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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 mai 2010, n° 09-05024

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Transports Frigo 7 Locatex (SAS)

Défendeur :

Gefco (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Fievet Lafon, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

Mes Vincot, Le Goff, Barety

T. com. Nanterre, 2e ch., du 30 avr. 200…

30 avril 2009

Faits et procédure :

La société Transports Frigo 7 - Locatex a pour activité le transport routier de marchandises. Elle a été constituée, dans sa forme actuelle, le 31 décembre 2006, à la suite de la fusion des sociétés LGL Frigo 7 et Locatex.

Elle comprend deux branches d'activités : l'une de transport frigorifique, l'autre de transport de marchandises, notamment de pièces automobiles.

Dans le du transport de pièces automobiles, le principal chargeur de Locatex était société Gefco, laquelle a pour principale activité la commission de transport.

Depuis 1972, Locatex a en effet travaillé pour le compte de Gefco soit sur des lignes régulières, soit au titre de contrats de transport de marchandises générales, soit au titre de contrats de location avec conducteur.

Jusqu'en 2000, les relations commerciales entre les deux sociétés se sont développées pour atteindre environ 75 % du chiffre d'affaires de Locatex, correspondant environ à un million d'euros par mois.

Entre 1999 et 2000, le prix du gazole a très fortement augmenté (de plus de 40 %), puis, à compter de 2000 et jusqu'en 2005, cette situation s'est aggravée.

En 2005, Locatex s'est ainsi trouvée dans une situation critique et Gefco lui a prêté 400 000 euro, en 2004 et 2005, afin d'éviter une cessation des paiements.

En 2005, pour faire face à ses difficultés, Locatex s'est rapprochée de LGL - Frigo 7.

Lors de ce rapprochement, la direction de LGL - Frigo 7 a pris contact avec Gefco pour trouver une solution aux difficultés de Locatex et un échange de courriers est intervenu.

Le 25 avril 2005, Frigo 7 transmettait une proposition d'indexation du gazole.

En juin, Gefco a accordé une indexation de 1 % du prix du gazole, comme le prévoyait la proposition de Frigo 7 pour cette période.

Aucun contrat-cadre écrit n'a cependant alors été régularisé entre les parties.

L'exercice 2005 s'est soldé, pour Locatex par des pertes de près de 10 % du chiffre d'affaires.

Toutefois, en 2005, Gefco a mis en œuvre une forme d'indexation du gazole.

Le 5 janvier 2006, le législateur a instauré un mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole sur le prix du transport facturé aux donneurs d'ordre en tenant compte, en l'absence d'accord des parties, de l'évolution d'un indice officiel publié par le Comité National Routier.

Frigo 7 - Locatex estime que, cependant, Gefco n'a jamais appliqué ces dispositions, ce que conteste cette dernière.

Le 31 décembre 2006, Frigo 7 a absorbé la société Locatex, sous la contrainte estime-t-elle, contrainte résultant de la politique tarifaire de Gefco et de la nécessité faire face aux obligations réglementaires en termes de capacité financière pour conserver ses licences de transport.

Après la fusion, le marché Gefco représentait 45 % du chiffre d'affaires de Frigo 7 - Locatex, ce qui correspondait à une centaine de conducteurs et près d'une cinquantaine d'ensembles routiers.

Durant l'année 2007, Frigo 7 - Locatex a, à nouveau, tenté de faire valoir arguments auprès de Gefco, afin d'obtenir une réévaluation des transports et, le 23 octobre 2007, elle a adressé une mise en demeure en ce sens à Gefco.

Par lettre du 31 octobre 2007, Gefco a indiqué avoir augmenté ses tarifs.

Estimant cette réponse non satisfaisante, Locatex a, se fondant sur les dispositions de la loi du 5 janvier 2006, émis des factures d'indexation en décembre 2007, mais Gefco en a refusé le paiement.

A nouveau, le 10 décembre 2007, Frigo 7 - Locatex a adressé un courrier recommandé, avec à l'appui plusieurs tableaux et une étude de la Fédération Nationale des Transports Routiers, pour détailler et expliquer le caractère incontestable selon elle de l'augmentation des tarifs à laquelle elle prétendait.

Cependant, par courrier du 17 décembre 2007, Gefco lui a opposé un refus.

