Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 11 janvier 2008, n° 05-15365

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Zanardi et Cie (SARL)

Défendeur :

Ragni (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

Mmes Bourrel, Durand

Avoués :

SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils, SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi

Avocats :

Mes Bovier-Lapierre, Renucci

TGI Grasse, du 20 juin 2005

20 juin 2005

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Depuis 1998, la SAS Ragni qui commercialise des équipements d'éclairage public et de décoration avait pour agent commercial sur les départements de l'Ardèche, Drome, Isère, Savoie et Haute-Savoie, la SARL Zanardi et Cie, sans contrat écrit.

Par courrier avec accusé de réception en date du 15 mai 2002 puis du 30 juillet 2002, la SAS Ragni a rompu le contrat à effet du 1er septembre 2002 en invoquant des fautes d'une particulière gravité.

Par exploit en date du 7 octobre 2003, la SARL Zanardi et Cie a assigné la SAS Ragni en paiement de la somme de 59 337,59 euro TTC au titre de l'indemnité de rupture, et de la somme de 2 300 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement du 7 mai 2004, le Tribunal de commerce d'Antibes s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Grasse.

Devant cette juridiction, la SARL Zanardi et Cie a demandé en outre une somme de 5 799,52 euro au titre des commissions dues.

La SAS Ragni a conclu au débouté de la demanderesse, subsidiairement a dit ne pas être opposée à une mesure expertale, et reconventionnellement a sollicité la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

L'Assemblée générale du juin 2004, a décidé la dissolution anticipée et la liquidation amiable de la SARL Zanardi et Cie.

Par déclaration en date du 21 juillet 2005 la SARL Zanardi et Cie représentée par son liquidateur amiable M. René Zanardi a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce de Grasse en date du 20 juin 2005 qui :

- l'a débouté en toutes ses demandes, fins et conclusions.

- a débouté la SAS Ragni de sa demande d'expertise,

- a débouté la SAS Ragni de sa demande de dommages et intérêts jugée non justifiée,

- a condamné la SARL Zanardi et Cie aux entiers dépens et à payer à la SAS Ragni la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

Par conclusions récapitulatives n° 3 en date du 30 mai 2007 qui sont tenues pour entièrement reprises, la SARL Zanardi et Cie demande à la cour :

Vu le Code de commerce en son article L. 134-1 alinéa 1,

Vu la loi 91-593 du 25 juin 1991 et son article 1er,

Vu la loi du 1er janvier 1994,

- d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Grasse en date du 20 juin 2005 en toutes ses dispositions,

- de dire et juger que la SAS Ragni n'apporte pas la preuve de la réalité des quatre griefs inscrits dans la lettre de rupture en date du 30 juillet 2002 avec effet au 1er septembre 2002, qu'ainsi les fautes d'une particulière gravité invoquées par l'intimée ne sont pas établies,

- de lui donner acte de ce qu'elle a toujours contesté la nature et l'existence de ces griefs,

- de constater encore, qu'elle a atteint en l'année 2001 le chiffre d'affaire de 1 937 299 F (295 340 euro) soit à 3 % près celui que revendique la SAS Ragni, qu'en tout état de cause en l'absence de contrat écrit aucun objectif n'a été prévu ni chiffré.

Par voie de conséquence:

- de condamner la SAS Ragni à lui verser en la personne de son liquidateur amiable, René Zanardi, ancien gérant aujourd'hui âgé de 79 ans et ayant fait valoir ses droits à la retraite, la somme de 59 337,59 euro à titre d'indemnités pour rupture abusive de son contrat d'agent commercial, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 15 avril 2003,

- de condamner en outre la SAS Ragni à lui payer la somme de 5 709,52 euro représentant le montant de l'arriéré des commissions dû au mois de septembre 2002 non versé lors de la rupture (ayant pris effet le 1er septembre 2002) avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité,

- de condamner encore, la SAS Ragni à lui verser une indemnité de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses uniques conclusions en date du 19 octobre 2006, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SAS Ragni demande à la cour :

Vu les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Grasse le 20 juin 2005,

- de confirmer le dit jugement en ce qu'il a débouté la SARL Zanardi de ses entières demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le dit jugement en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive.

En conséquence

- de condamner la société Zanardi au paiement d'une somme de 5 000 euro pour abus de droit d'ester en justice,

- de condamner la société Zanardi au paiement de la somme de 1 500 euro par application des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'instruction de l'affaire a été close le 30 octobre 2007.

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que les éléments soumis à la cour ne lui permettent pas d'en relever d'office d'irrégularité.

