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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 8 avril 2010, n° 07-07662

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ITM (SARL), Luxe Line (Sté)

Défendeur :

YSL Beauté (SAS), L'Oréal (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Keime Guttin Jarry, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

SCP Placktor Saint Hardouin Lesec, Me Feneon

T. com. Nanterre, 5e ch., du 14 sept. 20…

14 septembre 2007

Faits et procédure :

Les sociétés Yves Saint Laurent Parfums, Classic Parfums, Stella Mc Cartney Parfums, Parfums du parc (anciennement Van Cleef & Arpels SA), Alexander Mc Queen Parfums, Parfums Stern et Roger & Gallet exploitaient respectivement les marques de parfumerie: Yves Saint Laurent, Ermenegildo Zegna, Stella Mc Cartney, Van Cleef & Arpels, Alexander Mc Queen, Oscar de la Renta, et Roger & Gallet.

Elles se sont vues substituer depuis le 1er janvier 2007 la SAS YSL Beauté, suite à une réorganisation ayant consisté en un apport partiel d'actifs d'Yves Saint Laurent Parfums et de Roger & Gallet au profit d'YSL Beauté et d'une fusion par absorption pour les autres sociétés.

Est aussi attraite en la cause l'ancienne société YSL Beauté, aujourd'hui YSL Beauté Holding, qui indique ne pas exploiter les marques ci-dessus désignées.

La société ITM exerce une activité de distribution de produits cosmétiques et de parfumerie. Elle représente par ailleurs en France la société Luxe Line pour l'achat de ces produits et leur expédition vers l'Ukraine.

La société Luxe Line, société de droit ukrainien, exerce elle aussi une activité de distribution de produits cosmétiques et de parfumerie.

Le 21 octobre 1999, par lettre simple, YSL Beauté a chargé ITM de distribuer ses produits en Ukraine.

ITM a effectué cette activité en partenariat avec Luxe Line.

En 2003, YSL Beauté a demandé à ITM et Luxe Line de prendre contact avec le groupe Brocard, chaîne de détail en Ukraine représentant différentes marques de produits similaires, afin de s'accorder sur les conditions d'un partenariat. A la fin de l'année 2003, ITM et Luxe Line, d'une part et Brocard, d'autre part, n'étaient pas parvenus à un accord.

YSL Beauté a alors proposé à Luxe Line de formaliser une relation de distributeur non exclusif pour une durée de deux ans, pour l'ensemble de ses produits, en se réservant toutefois la possibilité de livrer les chaînes de détail ukrainiennes avec lesquelles Luxe Line ne parviendrait pas à travailler. De leur côté, ITM et Luxe Line ont demandé qu'un contrat de distribution exclusive soit conclu pour une durée de dix années, avec reconduction automatique, en acceptant que certaines exceptions soient prévues de façon limitative et exhaustive, notamment pour les chaînes internationales.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé, YSL Beauté a adressé à ITM et Luxe Line, les 23 juillet et 31 août 2004, une lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la cessation de leurs relations commerciales à effet au 31 janvier 2005. Seule Luxe Line a accusé réception de ce courrier.

Pendant la période de préavis, ITM et Luxe Line ont passé de nouvelles commandes à YSL Beauté. Par courrier du 26 janvier 2005, YSL Beauté a adressé à ITM/Luxe Line un document relatif à la procédure de rachat des stocks. Les parties n'ont pu parvenir à un accord sur le montant des stocks.

Par assignations des 28 septembre 2004, 25 mai 2005, 4 et 7 avril 2006, ITM/Luxe Line a assigné les sociétés du groupe YSL Beauté devant le Tribunal de commerce de Nanterre afin de voir dire que la rupture du contrat de distribution exclusive par YSL Beauté était fautive et constitutive d'un abus de dépendance économique, et sollicitait à ce titre le paiement d'une somme de 3 millions d'euro à titre de dommages et intérêts. ITM/Luxe Line demandait également que soit ordonné le rachat de ses stocks par YSL Beauté. Suite à un désaccord sur le montant des stocks, un inventaire a été réalisé contradictoirement du 1er au 3 août 2006, dans les entrepôts de la société Luxe Line à Kharkov.

En parallèle, YSL Beauté a assigné ITM et Luxe Line devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de factures. Par jugement en date du 28 novembre 2005, cette juridiction a condamné ITM et Luxe Line au paiement d'une somme de 101 707, 04 euro, majorée des intérêts au taux légal, ainsi qu'à la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Après avoir fait appel de cette décision, ITM et Luxe Line se sont désistées.

Après jonction des différentes instances, le Tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement en date du 14 septembre 2007, ordonné la reprise, par YSL Beauté, des stocks demeurés en possession de Luxe Line, pour un montant de 176 611,27 euro, ordonné, après compensation avec les factures dues par ITM et Luxe Line à YSL Beauté, l'exécution provisoire de cette décision, tout en précisant que faute pour Luxe Line de restituer à YSL Beauté les stocks de leurs produits conformément à l'inventaire du 3 août 2006, Luxe Line serait condamnée à une astreinte provisoire de 750 euro par jour de retard à compter du vingtième jour suivant la signification de la décision. Il a par ailleurs débouté ITM et Luxe Line de toutes leurs autres demandes.