Par lettre recommandée du 26 décembre, reçue le 31 décembre 2007, Frigo 7 Locatex a alors mis Gefco en demeure de régler la somme de 238 448,68 euro TTC correspondant aux factures d'indexation émises, précisant qu'à défaut une procédure de référé serait engagée et attirant l'attention de Gefco sur le caractère selon elle abusivement bas des tarifs imposés et les conséquences qui pourraient en résulter à défaut d'augmentation.

Cependant, le 7 janvier 2008, Gefco a refusé, puis, par recommandé avec accusé de réception daté du 8 février 2008, reçu le 13 février, Gefco a mis fin à ses relations contractuelles avec Frigo 7 - Locatex, avec un préavis de six mois, en appliquant durant le préavis une augmentation de 4 % des tarifs.

Frigo 7 - Locatex, qui a alors rencontré des difficultés, a obtenu du président du Tribunal de commerce de Rennes la désignation d'un mandataire ad hoc pour rechercher les modalités d'une rupture contractuelle acceptable avec Gefco, mais celui-ci a déposé un rapport de constat d'échec de sa mission.

Par ailleurs, le 11 mars 2008, Frigo 7 - Locatex a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Rennes pour demander, d'une part, le paiement d'une provision à valoir sur l'indexation de ses prestations, et, d'autre part, la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer, au vu des documents comptables et financiers communiqués par elle, si les tarifs appliqués par Gefco dans le cadre de ses relations commerciales caractérisaient des prix abusivement bas au sens de la loi.

Par ordonnance du 18 avril 2008, le juge des référés a désigné un expert, pour apprécier l'existence de prix abusivement bas et, par application de l'article 873-1 du Code de procédure civile, a renvoyé les parties devant le juge du fond pour statuer sur la demande de provision.

Devant cette dernière juridiction, Gefco a soulevé son incompétence territoriale au profit du Tribunal de Nanterre et, par jugement du 29 mai 2008, le Tribunal de commerce de Rennes a fait droit à exception.

C'est dans ces conditions que, devant la juridiction ainsi désignée, Frigo 7 - Locatex a sollicité une provision de 2 204 688,07 euro, au fond, au titre de l'indexation du prix du carburant.

Une décision mixte, ordonnant notamment une expertise, a été rendue le 22 janvier 2009, dont Gefco a interjeté appel.

L'instance est pendante devant la cour de ce siège.

Parallèlement, l'expert désigné a déposé un pré-rapport le 18 juillet 2008.

Par ailleurs, par acte du 8 février 2009, Frigo 7 - Locatex a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre, dans le cadre d'une procédure à jour fixe, pour solliciter la condamnation de Gefco à lui verser la somme de 17 838 065,94 euro, en indemnisation du préjudice qu'elle estime lui avoir été causé par la rupture, abusive selon elle, de relations commerciales établies depuis 1972 et de l'abus de position dominante.

Par le jugement du 30 avril 2009, cette juridiction a débouté Frigo 7 - Locatex de ses demandes et l'a condamnée à verser la somme de 2 500 euro à Gefco au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Frigo 7 - Locatex a interjeté appel de cette décision.

Sur ce, LA COUR,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile et les conclusions de Frigo 7 Locatex en date du 10 mars 2010 et de Gefco en date du 17 février 2010;

Attendu que Gefco fait valoir que la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) qui a institué, dans son article 8 § II, un " contrat-type de sous-traitance de transport " qui règle les rapports entre l'opérateur de transport et le transporteur et dispose qu'à défaut de stipulations contractuelles contraires, les clauses du contrat-type sous-traitance régissent les relations commerciales entre l'opérateur de transport et l'entreprise exécutante, dénommée le sous-traitant ;

Attendu que Gefco considère qu'il en résulte que les clauses du contrat-type sous-traitance s'appliquent soit en l'absence de contrat écrit, soit quand le contrat écrit n'en dispose pas autrement ;

Attendu que Gefco souligne que par ailleurs, ladite loi prévoit que dans ces hypothèses les clauses du contrat-type s'appliquent de plein droit ; que Gefco ajoute que l'annexe I de l'article 1er du décret du 26 décembre 2003 institue le contrat-type et énumère ses clauses ; que l'article 12 du contrat-type, relatif aux modalités de résiliation du contrat de sous-traitance à durée indéterminée, régit les modalités de résiliation quel que soit le motif de la rupture ; qu'elle souligne que le présent litige s'inscrit dans les dispositions ci-dessus rappelées dès lors que les prestations réalisées par Frigo 7 - Locatex sont des prestations de sous-traitance de transport ; qu'elle souligne que la Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 janvier 2008, considéré que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce n'était pas applicable lors de la rupture d'un contrat-type de sous-traitance de transport ;

