d'affaires annuel réalisé par Egetra avec l'ensemble des sociétés intimées était très instable dans la mesure où, selon les affirmations de l'appelante elle même, il pouvait varier de 222 238 euro à 852 907 euro.
Dans ces conditions, il est manifeste que les différents contrats de transport conclus entre Egetra et les sociétés intimées ne sauraient constituer une relation commerciale stable permettant l'application de l'article L. 442-6 I-5° du Code de commerce.
Au-delà du caractère extrêmement instable du chiffre d'affaires global réalisé avec les entités du groupe Alstom, le chiffre d'affaires réalisé avec certaines de ces entités était en baisse quasi constante depuis 2001.
En ce qui concerne la société Alstom Power Service, il ressort des pièces versées aux débats qu'elle a confié des prestations de transport à la société Egetra tout au long de l'année 2005.
Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal de commerce a jugé que la société Alstom Power Service aurait " brutalement " mis un terme à ses relations commerciales avec la société Egetra au mois de mai 2005.
La cour constatera qu'en l'espèce, la société Egetra n'établit pas que la société Alstom Power Service aurait " rompu partiellement " les relations qu'elle entretenait avec elle. Egetra se contente en effet d'affirmer que " sur 108 commandes, 26 sont postérieures au mois de mai 2005 ".
Contrairement à ce que prétend l'appelante, une simple baisse du volume des commandes après le mois de mai 2005 par rapport aux 5 premiers mois de l'année 2005 ne saurait en aucun cas constituer à elle seule une rupture partielle des relations entre ces deux sociétés.
La cour ne pourra donc que réformer sur ce point le jugement entrepris et débouter la société Egetra de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société Alstom Power Service.
En ce qui concerne Alstom Transport SA et Alstom Power SA, ainsi qu'il a été rappelé, Egetra n'était nullement assurée de se voir confier de manière continue des prestations de transport par les sociétés Alstom Transport SA et Alstom Power SA dans la mesure où :
- chaque prestation de transport faisait l'objet d'un contrat distinct et qu'il n'existait aucun accord cadre prévoyant un volume d'affaires minimum, ni aucun accord d'exclusivité ;
- compte tenu du caractère irrégulier de l'activité des sociétés intimées, celles-ci ne pouvaient en aucun cas garantir à Egetra un courant d'affaires minimum ou constant.
La société Egetra en était d'ailleurs parfaitement consciente dans la mesure où, entre 1994 et 2005, le chiffre d'affaires annuel réalisé avec les sociétés intimées avait connu des variations extrêmement importantes.
Le fait qu'Alstom Transport SA, Alstom Power SA et Alstom Power Service cessent de contracter avec l'appelante ne pouvait donc en aucun cas être imprévisible.
A cet égard, l'attitude de l'appelante est particulièrement révélatrice :
- d'une part, Egetra elle-même affirme avoir " été vigilant[e] à ne pas être en situation de dépendance économique vis-à-vis " des sociétés intimées.
- d'autre part, après avoir constaté que les intimées ne lui confiaient plus de prestations de transport, Egetra n'a formulé aucune réclamation pendant plus d'un an, à l'exception d'un courrier d'avocat daté du 13 octobre 2005 qui n'est jamais parvenu aux sociétés intimées.
L'appelante était donc bien consciente du fait que les sociétés intimées pouvaient à tout moment cesser de contracter avec elle et que ce simple fait ne pouvait constituer la rupture fautive d'une " relation commerciale établie ".
Ensuite, la " rupture " dont Egetra se prétend victime a été précédée par une baisse quasi constante et importante du chiffre d'affaires réalisé avec certaines des sociétés intimées depuis 2001.
Le fait qu'Alstom Transport SA et Alstom Power SA aient cessé de passer commande à la société Egetra, à laquelle elles s'adressaient pour des prestations de transport vers et depuis les pays d'Europe continentale s'inscrit dans le cas d'une baisse de leur volume d'affaires avec ces pays.
Enfin, les sociétés intimées ont cessé de contracter avec Egetra à la suite du départ de l'équipe avec laquelle elles étaient en contact vers une autre société de transport, conformément à un usage bien établi dans le secteur et dont l'appelante avait elle-même bénéficié en 1994.
Ainsi qu'il a été rappelé, en effet, les sociétés intimées ont commencé à confier des prestations de transport à Egetra en 1994, lorsqu'une équipe de la société de transports SNAC, avec laquelle elles travaillaient habituellement, a quitté cette société pour rejoindre l'appelante.