ITM et Luxe Line ont interjeté appel de ce jugement. Par ailleurs, en exécution de ce jugement, YSL Beauté a remis à ITM et Luxe Line, le 6 décembre 2007, en contrepartie de l'enlèvement des stocks, un chèque de 45 910,12 euro, montant arrêté provisoirement, après compensation avec la créance résultant du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 novembre 2005. En outre, ITM et Luxe Line ont refusé de rendre les produits " In love again ", ainsi que des présentoirs fournis par YSL Beauté.

ITM et Luxe Line estimaient qu'YSL Beauté avait abusivement rompu leurs relations contractuelles, dans la mesure où les motifs de rupture invoqués par YSL Beauté sont fallacieux.

Elles faisaient valoir qu'YSL Beauté soutenait que le chiffre d'affaires réalisé par ITM et Luxe Line était insuffisant, alors qu'en dépit du contexte économique et politique en Ukraine, elles étaient est parvenues à accroître notoirement la pénétration du marché, en réalisant un chiffre d'affaires de plus de 1 000 000 d'euro en 2004.

YSL Beauté leur reprochait à tort de n'avoir pu trouver un accord avec des chaînes de distribution telles que le groupe Brocard, dès lors qu'elle imposait des lignes directrices de vente et leur interdisait de travailler avec ce groupe qui, d'une part, développait un marché parallèle contre lequel YSL Beauté luttait, d'autre part ne faisait que des achats en gros, alors qu'YSL Beauté exigeait de ses distributeurs exclusifs qu'ils ne livrent que des points de vente " détail ". Concernant le grief selon lequel Luxe Line ne serait jamais parvenue à distribuer ses produits auprès de l'Escale, cette affirmation serait mensongère, ITM et Luxe Line distribuant les produits des marques YSL Beauté dans les principaux magasins l'Escale, et notamment ceux situés à Kiev, à Kharkov et à Donetsk.

ITM et Luxe Line considéraient que la rupture du contrat de concession exclusive avait été décidée par YSL Beauté dans un but de rentabilité: elle voulait investir tous les circuits de distribution de produits cosmétiques en Ukraine, sans égard pour le réseau déjà implanté dans le cadre de la concession exclusive et en abandonnant sa volonté de lutte contre l'économie souterraine. Pour ce faire, YSL Beauté aurait feint d'inciter ITM et Luxe Line à conclure avec Brocard un partenariat qui était voué à l'échec, eu égard à leurs relations antérieures, conformes aux exigences d'YSL Beauté.

YSL Beauté proposait alors de conclure avec ITM et Luxe Line un contrat de distribution non exclusive, alors que celle-ci était prête à conclure un contrat de distribution exclusive comportant des exceptions pour un certain nombre de distributeurs énumérés en annexe du contrat. C'est pourquoi ITM et Luxe Line considéraient que l'origine de la rupture de leurs relations contractuelles était totalement imputable à YSL Beauté, qui voulait leur imposer un contrat les condamnant, à plus ou moins court terme, à l'exclusion du marché ukrainien.

Ce faisant, estimaient-elles, YSL Beauté s'était rendue coupable, par des procédés déloyaux, d'un abus manifeste visant à éliminer ITM/Luxe Line, qui bénéficiaient de l'exclusivité de la distribution de ses produits, dans le but de récupérer, à son seul profit, les fruits des efforts commerciaux déployés par celles-ci.

ITM et Luxe Line considéraient qu'YSL Beauté s'était rendue coupable d'un abus de dépendance économique. Elles rappelaient tout d'abord que, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1998, l'ordonnance du 1er décembre 1986, condamnant cette pratique, s'applique aux produits achetés en France, même si ces produits doivent être distribués ou revendus à l'étranger. En outre, elles estimaient que l'exploitation abusive de la dépendance économique peut donner lieu à réparation, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait pour effet d'empêcher ou de restreindre le jeu de la concurrence.

En l'espèce, ITM et Luxe Line estimaient que leur situation de dépendance économique à l'égard d'YSL Beauté était manifeste, puisque la différence d'importance commerciale et financière entre les cocontractants et la notoriété du fournisseur est indiscutable. Par ailleurs, elles considéraient qu'YSL Beauté avait abusé du lien de dépendance économique existant entre elles, en les soumettant à des obligations injustifiées, à savoir le retrait de l'exclusivité de la distribution des produits découlant du contrat de 1999, ce qui était totalement injustifié au regard des efforts de développement menés depuis plus de six ans et des résultats obtenus qui étaient en constante croissance.

ITM et Luxe Line évaluaient leur préjudice à trois années de marge nette, eu égard aux efforts de développement qu'elles avaient menés, efforts qui bénéficient désormais uniquement à YSL Beauté. C'est pourquoi elles demandaient à la cour de condamner YSL Beauté à leur verser 2 000 000 d'euro de dommages et intérêts.

A propos du rachat des stocks, ITM et Luxe Line reprochaient au tribunal d'avoir validé intégralement la valorisation proposée par YSL Beauté. Elles demandaient que la valeur des stocks soit fixée conformément à leur inventaire, basé sur l'inventaire contradictoire signé le 3 août 2006 par les parties. Cette valorisation se fonde sur les prix catalogue fixés par YSL Beauté, auquel s'applique un coefficient multiplicateur de 1,56, et non 1,55, comme l'a retenu à tort YSL Beauté.

