ADLC, 20 août 2010, n° 10-DCC-98
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Tarmac par la société Eurovia
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification déposé à la Commission européenne le 19 avril 2010 et reçu par l'Autorité de la concurrence le 21 avril 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif de six filiales du groupe Tarmac (ci-après " les actifs cédés ") par la société Eurovia SA (ci-après " Eurovia "), filiale du groupe Vinci, formalisée par un accord de cession d'actions en date du 12 février 2010 ; Vu la décision de renvoi de la Commission européenne du 10 juin 2010 en vertu de l'article 9 paragraphe 3) point b) du règlement (CE) n°139-2004 du Conseil suite à la demande présentée par l'Autorité de la concurrence le 12 mai 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Eurovia au travers de ses différentes filiales (ci-après ensemble " le groupe Eurovia ") est active dans le domaine de la construction et l'entretien des routes ainsi que dans la production de matériaux de construction (granulats et enrobés) et la fourniture de services liés aux infrastructures. Eurovia est placée sous le contrôle exclusif du groupe Vinci, présent dans les domaines de la construction (bâtiment, génie civil et construction hydraulique), des concessions (autoroutes et parkings) et dans diverses activités liées au secteur énergétique (constructions électrique, thermique et mécanique). En 2008, le chiffre d'affaires mondial total consolidé du groupe Vinci s'est élevé à environ 33,5 milliards d'euro hors taxes et à [...] millions d'euro hors taxes dans l'Union européenne dont [>50] millions d'euro en France.
2. Les sociétés Tarmac Routes et Carrières SA (ci-après " Tarmac Routes et Carrières "), Tarmac Deutschland GmbH, WKSM, Kosmin, Tarmac Polska et Tarmac CZ a.s., appartenant au groupe Tarmac, constituent les actifs cédés. Ces sociétés sont présentes dans le secteur de la production et de la vente de granulats en France, Allemagne, République Tchèque et Pologne. Tarmac Routes et Carrières est une entreprise qui exploite 44 carrières de granulats localisées dans le Limousin, en Auvergne, en Rhône-Alpes et dans la région Centre. En 2009, le chiffre d'affaires total consolidé rattachable aux actifs cédés s'est élevé à environ [...] millions d'euro intégralement réalisés dans l'Union européenne dont [>50] millions d'euro en France.
3. Au terme de l'accord de cession d'actions, Eurovia exercera un contrôle exclusif sur les actifs cédés puisqu'elle détiendra l'intégralité du capital des sociétés cédées, à l'exception de la société Kosmin dont elle détiendra [...] % du capital.
4. Cette opération est de dimension communautaire en application de l'article 1 paragraphe 3 du règlement (CE) n°139-2004 du Conseil sur les concentrations. En effet, dans chacun d'au moins trois Etats membres, le chiffre d'affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d'euro (1) et, dans chacun d'au moins trois de ces Etats membres, le chiffre d'affaires total réalisé respectivement par le groupe Vinci et par les actifs cédés est supérieur à 25 millions d'euro. De plus, le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d'euro et le chiffre d'affaire réalisé individuellement dans l'Union européenne par chacune de ces entreprises est supérieur à 100 millions d'euro. Enfin, seul le groupe Vinci réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires en France. L'opération a donc été notifiée à la Commission européenne le 19 avril 2010.
5. Toutefois, par lettre en date du 12 mai 2010, l'Autorité de la concurrence a demandé un renvoi partiel de l'opération pour la partie de la concentration relative à la France, conformément à l'article 9 paragraphe 2) point a) du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil sur les concentrations, en vue de l'examiner selon le droit national de la concurrence. L'Autorité de la concurrence a en en effet estimé que l'opération menaçait d'affecter de manière significative la concurrence sur les marchés des granulats, des enrobés et des travaux routiers par le biais d'effets horizontaux et verticaux à l'intérieur du territoire français et que ces marchés affectés étaient distincts d'autres zones géographiques puisqu'ils sont tout au plus de dimension nationale. La Commission européenne a décidé, le 10 juin 2010, de renvoyer l'opération à l'Autorité de la concurrence en vertu de l'article 9 paragraphe 3) point b) du règlement précité.
6. La partie relative à la France de l'opération de prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Tarmac par Eurovia est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. En France, le groupe Eurovia et les actifs cédés (ci-après " Tarmac ") exploitent simultanément des carrières d'extraction de granulats. Les granulats permettent notamment la fabrication d'enrobés bitumeux et sont nécessaires à la construction et à l'entretien des routes, secteurs sur lesquels seul le groupe Eurovia est actif.
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS
1. LES GRANULATS
8. Les granulats sont des matériaux d'un diamètre de 0 à 150 millimètres. Ils peuvent être utilisés soit comme produits finis (pour le ballast des voies ferrées par exemple), soit comme matière première dans la production de matériaux de construction tels que le béton prêt à l'emploi (composé à 80 % de granulats), les enrobés (composés à 95 % de granulats), la chaux et le ciment. Actuellement, la quasi-totalité des granulats produits en France sont des granulats primaires (2), c'est-à-dire provenant de sources naturelles (carrières, mines ou mer). Les granulats secondaires sont en revanche d'origine artificielle. Ils sont soit issus de résidus de traitements industriels, soit issus du retraitement de matériaux de construction (résidus de démolition et de construction ainsi que le ballast des voies ferrées par exemple). Compte tenu du fait que seul le groupe Eurovia propose des granulats secondaires et de la part limitée représentée par ce type de granulats dans l'ensemble de la production française de granulats, l'analyse concurrentielle de la présente opération se limitera aux granulats primaires (ci-après simplement " les granulats ").
9. Il existe deux principaux types de granulats : les granulats alluvionnaires et les granulats issus de roches massives. Les granulats alluvionnaires sont constitués de gravier et de sable provenant de l'érosion de fragments de roches qui ont été transportés et déposés par l'eau et la glace. Composés soit de calcaire, soit de granulats éruptifs, soit d'un mélange des deux, ils peuvent être utilisés en l'état ou être concassés pour produire des granulats angulaires lorsque leur taille et leur qualité sont adaptées. Les granulats issus de roches massives sont obtenus en concassant des roches éruptives (basalte et granit notamment), métamorphiques (cornéennes ou quartzites) ou sédimentaires (calcaire notamment). Les roches massives sont ainsi généralement classées en deux catégories principales : le calcaire (roches sédimentaires) et les granulats éruptifs (roches éruptives ou métamorphiques).
10. La pertinence d'une segmentation entre les différentes catégories de granulats a été envisagée par les autorités de concurrence nationale (3) et communautaire (4) qui ont toutefois laissé la question ouverte.
11. En effet, les différents types de granulats peuvent être plus ou moins adaptés à certaines applications. Ainsi, traditionnellement, les granulats alluvionnaires de forme ronde sont préférés par les producteurs de béton car ils permettent un meilleur écoulement du béton lors de l'application. Les granulats éruptifs, angulaires, sont, quant à eux, adaptés à la production d'enrobés qui requièrent des granulats résistants à l'usure et antidérapants. Par ailleurs, les granulats calcaires ne sont que très rarement utilisés pour la construction ou l'entretien des couches de surface des routes en raison de leur manque de dureté. Au-delà du type de roches et de la taille des granulats, les clients peuvent aussi rechercher d'autres caractéristiques particulières à un type de roches donné (propreté, couleur, dureté, composition physico-chimique, etc.). Ces trois types de granulats peuvent donc être perçus comme imparfaitement substituables pour ces applications. A l'inverse, pour certains usages, le type de granulats est indifférent. Ainsi, les couches inférieures des routes (couches de fondation et de base) peuvent être réalisées avec tous les types de granulats.
12. Cependant, au-delà du type de granulats et des particularités des granulats d'une carrière donnée, il doit être souligné que les granulats se caractérisent en premier lieu par le fait que ce sont des matériaux très pondéreux et de faible valeur. Les coûts de transport représentent une très forte part du prix total des granulats, les parties estimant que le prix des granulats double en moyenne tous les 50 kilomètres.
13. Aussi, la Commission européenne5 a relevé que la plupart des clients basaient essentiellement leur choix sur la distance entre la carrière et le lieu d'utilisation du granulat et non sur le type de roches.
14. En outre, la production de granulats alluvionnaire est de plus en plus réduite en France en raison notamment de la réduction des ressources disponibles du fait de l'interdiction de l'extraction dans les lits mineurs des cours d'eau depuis le 1er janvier 1995 et de la difficulté d'obtenir de nouvelles autorisations d'extraction dans les lits majeurs des cours d'eau.
15. Selon les parties, le type de roches est d'autant moins déterminant dans le choix des clients que des techniques de traitement de granulats ont été développées afin de conférer à des granulats alluvionnaires des propriétés physiques comparables à celles des granulats éruptifs et réciproquement. Ainsi des machines de concassage spécifiques arrondissant la forme des granulats éruptifs ont été développées afin d'adapter la forme des granulats éruptifs pour les applications dans le béton, tandis que certains granulats alluvionnaires peuvent être concassés, sous réserve qu'ils soient de taille et de qualité suffisantes, afin d'être utilisés dans la production d'enrobés destinés aux couches de surface des routes. D'ailleurs, les normes européennes applicables depuis le 1er janvier 2008 ne se rapportent pas au type de granulats mais à la propriété physique des granulats. Ainsi, tout granulat ayant les propriétés physiques retenues par ces normes peut être utilisé quelle que soit son origine.
16. Toutefois, ces techniques de traitement demeurent relativement coûteuses au regard du prix de vente de la tonne de granulat et tous les exploitants de carrières ne disposent pas de telles installations. La majorité des concurrents des parties ayant répondu au test de marché ont estimé que ces coûts de traitement étaient supérieurs à 5 euro la tonne, tandis que le prix brut des granulats (hors transport) est généralement compris entre 6 et 10 euro la tonne.
17. Par ailleurs, le prix de vente des granulats varie de manière assez substantielle selon le type de granulats considérés. S'il est difficile de donner un prix moyen de vente compte tenu des spécificités locales, il ressort du test de marché que les granulats éruptifs sont généralement les plus coûteux, tandis que les granulats calcaires sont les moins onéreux.
18. En outre, les résultats du test de marché montrent que les clients sont visiblement partagés sur la nécessité de distinguer entre les granulats alluvionnaires et éruptifs. Les partisans d'une telle distinction évoquent notamment les différences de caractéristiques physiques selon le type de granulats, lesquelles permettent de répondre à des usages voire à des normes réglementaires spécifiques, telles que l'utilisation de granulats éruptifs pour les travaux routiers et notamment les couches de roulement. Ce partage entre les répondants au test de marché tend à démontrer que s'il existe une certaine substituabilité entre les différents types de granulats, cette dernière demeure à ce jour imparfaite.
19. En l'absence de données distinguant les différents types granulats, l'analyse concurrentielle ne sera pas effectuée sur la base de marchés distincts, mais elle prendra en compte l'existence d'une substituabilité imparfaite entre les différents types de granulats.
2. LES ENROBÉS
20. Les enrobés sont des matériaux composites généralement utilisés dans la construction de revêtements routiers, de parkings et de pistes d'aéroport. Les enrobés sont généralement composés à 95 % de granulats et à 5 % de bitume. Il existe différents types d'enrobés : les enrobés à chaud, produits en chauffant le liant bitumeux ; le " mastic asphalt " présentant une teneur en bitume supérieure à celle des enrobés à chaud ; les enrobés tièdes, produits à une moindre température que les enrobés à chaud et les enrobés à froid, produits en émulsionnant le bitume dans de l'eau avant de le mélanger avec les granulats. Ces différents types d'enrobés sont toutefois produits dans les mêmes usines. La principale différence entre ces quatre types d'enrobés réside dans la distance maximale pouvant être parcourue entre leur lieu de production et leur lieu d'utilisation.
21. Les autorités de concurrence ont retenu l'existence d'un marché des enrobés distinct d'autres types de matériau de pavement (6). Les enrobés pouvant être produits à partir de centrales fixes ou mobiles, la pratique décisionnelle nationale (7) a envisagé, tout en laissant la question ouverte, la possibilité d'une segmentation du marché des enrobés entre ces deux modes de production. En France, les centrales mobiles sont toutefois rares. Les parties estiment qu'elles totalisent moins de 5 % de la production d'enrobés. Cette faible part s'explique notamment par le fait que de telles installations ne sont rentables qu'à partir d'un volume important de production instantanée d'enrobés. En général, elles sont destinées à un objectif spécifique et leur présence dans une zone de chalandise donnée est temporaire.
22. En l'espèce toutefois, la question de la délimitation précise du marché des enrobés peut être laissée ouverte, dans la mesure où l'analyse concurrentielle demeure inchangée, y compris sur les zones sur lesquelles l'opération risque d'affecter significativement la concurrence, quelle que soit la segmentation retenue. Le marché des enrobés sera donc envisagé dans son ensemble pour mener l'analyse concurrentielle.