Ce faisant, les intimées ont obéi à un usage bien établi dans le secteur des transports.
C'est donc conformément à l'usage que lorsque les interlocuteurs habituels des intimées ont quitté Egetra pour un autre transporteur, Dimotrans, les intimées se sont tournées vers cette dernière société.
Une fois encore, le comportement de l'appelante révèle qu'elle avait parfaitement conscience de cet usage. En effet, Egetra n'a formulé aucune réclamation auprès des entités du groupe Alstom en mai 2005, et ce n'est que plus d'un an plus tard qu'elle a engagé la présente action.
Au regard des développements qui précèdent, la cour ne pourra donc que constater que c'est à tort que le tribunal de commerce a estimé que les sociétés intimées avaient rompu de manière " imprévisible, soudaine et violente " les relations qu'elles entretenaient avec Egetra.
Il apparaît clairement que ni le principe, ni le montant du préjudice que la société Egetra prétend avoir subi ne reposent sur aucun élément sérieux.
Sur le quantum des demandes de la société Egetra, en premier lieu, il convient de souligner qu'il a varié de manière significative, sans que ces variations n'aient jamais été expliquées par une quelconque raison objective.
Cela est d'autant plus vrai que l'attestation produite par la société Egetra pour la première fois devant la cour, qui émane de son commissaire aux comptes, ne permet nullement d'établir le quantum du préjudice prétendument subi par Egetra.
En effet, cette attestation fait référence à la " marge brute " réalisée par Egetra avec les sociétés du groupe Alstom au cours des années 2002, 2003 et 2004. Cependant, cette attestation ne précise ni les éléments comptables, ni la formule qui ont servi au calcul de cette " marge brute ".
Par ailleurs, il convient de relever qu'en première instance, la société Egetra prétendait se voir indemniser du préjudice qu'elle soutenait avoir subi sur la base du calcul d'un " chiffre d'affaires annuel moyen " calculé pour les années 1994 à 2004.
Or, l'attestation versée aux débats par la société Egetra ne porte que sur les exercices 2002 à 2004, sans qu'aucun élément ne vienne justifier la pertinence de ce choix.
Dans ces conditions, la cour constatera que l'attestation versée aux débats par la société Egetra ne saurait en aucun cas servir de base à l'évaluation du préjudice prétendument subi par cette société.
Enfin, en sollicitant le paiement d'une marge sur la base d'un " chiffre d'affaires annuel moyen " calculé en fonction du chiffre d'affaires prétendument réalisé entre 2002 et 2004, la société Egetra demande en réalité l'indemnisation d'un préjudice forfaitaire qui ne tient aucun compte de l'évolution des relations entre les parties.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 février 2010.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR :
Sur la rupture brutale de relations commerciales établies
Il résulte de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que sauf dans le cas où l'autre partie n'exécute pas ses engagements ou celui de la force majeure, le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice en résultant.
En l'espèce, la société Egetra justifie par la production des pièces relatives aux chiffres d'affaires réalisés depuis l'exercice 1996, de ses relations commerciales avec les sociétés du groupe Alstom et en particulier avec les trois sociétés intimées depuis au moins 1996.
Il résulte des pièces qu'elle verse aux débats que le chiffre d'affaires généré avec chacune de ces sociétés a certes varié d'une année sur l'autre, parfois de façon importante, mais sans qu'à aucun moment, depuis 1996, le courant d'affaires existant entre la société Egetra et l'une de ces trois sociétés du groupe Alstom n'ait connu d'interruption.
Au total, le chiffre d'affaires généré par ces trois sociétés pour la société Egetra a représenté 852 907 euro en 2000, 484 238 euro en 2001, 294 475 euro en 2002, 670 828 euro en 2003, 734 712 euro en 2004, 135 781 euro en 2005 (entre janvier et mai 2005).
Sur toute la période de 1996 à 2004 inclus, le chiffre d'affaires réalisé par la société Egetra avec les sociétés intimées est toujours resté volumineux et ce malgré les variations qu'il a connues, orienté globalement à la hausse de façon significative depuis 2002.
Le chiffre d'affaires réalisé par la société Egetra avec chacune des sociétés a également varié de façon importante et sans qu'à aucun moment l'une des sociétés ne cesse de recourir aux services de l'appelante.
En particulier, avec la société Alstom Transport, le chiffre d'affaires réalisé à compter de 2000, n'a jamais été inférieur à 135 000 euro (année 2002) pour s'établir à 440 407 euro en 2003 et 421 474 euro en 2004.