Concernant les produits de la gamme " In love again ", ITM et Luxe Line considéraient qu'il ne s'agit pas de produits promotionnels, ayant subi de ce fait une dévalorisation. Par conséquent, YSL Beauté devrait les reprendre à hauteur de 65 425 euro, conformément au prix convenu pour la reprise des stocks. En outre, ces stocks avaient été remis à une société pour destruction aux frais de la société Luxe Line.

ITM et Luxe Line demandaient donc qu'YSL Beauté soit condamnée à leur payer la somme de 228 425,35 euro, au titre de la reprise des stocks, incluant la valeur des produits de la gamme " In love again ", ainsi qu'au remboursement de la somme de 850 euro au titre des frais exposés pour leur destruction.

ITM et Luxe Line demandaient qu'YSL Beauté soit condamnée à leur racheter les présentoirs qu'elle avait laissés en magasin, à la disposition des distributeurs qui l'avaient remplacée, présentoirs qui sont mentionnés dans l'inventaire du 3 août 2006 et qui, contrairement aux allégations d'YSL Beauté, sont dans un parfait état de conservation, et donc tout à fait réutilisables. ITM et Luxe Line évaluaient ces présentoirs à la somme de 71 956,81 euro, conformément à la procédure de reprise des stocks.

ITM et Luxe Line considéraient que le manque de diligence d'YSL Beauté pour exécuter son engagement de reprise des stocks leur avait causé un préjudice, eu égard aux frais d'assurances, de stockage et de gardiennage qu'elles avaient dû assumer. C'est pourquoi elles demandaient qu'YSL Beauté sont condamnée à leur rembourser ces coûts de stockage, évalués à la somme de 44 018,78 euro.

Elles considéraient qu'YSL Beauté avait violé ses obligations contractuelles, en ne leur livrant qu'en octobre 2004, une commande passée le 19 août 2004 ; en refusant de leur livrer une commande de " Mascara Volume Effet Faux Cils n° 1 " ; et en violant l'exclusivité dont elles bénéficiaient, puisqu'elle avait commencé à approvisionner les magasins du réseau Brocard et L'Escale, pendant la période de préavis de rupture, alors qu'elle était encore contractuellement engagée vis-à-vis d'elles.

C'est pourquoi elles demandaient qu'YSL Beauté soit condamnée à leur verser à ce titre 45 000 euro de dommages et intérêts.

Au sujet des 100 000 euro de dommages et intérêts que leur réclame YSL Beauté, pour le préjudice subi du fait de la rétention des produits non commercialisables et des présentoirs GTS, ITM et Luxe Line faisaient valoir qu'elles n'avaient pas à remettre à YSL Beauté des produits et présentoirs que celle-ci refusait de leur racheter.

ITM et Luxe Line demandaient qu'YSL Beauté soit condamnée à leur verser une somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

YSL Beauté demandait la confirmation du jugement du 14 septembre 2007, en ce qu'il a débouté ITM et Luxe Line de leurs prétentions.

Elle soutenait que la rupture de ses relations contractuelles avec ITM/Luxe Line était bien fondée, puisqu'elle résultait de l'intransigeance de ces dernières. En effet, YSL Beauté leur proposait un contrat leur garantissant une distribution pour une durée de deux ans, portée à trois ans dans le second projet, bien que sans exclusivité, afin de permettre à YSL Beauté de livrer directement les réseaux de détaillants ne travaillant pas avec Luxe Line. De son côté, ITM et Luxe Line exigeaient non seulement un contrat exclusif de dix années renouvelable, mais aussi des redevances sur les ventes des distributeurs détaillants avec lesquels jusqu'alors elles ne travaillaient pas, ce qui était inacceptable pour YSL Beauté, la conduisant à mettre un terme à leur relation, en respectant toutefois un préavis de six mois, délai raisonnable non contractuellement prévu.

De plus, YSL Beauté estimait que cette rupture n'était en aucun cas abusive, puisqu'aucun comportement déloyal ne peut lui être reproché. Contrairement à ce que soutiennent ITM et Luxe Line, YSL Beauté ne leur avait jamais interdit de travailler avec le groupe Brocard. Au contraire, elle les avait incitées à se rapprocher de ce groupe, ce à quoi ITM et Luxe Line n'étaient pas parvenues, en faisant preuve d'une inertie coupable, démontrant leur volonté de se soustraire à toute collaboration avec Brocard, et plus généralement avec tout autre intervenant sur le marché ukrainien.

Concernant " l'exploitation abusive de la situation de dépendance économique " dont se prétendent victimes ITM et Luxe Line, YSL Beauté soutenait que l'article L. 420-2 du Code de commerce, traitant de l'abus de dépendance économique, n'est pas applicable aux opérations à l'étranger, dès lors qu'elles n'ont pas d'effets sur le territoire français, ce qui est le cas en l'espèce.

A titre subsidiaire, YSL Beauté soulignait qu'elle n'avait pu se rendre coupable d'abus de position dominante, dans la mesure où elle ne bénéfice d'aucune position dominante à même d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché mondial de la parfumerie, au sein duquel elle ne représente que 5,8 % de parts de marché.

En outre, YSL Beauté estimait qu'ITM et Luxe Line ne rapportaient pas la preuve qu'elles se trouvaient dans un état de dépendance économique à son égard, dans la mesure où elles distribuaient sur le marché ukrainien les produits de plusieurs autres marques dans le domaine de la parfumerie et de la cosmétique, et qu'elles avaient développé d'autres activités, notamment dans le domaine de l'habillement et de la lingerie.