3. LES TRAVAUX ROUTIERS
23. La construction de routes est une spécialité de génie civil comprenant toutes les infrastructures de circulation routière (autoroutes ou routes principales, aéroports, rues pavées, etc.). Les enrobés et le béton sont les matériaux de construction principalement utilisés pour la construction de routes. Les couches inférieures des routes (couches de fondation et de base) sont composées de granulats ou d'un mélange de ciment et bitume tandis que les couches de surface peuvent être composées d'enrobés.
24. La pratique décisionnelle nationale (8) considère que le marché des travaux routiers inclut tant la construction que l'entretien des routes. En effet, les travaux d'entretien de chaussées impliquant de faire appel aux mêmes corps de métiers que lors des travaux de construction, les principaux opérateurs de travaux routiers proposent tant des services de construction que d'entretien des routes.
25. En outre, le ministre de l'économie (9), a envisagé, tout en laissant la question ouverte, l'existence d'un marché distinct des travaux autoroutiers, compte tenu du fait que la mise en place de tronçons autoroutiers serait soumise à des contraintes techniques et de délais particuliers.
26. En l'espèce toutefois, la question de la délimitation précise du marché des travaux routiers peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, l'opération risque d'affecter significativement la concurrence sur les travaux routiers. Le marché des travaux routiers sera envisagé dans son ensemble pour mener l'analyse concurrentielle.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
1. LES GRANULATS
27. Le marché des granulats est un marché structuré par les coûts de transport. Les granulats sont en effet des produits très pondéreux, volumineux et de faible valeur pour lesquels les coûts de transport constituent une part importante du prix livré. Par conséquent, les granulats d'une carrière sont le plus souvent livrés à proximité de cette dernière. Le rayon de la zone de livraison d'une carrière peut de plus être plus ou moins grand selon les caractéristiques particulières des pays notamment selon le maillage des carrières sur le territoire national mais aussi selon le réseau et les conditions de transport.
28. Ainsi, compte tenu du caractère pondéreux des granulats et, par conséquent, de l'importance des coûts de transport, les autorités de concurrence nationale et communautaire considèrent que le marché des granulats revêt une dimension locale. Sans s'être jamais prononcée sur le marché français, la Commission a retenu, dans la décision Heidelberg Cement/Hanson du 7 août 2007, des zones de 50 à 80 kilomètres autour de chaque site de production de granulats sur le marché allemand. Le ministre de l'économie a, quant à lui, également envisagé une dimension locale relativement restreinte pour ces produits (jusqu'à 40 kilomètres autour des sites de production dans une décision récente (10)), sans toutefois conclure en l'absence de problèmes de concurrence posés par les opérations concernées.
29. Il ressort également du test de marché mené sur la présente opération que, compte tenu de la répartition géographique des achats ou ventes de la plupart des demandeurs ou producteurs de granulats mais également du maillage en carrières du territoire français, des zones de chalandise limitées à 40 kilomètres autour des carrières sont pertinentes. Les parties considèrent pour leur part que les granulats peuvent être transportés sur de plus longues distances mais confirment que le prix d'une tonne de granulat double après un transport par camion de 30 à 50 kilomètres.
30. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur des zones de 40 kilomètres autour de chacun des sites de production de Tarmac. Au cas d'espèce, il pourra néanmoins être tenu compte des spécificités de la zone et de sa configuration géographique réelle.
2. LES ENROBÉS
31. Les enrobés sont des produits périssables qui doivent être transportés dans des conteneurs chauffés spéciaux afin d'éviter leur durcissement avant leur livraison et leur utilisation. Plus leur température de pose est faible, plus les enrobés peuvent être transportés loin. En tout état de cause, les distances parcourues demeurent faibles. Les autorités de concurrence nationale et communautaire estiment ainsi que ce marché revêt une dimension locale. La Commission (11) a ainsi considéré un marché géographique dans un rayon de 25 à 100 kilomètres autour du lieu de production des enrobés. La pratique décisionnelle nationale (12) a généralement retenu des zones de 40 kilomètres autour des centrales de production.
32. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente analyse.
3. LES TRAVAUX ROUTIERS
33. Concernant les travaux routiers, le ministre de l'économie (13) a généralement mené son analyse tant au niveau national que local, compte tenu de l'existence de nombreux opérateurs locaux et régionaux présents aux côtés de grands groupes disposant d'une implantation nationale. La Commission européenne (14) a analysé le marché des travaux routiers au niveau national, sans toutefois exclure le fait que ce marché puisse revêtir une dimension infranationale.
34. En l'espèce, le marché des travaux routiers est uniquement concerné au titre des effets verticaux de l'opération entre les marchés des granulats et des travaux routiers, Tarmac n'étant pas présent sur ce marché. Or, l'approvisionnement en granulats des opérateurs de travaux routiers se faisant localement en raison de l'importance des coûts de transport, le marché des travaux routiers sera analysé au niveau départemental, niveau le plus fin sur lequel les parties ont pu estimer leurs parts de marché ainsi que celles de leurs concurrents.
III. Analyse concurrentielle
A. POSITION DES PARTIES SUR LES DIFFÉRENTES ZONES
35. Les parties ont fourni des parts de marché calculées, conformément à la pratique antérieure, sur une zone d'un rayon de 40 kilomètres centrée autour de la carrière considérée (zone de référence) en divisant la production des carrières des parties situées dans la zone de référence par la production totale de l'ensemble des carrières situées dans cette zone. Elles ont été calculées pour l'année 2008, dernière année pour laquelle des statistiques de production sont disponibles, les éventuelles cessions intervenues depuis lors étant néanmoins prises en compte dans la mesure où elles étaient connues des parties. Les parts de marché concernant les travaux routiers correspondent à des parts de marché départementales, le département pris en compte étant celui où se situe la carrière.
36. En France, les 44 carrières de Tarmac objet de l'acquisition sont localisées dans le Limousin, en Auvergne, en Rhône-Alpes et dans la région Centre. Seules 41 sont actuellement actives.
37. Dans les régions de Lyon et de Clermont-Ferrand/Vichy, la position cumulée des parties demeurera peu élevée (la part de marché de la nouvelle entité n'excédera pas [10-20] %) ou l'opération n'entraînera aucun chevauchement d'activité entre les parties quelle que soit la zone considérée de 40 kilomètres autour d'une carrière de Tarmac. Par ailleurs, sur les marchés locaux des travaux routiers et des enrobés, les parts de marché d'Eurovia sont limitées. Sur ces deux régions, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux ou verticaux.
38. En ce qui concerne les régions de Châteauroux-Issoudun, Sarlat-Tulle, Dijon-Mâcon et Limoges, les positions des parties sur les marchés des granulats, des enrobés et des travaux routiers sont présentées dans le tableau ci-dessous.
<emplacement tableau>
39. L'opération n'entraînera aucun chevauchement d'activité sur la région de Limoges ainsi que sur les zones de chalandise des carrières de Saint-Agnant-de-Versilat et de Meuzac, zones sur lesquelles Eurovia ne dispose d'aucune carrière. Sur les zones de chalandise autour des carrières de Lapleau et de Saint-Rémy, les parts de marché de la nouvelle entité demeureront limitées (inférieure à [10-20] %), Eurovia n'étant pas leader sur ces zones. Sur les zones situées autour des carrières de Gimel-les-Cascades, Naves, Saint-Rémy et Uzerche, l'opération n'entraînera qu'un faible incrément de parts de marché (inférieur à [0-5] points). Enfin, sur la zone de chalandise de la carrière de Saint-Denis-lès-Martel, la part de marché de la nouvelle entité s'élèvera à environ [30-40] % mais la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence du groupe Flamary qui possède plusieurs carrières dans la région de Sarlat-Tulle ainsi que, dans une moindre mesure, à la concurrence du groupe Colas, groupe majeur du secteur de la construction, qui dispose d'une part de marché d'environ [10-20] %.
40. La nouvelle entité disposera cependant de parts de marché élevées sur de nombreuses zones de chalandise des régions de Dijon-Macon, Sarlat-Tulle et Chateauroux-Issoudun. De plus, sur ces différentes zones, les additions de parts de marché seront substantielles (en tout état de causes supérieures à 10 points sauf autour de la carrière de Mellecey où l'incrément de parts de marché sera de [0-10] points). Par ailleurs, l'opération va permettre au groupe Eurovia d'acquérir des positions importantes dans la région de Limoges, où il ne détenait jusqu'à présent aucune carrière mais est un acteur important en aval sur les marchés des enrobés et des travaux routiers. Le groupe Eurovia est également actif sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers dans les régions de Dijon-Macon, Sarlat-Tulle et Chateauroux-Issoudun. Il convient donc d'évaluer le risque d'effets verticaux lié à l'opération.
41. Les parties contestent ces estimations à plusieurs titres.
42. En premier lieu, elles relèvent que la situation concurrentielle ainsi décrite est celle du centre des zones. Selon elles, ces parts de marché varient au sein d'une zone au fur et à mesure que l'on se rapproche de certaines carrières et que l'on s'éloigne d'autres et il convient d'en faire la moyenne. Elles ont donc soumis (15) de nouvelles parts de marché, estimées en prenant en compte, sur la base d'un calcul de surfaces, les tonnages supposés être livrés à l'intérieur de cette zone de chalandise, que les carrières soient localisées à l'intérieur de cette zone ou à l'extérieur, en gardant une distance de 40 km maximale entre les carrières et le lieu de livraison. Cette nouvelle estimation fait apparaître, en l'espèce, des parts de marché moins élevées que celles présentées ci-dessus, dans des proportions variables, mais en tout état de cause toujours inférieures à 50 %.
43. Un troisième calcul de parts de marché a été effectué par les parties sur la base d'une estimation de l'offre disponible, en moyenne, pour l'ensemble des demandeurs localisés sur la zone de chalandise. Les parts de marché ainsi obtenues sont très proches de celles obtenues avec le deuxième calcul et ne dépassent jamais 50 %. Une évaluation des parts de marché des parties dans l'offre disponible pour chaque centrale d'enrobage a également été réalisée ainsi qu'une estimation de leur part de marché dans l'offre disponible autour des agglomérations de plus de 10 000 habitants.
44. Les parts de marché calculées sur un rayon de 40 kilomètres autour des carrières des parties (centre de la zone de référence) sont effectivement sensibles à un éventuel élargissement de ce rayon, dans la mesure où plusieurs carrières exploitées par des concurrents des parties sont situées à la périphérie de ces zones. Comme le font valoir les parties, ce mode de calcul focalise l'attention sur la situation concurrentielle à laquelle font face les demandeurs situés au centre de la zone. En outre, la variabilité dans le temps de ces parts de marché est favorisée par la mobilité d'une partie des clients : la localisation des chantiers de travaux routiers peut changer relativement fréquemment, même s'il peut être considéré, comme le soutiennent les parties, que la demande est concentrée autour des agglomérations. Or, la distance entre ces chantiers et les carrières constitue, comme cela a été vu ci-dessus, un critère déterminant du choix des demandeurs.
45. La part des parties à la fusion dans l'offre totale sur une zone géographique déterminée est cependant un indicateur couramment utilisé par les autorités de concurrence en tant que première approche de la situation concurrentielle, même lorsque cette zone est locale et que les zones de chalandise de chaque offreur s'interpénètrent largement. Cette approche est généralement complétée, pour les zones sur lesquelles ces parts de marché sont élevées, par une analyse détaillée qui prend en compte un ensemble de paramètres qui déterminent la situation concurrentielle locale, dont notamment les situations spécifiques en bordure de zone.
46. Les estimations alternatives de parts de marché établies par les parties ne peuvent se substituer à cette analyse détaillée. De façon générale, elles ne fournissent, tout comme les parts de marché basées sur la production localisée dans une zone, qu'une approximation imparfaite de la situation réelle. En particulier, si le mode de calcul retenu jusqu'à présent par la pratique décisionnelle focalise l'attention sur la situation des demandeurs du centre de la zone, les modes de calcul défendus par les parties masquent cette situation en la diluant avec celle des demandeurs situés sur l'ensemble de la zone. De plus, dans le cas d'espèce, ces estimations alternatives demeurent relativement élevées sur certaines zones.
47. Surtout, quel que soit le mode de calcul retenu, ces parts de marché ne distinguent pas les granulats selon leur qualité. Or, comme cela a été vu dans le cadre de la délimitation du marché de produits, les différents types de granulats sont imparfaitement substituables du point de vue de certaines catégories de demandeurs.
48. En deuxième lieu, les parties soutiennent que le secteur des granulats est caractérisé par l'absence de contraintes de capacités et qu'en conséquence, les parts de marché pour une année donnée renseignent moins sur le risque d'effets unilatéraux que le nombre de concurrents de l'entité fusionnée dans chaque zone de chalandise. Elles estiment, qu'en moyenne, dans les zones où l'entité fusionnée serait présente, les clients peuvent s'adresser à plus de six entreprises différentes, en plus d'elles-mêmes, ce qui permettrait, selon elles, d'écarter le risque d'effets unilatéraux. De même, le nombre de concurrents autour de chaque centrale d'enrobage et des agglomérations de plus de 10 000 habitants reste, selon elles, suffisant.