Avec la société Alstom Power, le chiffre d'affaires réalisé à compter de 2000 n'a jamais été inférieur à 105 000 euro (année 2004) et a atteint 596 488 euro en 2000 et 320 902 euro en 2001.
Certes, entre la société Egetra et la société Alstom Power Service, le volume d'affaires a été très réduit au cours des années 2000 à 2003 inclus, de l'ordre de quelques milliers d'euros, mais il a atteint 207 971 euro en 2004 et 66 975 euro sur les premiers mois de 2005 de sorte que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale, des relations suivies existant avec les autres sociétés du groupe et de cette évolution sur 2004 et le début 2005, la société Egetra pouvait raisonnablement anticiper une poursuite de la relation commerciale avec la société Alstom Power Service.
Il ressort de l'ensemble des pièces produites que ces sociétés du groupe Alstom ont eu recours à compter de 1996 de façon continue, régulière et habituelle à la société Egetra pour procéder au transport de leurs marchandises, malgré la variation des chiffres d'affaires connue sur certaines périodes.
Il est indifférent pour apprécier l'existence de relations commerciales établies au sens de l'article précité que les relations entre la société Egetra et les intimées n'aient fait l'objet d'aucun contrat-cadre ou d'aucune convention écrite, aient donné lieu à l'établissement de contrats à chaque mission, que chacune des sociétés du groupe Alstom n'ait eu aucun accord d'exclusivité en faveur de la société Egetra, n'ait garanti aucun chiffre d'affaires minimal, que la société Egetra n'ait pas été en situation de dépendance économique et n'ait pas réalisé d'investissement spécifique.
Il importe peu également que la société Egetra ait attendu août 2006 pour engager l'action à l'encontre des sociétés intimées alors qu'elle justifie par ailleurs que son conseil a bien adressé le 13 octobre 2005 un courrier recommandé à la société Alstom dans lequel il invoquait la rupture brutale des relations commerciales, ce courrier recommandé étant toutefois revenu avec la mention NPAI.
Il est donc justifié que le courant d'affaires entre la société Egetra et chacune des sociétés intimées a présenté un caractère continu et habituel depuis 1996, portant sur un volume d'affaires certes variable mais qui ne s'est jamais interrompu, qui a été significatif avec la société Alstom Transport et la société Alstom Power sur toute la période, et qui pour la société Alstom Power Service, a évolué très nettement à la hausse dans les deux dernières années, ce qui suffit à démontrer l'existence des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° précité.
La brutalité de la rupture de la relation commerciale établie entre la société Egetra et chacune des sociétés intimées résulte en l'espèce de l'absence de tout préavis écrit ayant précédé cette rupture.
Aucune des sociétés intimées, à qui incombe la charge de cette preuve, ne justifie avoir donné à la société Egetra un préavis.
C'est l'absence de préavis écrit qui est fautif, qui confère à la rupture son caractère violent et soudain.
Il est donc inopérant à cet égard comme le soutiennent les sociétés intimées que le chiffre d'affaires ait connu des variations dans les années qui ont précédé la rupture.
En effet, la relation commerciale établie entre la société Egetra et chacune des sociétés permettait à l'appelante, malgré les fluctuations connues de chiffre d'affaires, d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires et il incombait à chacune des sociétés intimées qui entendait mettre fin à la relation commerciale d'en informer la société Egetra avec un préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation.
Les sociétés intimées expliquent qu'elles ont cessé de contracter avec la société Egetra à la suite du départ de l'équipe avec laquelle elles étaient en contact, au sein de la société Egetra, vers une autre société de transport et revendiquent un usage bien établi dans le secteur des transports dont aurait bénéficié la société Egetra en 1994.
Les intimées n'apportent aucune preuve d'un tel usage, lequel ne pourrait, en toute hypothèse, pas contredire une disposition d'ordre public.
Elles prétendent également que le fait qu'elles aient cessé de passer commande à la société Egetra pour des prestations de transport, vers et en provenance des pays d'Europe continentale, s'inscrirait dans la baisse de leur volume d'affaires avec ces pays, ce dont elles ne justifient aucunement, la société Alstom Power Conversion n'étant plus partie à l'instance.
En l'espèce, il ressort des pièces 41 et 42 produites par la société Egetra que les dernières factures de la société Egetra émises pour des transports confiés par la société Alstom Transport et la société Alstom Power l'ont été fin mai 2005. La relation commerciale a cessé à cette date.