A titre très subsidiaire, YSL Beauté contestait l'existence des différents préjudices invoqués par ITM et Luxe Line.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice fondé sur " le caractère fallacieux des motifs de rupture et l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique ", YSL Beauté contestait les estimations d'ITM et Luxe Line relatives à la marge nette dont elles auraient pu bénéficier au terme de l'année 2007, sur la base d'une croissance exponentielle de 45 % par an. Au regard de la progression moyenne des achats de ses produits par ITM et Luxe Line, qu'elles évaluaient à 20 % par an, YSL Beauté estimait que la meilleure hypothèse de chiffre d'affaires pour ITM et Luxe Line en 2007 aurait été de 979 000 euro, et non 1 941 000 euro comme elles le revendiquent.

Sur la demande indemnitaire de 45 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument subi du fait de la violation du contrat de distribution exclusive, YSL Beauté contestait avoir contracté avec Brocard, ou même Hexagone, avant la fin du délai de préavis accordé à ITM/Luxe Line. Ainsi, elle n'avait pas violé l'exclusivité qu'elle avait accordé à celles-ci pour la durée de leurs relations contractuelles.

S'agissant du prétendu refus et du retard de livraison de certains produits, YSL Beauté indiquait que ces livraisons n'étaient que différées, en attendant de recevoir de la part d'ITM/Luxe Line la justification de leurs réels besoins, dans la mesure où celles-ci se plaignaient par ailleurs de l'importance de ses stocks, et qu'en outre, elles n'avaient pas encore payé les dernières factures des produits commandés pendant cette période.

Sur la demande de paiement des frais de stockage, YSL Beauté considérait qu'ITM/Luxe Line ne rapportaient pas la preuve des frais qu'elles auraient engagés, les marchandises ayant été entreposées dans une maison désaffectée de la ville de Kharkov, les justificatifs présentés pour les frais d'entreposage étant incompréhensibles et inexploitables, et aucune équipe de gardiennage n'étant présente le jour de l'inventaire. En outre, YSL Beauté prétendait n'avoir commis aucune faute dans la cadre de la reprise des stocks, puisqu'elle avait fait preuve d'une diligence certaine pour que soit réalisé l'inventaire du 2 août 2006, et que l'impossibilité de parvenir à un accord sur son exécution résultait des prétentions excessives d'ITM/Luxe Line.

YSL Beauté demandait l'infirmation du jugement en ce qui concerne les factures dues par ITM et Luxe Line, dans la mesure où le tribunal n'avait retenu que 6 d'entre elles, au motif que leurs copies n'auraient pas été intégrées dans le dossier de plaidoirie, alors qu'en réalité, elles l'avaient été, et qu'elles l'étaient à nouveau en cause d'appel. Ces factures indiquent qu'ITM et Luxe Line lui sont redevables de la somme de 27 231,37 euro, et non pas 9 319,83 euro. Par conséquent YSL Beauté demandait à la cour de condamner ITM et Luxe Line à lui payer cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2005, date de sa première demande reconventionnelle, et capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil, comme prévu au contrat.

En ce qui concerne les comptes entre les parties, YSL Beauté demandait la confirmation du jugement, en ce qu'il avait fixé la valeur de reprise des stocks à 156 974,86 euro. En effet, contrairement à ce que prétendent ITM et Luxe Line, YSL Beauté confirmait que les produits promotionnels " In love again " ne sont pas valorisables, car ils avaient été fabriqués en 2004 en série limitée et ne sont donc plus commercialisables. A cet égard, elle soutenait que le fait que l'inventaire du 4 août 2006 ait classé ces produits dans la colonne " vendables " au lieu de la colonne " endommagés ", n'est pas déterminant, dans la mesure où ce classement s'effectue uniquement au vu de l'état des produits et de leur emballage. Le cas des produits " promotionnels " n'a pas fait l'objet d'une colonne spécifique dans le tableau utilisé pour réaliser l'inventaire, et ce n'est qu'au regard de leur référence qu'il a été observé que ces produits n'étaient pas " rachetables ".

Pour autant, ils ne pouvaient pas être conservés par ITM/Luxe Line, qui prétendait avoir procédé à leur destruction sans en rapporter la preuve, ce qui rend vraisemblable leur revente sur un marché parallèle.

S'agissant des présentoirs GTS dont ITM et Luxe Line réclamaient le remboursement à YSL Beauté, celle-ci contestait l'exactitude de l'affirmation selon laquelle ces présentoirs seraient demeurés dans les points de vente. En ce qui concerne les présentoirs présents dans les stocks d'ITM et Luxe Line, YSL Beauté n'acceptait de reprendre que ceux qui sont conservés dans leur emballage d'origine, à l'exclusion de ceux qui sont revenus des points de vente, lesquels sont inutilisables.

Par ailleurs, la valeur de reprise des présentoirs GTS doit tenir compte d'un amortissement sur quatre ans, ce qui aboutit à une somme de 19 636,41 euro, calculée à partir des informations transmises dans les dernières conclusions d'ITM/Luxe Line.

Par conséquent, YSL Beauté demandait la confirmation du jugement du 14 septembre 2007, en ce qu'il avait valorisé l'ensemble des stocks de ses produits et des présentoirs GTS à la somme de 176 611,27 euro.

YSL Beauté relevait qu'ITM et Luxe Line n'avaient que partiellement exécuté le jugement du 14 septembre 2007, en refusant de lui rendre un certain nombre de produits sans valeur marchande, ainsi que plus de la moitié des présentoirs GTS, alors que le tribunal avait ordonné la restitution de tous les stocks, évalués forfaitairement.