49. Le nombre de carrières localisées dans une zone de chalandise est un indicateur qui varie également en fonction du centre de la zone et de son étendue. Il est, en revanche, moins variable dans le temps, ce qui pourrait en l'espèce apporter un éclairage intéressant compte tenu de l'ancienneté des données disponibles sur les tonnages produits. Cet indicateur ne peut cependant se substituer à une analyse détaillée des zones. D'une part, les différentes carrières concernées sont de taille très variable et le test de marché confirme que ce critère limite sensiblement la substituabilité des carrières entre elles. Il en est de même de la distance entre ces différentes carrières et les clients. D'autre part, comme cela sera développé ci-dessous, l'existence de capacités de production disponibles importantes, mise en avant par les parties, n'est pas confirmée pour l'ensemble des carrières. Enfin, de même que pour les parts de marché, il convient de prendre en compte les différences de qualité dans les granulats produits par les différentes carrières.
50. D'une façon générale, il doit être rappelé que l'estimation quantitative des positions des parties n'est que l'un des facteurs qui est pris en compte par l'Autorité pour apprécier l'impact d'une concentration sur la situation concurrentielle des marchés. De nombreux autres facteurs sont susceptibles de jouer un rôle. Les facteurs communs à l'ensemble des zones, pertinents en l'espèce pour l'appréciation des effets horizontaux et verticaux, seront discutés ci-après (B). Chacune des zones de chalandise identifiées ci-dessus fera ensuite l'objet d'un examen détaillé (C).
B. AUTRES FACTEURS PERTINENTS POUR L'APPRÉCIATION DES EFFETS HORIZONTAUX ET VERTICAUX
51. Outre la position des parties sur les marchés concernés, la probabilité qu'une opération de concentration entraîne des effets horizontaux ou verticaux est principalement fonction des caractéristiques de ces marchés et notamment de la pression concurrentielle que sont en mesure d'exercer les concurrents actuels (1), des capacités de réaction des demandeurs (2) et de la probabilité que d'autres offreurs, non encore présents sur le marché, viennent concurrencer les acteurs actuels (3). D'autres facteurs, telles que la capacité de discrimination par les prix et l'importance respective des différentes activités dans la rentabilité d'un groupe intégré, influent plus spécifiquement sur la probabilité que l'opération entraîne des effets verticaux de verrouillage (4).
1. LA PRESSION CONCURRENTIELLE EXERCÉE PAR LES CARRIÈRES CONCURRENTES
52. Selon les parties, les parts de marché de la nouvelle entité sont d'autant moins susceptibles de lui conférer un pouvoir de marché qu'il existe d'importantes capacités de production non utilisées chez ses concurrents.
53. Du fait de la crise et de son impact sur les marchés de la construction, la demande de granulats a en effet fortement reculé entre 2008 et 2010. Les parties ont estimé qu'en France, en 2008, 450 millions de tonnes ont été produites contre seulement 350 millions de tonnes en 2009. De ce fait, les seuils maximaux d'extraction prévus par les arrêtés préfectoraux sont rarement atteints par les parties et leurs principaux concurrents, seuls 60 % des volumes annuels autorisés étant extraits. Selon les parties, leurs concurrents pourraient mobiliser immédiatement et à moindre coût ces capacités pour répondre à toute demande supplémentaire, et ce d'autant plus que la production de granulats devrait augmenter de moins de 1 % par an au cours des dix prochaines années (16).
54. Il convient cependant d'opérer une distinction entre les capacités d'extraction d'un site et les capacités de production effectivement mobilisées sur ce site. Une carrière n'est en effet pas nécessairement équipée pour extraire la totalité du tonnage annuel de granulats prévu par l'arrêté préfectoral. La contraction de la demande a entraîné pour certaines carrières un redimensionnement de leurs capacités de production, en particulier en ce qui concerne les moyens humains. Plusieurs répondants au test de marché ont ainsi souligné qu'une augmentation des quantités produites était possible, au vu de leur autorisation, mais nécessiterait des investissements supplémentaires.
55. Les parties soutiennent à cet égard qu'une mise à niveau des moyens de production peut être effectuée rapidement grâce à l'embauche de personnel intérimaire, au prolongement du temps d'utilisation journalier des équipements en place ou à la mise en place d'un concasseur mobile en complément de la chaîne fixe de production. Le test de marché n'a cependant pas confirmé cette flexibilité des capacités de production. En particulier, il n'est pas toujours possible d'utiliser les installations de concassage à plus d'un poste, c'est-à-dire à plus de huit heures par jour et plus de cinq jours par semaine, comme le soutiennent les parties. En effet, la plupart des autorisations préfectorales prévoient une puissance maximale pour le matériel utilisé, ainsi que des horaires d'exploitation, et limitent les niveaux sonores. Certains arrêtés précisent ainsi que l'exploitation ne peut se faire que du lundi au vendredi à des heures restreintes (7h à 17h par exemple) et imposent des limites au nombre de camions qui peuvent desservir la carrière par jour.
56. Par ailleurs, la mesure des capacités de production pour un type de granulats donné doit tenir compte des contraintes techniques propres à la production de granulats. Au sein d'une carrière, trois types de granulats peuvent être produits : des granulats primaires, secondaires et tertiaires, ces granulats présentant un diamètre décroissant. La production de granulats tertiaires est la résultante de trois étapes successives de production visant à réduire progressivement la granulométrie des roches. Les granulats primaires et secondaires de diamètre plus élevé que les granulats tertiaires sont plus difficilement valorisables. Ils sont utilisés pour les remblais ou encore les couches de forme. Au final, un fournisseur qui doit fournir 100 000 tonnes de produits tertiaires doit traiter de 300 000 à 400 000 tonnes. Ce ratio a été largement confirmé par d'autres clients et concurrents des parties, même s'il peut varier selon le type d'installations utilisées et la qualité du gisement. De surcroît, le coût de production des granulats tertiaires dépend aussi de la possibilité de valoriser les granulats primaires et secondaires et donc de l'existence de débouchés pour ces produits.
57. Au total, les tonnages figurant dans les autorisations préfectorales constituent une estimation très surévaluée des capacités de production effectivement mobilisables par les concurrents et donc de leur possibilité de réaction.
58. Les parties ajoutent que la production de granulats est un métier de coût fixe (17) et que le coût de production marginal de quantités additionnelles est très inférieur au coût de production moyen. Il serait donc toujours profitable pour un exploitant d'augmenter sa production pour répondre à de nouvelles commandes. Notamment, en cas d'augmentation des prix par la nouvelle entité, les parties en déduisent que les concurrents n'auraient pas intérêt à suivre cette hausse des prix mais plutôt à vendre des tonnes supplémentaires.
59. Il faut toutefois relever qu'en dépit de la baisse de la demande, le taux moyen d'utilisation des capacités des carrières (d'environ 60 %) reste supérieur, voire largement supérieur, au seuil de couverture des coûts fixes de la plupart d'entre elles. Cette contrainte de couverture des coûts fixes n'intervient donc pas dans l'arbitrage que les concurrents sont susceptibles de faire, dans l'hypothèse d'une hausse du prix de vente des parties, entre investir pour accroître les volumes vendues ou suivre la hausse de prix du leader sur le marché.
60. Sur les différentes zones qui feront l'objet d'une analyse détaillée, la question de l'existence de capacités de production disponibles et de l'incitation des concurrents à les mobiliser sera néanmoins examinée au cas par cas.
2. LES CAPACITÉS DE RÉACTION DES CLIENTS
61. En tout état de cause, l'existence de capacités de production excédentaires chez les concurrents des parties ne peut limiter l'ampleur des effets unilatéraux que dans la mesure où les demandeurs peuvent changer facilement de fournisseurs. Or, pour la plupart des clients interrogés dans le cadre du test de marché, un tel changement se heurte à la substituabilité très imparfaite des carrières entre elles.
62. En premier lieu, certains clients (tels que les producteurs d'enrobés ou de béton) ayant des besoins importants en granulats ont estimé que seules les carrières ayant une autorisation maximale d'extraction par an suffisamment élevée pouvaient répondre à leur demande, les carrières de petite taille ne constituant pas de réelles sources alternatives d'approvisionnement. Or, il existe de nombreuses carrières ayant des autorisations annuelles maximales d'extraction inférieures à 150 000 tonnes. Pour une qualité donnée de granulats, les clients préfèrent ne pas multiplier leurs sources d'approvisionnement compte tenu des surcoûts logistiques induits. D'autres ont mis en avant la nécessité d'un approvisionnement régulier et constant.
63. En deuxième lieu, ainsi que cela a déjà été relevé plus haut dans la discussion du marché de produits, les différentes qualités de granulats sont imparfaitement substituables entre elles pour les demandeurs. Le test de marché suggère que ces différences de qualité pourraient aller au-delà de la distinction entre granulats éruptifs, calcaires et alluvionnaires. Par exemple, la fabrication d'enrobés répond à une formulation précise en fonction des caractéristiques physiques des granulats qui varient selon la carrière d'extraction des granulats. Un changement de fournisseur implique de revoir les formules utilisées pour la fabrication d'enrobés, processus qui dure environ trois mois. Ce coût, estimé par les parties à environ [...] euro par formule, est jugé par certains clients des parties comme limitant leur possibilité de changer de fournisseur. Toutefois, les parties ont indiqué que la plupart des producteurs d'enrobés travaillent avec différents fournisseurs de granulats ou auraient déjà développé des formules adaptées à des granulats avec lesquels ils ne travaillent pas afin de pouvoir changer facilement de fournisseur. En outre, selon les parties, les sources d'approvisionnement alternatives étant situées à proximité les unes des autres, les caractéristiques des granulats varieraient assez peu, rendant relativement facile le calcul de nouvelles formules d'enrobés.
64. En troisième lieu, il convient de rappeler l'importance des coûts de transport dans le prix de revient de granulats qui limite sensiblement la substituabilité d'une carrière plus éloignée du lieu d'implantation du client.
65. Les réponses au test de marché confirment que les clients n'ont que très rarement changé de fournisseurs au cours des trois dernières années. Ces contraintes en termes de taille des carrières, de qualité des granulats et de distance seront donc prises en compte au cas par cas dans l'analyse détaillée de chaque zone.
3. LES BARRIÈRES À L'ENTRÉE SUR LES MARCHÉS DES GRANULATS
66. Le marché des granulats est caractérisé par l'existence de fortes barrières à l'entrée.
67. D'une part, l'ouverture d'un nouveau site de production est soumise à une procédure administrative lourde qui, selon les parties, peut durer jusqu'à cinq ans, les sites de production de granulats étant des installations classées en raison de leur impact environnemental. Cette procédure comprend une enquête publique, des études d'impact et une instruction administrative qui aboutiront le cas échéant à un arrêté préfectoral autorisant l'exploitation du site. L'autorisation est accordée pour une durée limitée et pour une production maximale annuelle.
68. De fait, très peu d'opérateurs ont obtenu de nouvelles autorisations d'exploitation au cours des cinq dernières années. Sur les régions de Châteauroux-Issoudun, Sarlat-Tulle, Dijon-Mâcon et Limoges, les parties ont relevé une ouverture par le groupe Guignard à Saint-Saturnin dans le Cher. Par ailleurs, la société Carrières d'Ambazac a demandé une extension de son autorisation d'extraction maximale annuelle.
69. D'autre part, les coûts d'entrée sur le marché des granulats sont relativement élevés. Les parties ont ainsi estimé que pour une carrière dont la production moyenne s'élève à 200 000 tonnes par an, le coût d'achat des installations de production pour le concassage et le criblage des granulats était de l'ordre de [...] à [...] millions d'euro.
4. FACTEURS PROPRES AUX EFFETS VERTICAUX
70. On distingue deux types d'effets verticaux. Dans le premier cas, l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou alors le leur fournit à un prix élevé, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité dégradé (verrouillage du marché des intrants). Dans le second cas, la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter ou de distribuer les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de l'accès à la clientèle).
71. En l'espèce, ce second risque peut être écarté, les parties ayant fourni des éléments relatifs à la demande en granulats de leurs centrales d'enrobés et de leurs agences de travaux routiers sur les régions de Chateauroux-Issoudun, Sarlat-Tulle, Dijon-Mâcon et Limoges qui montrent que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés des granulats en verrouillant l'accès des carriers concurrents à la clientèle en aval.
72. En revanche, le renforcement de la position du groupe Eurovia sur les marchés des granulats fait craindre que l'accès aux granulats de ses concurrents sur les marchés des enrobés et des travaux routiers soit limité. Tarmac constituait en effet, avant l'opération, une source d'approvisionnement importante pour ces concurrents, dans la mesure où il était uniquement un carrier et où certains d'entre eux préfèrent éviter de s'approvisionner en granulats auprès d'un fournisseur qui serait également un de leurs concurrents directs sur les marchés des enrobés ou des travaux routiers.