Ni la société Alstom Transport ni la société Alstom Power ne contestent au demeurant avoir cessé de confier des transports à la société Egetra à compter de mai 2005.
Le rapprochement de la pièce 43 produite par la société Egetra correspondant au compte société Alstom Power Service 2005 et de la pièce 7 versée aux débats par la société Alstom Power Service correspondant à l'historique des prestations de transport confiées par cette dernière en 2005 à la société Egetra vient confirmer que la relation commerciale a été également rompue au mois de mai 2005 entre ces deux sociétés.
En effet, si sur cet historique comptable figurent des opérations en débit ou crédit dont certaines à des dates postérieures à la fin du mois de mai 2005, il s'agit de paiements ou de régularisations faits sur des opérations de transport antérieures à la fin mai 2005, ainsi que le prouvent les références des factures Egetra et les dates des pièces comptables auxquelles ces opérations se réfèrent, à l'exception d'une seule écriture dont le montant est négligeable, portant sur la somme de 299 euro, avec une date de pièce comptable au 16 juin 2005 et un numéro de facture 735111 qui n'est pas mentionnée sur la pièce 43 de la société Egetra arrêtée à fin mai 2005.
Ainsi et contrairement à ce que soutient la société Alstom Power Service, il ne ressort pas de la pièce 7 qu'elle produit qu'elle aurait confié des prestations de transport pendant toute l'année 2005 à la société Egetra.
La cessation de toute relation commerciale fin mai 2005 sans préavis par la société Alstom Transport, la société Alstom Power et la société Alstom Power Service avec la société Egetra est donc constitutive d'une rupture brutale.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu le principe du bien-fondé de la demande de la société Egetra à l'encontre de la société Alstom Transport, la société Alstom Power et la société Alstom Power Service.
Compte tenu de la durée et de l'importance des relations commerciales établies avec chacune des sociétés intimées, le délai de préavis de six mois sollicité par la société Egetra et retenu par les premiers juges est justifié.
Les pièces produites par la société Egetra pour justifier de son préjudice sont des pièces comptables qui présentent toutes les garanties de fiabilité et qui doivent être retenues. Elles permettent de déterminer la marge brute de la société Egetra avec chacune des sociétés sur les trois dernières années précédant la rupture, l'exercice 2005 étant exclu comme n'étant pas représentatif puisque les relations commerciales ont été rompues après seulement cinq mois.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'attestation sur la marge réalisée au cours des exercices 2002 à 2004 par le commissaire aux comptes qui décrit les contrôles auquel celui-ci s'est livré, est suffisamment précise pour être tenue comme probante tant sur la méthode de calcul de cette marge qui est décrite par la société Egetra et approuvée par le commissaire aux comptes que sur les éléments comptables qui ont été examinés et les montants de marge brute obtenus.
Par ailleurs, il est pertinent de se référer, pour apprécier le préjudice causé à la société Egetra par la rupture brutale, à la moyenne de la marge sur les trois derniers exercices, en considération d'une part des fluctuations importantes qu'ont connues les chiffres d'affaires qui rendent nécessaires de prendre en compte plusieurs années pour ce calcul et d'autre part, de ce que le préjudice doit être évalué en fonction de la marge brute que la société Egetra aurait dû réalisée au cours du préavis s'il avait été respecté, ce qui justifie de l'évaluer sur une période suffisamment proche de la rupture et non par référence à une moyenne de marge sur toute la durée de la relation commerciale.
Il sera donc fait droit aux demandes de dommages et intérêts de la société Egetra à hauteur de sa réclamation à l'encontre de chacune des sociétés, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2006, date de l'assignation.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dépens seront à la charge des intimées qui succombent.
L'équité commande de condamner in solidum la société Alstom Transport, la société Alstom Power et la société Alstom Power Service à payer à la société Egetra une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris sur le montant des dommages et intérêts accordés à la société Etudes Gestion Transit (Egetra). Statuant à nouveau, Condamne la société Alstom Transport à payer à la société Egetra la somme de 44 400 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2006. Condamne la société Alstom Power à payer à la société Egetra la somme de 20 500 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2006. Condamne la société Alstom Power Service à payer à la société Egetra la somme de 8 500 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2006. Confirme le jugement pour le surplus. Condamne in solidum la société Alstom Transport, la société Alstom Power et la société Alstom Power Service aux dépens. Admet la SCP Tuset-Chouteau, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne in solidum la société Alstom Transport, la société Alstom Power et la société Alstom Power Service à payer à la société Egetra une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Les déboute de leurs demandes au même titre.