Au regard des propres prétentions d'ITM et Luxe Line, YSL Beauté estimait que la valeur des stocks qui ne lui avaient pas été remis n'aurait pas été inférieure à 100 000 euro. En outre, ITM et Luxe Line prétendaient avoir détruit ces stocks, mais sans en rapporter la preuve.

C'est pourquoi YSL Beauté sollicitait la condamnation in solidum d'ITM et Luxe Line au paiement d'une somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts du fait de l'inexécution par elles du jugement du 14 septembre 2007, ce montant liquidant l'astreinte telle que prononcée par le tribunal.

YSL Beauté ayant versé à ITM et Luxe Line la somme de 45 910,12 euro au titre de l'exécution provisoire du jugement du 14 septembre 2007, et ce, en contrepartie de la production d'une caution délivrée à ITM et Luxe Line par la Banque HSBC pour le même montant, elle demandait à la cour de dire que le montant de cette caution devrait être libéré pour son intégralité en sa faveur, afin d'être imputé sur les condamnations à intervenir. YSL Beauté demandait également à la cour de dire que ces condamnations se compenseront à due concurrence.

YSL Beauté demandait la confirmation du jugement, en ce qu'il avait condamné in solidum les sociétés ITM et Luxe Line au paiement d'une somme de 1 500 euro en faveur de chacune des sociétés du groupe YSL Beauté, en raison des frais de procédure engagés. Elle demandait également leur condamnation in solidum aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, somme que lui serait personnellement versée, puisqu'elle vient en appel aux droits de l'ensemble des sociétés de son groupe.

Par arrêt avant dire droit en date du 14 mai 2009, la cour de ce siège, constatant qu'elle était dans l'incapacité de savoir quelles pièces du dossier qui lui avait été remis par ITM et Luxe Line avaient été régulièrement soumises au débat contradictoire devant elle et qu'en toute hypothèse, elle n'était pas en possession de l'intégralité de celles-ci a rouvert les débats et enjoint à ITM et Luxe Line de communiquer, avec un intitulé clair pour chacune d'entre elles, l'ensemble des pièces dont elles entendaient se prévaloir.

Ensuite de cet arrêt, les parties ont à nouveau conclu et l'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2010.

Sur ce, LA COUR,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile et les conclusions d'ITM et Luxe Line en date du 10 février 2010 et d'YSL Beauté et de L'Oréal venant aux droits d'YSL Beauté Holding en date du 5 février 2010,

Attendu, liminairement, que la cour observe qu'elle a été contrainte de rouvrir les débats, par arrêt avant dire droit, pour faire respecter, par ITM et Luxe Line, le principe fondamental du contradictoire dans la mesure où le dossier remis à la cour par ces sociétés ne permettait pas de savoir si elles avaient régulièrement été communiquées et soumises à la contradiction ; que si l'arrêt ordonnant la réouverture des débats et enjoignant à ITM et Luxe Line de communiquer, avec un intitulé clair pour chacune d'entre elles, l'ensemble des pièces dont elles entendaient se prévaloir a été rendu le 14 mai 2009 et si ces sociétés, appelantes, ont attendu le 10 février soit la semaine précédant le jour des plaidoiries pour déférer à l'injonction qui leur était faite, le principe du contradictoire a été respecté dès lors qu'YSL Beauté et L'Oréal, après avoir, à juste titre, observé dans leurs conclusions du 5 février 2010, qu'ITM et Luxe Line n'avaient toujours pas déféré à l'injonction de la cour, elles n'ont, postérieurement au 10 février, ni demandé le rejet des débats des pièces ainsi communiquées de façon claire in extremis, ni ne se sont opposées à la clôture ;

Attendu, sur le caractère abusif ou non de la rupture du contrat de concession, que, par télécopie en date du 22 octobre 1999, adressée par " Yves Saint Laurent Parfums " à " Imad X, ITM ", la première nommée indiquait au destinataire que " notre société vous a choisi comme distributeur exclusif en Ukraine pour les marques Yves Saint Laurent, Van Cleef & Arpels et Oscar de la Renta et ce, à compter du 15 octobre 1999 " (appelantes, pièce 2); que si ITM et Luxe Line versent aux débats (pièce 1) un " agreement relating to the distribution of Yves Saint Laurent Parfums products " (accord sur la distribution des produits Yves Saint Laurent Parfums) entre Yves Saint Laurent Parfums, d'une part, et Lux Line et ITM, d'autre part, ce document, non signé, comme le reconnaissent les appelantes, n'est, selon la mention qu'il porte à chacune de ses pages, qu'un " confidential draft for discussion purpose only " (projet confidentiel à usage exclusif de négociations) ; qu'il n'en résulte pas moins de la télécopie précitée ainsi que de la reconnaissance d'Yves Saint Laurent Parfums, que Lux Line et ITM bénéficiaient, depuis le 15 octobre 1999, d'un contrat de distribution exclusive en Ukraine des produits des marques Yves Saint Laurent, Van Cleef & Arpels et Oscar de la Renta ; qu'en revanche, aucun élément ne permet de considérer que ce contrat aurait été étendu à d'autres marques que ces trois marques ;