73. La probabilité d'un tel scénario de verrouillage doit être évaluée en examinant, premièrement, si la nouvelle entité aurait, après la fusion, la capacité de verrouiller l'accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si les incitations à le faire sont suffisantes, et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage aurait un effet significatif sur les marchés en cause. En pratique, ces trois critères sont étroitement liés et seront examinés simultanément.
74. Il convient premièrement de relever l'absence de transparence tarifaire sur ce marché : les parties ont indiqué que leurs carrières ne publiaient pas de prix public de vente et que le niveau de prix variait selon le type de clients et selon le volume commandé, la carrière fournissant un devis à la demande. L'absence de transparence tarifaire est un facteur de nature à favoriser la mise en place d'une discrimination tarifaire entre les différentes catégories de clients des parties.
75. Deuxièmement, il doit être souligné que les granulats sont une matière première essentielle à la production d'enrobés, puisque ces derniers sont composés à 95 % de granulats, ainsi qu'à la construction de couches de fondation et de base des routes. Il est donc nécessaire pour les producteurs d'enrobés et les constructeurs de routes, qu'il s'agisse d'opérateurs d'envergure nationale ou de dimension plus modeste, d'avoir un accès sécurisé à des granulats, même si, dans certains cas, les constructeurs de route peuvent utiliser un traitement fait de ciment et de bitume pour les couches de fondation et de base.
76. Troisièmement, les opérateurs présents sur les marchés des enrobés et des travaux routiers ne sont pas tous verticalement intégrés. De surcroît, certains opérateurs verticalement intégrés sur des zones données ne le sont pas sur d'autres (le groupe Colas notamment), tandis que des opérateurs intégrés peuvent avoir recours à des carrières tierces, dans la mesure où, soit leurs sites de production ne peuvent couvrir l'ensemble de leurs besoins, soit il existe des carrières tierces mieux situées par rapport à leur centrale d'enrobés ou au lieu où ils effectuent des travaux routiers.
77. Quatrièmement, il convient de rappeler que la capacité de la nouvelle entité à limiter l'accès de ses concurrents sur les marchés aval à cette matière première dépend de la possibilité qu'ont ces concurrents de trouver d'autres sources d'approvisionnement, et donc des parts de marché des parties, de la capacité des autres carriers à fournir une demande supplémentaire, des coûts de changement d'opérateur et des barrières à l'entrée sur le marché des granulats, points déjà discutés ci-dessus et qui feront l'objet d'un examen détaillé zone par zone.
78. Cinquièmement, l'incitation à forclore l'accès des concurrents aux granulats dépend essentiellement de l'effet d'un tel scénario sur la rentabilité globale du groupe verticalement intégré. Dans les zones sur lesquelles il détient des positions fortes sur les marchés des granulats, et dans la mesure où les sources d'approvisionnement alternatives sont insuffisantes, une augmentation des prix ou une limitation des quantités de granulats offertes ne se traduirait pas par une baisse de la marge réalisée en amont sur les granulats. De plus, le renchérissement des coûts des concurrents non intégrés sur les marchés aval est de nature à permettre au groupe verticalement intégré de renforcer sa position sur ces marchés et d'assurer la rentabilité de cette stratégie pour l'ensemble du groupe même si elle ne l'est pas pour la branche aval. En l'espèce, il convient de relever que les activités amont génèrent un chiffre d'affaires largement supérieur à celle des granulats en aval. Les revenus de la nouvelle entité issus des activités de travaux routiers seront ainsi de [...] fois supérieures à ceux issus de la production de granulats.
79. Le test de marché a confirmé qu'un tel scénario était considéré comme crédible tant par les clients des parties non intégrés verticalement que par leurs concurrents verticalement intégrés. Ces deux catégories d'opérateurs craignent que la nouvelle entité n'utilise ses fortes positions sur le marché des granulats pour favoriser ses filiales présentes sur les marchés aval et qu'ainsi, à terme, elle ne renforce de manière très substantielle ses parts de marché en aval. Un tel renforcement de la nouvelle entité sur les marchés des enrobés et des travaux routiers serait d'autant plus probable que, sur ces marchés, la qualité de l'offre est assez peu différenciée aux yeux des demandeurs et que, selon les parties, il serait relativement facile et peu coûteux pour la nouvelle entité d'augmenter ses capacités de production sur les marchés des enrobés et des travaux routiers notamment en louant du matériel et en mobilisant de la main d'œuvre supplémentaire.
80. Enfin, le verrouillage de l'accès des producteurs d'enrobés et des opérateurs de travaux routiers concurrents de la nouvelle au marché des granulats aurait un effet d'autant plus significatif sur la concurrence sur ces marchés qu'il toucherait au premier chef les opérateurs non intégrés verticalement, qui sont sur ces marchés d'importants animateurs de la concurrence face aux grands groupes tels que Colas et Eurovia.
81. Les parties font cependant valoir que compte tenu de la faible part représentée par les granulats dans les coûts totaux relatifs à la construction de routes, la nouvelle entité ne sera pas en mesure d'évincer ses concurrents ou d'augmenter significativement leurs coûts en augmentant le prix des granulats. Elles ont indiqué que les granulats représentent moins d'un quart du coût de production des enrobés et environ [10-15] % des coûts de construction des routes. Elles en déduisent ainsi qu'une augmentation des prix de 5 % des granulats vendus aux constructeurs routiers n'entraînerait qu'une hausse de [0-5] % des coûts pour ses concurrents en aval, ce qui serait, selon elles, insuffisant pour provoquer leur éviction, ou même les affaiblir de façon significative.
82. Toutefois, le métier des travaux routiers est un métier dans lequel les marges sont faibles. Les parties ont indiqué qu'elles ne dégageaient que [0-5] % de marge sur ce marché. Dès lors, une augmentation même mineure des coûts des concurrents pourrait affaiblir significativement leur positionnement concurrentiel. Un concurrent a ainsi précisé que même si les cahiers des charges concernant les travaux routiers ne précisent pas la nécessité d'un approvisionnement local en granulats, l'attribution des marchés est toujours liée au critère " prix " et presque toujours au critère " bilan carbone ", ce qui exclut tout surcoût de transport et oblige par conséquent indirectement à l'utilisation de granulats locaux. En outre, selon les parties, la structure de coûts des travaux routiers se décomposent de la manière suivante : frais de main d'œuvre et sous-traitance ([...] %), matériels et camions ([...] %), granulats, enrobés et autres fournitures ([...] %), frais de structure ([...] %), carburants et divers ([...] %), marge ([...] %), de sorte qu'il paraît difficile pour un concurrent de construire un avantage concurrentiel structurel sur un poste de dépenses autre que celui des granulats.
83. En ce qui concerne les enrobés bitumineux, les centrales de production sont souvent co-contrôlées par plusieurs opérateurs. Il s'agit dès lors d'outils de production communs, dans lesquels les différents actionnaires n'ont pas d'avantage de coût les uns par rapport aux autres. Chaque opérateur détient en général une part dans la centrale d'enrobés correspondant approximativement à la part de production qu'il lui achète. Ainsi, si le groupe Eurovia décidait de favoriser les centrales d'enrobés dans lesquelles il est actionnaire en leur fournissant des granulats à de meilleures conditions que celles offertes à des centrales tierces, les coactionnaires des centrales concernées en bénéficieraient. L'analyse en termes de risque de forclusion de l'accès des producteurs au marché des granulats se limitera donc aux centrales d'enrobés dans lesquelles le groupe Eurovia n'est pas actionnaire.
84. Au total, il convient d'examiner le risque que l'opération porte atteinte à la concurrence par le biais d'un verrouillage de l'accès des concurrents au marché des granulats sur les zones sur lesquelles la nouvelle entité disposera de fortes parts de marché sur le marché amont des granulats et sur lesquelles ses concurrents ne seront pas en mesure de proposer une offre alternative aux clients.
C. ÉTUDE PAR ZONE ET ENGAGEMENTS PROPOSÉS
85. Comme il a été vu précédemment, l'opération induit un chevauchement conséquent des activités des parties sur les régions de Châteauroux-Issoudun, Sarlat-Tulle et Mâcon-Dijon et est susceptible, du fait de la forte position de Tarmac sur le marché des granulats et de la présence d'Eurovia sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers, d'entraîner des problèmes d'accès aux intrants sur ces mêmes régions, ainsi que sur la région de Limoges. Chacune de ces zones sera étudiée ci-après. Néanmoins il convient de préciser que les régions de Châteauroux-Issoudun, Limoges et Sarlat-Tulle sont géographiquement proches les unes des autres, Sarlat-Tulle étant située au sud de Limoges, elle-même située au sud de Châteauroux-Issoudun. Il sera donc tenu compte du fait que les zones de chalandise de certaines carrières de ces zones s'interpénètrent dans l'analyse de chacune de ces régions.
1. DANS LA RÉGION DE CHÂTEAUROUX-ISSOUDUN
86. Cette région comprend un gisement de granulats éruptifs au sud de Châteauroux et des gisements de granulats alluvionnaires et calcaires au Nord de Châteauroux.
87. Eurovia disposait déjà d'une carrière de granulats éruptifs à Chateaumeillant et se renforce fortement par l'acquisition de quatre carrières de granulats éruptifs de Tarmac : Cluis, Pouligny-Saint-Martin, Saint-Agnant-de-Versilat et Saint-Marcel (18). Les trois zones de chalandise de Cluis, Pouligny-Saint-Martin et Saint-Agnant-de-Versilat se recouvrent largement, Pouligny-Saint-Martin pouvant être considérée comme la carrière centrale.
88. Comme indiqué au paragraphe 39 de la présente décision, les risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux ou verticaux par la forclusion de l'accès aux granulats sur la zone de chalandise de la carrière de Saint-Agnant-les-Versilat peuvent être écartés, dans la mesure où seul Tarmac est présent sur cette zone avec une part de marché limitée ([20-30] %). Les zones de chalandise des carrières de Cluis et Pouligny-Saint-Martin doivent, en revanche, être examinées de manière plus approfondie, compte tenu des parts de marché relativement substantielles de la nouvelle entité sur ces zones (respectivement [40-50] % et [50-60] %).
a) Effets horizontaux
Zone de Cluis
89. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Cluis, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [40-50] %. Sur cette même zone, les parties feront face à la concurrence de plusieurs acteurs indépendants, Guignard, Lavaux, Rambaud et Fayolle et, plus à la marge, à la concurrence de Roger Martin et Colas, qui sont intégrés verticalement. Parmi ces concurrents, les carrières de Rambaud et Roger Martin sont à saturation et celles de Lavaux, Fayolle et Colas ne disposent que de très faibles capacités excédentaires, insuffisantes pour absorber un report depuis les carrières des parties. En outre, les carrières de Lavaux ne sont que des substituts imparfaits à la carrière de Cluis, puisqu'il s'agit de carrières de roches alluvionnaires et calcaires, vers lesquelles certains clients ayant des exigences particulières ne pourraient se retourner. En ce qui concerne Guignard, il est présent avec deux carrières, la carrière de Pommiers et celle de Leperchereau. Dans la mesure où Leperchereau produit des granulats alluvionnaires, elle n'est qu'imparfaitement substituable à celle de Cluis. De plus, ses capacités excédentaires sont limitées. Seule la carrière de Pommiers produit des granulats de roches éruptives et constitue une alternative crédible proche de Cluis. Les volumes actuellement produits par cette carrière sont inférieurs à la capacité théorique fixée par l'autorisation préfectorale d'extraction dont elle dispose. Cependant, comme cela a été vu précédemment aux paragraphes 54 à 59, l'augmentation des quantités de granulats produites par une carrière est contrainte par d'autres facteurs que sa capacité d'extraction théorique, tels que le coût de la mobilisation de moyens techniques et humains supplémentaires et la nécessité de pouvoir valoriser l'ensemble des granulats produits.
90. Plusieurs carrières concurrentes sont présentes à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Cluis), alors que les parties ne possèdent pas d'autres carrières dans cette zone. Néanmoins, ces carrières sont en grande partie des substituts imparfaits dans la mesure où il s'agit de carrières alluvionnaires. Quant aux carrières éruptives, elles ne disposent que de capacités excédentaires limitées.
Zone de Pouligny-Saint-Martin
91. La carrière de Pouligny-Saint-Martin est située à proximité de celle de Cluis (au Sud-Est). Ainsi, l'analyse de cette zone recouvre largement l'analyse effectuée pour la carrière de Cluis. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Pouligny-Saint-Martin, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [50-60] %. Le premier concurrent de cette carrière sera le groupe Colas avec ses carrières de Glenic et Ajain, situées à la limite de la zone de 40 kilomètres et qui ne faisaient pas partie de la zone de chalandise de la carrière de Cluis. Il s'agit cependant d'un opérateur présent également sur les marchés aval qui réserve une partie de sa production pour ses propres besoins. Ces deux carrières produisent des granulats éruptifs et leur production annuelle pourrait théoriquement être augmentée d'environ [20-30] %. Ces capacités excédentaires demeurent toutefois limitées rapportées à la production totale des parties, de même que celles des autres concurrents que sont Fayolle et Roger Martin. La principale alternative pour les clients de Pouligny-Saint-Martin serait ici également la carrière éruptive de Pommiers appartenant au groupe Guignard.