Attendu que, contrairement aux prétentions de Frigo 7 Locatex, qui invoque à tort le principe de cohérence et la règle de l'estoppel, le fait que le courrier de notification de la rupture du 8 février 2008 ne se réfère ni aux contrats ponctuels aujourd'hui invoqués par Gefco, ni même au contrat-type, mais décide, unilatéralement, d'un délai de préavis de six mois n'interdit nullement à cette société d'invoquer devant la cour le cadre contractuel ou le contrat-type ;

Attendu que selon l'article 8 II alinéa 3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, " sans préjudice des dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées aux alinéas précédents, les clauses de contrats types s'appliquent de plein droit " entre l'opérateur de transport et le transporteur ;

Attendu que l'article 12.2 du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants qui figure en annexe I au décret n° 2003-1285 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, " le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus " ;

Attendu que selon l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce en sa rédaction applicable à la date de la rupture, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels " ;

Attendu que ces dernières dispositions, de portée générale, s'appliquent cumulativement à celles prévues par les deux premiers textes cités qui, loin d'y déroger se bornent " sans préjudice des dispositions législatives en matière de contrat ", à déterminer des durées de préavis minimales ; que l'interprétation cumulative des dispositions des articles L. 442-6 I, 5°, d'une part et de l'article 8 II alinéa 3 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, d'autre part, que propose Gefco ne saurait être retenue ;

Attendu en effet, d'une part, que l'on ne saurait considérer que ce dernier texte, destiné à protéger les sous-traitants, édicterait des dispositions moins favorables que celles qui s'appliqueraient sans son intervention ; que par ailleurs, les réalités économiques impliquent nécessairement que la durée du préavis, qui a pour objet de permettre au cocontractant de se réorganiser et de chercher de nouveaux débouchés, ne saurait être identique lorsque les relations ont duré treize mois et lorsqu'elles ont, comme en l'espèce, duré plus de trente années ; que de même elle ne saurait être identique selon que le partenaire commercial qui décide de rompre les relations est un partenaire marginal ou s'il génère une part significative, voire essentielle, du chiffre d'affaires du cocontractant ; que dans ces conditions il y a lieu, dans la mesure où il apparaîtrait que Gefco a décidé de rompre les relations commerciales avec Frigo 7 Locatex, d'examiner si la durée du préavis donné par Gefco pour rompre ses relations avec Frigo 7 - Locatex répond aux exigences posées par l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce ;

Attendu cependant qu'il convient d'examiner préalablement le moyen développé par Gefco selon lequel nonobstant les explications chiffrées données par elle, à la suite du désaccord entre les parties sur les tarifs, Frigo 7 Locatex a maintenu sa position et appliqué une augmentation unilatérale de ses tarifs de 5,4 % et émis des factures d'indexation du carburant sur une base erronée, factures que Gefco estime avoir légitimement refusé ; qu'elle fait encore valoir qu'une réunion a été organisée le 4 février 2008 à son siège afin de trouver une solution, réunion à l'issue de laquelle, il est ressorti que les parties ne pouvaient trouver un accord sur les modalités financières de poursuite de leur collaboration et où elle n'a eu d'autre choix que de constater la nécessité de mettre fin à celle-ci, les modalités de rémunération constituant un élément essentiel du contrat ;