Attendu qu'il résulte de la télécopie adressée le 26 février 2003 par YSL Beauté à Hassan Y (dirigeant de Luxe Line) et Imad X (dirigeant d'ITM) qu'à cette époque YSL Beauté demandait à ses cocontractantes de " négocier " avec différentes chaînes de distribution de produits de luxe, notamment avec Brocard ; qu'effectivement des négociations s'engageaient, comme en témoignent, notamment, les courriers de Luxe Line à Brocard en date du 4 septembre 2003 (pièce 1 des intimées) et à YSL Beauté en date du 23 du même mois (pièce 2 des intimées) ;

Attendu qu'ITM et Luxe Line font valoir (leurs conclusions, p. 4 dernier paragraphe) que, pendant qu'elle feignait de les inciter à conclure avec Brocard un partenariat commercial, YSL Beauté négociait par ailleurs directement avec cette dernière société ; qu'elles soutiennent cette dernière assertion en précisant que la preuve en résulterait de la pièce 4 des intimées ;

Attendu cependant que ladite pièce est un courrier de Luxe Line au groupe YSL Beauté en date du 20 août 2004 ; que ce document est seulement relatif à un retard de règlement de Luxe Line à YSL Beauté ; que par ce courrier, l'assistante du directeur de Luxe Line indique que ledit retard est dû au fait que MM. X et Y sont en vacances ; qu'il ne saurait résulter de cette pièce au demeurant postérieure à la rupture, en date du 23 juillet 2004, du contrat de concession exclusive aucun commencement de preuve de ce qu'YSL Beauté aurait, mené avec Brocard des négociations parallèles avec celles qu'elle incitait ITM et Luxe Line à mener avec cette même société ;

Attendu que le concédant est en droit de modifier sa politique commerciale dans le respect des droits des concessionnaires ; qu'YSL était fondée, spécialement dans un pays dont l'économie était en mutation rapide et dans lequel le marché des produits de luxe était en évolution, à réorganiser son circuit de distribution, notamment en recherchant des possibilités de recourir à des agents économiques disposant d'emplacements de qualité ; que le fait qu'elle ait incité ITM et Luxe Line, concessionnaires avec lesquels elle avait travaillé pendant plusieurs années, dans des relations à durée indéterminée, à se rapprocher d'un acteur économique, tel Brocard, répondant à son objectif de réorganisation, loin de constituer un abus de droit, participait d'une démarche loyale à l'égard desdits concessionnaires ; qu'il en est ainsi alors même que, au début de la période durant laquelle elle n'entretenait de relations qu'avec Luxe Line et ITM, elle ait pu se défier de Brocard ;

Attendu que le concessionnaire qui exerce son droit de résilier unilatéralement la concession à durée indéterminée n'a pas à donner de justes motifs pour justifier sa décision ; qu'YSL était en droit de résilier le contrat de concession qu'elle avait consenti à ITM et Luxe Line ; qu'alors qu'elle n'était pas tenue de le faire, elle a précisé à ses concessionnaires qu'elle résiliait le contrat en raison de l'absence de toute entente entre les sociétés sur l'évolution des relations commerciales ; que, contrairement aux allégations des appelantes, il ne résulte d'aucun élément que ce motif aurait été fallacieux, à supposer même que le groupe Hexagone, aujourd'hui distributeur des produits Yves Saint Laurent dispose d'un contrat de distribution exclusive (ce qui ne résulte pas nécessairement de la pièce 33 des appelantes), dès lors que, comme précédemment indiqué, il était légitime, de la part des intimées, de vouloir réorganiser leur circuit de distribution, y compris en conservant la forme juridique de la distribution exclusive, en ayant recours à des acteurs économiques qui, tel Hexagone, disposaient d'emplacements de qualité dont ne disposaient pas les appelantes ; que par ailleurs, compte tenu des motifs de résiliation du contrat, le fait qu'YSL Beauté n'ait jamais formulé de reproches à ITM et Luxe Line, avant la résiliation, constitue une circonstance inopérante ;

Attendu enfin que le fait que Brocard ait compte tenu notamment des atouts dont il disposait par son implantation à des emplacements de qualité formulé, pour coopérer avec ITM et Luxe Line, des prétentions que ces sociétés ont considéré comme inacceptables ne saurait être imputé à YSL Beauté ; qu'aucun élément ne vient démontrer que le partenariat envisagé était nécessairement voué à l'échec ;

Attendu, sur l'allégation d'exploitation abusive de dépendance économique, que selon l'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce " est prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l'article L. 442-6 " ; que selon ledit article L. 442-6 I, 2e, b du Code de commerce, en sa rédaction applicable à l'époque des faits, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées " ;

Attendu que, contrairement aux prétentions d'YSL Beauté et L'Oréal, le second alinéa de l'article L. 420-2 du Code de commerce ne fait aucune distinction entre les pratiques s'exerçant sur le territoire français et celles qui n'ont pas d'effet sur ce territoire ; que les dispositions invoquées sont donc bien, en principe, applicables ;

Attendu sur la dépendance économique, que Luxe Line et ITM font valoir que celle-ci est manifeste, compte tenu de la différence d'importance commerciale et financière existant entre elles et YSL Beauté et la notoriété de cette dernière société ; qu'en effet la situation de dépendance économique suppose une relation de client à fournisseur dans laquelle il existe une inégalité appréciée en tenant compte de l'importance du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur et de la notoriété de la marque du fournisseur ;