92. Plusieurs carrières concurrentes sont présentes à la périphérie de la zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Pouligny-Saint-Martin). Néanmoins, ces carrières sont, comme pour Cluis, en grande partie des substituts imparfaits, dans la mesure où il s'agit de carrières alluvionnaires. Seules trois carrières concurrentes de la nouvelle entité situées en marge de la zone de 40 kilomètres produisent des granulats éruptifs. Or, la carrière de Saint-Benoît appartenant au groupe Rambaud est saturée et celle de Cressat appartenant au groupe Delanne dispose de capacités limitées en plus d'être située à 48 kilomètres de Pouligny-Saint-Martin et donc de ne représenter une alternative que pour une très faible part des clients des parties, ceux situés au sud de la zone. En outre, en ce qui concerne la carrière d'Huriel, Eurovia détient une participation minoritaire à hauteur de [...] % du capital. Bien que cette participation ne lui confère aucune influence déterminante compte tenu de l'absence de droits de veto sur les décisions stratégiques de la société, Eurovia bénéficierait, au travers de la redistribution de dividendes, d'un éventuel report de la demande émanant de ses carrières vers celle d'Huriel.
93. Enfin, dans leurs réponses au test de marché, la majorité des clients situés dans l'Indre, département où sont situées les carrières de Cluis et Pouligny-Saint-Martin, ont souligné que l'opération entraînerait la disparition de la seule alternative réelle au groupe Eurovia.
b) Effets verticaux
94. Pour ces zones, les parts de marché d'Eurovia sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers sont comprises entre [10-20] % et [20-30] % concernant les enrobés et s'élèvent à [20-30] % concernant les travaux routiers.
95. Les parties indiquent qu'une stratégie de verrouillage des intrants est peu crédible sur ces zones dans la mesure où ses plus gros concurrents sur les marchés des enrobés et des travaux routiers sont verticalement intégrés et qu'ainsi les autres concurrents ne représentent qu'une part limitée de la demande de granulats sur la zone.
96. Sur les zones de Cluis et de Pouligny-Saint-Martin, le principal concurrent de la nouvelle entité concernant les enrobés et les travaux routiers sera le groupe Colas qui dispose de parts de marché s'élevant respectivement à [30-40] % et [40-50] % sur les enrobés et à [40-50] % sur les travaux routiers. Or, ce groupe dispose d'une carrière sur cette zone et sa position sur le marché des enrobés est due à la détention d'une centrale d'enrobés en commun avec le groupe Eurovia. Dès lors, si le groupe Eurovia décidait de favoriser cette centrale d'enrobés en lui fournissant des granulats à de meilleures conditions que ses concurrents, le groupe Colas en bénéficierait.
97. Le groupe Roger Martin, est également présent localement sur les marchés des enrobés avec des parts de marché de [30-40] % sur la zone de Cluis et de [20-30] % sur la zone de Pouligny-Saint-Martin et sur le marché local des travaux routiers, avec une part de marché de [10-20] %. Il dispose cependant de carrières sur ces zones.
98. En revanche, le groupe Toffolutti dernier concurrent des parties sur le marché des enrobés avec une part de marché de l'ordre de [10-20] % sur la zone de Cluis et de [10-20] % sur la zone de Pouligny-Saint-Martin ne dispose pas de carrière en propre. Or, dans un rayon de 40 kilomètres autour de cette centrale d'enrobés, la nouvelle entité représentera près de [40-50] % de l'offre de granulats, alors qu'avant l'opération le groupe Eurovia représentait moins de [10-20] % de l'offre de granulats. Les besoins en granulats du groupe Toffolutti sont d'autant plus importants qu'il est également présent sur le marché des travaux routiers avec [5-10] % de parts de marché aux côtés d'autres petits opérateurs qui représentent ensemble environ [10-20]% de l'offre totale sur le marché des travaux routiers. Ces petits opérateurs ainsi que le groupe Toffuli auraient des difficultés à se tourner vers des fournisseurs alternatifs et pourraient ainsi être exposés à une stratégie de discrimination de la nouvelle entité.
c) Engagements proposés sur cette zone
99. Afin de remédier à ces effets anticoncurrentiels, les parties se sont engagées à céder la carrière de Pouligny-Saint-Martin. Cette carrière de granulats éruptifs, dotée d'une capacité annuelle maximale d'extraction de 120 000 tonnes de granulats, dispose d'une situation centrale sur la zone de Châteauroux-Issoudun, de sorte que la cession de cette carrière à un opérateur tiers permettra aux clients des parties de disposer d'un fournisseur alternatif, qu'ils soient clients des carrières de Pouligny-Saint-Martin, Cluis, Saint-Agnant ou Châteaumeillant.
100. L'opération avec engagements n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux et verticaux sur les zones de chalandise des carrières de Pouligny-Saint-Martin et Cluis.
2. DANS LA RÉGION DE SARLAT-TULLE
101. Cette région comprend un gisement de granulats éruptifs au Nord/Nord-Est de Brive-la-Gaillarde et un gisement de granulats calcaires au Sud/Sud-Est. Quelques carrières de granulats alluvionnaires sont également actives sur cette région.
102. Dans cette région, Eurovia disposait déjà d'une carrière de granulats éruptifs à Dampniat, d'une carrière de granulats alluvionnaires à Lanobre et de plusieurs carrières de granulats calcaires à Condat, Pinsac, Cubjac et Salviac. Tarmac dispose sur cette région de huit carrières de granulats éruptifs avec les carrières de Gimel-les-Cascades, Lapleau, Meuzac, Naves, Saint-Rémy, Tulle (19), Uzerche et Voutezac. Il possède également une carrière de granulats calcaires à Chasteaux et trois carrières de granulats alluvionnaires à Saint-Julien-de-Lampon (20), Espedaillac (21) et Saint-Denis-lès-Martel. Au Nord de cette région se situe la région de Limoges sur laquelle la présence de Tarmac est également importante.
103. Comme indiqué aux paragraphes 39 et 39 de la présente décision, les risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux ou par la forclusion de l'accès aux granulats sur les zones de chalandise des carrières de Lapleau, Saint-Rémy et Saint-Denis-lès-Martel peuvent être écartés en raison des parts de marché limitées de la nouvelle entité à l'issue de l'opération et de la présence de carriers tiers importants. Les zones de chalandise des carrières de Chasteaux et Voutezac doivent faire l'objet d'un examen plus détaillé tant en termes d'effets horizontaux que verticaux, compte tenu des parts de marché relativement élevées de la nouvelle entité à l'issue de l'opération (respectivement [40-50] % et [40-50] %) et d'un important chevauchement d'activité entre les parties. Enfin, le risque de forclusion de l'accès des opérateurs présents sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers au marché des granulats doit également être étudié concernant les zones de chalandise des carrières de Gimel-les-Cascades, Meuzac, Naves et Uzerche, sur lesquelles le groupe Eurovia n'était pas présent ou alors de façon marginale, mais acquiert des parts de marché importantes du fait de l'opération.
a) Effets horizontaux
Zone de Chasteaux
104. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Chasteaux, la part de marché de la nouvelle entité dans la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [40-50] %. Préalablement à l'opération, Tarmac était leader sur ce marché avec une part de marché de l'ordre de [20-30] %, les deux premiers concurrents de la nouvelle entité, les groupes Flamary et Colas totalisant respectivement environ [20-30] % et [10-20] % de l'ensemble de la production de granulats sur la zone. Les autres carriers de la zone ont tous des parts de marché inférieures à [5-10] % et des capacités d'extraction disponibles limitées. La qualité des granulats est également différente puisqu'il ne s'agit pas de carrières d'origine calcaire.
105. La position du groupe Flamary sur cette zone doit être relativisée, dans la mesure où cet opérateur a indiqué que sa carrière d'Argentat, produisant 100 000 tonnes de granulats alluvionnaires par an et disposant d'importantes capacités d'extraction excédentaires, fermerait en 2012, en raison de la non-reconduction de son autorisation préfectorale d'exploitation. En outre, les autres carrières du groupe Flamary ont des capacités annuelles maximales d'extraction relativement limitées (comprises entre 150 000 tonnes et 250 000 tonnes de granulats) par rapport à certaines carrières de la nouvelle entité (de 250 000 tonnes à 500 000 tonnes de granulats). Or, comme indiqué au paragraphe 62 de la présente décision, certains acheteurs de granulats ont des besoins de granulats très importants qui ne sauraient être couverts que par des carrières disposant d'une autorisation préfectorale portant leur capacité annuelle maximale d'extraction à plusieurs milliers de tonnes par an.
106. Concernant le groupe Colas, ce dernier dispose de trois carrières dans la zone considérée. Toutefois, deux de ses carrières sont de taille modeste (capacités maximales d'extraction annuelle inférieures à 150 000 tonnes), tandis que sa dernière carrière située dans la zone est une carrière de granulats éruptifs et non calcaires. Or, les granulats éruptifs sont généralement vendus plus chers que les granulats calcaires, de sorte qu'un report de demande vers cette carrière ne saurait être une réelle alternative pour les acheteurs de roches calcaires.
107. Plusieurs carrières concurrentes se situent à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Chasteaux). Toutefois, ces carrières sont en grande partie des substituts imparfaits aux carrières des parties, puisqu'il s'agit, soit de carrières de granulats éruptifs, soit des carrières ayant une production annuelle très limitée (en tout état de cause inférieure à 100 000 tonnes de granulats).
Zone de Voutezac
108. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de granulats éruptifs de Voutezac, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [40-50] %. Son premier concurrent sur cette zone, la société Basaltes, totalise près d'un quart de la production de granulats de la zone mais n'a pas de capacités de production excédentaires, tandis que les autres concurrents de la zone ont tous des parts de marché inférieures à [10-20] % et des capacités d'extraction disponibles limitées, hormis les groupes Lachaux, Colas et Chaux du Périgord. Toutefois, le groupe Chaux du Périgord ne saurait être considéré comme étant un concurrent des parties, dans la mesure où il ne vend qu'une partie résiduelle de sa production de granulats calcaires à des tiers. Il utilise en effet le calcaire de sa carrière pour produire de la chaux. De plus, seule une des deux carrières du groupe Lachaux, disposant de capacités d'extraction excédentaires limitées, est une alternative crédible proche de la carrière de Voutezac, l'autre carrière sur la zone étant une carrière de granulats alluvionnaires. Ainsi, seul le groupe Colas offre une alternative crédible proche de Voutezac. Toutefois, ses capacités d'extraction excédentaires seraient insuffisantes pour absorber un report massif de la demande provenant des clients des parties. La nouvelle entité sera donc un fournisseur quasi incontournable de la zone et ce d'autant plus qu'elle dispose d'importantes capacités d'extraction excédentaires (de l'ordre de [...] tonnes soit près de la moitié des capacités d'extraction disponibles dans la zone de Voutezac).
109. A la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Voutezac), il n'existe que quatre carrières concurrentes de celles des parties. Parmi ces quatre carrières, seulement l'une d'entre elles produit des granulats éruptifs. Cette carrière appartient au groupe Basaltes. Bien qu'elle dispose de capacités d'extraction excédentaires, elle ne saurait, à elle seule, absorber un report massif de la demande.
b) Effets verticaux
110. Sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers, sur lequel Eurovia est déjà en position de leadership, les parts de marché d'Eurovia sont comprises entre [30-40] % et [50-60] % concernant les enrobés et s'élèvent à [30-40] % concernant les travaux routiers.
Zones de Gimel-les-Cascades et Naves
111. Les carrières de Gimel-les-Cascades et de Naves étant situées à proximité, une seule analyse peut être menée sur ces deux zones. Sur cette zone, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [40-50] %. Les deux principaux concurrents de la nouvelle entité seront les groupes Flamary et Colas, qui représentent respectivement environ [20-30] % et de [10-20] % de la production de granulats sur la zone. Or, les carrières du groupe Flamary sur cette zone ne constituent que des substituts imparfaits aux carrières de Gimel-les-Cascades et de Naves, puisqu'elles ne produisent pas de granulats éruptifs, contrairement aux carrières de Gimel-les-Cascades et de Naves. Les autres concurrents de la nouvelle entité disposeront tous de faibles parts de marché (en tout état de cause inférieures à [5-10] %) et de faibles capacités d'extraction et/ou de carrières n'extrayant pas le même type de roches que Gimel-les-Cascades et Naves. Concernant le groupe Colas, sa carrière située à Saint-Hilaire-Peyroux dispose certes de capacités d'extraction excédentaires, mais celles-ci demeureraient insuffisantes pour absorber un report massif de la demande provenant des clients des parties.