Attendu que ce moyen ne saurait être retenu dès lors que les allégations de fait sur lesquelles il repose sont contredites par le courrier de résiliation du 8 février 2008; qu'en effet, si ce courrier fait effectivement suite à une réunion du 4 février à laquelle il fait référence dans son premier paragraphe, Gefco, loin de prendre acte de ce que les relations contractuelles n'auraient plus été possibles avec Frigo 7 Locatex, du fait de celle-ci, elle indique au contraire que " par la présente lettre, Gefco met fin formellement aux relations contractuelles avec Frigo 7 Locatex en respectant un préavis de six mois à compter de ce jour et dans les conditions ci-après décrites. Comme évoqué lors de notre réunion, l'ensemble des prestations de transport demandé à Locatex sera maintenu dans les mêmes conditions qu'auparavant jusqu'à la date du 31 mai 2008. A compter du 1er juin 2008, en fonction du type de ligne de transport, un calendrier de cessation défini pour chaque ligne sera fixé pour une cessation définitive de l'ensemble des relations contractuelles au 31 août 2008. Durant toute la période de préavis, les prix de Frigo 7 Locatex bénéficieront d'une augmentation de 4 %. De plus à fin mai une augmentation ou baisse éventuelle des prix sera décidée pour tenir compte de l'évolution du coût du gasoil. La présente lettre valant préavis de cessation des relations contractuelles entre Frigo 7 Locatex et Gefco, nous l'adressons en lettre recommandée avec accusé de réception ";

Attendu en effet que s'il résulte de ce courrier que c'est à la suite d'un désaccord avec Frigo 7 Locatex que les relations contractuelles ont été rompues, il en résulte, de façon certaine et dénuée de la moindre ambiguïté que Gefco a eu l'initiative de la rupture qui n'était nullement inéluctable et décidé de celle-ci;

Attendu, sur la durée du préavis, que compte tenu de la durée des relations, qui a été de trente six années, de l'importance des revenus générés par les relations commerciales avec Gefco dans le chiffre d'affaires de Locatex (75 % en 2000, 45 % après fusion avec Frigo 7), des investissements effectués à cet égard par Frigo 7 Locatex et de l'intégration de Frigo 7 Locatex dans l'organisation de Gefco (caractérisés notamment par le fait que les camions de Frigo 7 Locatex utilisés pour les transports Gefco devaient être signés aux couleurs Gefco et étaient donc inutilisables pour d'autres transports et par l'existence de sites spécifiques aux flux Gefco), un préavis de vingt mois aurait été nécessaire pour qu'elle se réorganise ;

Attendu qu'en mettant fin à ses relations commerciales avec Frigo 7 Locatex avec seulement un préavis de six mois, Gefco a rompu brutalement lesdites relations et, partant, a commis une faute délictuelle, causant à Frigo 7 Locatex un dommage dont elle lui doit réparation ;

Attendu, sur le montant du dommage, que celui-ci inclut le manque à gagner de Frigo 7 Locatex pendant la durée qui aurait dû être celle du préavis ainsi que les dommages annexes consécutifs à la brutalité de la rupture ;

Attendu que Frigo 7 Locatex fait valoir qu'elle a subi un premier chef de préjudice résultant de la nécessité de modifier les couleurs de sa flotte ; que cependant les six mois de préavis que lui a donné Gefco lui permettaient de prendre ses dispositions pour que cette modification, qui devait en toute hypothèse intervenir, soit effectuée à leur expiration ; que le préjudice allégué n'est, dès lors, pas consécutif à la brutalité de la rupture ;

Attendu que Frigo 7 Locatex demande encore réparation du préjudice résultant du fait qu'une partie du matériel a été restituée aux crédit-bailleurs de façon anticipée, ce qui a occasionné des frais financiers importants ; que ce préjudice est effectivement directement consécutif à la brutalité de la rupture qui n'a pas permis à Frigo 7 Locatex de gérer ses contrats de crédit-bail de manière à ce que les locations s'achèvent de façon concomitante avec ses relations commerciales avec Gefco ;

Attendu que Frigo 7 Locatex fait valoir que ce préjudice s'articulerait par ailleurs en plusieurs autres postes, à savoir, outre l'impact de la réintégration du malus de fusion affecté au matériel, qu'elle évalue à 76 723,04 euro, le paiement des loyers inutiles, supportés entre la date d'arrêt des trafics et la date de restitution acceptée, qu'elle chiffre à 133 024,08 euro et un manque à gagner lié à la perte des plus-values réalisables à l'issue du contrat (écart entre le prix de vente et le prix de rachat du matériel à sa valeur résiduelle), la restitution anticipée du matériel empêchant la société de réaliser cette plus-value ; qu'enfin elle fait valoir qu'elle n'a pu vendre certains matériels spécifiques ;