Attendu que, parmi les pièces communiquées par ITM et Luxe Line, seules deux les pièces 45 et 50 - seraient susceptibles d'apporter des éléments sur l'importance d'YSL Beauté dans le chiffre d'affaires d'ITM et Luxe Line ; que cependant la pièce 45 - au demeurant peu claire ne concerne volontairement que le seul chiffre d'affaires réalisé avec YSL (" rapport sur le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes des produits YSL Beauté en 2003 et 2004 (ne prend pas en compte les autres marques) " ; qu'elle ne permet dès lors pas de déterminer l'importance d'YSL Beauté dans le chiffre d'affaires des appelantes ; qu'en ce qui concerne la pièce 50 (" attestation de l'expert comptable en date du 31 octobre 2005 "), il s'agit d'une très courte lettre (à peine six lignes, outre la formule de politesse finale) de l'expert comptable d'ITM au conseil de cette société dont le seul élément qui pourrait avoir un intérêt est l'affirmation selon laquelle " la baisse significative du chiffre d'affaires (de l'ordre de 60 %) a gêné et gêne encore terriblement le fonctionnement " (de la société) ;

Attendu que ces seuls éléments ne permettent pas de considérer qu'ITM et Luxe Line auraient été dans une relation de dépendance économique à l'égard d'YSL Beauté ; qu'il ne saurait, dès lors, être fait droit à leur demande, en ce qu'elle se fonde sur les dispositions des articles L. 420-2 alinéa 2 et L. 442-6 I, 2e, b du Code de commerce ;

Attendu, sur l'allégation d'une violation du contrat d'exclusivité pendant la période de préavis, que, comme l'ont relevé les premiers juges, les pièces versées aux débats n'apportent pas la preuve de l'exactitude de cette allégation ;

Attendu, sur les conséquences de la rupture du contrat de distribution exclusive, qu'ITM et Luxe Line sollicitent le rachat des stocks et des présentoirs et le remboursement des frais de stockage et de gardiennage, l'allocation de dommages et intérêts pour inexécution du contrat, par YSL Beauté, au cours de la période de préavis et la compensation avec les sommes dues au titre des factures de septembre à octobre 2004 ;

Attendu, sur le premier point, qu'YSL Beauté ne conteste pas le principe du rachat d'une partie du stock ; que les parties font valoir que ce rachat doit être effectué sur la base de la procédure " standard " de rachat des stocks ;

Attendu qu'après qu'un premier inventaire se soit tenu du 20 au 22 juillet 2005, un nouvel inventaire a été effectué du 1er au 3 août 2006 ; que les parties, qui conviennent du principe de rachat des stocks ainsi inventoriés, divergent sur leur valorisation ; qu'YSL Beauté, se fondant sur la procédure " standard " de valorisation, applicable à tous les distributeurs, propose une valorisation sur la base du tarif 2004 en retenant le coefficient applicable pour arriver au " landed cost " (approximativement : prix de revient) de 1,55, soit 120 453,80 euro pour les produits Yves Saint Laurent Parfums et 35 521,06 euro pour les produits des autres marques, soit un total de 156 974,86 euro ; que de leur côté ITM et Luxe Line sollicitent un montant de 228 425,35 euro ; que, pour parvenir à ce chiffre, elles adoptent un coefficient multiplicateur sur une base de 155,69, estimant que l'arrondi doit conduire à adopter non un coefficient de 1,55, mais de 1,56, l'arrondi devant s'effectuer à la décimale la plus proche, soit la décimale 6 ; que par ailleurs le chiffrage d'ITM et Luxe Line inclut les produits de la gamme " In love again " qu'exclut le chiffrage YSL Beauté au motif que, s'agissant de produits dits " one shot ", de série limitée, qui ne sont plus commercialisables ;

Attendu, sur le coefficient multiplicateur, qu'YSL Beauté ne conteste pas que la base doit en être 155,69 ; que dans ces conditions, et comme le demandent ITM et Luxe Line, il y a lieu de retenir un coefficient multiplicateur de 1,56 ;

Attendu, sur les produits de la gamme " In love again ", qu'il n'y a pas lieu que la cour se prononce sur leur reprise, et les conditions de celle-ci, dès lors qu'ITM et Luxe Line font valoir qu'elles en ont détruit le stock ; qu'il appartenait en effet à ces sociétés, si elles estimaient que ces produits étaient rachetables, de les conserver jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur cette question à l'occasion de l'instance engagée ; qu'en outre, la procédure " standard " de rachat des stocks, sur laquelle elles fondent leur demande de rachat des produits de la gamme " In love again " ne prévoit de destruction, pour les seuls produits et articles publicitaires et de promotion, qu'à la requête d'YSL Beauté, requête dont il n'est ni démontré, ni même allégué qu'elle serait intervenue ; qu'enfin, en toute hypothèse, ces produits n'eussent-ils pas été détruits qu'YSL, comme l'a exactement exposé le premier juge, était fondée à ne les valoriser qu'à zéro, dans la mesure où il s'agissait de produits promotionnels pour la seule année 2004, produits qui ne pouvaient être repris ;

Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de retenir, pour les produits hors présentoirs, une valorisation à hauteur de 157 987,60 euro ;