112. Concernant les concurrents situés à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres des carrières de Naves et Gimel-les-Cascades), la plupart d'entre eux ne sont que des substituts imparfaits à la carrière de Naves, puisqu'ils ne produisent pas de granulats éruptifs, tandis que les carrières proposant des granulats éruptifs ont une production annuelle très faible (en tout état de cause inférieure à [...] tonnes de granulats).
Zone de Meuzac
113. Sur la zone de chalandise de la carrière de granulats éruptifs de Meuzac, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [50-60] %. Son premier concurrent sur cette zone est le groupe Basaltes qui utilise la quasi-totalité de ses capacités d'extraction, tandis que ses autres concurrents, hormis le groupe Colas, ont des capacités d'extraction disponibles limitées. Ainsi, même en cas de mobilisation de la totalité des capacités d'extraction excédentaires du groupe Colas, la nouvelle entité continuerait à être un fournisseur incontournable sur la zone de Meuzac, puisqu'elle totaliserait près de la moitié de la production de granulats de la zone.
114. De nombreux concurrents sont implantés à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Meuzac). Toutefois, la très grande majorité d'entre eux produisent des granulats calcaires et non des granulats éruptifs. Seulement trois carrières extraient des granulats éruptifs. Néanmoins, deux d'entre elles ont une production annuelle très faible (inférieure à [...] tonnes de granulats). Seule la carrière Thiviers du groupe Basaltes est une alternative crédible aux carrières des parties mais ses capacités d'extraction excédentaires seraient insuffisantes pour absorber un report massif de la demande provenant des clients des parties.
Zone d'Uzerche
115. Enfin, sur la zone de chalandise de la carrière de granulats éruptifs d'Uzerche, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [30-40] %. La nouvelle entité n'aura que deux concurrents ayant une part de marché supérieure à [20-30] %, les groupes Basaltes et Colas. Or, le groupe Basaltes utilise la totalité de ses capacités de production sur la zone d'Uzerche. Les carrières du groupe Colas disposent de capacités d'extraction excédentaires conséquentes sur la zone (environ [...] tonnes). Toutefois, comme cela a été précédemment indiqué aux paragraphes 54 à 59, l'augmentation des quantités de granulats produites par une carrière est contrainte par d'autres facteurs que par sa capacité d'extraction théorique. En outre, le groupe Colas étant un opérateur verticalement intégré, il ne constituera pas une réelle alternative pour des clients de Tarmac présents sur les marchés des enrobés et des travaux routiers souhaitant s'approvisionner auprès d'un carrier qui ne soit pas en concurrence avec eux sur leurs marchés. Quant aux autres concurrents de la nouvelle entité, ils ne disposent pas ou peu de capacités d'extraction excédentaires et/ou ne produisent pas le même type de granulats que la carrière d'Uzerche.
116. Concernant les concurrents situés à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière d'Uzerche), seule la carrière de Meymac appartenant au groupe Malet produit des granulats éruptifs. Or, il s'agit d'une carrière de petite taille ([...] tonnes de capacités d'extraction annuelles autorisées) et ne disposant que de 50 000 tonnes de capacités d'extraction excédentaires.
117. Sur les quatre zones précitées ainsi que sur celles de Chasteaux et Voutezac, les clients des parties en granulats pourraient être confrontés à des difficultés pour trouver des fournisseurs alternatifs. Selon les parties, ce risque doit être exclu, dans la mesure où les principaux opérateurs présents sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers sur ces zones sont verticalement intégrés. La quasi-totalité des opérateurs présents sur les marchés des enrobés sur ces zones sont effectivement verticalement intégrés ou disposent de participations au sein des mêmes centrales d'enrobés que le groupe Eurovia. Ces derniers ne devraient donc pas être exposés à une politique de discrimination dans leurs accès aux granulats provenant de la nouvelle entité. Seul le groupe Berghaud, présent sur le marché des enrobés dans la zone de Gimel-les-Cascades, avec environ [10-20] % de parts de marché, n'est pas verticalement intégré. Il ne s'approvisionne actuellement pas auprès des parties et sur une zone de 40 kilomètres autour de ce site de production, la nouvelle entité ne représentera que [10-20] % de l'offre de granulats. L'opération n'est donc pas de nature à forclore l'accès des producteurs d'enrobés au marché des granulats dans la région de Sarlat-Tulle. En revanche, les constructeurs de routes non intégrés représentent près de [20-30] % de l'offre totale sur ce marché et, comme ils l'indiquent dans leurs réponses au test de marché, pourraient avoir des difficultés à s'approvisionner en granulats, compte tenu de l'absence de réelle alternative d'approvisionnement.
c) Engagements proposés sur cette zone
118. Afin de remédier à ces effets anticoncurrentiels, les parties se sont engagées à céder la carrière de Voutezac.
119. La carrière de Voutezac étant située à moins de 40 kilomètres des carrières de Chasteaux, Gimel-les-Cascades, Meuzac, Naves et Uzerche, sa cession permettra d'offrir une réelle alternative aux clients des parties. Il s'agit en effet d'une carrière de granulats éruptifs, tout comme l'ensemble des carrières précitées à l'exception de la carrière de Chasteaux, ayant une autorisation annuelle maximale d'extraction de 250 000 tonnes de granulats et située à proximité d'un des principaux bassins de consommation de granulats de la région, l'agglomération de Brives.
120. L'opération avec engagements n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux et verticaux sur les zones de chalandise des carrières de Chasteaux, Gimel-les-Cascades, Meuzac, Naves, Uzerche et Voutezac.
3. DANS LA RÉGION DE DIJON-MÂCON
121. La région de Dijon/Mâcon est une région structurée en longueur sur l'axe Nord-sud qui comprend principalement un gisement de calcaire et des granulats alluvionnaires au Nord de Givry et un gisement de granulats éruptifs et des granulats alluvionnaires au sud de Givry et plus encore de Mâcon. Compte-tenu de ces caractéristiques et de la position des parties, cette région nécessite une analyse à la fois sur le Nord de la région (près de Châlons), et une analyse sur le sud de la région (près de Mâcon).
122. Sur le Nord de la région, Tarmac possède des carrières de calcaire à Mellecey et Montagny-lès-Buxy tandis qu'Eurovia est présent sur la zone au travers de sa participation dans le capital de la société CBS aux côtés du groupe Holcim. CBS possède des carrières de calcaire à Sennecey-le-Grand, La Rochepot, Comblanchien et Chaux.
123. Sur le sud de la région, Tarmac dispose de deux carrières de granulats éruptifs, Igé et Sainte-Cécile, et de deux carrières de granulats calcaires, La Salle et Saint-Martin-Belle-Roche. La présence d'Eurovia est due à la carrière de Sennecey-le-Grand qui appartient à la société CBS.
124. Sur l'ensemble des zones de chalandise des carrières de Tarmac situées dans la région de Dijon-Mâcon, la nouvelle entité disposera de fortes à très fortes parts de marché calculées sur la base de la production totale des carrières présentes dans ces zones (comprises entre [40-50] % et [60-70] %). Ces positions seront dues à la forte implantation de Tarmac sur ces zones, à l'exception de la zone autour de la carrière de Mellecey où Tarmac dispose d'une part de marché de l'ordre de [5-10] % et à la présence non négligeable de CBS. Ces zones doivent ainsi faire l'objet d'un examen détaillé, afin de déterminer si l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux ou par le risque d'une forclusion de l'accès aux granulats.
125. Les parties ont toutefois précisé que la présence du groupe Eurovia dans cette région était uniquement due à sa participation dans le capital de la société CBS aux côtés du groupe Holcim. Or, cette participation bien que lui conférant une influence déterminante, dans la mesure où le groupe Eurovia dispose de droits de veto sur les décisions stratégique de CBS, ne lui permet pas de déterminer la politique tarifaire des carrières de CBS.
126. Toutefois, dans la mesure où, en cas d'augmentation des prix des granulats dans les carrières Tarmac, une partie de la demande se reporterait sur des carrières CBS notamment dans la partie Nord de la région de Dijon-Mâcon et dans la mesure où ces carrières disposent de très importantes capacités d'extraction, une telle augmentation pourrait être bénéfique pour le groupe Eurovia. Ainsi les carrières de Sennecey-le-Grand et La Rochepot sont proches des carrières de Tarmac sur la région et constituent donc les plus proches substituts à ces carrières avec la carrière du Puley, carrière de très petite taille aux capacités excédentaires extrêmement limitées. Eurovia bénéficierait alors au travers de la redistribution de dividendes de CBS d'un éventuel report de la demande émanant des carrières du groupe Tarmac vers celles de CBS.
a) Effets horizontaux
Zones d'Igé, Saint-Martin-Belle-Roche et La Salle
127. La délimitation de zones de 40 kilomètres autour des carrières d'Igé, Saint-Martin-Belle-Roche et La Salle aboutissant à prendre en compte pour l'analyse les mêmes carrières qu'il s'agisse de celles des parties et de leurs concurrents, une seule analyse peut donc être menée pour ces trois carrières.
128. Sur la zone de chalandise des carrières d'Igé, la Salle et Saint-Martin-Belle-Roche, la part de marché de la nouvelle entité, calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone, s'élèvera à environ [50-60] %. Les trois principaux concurrents, les groupes Riffier, RMC et C2B disposent de parts de marché respectives de l'ordre de [10-20] %, [10-20] % et [5-10] %. Toutefois, il ressort de l'instruction du dossier que la carrière du groupe C2B située à Ouroux-sur-Saône est actuellement en cours de réaménagement et n'est plus exploitée. Par ailleurs, le groupe Riffier exploite pleinement ses capacités d'extraction. En outre, la carrière du groupe RMC située sur cette zone ne constitue qu'un substitut imparfait aux carrières d'Igé, La Salle et Saint-Martin-Belle-Roche, puisqu'elle produit des granulats alluvionnaires, tandis que les carrières de Tarmac produisent des granulats calcaires et éruptifs. Enfin, les parts de marché des autres concurrents des parties sur la zone sont très faibles (en tout état de cause inférieures à [5-10] %) et leurs capacités d'extraction excédentaires ne sauraient absorber un report massif de la demande provenant des clients des parties. Ainsi, il sera difficile pour les clients en granulats de cette zone de se passer de la nouvelle entité et cela d'autant plus qu'elle totalisera près de [60-70] % des capacités d'extraction disponibles de la zone.
129. De nombreux concurrents sont situés à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres des carrières d'Igé, la Salle et Saint-Martin-Belle-Roche). Toutefois, seules cinq carrières apparaissent comme étant des réels substituts aux carrières d'Igé, La Salle et Saint-Martin-Belle-Roche. En effet, les autres carrières sont soit à pleine capacité d'extraction, soit produisent des granulats alluvionnaires, soit sont de faible taille. Parmi, les cinq carrières, deux d'entre elles appartiennent au groupe verticalement intégré Appia et sont de taille très modeste, puisqu'elles disposent de capacités annuelles maximales d'extraction de [...] tonnes et [...] tonnes. Les trois autres carrières totalisent ensemble environ [...] tonnes de capacités de production excédentaires, capacités insuffisantes pour absorber un report massif de la demande depuis les carrières des parties.
Zone de Sainte-Cécile
130. Sur la zone de Sainte-Cécile, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [50-60] %. Seuls les groupes Riffier et RMC disposent d'une part de marché supérieure à [10-20] % (respectivement [10-20] % et [10-20] %), les autres groupes disposant de faibles parts de marché (en tout état de cause inférieures à [5-10] %). Toutefois, le groupe Riffier ne dispose pas de capacités d'extraction excédentaires sur cette zone et la seule carrière du groupe RMC présente sur cette zone, la carrière de Montrevel, pourrait augmenter sa production d'au maximum [30-40] %. A supposer qu'une telle augmentation soit rentable pour RMC, l'effet sur l'offre de granulats dans la région demeurerait faible. Les parties ont d'ailleurs estimé que seulement deux de leurs concurrents, les groupes Thivent et Appia, dont les parts de marché sont de [5-10] % et de [0-5] %, disposent chacun d'un peu plus de [10-20] % de l'ensemble des capacités d'extraction excédentaires sur cette zone, alors que la nouvelle entité totalisera environ [50-60] % de ces capacités.
131. La prise en compte de la concurrence exercée par des carrières situées à proximité de la zone de chalandise de la carrière de Sainte-Cécile (à une distance de 40 à 50 kilomètres de cette dernière) ne remet pas en cause l'analyse concurrentielle précédemment menée. En effet, sur une zone élargie, la totalité des carrières concurrentes, hormis celle du groupe Colas, ne produisent pas de granulats éruptifs contrairement à la carrière de Sainte-Cécile, tandis que la carrière du groupe Colas ne dispose pas de capacités d'extraction excédentaires.