Attendu que le malus de résiliation anticipée justifiée des contrats provient directement de la brutalité de la rupture décidée par Gefco ; qu'il en est de même du paiement des loyers inutiles entre la date d'arrêt du trafic et celle des restitutions ; qu'en revanche, le manque à gagner lié à la perte des plus values à l'issue des contrats est seulement hypothétique ; qu'il ne saurait, dès lors, être fait droit à ce chef de préjudice allégué ; que s'agissant de l'impossibilité de vendre certains matériels, le préjudice subi s'analyse en une perte de chance, dès lors qu'un préavis conforme aux exigences posées par l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce aurait pu permettre à Frigo 7 Locatex de vendre au moins une partie de ces matériels ;

Attendu que Frigo 7 Locatex demande réparation du préjudice résultant, pour elle, de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de licencier du personnel, le paiement des salaires et charges au-delà de la fin des trafics Gefco, jusqu'au départ effectif des salariés qui s'est échelonné jusqu'en septembre 2008 et de régler le coût de la fin des contrats (CDI), diverses indemnités perçues en cas de départ, y compris les transactions ; qu'elle ajoute que la cessation des relations commerciales avec Gefco a entraîné le passage des effectifs de 300 à 200 personnes et que dix salariés sédentaires ont notamment quitté la société, pour adapter sa structure à ses effectifs roulants, précisant qu'elle a également dû adapter ses effectifs de conducteurs et qu'en février et juillet 2008, les départs n'ont pas été compensés, leur nombre étant ainsi tombé à 216 à la fin du mois d'août de cette même année ; qu'elle indique encore qu'après cette date, malgré ces départs, un sureffectif a été constaté, qu'elle a cherché à compenser le plus rapidement possible au moindre coût ; que cependant elle a dû supporter une surcharge salariale, dont le coût est demeuré inférieur à celui qui serait résulté de la mise en place d'un plan social ;

Attendu, s'agissant de ce chef de préjudice, que les licenciements résultent bien (à l'exclusion des licenciements pour faute grave justement contestés par Gefco) de la brusquerie de la rupture des relations commerciales avec Gefco et de l'impossibilité dans laquelle Frigo 7 Locatex s'est trouvée de donner à ses salariés des missions correspondant à celles qui leur étaient données avant cette rupture ; que ce préjudice est certain et résulte directement de la brusquerie de la rupture ;

Attendu, sur la perte financière, que Frigo 7 Locatex évalue la perte subie, sur la durée du préavis dont elle estime qu'il aurait été suffisant (3 ans) à 14 652 000 euro ; qu'elle ajoute qu'en conséquence de la brusquerie de la rupture des relations, elle a dû vendre un immeuble à usage professionnel qu'elle est aujourd'hui contrainte de louer ; qu'enfin elle fait valoir que l'arrêt brutal des trafics Gefco lui a occasionné des difficultés de trésorerie, qui ont engendré des retards de paiement des charges sociales et de la TVA qui ont causé des majorations ainsi que des inscriptions de privilèges, qui constituent une charge supplémentaire à hauteur de 206 030,64 euro ;

Attendu cependant que, si comme précédemment indiqué, la perte subie pendant la durée qui aurait dû être celle du préavis, résulte directement de la brusque rupture des relations commerciales entre Gefco et Frigo 7 Locatex, les pièces produites, justement critiquées par Gefco, ne démontrent pas le lien de causalité entre la vente de l'immeuble de la route de Lorient à Rennes ; qu'en ce qui concerne les difficultés de trésorerie et les pénalités et majorations dont Frigo 7 Locatex estime qu'elles leur sont consécutives, il n'est démontré le lien de causalité que pour partie d'entre elles ;

Attendu que compte tenu des éléments qui précèdent, il y a lieu de fixer le montant du préjudice subi par Frigo 7 Locatex, directement causé par la brusque rupture fautive des relations commerciales, par Gefco, à 9 397 747,12 euro ;

Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande tendant à faire courir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; que par ailleurs et dans cette mesure, les conditions de l'anatocisme sont réunies ;

Attendu que la demande de Frigo 7 Locatex étant fondée, la demande reconventionnelle de Gefco ne peut qu'être écartée ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de Gefco à payer à Frigo 7 Locatex la somme de 70 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Condamne Gefco à payer à Frigo 7 Locatex la somme de 9 397 747,12 euro de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 février 2009 et anatocisme, Déboute Gefco de sa demande reconventionnelle, La condamne à payer à Frigo 7 Locatex la somme de 70 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens, Admet la SCP Fievet Lafon, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.