Attendu, sur les présentoirs, que la procédure " standard " de rachat des stocks prévoit, en ce qui concerne les " GTS ", dont il n'est pas contesté que les présentoirs fassent partie, que ceux ci " shall be purchased back by the Owner at their net book value i. e. purchase cost less depreciation (it being specified that GTS are depreciated over a four year basis) " - seront rachetés par le concédant à leur valeur d'inventaire, c.-à-d. prix d'achat moins amortissement (précision étant apportée que les GTS s'amortissent sur une durée de quatre ans) - ; que dans ces conditions YSL Beauté n'était pas fondée à refuser le rachat de ces éléments et de se borner, comme elle l'a fait dans son courrier du 26 janvier 2005 (pièce 21 des appelantes) à inviter ITM et Luxe Line à se rapprocher d'Hexagone pour négocier, avec cette société, un prix de rachat, même si ledit prix devait être déterminé par référence aux principes développés dans le document déterminant les procédures de rachat des stocks ;

Attendu qu'YSL Beauté ne saurait exclure de l'indemnisation les présentoirs qui n'étaient plus dans leur emballage d'origine dès lors qu'au contraire, la procédure de rachat des stocks prévoit expressément le rachat des présentoirs déjà en cours d'utilisation, en fonction de leur valeur d'inventaire, avec une dépréciation en fonction d'un amortissement sur quatre ans, soit une valeur de 36 541,95 euro (amortissement sur quatre ans et non cinq comme demandé par ITM et Luxe Line-, et sans d'application du coefficient multiplicateur du " landed cost ", non prévu pour ce type de produits) ; qu'il n'importe que certains des présentoirs n'aient pas été repris de façon effective par YSL Beauté, dès lors que ceux ci sont aujourd'hui totalement amortis ;

Attendu, s'agissant des frais de stockage, assurance et gardiennage que, comme précédemment indiqué il était justifié qu'ITM et Luxe Line entreposât et fît garder les produits dont elle demandait reprise jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le bien-fondé de ses demandes ; que, compte tenu du fait qu'il apparaît que ses prétentions étaient sauf en ce qui concerne les produits " In love again " - fondées, il est justifié de mettre la charge de ces frais à YSL Beauté ; que cependant les justificatifs produits ne sauraient être admis qu'en ce qui concerne les frais de gardiennage (pièce 32-5 et 32-5 bis des appelantes) pour un montant de 4 000 Grivnas ukrainiens, les autres pièces étant de simples demandes de paiement adressées par Luxe Line à YSL, sans justificatif ;

Attendu, sur la demande en paiement de factures d'YSL Beauté, que cette société fait valoir qu'ITM et Luxe Line auraient laissé impayées des factures de marchandises à hauteur de 27 231,37 euro dont elle requiert paiement ; qu'ITM et Luxe Line n'articulent aucun moyen contre cette demande ; qu'alors que, devant les premiers juges, YSL Beauté n'avait produit qu'une partie des factures dont elle demandait paiement, elle verse aujourd'hui aux débats l'intégralité de celles-ci (pièce 66 de l'intimée) ; que compte tenu de ce qu'elles ne sont pas contestées, il y a lieu de faire droit à la demande d'YSL Beauté en paiement de la somme de 27 231,37 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2005 et anatocisme ;

Attendu par ailleurs qu'YSL Beauté demande liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge à la somme forfaitaire de 100 000 euro ;

Attendu que le premier juge avait condamné, sous astreinte, Luxe Line à restituer à YSL Beauté les stocks de produits, conformément à l'inventaire du 3 août 2005, ainsi que les présentoirs ; que cependant YSL Beauté ne justifie pas de la signification de cette décision à laquelle ne saurait suppléer une lettre officielle de son conseil ; que sa demande en liquidation d'astreinte doit, dès lors, être écartée ;

Attendu, sur la demande de condamnation d'ITM et Luxe Line pour la non-restitution des produits " In love again ", que le préjudice subi par YSL Beauté doit être évalué à 40 000 euro ;

Attendu que compte tenu de l'attitude procédurale d'ITM et Luxe Line, précédemment stigmatisée, l'équité s'oppose à ce qu'il soit fait droit à sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il ne saurait être fait droit à celle d'YSL Beauté, globalement succombante ;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté ITM et Luxe Line de leurs demandes de dommages-intérêts relatives à la fin de leurs droits de distribution des produits du groupe YSL Beauté et sur l'abus de dépendance économique, L'infirme en ce qu'il a prononcé condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à condamnation sur ce fondement, L'émendant pour le surplus, condamne YSL Beauté à payer à ITM et Luxe Line les sommes de 157 987,60 euro et de 36 541,95 euro ainsi que la contrevaleur en euro, à la date du paiement, de 4 000 Grivnas ukrainiens, et ITM et Luxe Line à YSL Beauté la somme de 27 231,37 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2005, avec anatocisme, ainsi que celle de 40 000 euro de dommages intérêts et dit que les condamnations se compenseront à due concurrence et s'appliqueront à la caution délivrée par la banque HSBC sous le n° 071128-1 en date du 7 décembre 2007, Statuant plus avant, déboute YSL Beauté de sa demande en liquidation d'astreinte, Condamne YSL Beauté aux dépens afférents à cette dernière demande, ITM et Luxe Line à ceux afférents à leurs demandes de dommages intérêts relatives à la fin de leurs droits de distribution des produits du groupe YSL Beauté et sur l'abus de dépendance économique et fait masse du surplus qui sera supporté, pour les 2/3 par YSL Beauté et pour 1/3 par ITM et Luxe Line, les avoués en la cause étant admis au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile dans cette mesure.