Zone de Mellecey
132. Sur la zone de Mellecey, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [60-70] %. Sur cette zone, les parties ont estimé qu'hormis les groupes C2B et Pelichet TP, les autres opérateurs présents ne disposaient pas de capacités d'extraction excédentaires ou que celles-ci étaient très faibles. Toutefois, l'estimation des capacités d'extraction disponibles au sein des carrières du groupe C2B, fournie par les parties, doit être relativisée. En effet, cette estimation prend en compte la carrière d'Ouroux-sur-Saône. Or, cette carrière n'est actuellement plus exploitée. L'autre site du groupe C2B, la carrière de Verjux, ayant absorbé une partie de la production d'Ouroux-sur-Saône ([...] tonnes de granulats par an), la carrière de Verjux ne dispose ainsi plus des [...] tonnes de capacités d'extraction excédentaires estimées par les parties, mais d'environ [...] tonnes de capacités d'extraction excédentaires. Par conséquent, l'estimation des parties selon laquelle le groupe C2B disposerait de la moitié des capacités de production excédentaires sur cette zone ne saurait être retenue. En outre, le groupe Pelichet TP, qui, selon les parties, dispose d'importantes capacités d'extraction excédentaires au sein de sa carrière de Mont-Saint-Vincent, a indiqué que même en cas d'augmentation des prix des granulats par la nouvelle entité, il ne serait pas rentable pour les clients de la nouvelle entité de se reporter vers sa carrière. En effet, les clients de la carrière de Mellecey devraient parcourir non pas 24 kilomètres de plus pour s'approvisionner auprès de la carrière de Mont-Saint-Vincent, estimation fournie par les parties, mais bien plus, en raison de l'interdiction faite aux camions de traverser Givry. Au surplus, cette carrière ne saurait absorber un report massif de la demande depuis les carrières des parties.
133. La prise en compte de la concurrence exercée par des carrières situées à proximité de la zone de chalandise de la carrière de Mellecey (à une distance de 40 à 50 kilomètres de cette dernière) ne remet pas en cause l'analyse concurrentielle précédemment menée. En effet, une seule carrière produit le même type de granulats que la carrière de Mellecey. Or, cette carrière est de petite taille puisqu'elle produit moins de [...] tonnes de granulats par an.
Zone de Montagny-lès-Buxy
134. Enfin sur la zone de Montagny-les-Buxy, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [50-60] %. Toutefois, hormis les groupes C2B et Pelichet TP, il n'existe pas, selon les informations fournies pas les parties, de concurrents ayant des capacités d'extraction disponibles significatives. Or, comme indiqué dans le paragraphe 132, les importantes capacités de production disponibles estimées par les parties concernant le groupe C2B (de l'ordre de [30-40] % des capacités disponibles sur l'ensemble de la zone) ne sauraient être retenues en l'état, compte tenu de la fermeture de la carrière d'Ouroux-sur-Saône. Ainsi, le groupe Pelichet TP qui totalise moins de [0-5] % des capacités d'extraction disponibles de la zone ne saurait absorber un report massif de la demande depuis les carrières des parties.
135. La prise en compte de la concurrence exercée par des carrières situées à proximité de la zone de chalandise de la carrière de Montagny-les-Buxy (à une distance de 40 à 50 kilomètres de cette dernière) ne remet pas en cause l'analyse concurrentielle précédemment menée. En effet, une seule carrière, celle de Comblanchien, produit le même type de granulats que la carrière de Montagny-lès-Buxy Or, le groupe Eurovia est un actionnaire minoritaire de cette carrière (à hauteur de [...] % de son capital) et bénéficierait au travers de la redistribution des dividendes d'un éventuel report de la demande émanant de ses carrières vers celles de Comblanchien.
b) Effets verticaux
136. En outre, compte tenu des fortes parts de marché de la nouvelle entité sur les marchés des granulats dans la région de Dijon-Mâcon, des possibilités de réaction limitées de concurrents et de la présence d'Eurovia sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers, il convient de déterminer si la nouvelle entité sera en mesure de forclore l'accès à l'offre de granulats. Sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers, les parts de marché d'Eurovia sont comprises entre [5-10] % et [20-30] % concernant les enrobés et s'élèvent à [10-20] % concernant les travaux routiers.
137. En ce qui concerne les enrobés, ce risque doit être écarté, selon les parties, dans la mesure où les centrales d'enrobés disposeraient de sources d'approvisionnement alternatives. Elles ont défini des zones de 40 kilomètres autour de chacune des centrales d'enrobés concurrentes du groupe Eurovia et évalué sur chacune de ces zones la part de l'offre de granulats que représenterait la nouvelle entité pour chacune des centrales concernées. Suivant cette méthode, cinq centrales concurrentes ont été identifiées comme étant concernées par l'opération, soit en raison du renforcement d'Eurovia sur leur zone, soit en raison du fait qu'antérieurement seul le groupe Tarmac était présent sur leur zone. Sur deux de ces zones, le groupe Eurovia était initialement absent et Tarmac représentait environ [30-40] % de l'offre de granulats. Toutefois, ces deux zones concernent les centrales de Belleville et La-Chapelle-sur-Dun, appartenant respectivement aux groupes Appia et Thivent, qui disposent de carrières de granulats. Pour la centrale de Pagny appartenant au groupe Rougeot, l'opération ne devrait avoir qu'un faible impact, dans la mesure où, pour elle, Tarmac ne représentait que [0-5] % de l'offre totale sur un rayon de 40 kilomètres.
138. En revanche, l'opération est de nature à avoir un impact concurrentiel négatif sur les centrales de Marcigny-sous-Thil et Torcy, appartenant respectivement aux groupes Colas et Guinot, qui ne disposent pas de carrières sur les zones considérées. Pour le groupe Colas, la nouvelle entité représentera un peu moins de [40-50] % de l'offre de granulats dans un rayon de 40 kilomètres autour de sa centrale de Montceau-les-Mines ([10-20] % de parts de marché concernant le groupe Eurovia et [20-30] % concernant Tarmac). Les parties ont indiqué que cette centrale était à proximité des carrières de Marmagne du groupe GBA, du Puley ainsi que de Mont Saint-Vincent appartenant au groupe Pelichet. Toutefois, il convient de souligner que la première de ces carrières utilise la quasi-totalité de ses capacités de production et que de surcroît le groupe Eurovia détient une participation minoritaire de [...] % dans son capital, tandis que la carrière du Puley est de très faible taille (elle dispose d'une autorisation maximale d'extraction annuelle de 50 000 tonnes de granulats) et ne saurait couvrir l'intégralité des besoins en granulats du groupe Colas. Ainsi, à l'issue de l'opération, les possibilités d'approvisionnement du groupe Colas seront considérablement réduites.
139. En ce qui concerne le groupe Guinot, la nouvelle entité représentera un peu plus de [40-50] % de l'offre de granulats dans un rayon de 40 kilomètres autour de sa centrale de Torcy ([30-40] % de parts de marché concernant le groupe Eurovia et [10-20] % concernant Tarmac). Les parties ont indiqué que cette centrale était située à proximité des carrières de Marmagne, appartenant au groupe Lafarge, du Puley et de Bouhet Cognard. Toutefois, comme précédemment indiqué la carrière de Marmagne exploite la quasi-totalité de ses capacités d'extraction et est détenue de manière minoritaire par le groupe Eurovia, tandis que la carrière du Puley dispose d'une très faible capacité maximale d'extraction et la carrière de Bouhet Cognard est une carrière de roches alluvionnaires et non éruptives, traditionnellement préférées par les producteurs d'enrobés. Ainsi, à l'issue de l'opération, les possibilités d'approvisionnement du groupe Guinot seront considérablement réduites.
140. Sur le marché des travaux routiers, les principaux concurrents présents sur la zone ne disposent pas de carrières de granulats, hormis les groupes Appia et Thivent, qui totalisent respectivement [10-20] % et [5-10] % de parts de marché. Le premier opérateur de travaux routiers, le groupe Colas, avec [20-30] % de parts de marché, ne dispose notamment pas de carrières sur les zones de chalandise définies autour des carrières de Tarmac dans la région de Dijon-Mâcon. La demande en provenance de groupes routiers non intégrés représentant plus de [50-60] % de la demande totale en granulats pour les travaux routiers, l'offre des carriers concurrents des parties ne constitue pas une alternative suffisante.
c) Engagements proposés par les parties
141. Afin de remédier à ces effets anticoncurrentiels, les parties se sont engagées à céder les carrières de la Salle et Montagny-lès-Buxy.
142. La cession de la carrière de Montagny-lès-Buxy, dotée d'une autorisation annuelle maximale d'extraction de 150 000 tonnes de granulats, permettra d'offrir aux clients des parties situés dans la zone de chalandise de cette carrière, mais également à ceux situées dans la zone de chalandise de Mellecey, une alternative réelle pour leur approvisionnement en granulats. En effet, ces deux carrières produisent le même type de granulats (calcaire) et sont situées à environ 10 kilomètres l'une de l'autre. En outre, la carrière de Montagny-lès-Buxy étant située à un peu moins de 40 kilomètres au Nord des carrières d'Igé, la Salle, Saint-Martin-Belle-Roche, elle constituera pour les clients situés au Nord de la zone de chalandise un substitut supplémentaire aux carrières des parties.
143. La cession de la carrière de La Salle aura un effet direct sur les clients situés dans la zone de chalandise de cette carrière mais également sur ceux des carrières de Sainte-Cécile, Igé, et Saint-Martin, compte tenu de la proximité entre ces trois carrières et celle de La Salle. Par ailleurs, la cession de cette carrière permettra d'offrir une alternative d'approvisionnement supplémentaire aux clients situés au Nord des zones de chalandise des carrières de Mellecey et Montagny-lès-Buxy, la carrière de la Salle étant située à une quarantaine de kilomètres des deux carrières précitées.
144. L'opération avec engagements n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux et verticaux sur les zones de chalandise des carrières de Sainte-Cécile, Igé, Saint-Martin, La Salle, Mellecey et Montagny-lès-Buxy.
4. DANS LA RÉGION DE LIMOGES
145. Cette région comprend essentiellement un gisement de granulats éruptifs (dans la continuité du gisement situé au Nord/Nord-Est de Sarlat-Tulle). Quelques carrières de granulats alluvionnaires sont également actives sur cette région et l'on trouve également quelques carrières de calcaire au Sud-Ouest.
146. Sur cette région, centrée sur Limoges, les risques d'atteinte à la concurrence sont uniquement d'ordre vertical, puisqu'Eurovia n'était initialement pas présent en tant que carrier, mais est actif sur les marchés aval des enrobés et des travaux routiers avec des parts de marché s'élevant respectivement à environ [50-60] % et [20-30] %.
147. Eurovia acquiert les quatre carrières les plus proches du centre de Limoges à Condat-sur-Vienne, Verneuil-sur-Vienne, Chaptelat et Royères, qui sont toutes des carrières d'éruptifs, ainsi que trois carrières un peu plus éloignées de granulats éruptifs à Saint-Julien-le-Petit, Champagnac et Meuzac et deux carrières de granulats alluvionnaires à Chaillac-sur-Vienne et Saint-Brice-sur-Vienne, très proches l'une de l'autre. Les différentes zones de livraison des carrières des parties se chevauchent largement notamment en ce qui concerne les quatre carrières autour de Limoges.
148. Les risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'une forclusion de l'accès aux granulats peuvent être écartés sur les zones de chalandise des carrières de Chaillac-sur-Vienne, Champagnac-la-Rivière, Saint-Brice-sur-Vienne et Verneuil-sur-Vienne, en raison des parts de marché limitées de la nouvelle entité sur le marché des granulats à l'issue de l'opération et de la présence de carriers tiers importants. Les zones de chalandise des carrières de Chaptelat, Condat-sur-Vienne, Royères et Saint-Julien-le-Petit doivent en revanche faire l'objet d'un examen plus détaillé, compte tenu des fortes parts de marché de la nouvelle entité à l'issue de l'opération (comprises entre [50-60] % et [70-80] %).
a) Examen par zones
Zone de Chaptelat
149. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Chaptelat, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [70-80] %. Seuls trois autres groupes sont présents sur cette zone. Il s'agit des groupes Delanne, Lafont et Colas dont les parts de marché s'élèvent respectivement à [10-20] %, [10-20] % et [0-5] %. Toutefois, seul le groupe Delanne constituera une véritable alternative aux parties. En effet, les capacités d'extraction excédentaires du groupe Colas apparaissent limitées, tandis que la carrière du groupe Lafont, située à Rochechouart, est relativement éloignée de la carrière de Chaptelat (à environ 34 kilomètres) et est située au sud-est de Limoges, contrairement à la carrière de Chaptelat située au Nord de Limoges. Or, le contournement de Limoges en camion est relativement difficile. En outre, l'opération a pour effet de réduire de trois (Tarmac, Delanne et Lafont) à deux le nombre d'opérateurs indépendants sur cette zone et il ressort du test de marché que certains opérateurs de travaux routiers et producteurs d'enrobés ne souhaitent pas entretenir de relations commerciales avec des fournisseurs qui sont également leurs concurrents à l'aval. Ainsi, même si le groupe Delanne parvenait à absorber un report massif de la demande provenant des carrières de Tarmac et à utiliser pleinement ses capacités d'extraction, la position de la nouvelle entité demeurerait importante sur la zone (en tout état de cause supérieure à 50 %).
150. La prise en compte de la concurrence exercée par des carrières situées à proximité de la zone de chalandise de la carrière de Chaptelat (à une distance de 40 à 50 kilomètres de cette dernière) ne remet pas en cause l'analyse concurrentielle précédemment menée. En effet, ces carrières ne disposent pas de capacités de production excédentaires.
Zone de Condat-sur-Vienne
151. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Condat-sur-Vienne, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [70-80] %. Sur cette zone, les trois seuls concurrents des parties sont les groupes Delanne, Lafont et Malet, entreprise verticalement intégrée, qui disposent de parts de marché s'élevant respectivement à [10-20] %, [10-20] % et [0-5] %. Toutefois, la carrière du groupe Malet a une production annuelle faible (environ [...] tonnes de granulats par an) et les parties n'ont pas été en mesure d'estimer sa capacité d'extraction maximale. De plus, la carrière d'Ambazac du groupe Delanne ne saurait être considérée comme un substitut que pour une partie seulement des clients des parties. Elle est en effet située au Nord est de Limoges alors que la carrière de Condat-sur-Vienne est située au sud ouest de Limoges. Or, comme précédemment indiqué, le contournement routier en camions de Limoges a été jugé comme étant délicat par les répondants au test de marché. Le report vers la carrière d'Ambazac pourrait ainsi être coûteux pour une parties des clients de la carrière de Condat-sur-Vienne, tandis que la carrière de Rochechouart du groupe Lafont ne saurait à elle seule absorber un report massif de la demande provenant des clients de la nouvelle entité. Ainsi, même dans le cas où la carrière de Rochechouart mobiliserait toutes ses capacités de production pour absorber la demande d'une partie des clients insatisfaits de la nouvelle entité, la part de marché de cette dernière demeurerait élevée (supérieure à 50 %).
152. Plusieurs carrières concurrentes sont présentes à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Condat-sur-Vienne). Toutefois, une partie d'entre elles sont soit saturées, soit de faible taille, de sorte que seules les carrières de Thiviers et de Peyrat de Bellac pourraient être en mesure de concurrencer la nouvelle entité. Toutefois, leurs capacités d'extraction excédentaires demeurent limitées pour faire face à un report massif de la demande provenant de clients de Tarmac.
Zone de Royères
153. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Royères, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [70-80] %, les deux seuls concurrents de la nouvelle entité seront les groupes Delanne et Malet, qui disposent de parts de marché s'élevant respectivement à [10-20] % et [0-5] %. La carrière du groupe Malet ayant une faible production comme précédemment indiqué, seul le groupe Delanne constituera une réelle alternative pour les clients des parties. Or, même si le groupe Delanne parvenait à mobiliser l'ensemble de ses capacités de production disponibles sur la zone, il ne pourrait absorber qu'une partie de la demande provenant de la clientèle de la nouvelle entité, de sorte que la nouvelle entité continuerait à totaliser plus de la moitié de la production sur la zone de Royères.
154. Quatre carrières concurrentes sont présentes à la périphérie de cette zone (à une distance de 40 à 50 kilomètres de la carrière de Royères). Toutefois, trois d'entre elles sont de faible taille et/ou disposent de capacités d'extraction excédentaires limitées (en tout état de cause inférieures à 100 000 tonnes de granulats par an). La carrière de Rochechouart appartenant au groupe Lafont apparaît en revanche comme étant une alternative pour une partie des clients des parties. Toutefois, la mobilisation de ses importantes capacités d'extraction disponibles ne saurait contrebalancer que partiellement la très forte position de la nouvelle entité sur la zone.
Zone de Saint-Julien-le-Petit
155. Sur une zone de 40 kilomètres autour de la carrière de Saint-Julien-le-Petit, la part de marché de la nouvelle entité calculée sur la base de la production totale des carrières présentes dans cette zone s'élèvera à environ [50-60] %. Seulement trois groupes concurrents des parties sont présents sur cette zone. Or, parmi ces trois groupes, deux ne constitueront pas une véritable alternative pour les clients des parties. En effet, leurs capacités d'extraction sont saturées, ou quasi-saturées. Ainsi, seul le groupe Delanne avec les carrières d'Ambazac et de Clairavaux apparaît comme étant un substitut pour les clients des parties. Toutefois, ce groupe ne pourrait augmenter sa production annuelle que de [...] tonnes de granulats, de sorte que même dans une telle hypothèse, la nouvelle entité continuerait à totaliser près de la moitié de la production de granulats sur la zone de Saint-Julien-le-Petit.
156. La prise en compte de la concurrence exercée par des carrières situées à proximité de la zone de chalandise de la carrière de Saint-Julien-le-Petit (à une distance de 40 et 50 kilomètres de cette dernière) ne remet pas en cause l'analyse concurrentielle précédemment menée. En effet, ces carrières ne disposent que de capacités de production excédentaires extrêmement limitées.
157. Sur les quatre zones précitées, la nouvelle entité sera ainsi un fournisseur incontournable de granulats. Les clients interrogés dans le cadre du test de marché ont souligné leur difficulté à trouver un fournisseur alternatif à l'issue de l'opération et précisé que l'opération aurait un effet anticoncurrentiel d'autant plus négatif qu'antérieurement à l'opération, Tarmac, principal carrier de la région, n'était pas verticalement intégré. De plus, il ressort des estimations fournies par les parties que la nouvelle entité représentera plus de [50-60] % de l'offre de granulats sur une zone de 40 kilomètres centrée autour de la ville de Limoges et près des trois quarts de l'offre de granulats sur une zone de 40 kilomètres centrée sur la ville de Panazol. Or, des agglomérations comme Limoges, et, dans une moindre mesure, Panazol sont des centres importants de consommation de granulats, notamment pour l'entretien et la construction de routes. Les difficultés d'accès aux granulats des opérateurs de travaux routiers locaux auraient donc un effet significatif sur ce marché. En revanche, le risque de forclusion de l'accès des producteurs d'enrobés au marché des granulats peut être exclu, dans la mesure où dans un rayon de 40 kilomètres autour de chacune des centrales d'enrobés concurrentes des parties, aucune carrière de Tarmac n'est présente.
b) Engagements proposés par les parties
158. Afin de remédier à ces effets de forclusion de l'accès aux granulats sur les zones de Chaptelat, Condat-sur-Vienne, Royères et Saint-Julien-le-Petit, les parties se sont engagées à céder les carrières Royères et Saint-Julien-Le-Petit.
159. La cession de ces deux carrières situées à moins de 40 kilomètres l'une de l'autre et à moins de 40 kilomètres des carrières de Condat-sur-Vienne et Chaptelat permettra d'offrir aux clients des parties deux alternatives proches et crédibles. Il s'agit en effet de carrières de granulats éruptifs ayant des autorisations maximales d'extraction annuelle de 145 000 et 230 000 tonnes de granulats par an, dont l'une (Royères) est située à proximité d'un des principaux bassins de consommation de granulats de la région, l'agglomération de Limoges.
160. L'opération avec engagements n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les zones de chalandise des carrières de Chaptelat, Condat-sur-Vienne, Royères et Saint-Julien-le-Petit.
5. CONCLUSION
161. Au total, les parties se sont engagées à céder les six carrières suivantes :
- dans la région de Châteauroux-Issoudun : la carrière de Pouligny, (Indre) ;
- dans la région de Dijon- Mâcon : la carrière de Montagny-les-Buxy(Saône-et-Loire) et celle de La Salle (Saône-et-Loire) ;
- dans la région de Sarlat-Tulle : la carrière de Voutezac (Corrèze) ;
- dans la région de Limoges : la carrière de Saint Julien Le Petit (Haute-Vienne) e t celle de Royeres (Haute-Vienne).
162. Chacune des carrières sera cédée selon une structure juridique à définir avec le repreneur :
- en cas de filialisation préalable, la nouvelle entité assurera la viabilité de l'activité (transfert de l'arrêté préfectoral, transfert du contrat de foretage, etc.) et disposera d'un délai de [Confidentiel] à compter de la réalisation effective de l'opération notifiée pour conclure un accord de cession avec un repreneur et procéder à la cession effective des carrières concernées ;
- en cas de cession du fond de commerce, la nouvelle entité disposera d'un délai de [Confidentiel] à compter de la réalisation effective de l'opération notifiée pour conclure un accord de cession avec un repreneur et demander l'autorisation de transfert de l'arrêté d'exploitation de la carrière et d'un délai [Confidentiel] à compter de l'obtention de l'autorisation de transfert de l'arrêté d'exploitation de la carrière pour procéder à la réalisation effective de la cession de la carrière.
163. En cas de difficulté pour réaliser l'intégralité des engagements dans le délai de cession prévu ci-dessus, la nouvelle entité confiera un mandat à un ou plusieurs mandataires indépendants chargés de rechercher un ou des repreneurs et de mener les négociations avec les tiers intéressés.
164. Ces cessions auront pour effet de réduire significativement les chevauchements d'activité sur les marchés locaux des granulats dans les régions de Châteauroux-Issoudun, Dijon-Mâcon, et Sarlat-Tulle. Elles réduiront les parts de marché de la nouvelle entité sur les marchés locaux des granulats dans la région de Limoges. Les carrières cédées sont des activités indépendantes, viables et concurrentielles qui permettront aux acquéreurs de concurrencer effectivement et durablement la nouvelle entité sur les marchés de granulats concernés.
165. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les engagements, tels qu'ils ont été soumis le 18 août 2010 et ci-après annexés, permettent de remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans la présente décision.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0091 est autorisée, sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 99, 118, 141 et 158 ci-dessus et annexés à la présente décision.
Notes :
1 Le groupe Vinci réalise à lui seul plus de 100 millions d'euro de chiffre d'affaires en France, Allemagne, République Tchèque et Pologne.
2 En France, les granulats primaires représentaient en 2008 près de 95 % de la production totale de granulats.
3 Lettres du ministre de l'économie C2004-6 du 18 mai 2004, au conseil de la société Financière granulats, relative à une concentration dans le secteur de la production et de la commercialisation de granulats et C2008-14 du 14 mai 2008, aux conseils de la société Colas Est, relative à une concentration dans le secteur des travaux routiers.
4 Décisions de la Commission européenne COMP/M.1827Hanson/Pioneer du 20 mars 2000.
5 Décision de la Commission européenne COMP/M.1827 précitée.
6 Voir par exemple la décision de la Commission européenne COMP/M.5158 Strabag/Kirchhof du 15 juillet 2008 et la décision du ministre C2008-14 précitée.
7 Décision du ministre C2008-14 précitée.
8 Avis du Conseil de la concurrence n°01-A-08 du 5 juin 2001 relatif à l'acquisition du groupe GTM par la société Vinci ; lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n°C2006-03, aux conseils de la société Vinci, relative à une concentration dans le secteur des infrastructures autoroutières et décision du ministre C2008-14 précitée.
9 Décisions du ministre C2006-03 et C2008-14 précitées.
10 Voir notamment la lettre du ministre C2008-116 du 1er décembre 2008, au conseil de la société Fayat, relative à une concentration dans le secteur des travaux publics, du matériel routier et des équipements routiers.
11 Décisions de la Commission européenne IV/M.678 Minorco/Tilcon du 22 décembre 1995, COMP/M.1779 Anglo/Tarmac du 13 janvier 2002, COM/M.1827 Hanson/Pioneer précitée et COMP/M.3754 Strabag/Dywidag du 23 juin 2005.
12 Décision du ministre de l'économie C2008-14 et avis du conseil de la concurrence n°01-A-08 précités.
13 Avis du conseil de la concurrence n°01-A-08 et décisions du ministre C2008-14 précités.
14 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.5158 précitée.
15 Analyse économique transmise à l'Autorité le 12 juillet 2010.
16 Etude du groupe Freedonia de décembre 2009 " Word Construction Aggregates "
17 Les parties ont fourni les structures de coût de 10 carrières où les coûts fixes représentent, d'après leur calcul, entre 34 % et 60 %.
18 Cette carrière n'est plus exploitée car son gisement est épuisé. Désormais cette carrière ne dispose que d'une autorisation de stockage.
19 Cette carrière n'est plus exploitée depuis 2004 en raison du non-renouvellement de l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation.
20 Cette carrière a cessé d'extraire des granulats, l'autorisation administrative ayant expiré en août 2009. La réouverture du site peut être exclue, les réserves estimées de ce site étant insuffisantes.
21 Cette carrière n'a plus de réserves autorisées et ne peut donc plus produire.