Attendu qu'en cas de cessation des relations avec le mandant, l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial.

Qu'en l'espèce dans sa lettre de rupture en date du 30 juillet 2002, la SAS Ragni a invoqué quatre fautes qu'elle estime particulièrement graves.

Que deux griefs constituant une faute grave sont établis.

Qu'en effet, en l'absence de tout justificatif elle ne rapporte pas la preuve que la clientèle ait émis des récriminations sur les services rendus par l'entreprise Zanardi.

Que les objectifs n'ayant jamais été fixés par écrit, et à défaut de produire un quelconque document pouvant conforter ses dires, l'intimée ne prouve pas non plus que la SARL Zanardi n'a pas atteint les objectifs qui lui auraient été fixés.

Que toutefois, le rapprochement des lettres en date du 14 février 2002, du 4 mars 2002 et du 15 mai 2002 de la SAS Ragni à la société Zanardi et Cie et la réponse de celle-ci en date du 18 mars 2002 aux deux premiers courriers démontre que l'agent commercial ne répondait plus aux demandes téléphoniques de son mandant et n'était pas joignable.

Que surtout, la comparaison des chiffres d'affaires réalisés par la SARL Zanardi et Cie en 2000, soit 240 120,92 euro, en 2001 soit 295 339,33 euro, sur les 9 mois, premiers mois de 2002 soit 113 185 euro, avec ceux de son successeur M. Hidalgo en 2003 soit 609 308 euro, démontre aussi l'insuffisance de prospection du territoire qui lui était confié.

Que l'augmentation du chiffre d'affaires entre 2001, meilleure année produit par la SARL Zanardi et Cie en 2003, première année de M. Hidalgo, est de 106,30 %.

Qu'en outre, la comparaison des résultats département par département apporte la preuve que l'Ardèche, la Drome, la Savoie et la Haute-Savoie n'étaient plus prospectées au même niveau que l'Isère, département de résidence de l'agent.

Que la SAS Ragni prouve donc que la SARL Zanardi et Cie délaissait son mandat et qu'elle a failli à l'obligation d'information de son mandant, portant un préjudice certain à l'activité de celui-ci, ce qui constitue des fautes graves justifiant la rupture des relations à ses torts.

Qu'en conséquence la SARL Zanardi et Cie sera déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice.

Attendu que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque l'opération commerciale a été conclue pendant la durée du contrat d'agence et que l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Qu'en l'espèce, la SARL Zanardi et Cie revendique des commissions relatives à des commandes qui ont toutes été passées postérieurement au 1er septembre 2002.

Qu'en effet dans ses écritures, elle a dressé un tableau des commissions qui lui seraient dues ne mentionnant aucune date, mais qui après un examen attentif des pièces produites se complète ainsi :

- régie de Thônes commande du 6 février 2003

- Ceta commande du 22 septembre 2002

- Cegelec commande du 8 novembre 2002

- Chabuel commande du 6 septembre 2002

- Spi-Trindel commande du 18 septembre 2002

- Chambéry 1 commande, aucune pièce de produite

- Chambéry 2 commande du 1er octobre 2002

- Degeneve commande du 27 novembre 2002

- Gem commande du 6 novembre 2002

- EGPI 38 commande du 13 septembre 2002

- EGBL commande du 6 septembre 2002

Qu'il suit de là que les commandes de la société Ceta du 22 septembre 2002, de la société Chabuel du 6 septembre 2002, de la société Spi-Trindel du 18 septembre 2002, de la société EGPI 38 du 13 septembre 2002 et de la société EGBL du 6 septembre 2002 donnent droit à commission comme étant principalement dues au travail de la SARL Zanardi et Cie et conclues dans un délai raisonnable.

Que la commande du 27 novembre 2002 mentionne qu'elle fait suite à l'offre du 9 juillet 2002.

Que la commission relative à cette commande de 371,47 euro HT est donc due.

Que pour les autres commandes, en l'absence de bon de commande antérieur à la rupture et de toute explication de l'appelante, les commissions ne sont pas dues.

Qu'en conséquence, en l'absence de contestation sur le quantum des commissions demandées affaire par affaire, la SAS Ragni sera condamnée à payer à la SARL Zanardi et Cie la somme de 1 480,09 euro TTC aux titres des commissions dues, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance.

Attendu qu'il ne résulte pas des faits exposés et de la solution retenue par la cour que la SARL Zanardi et Cie aurait commis un abus de droit.

Que la SAS Ragni sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Attendu qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais qu'elle a engagé et non compris clans les dépens.

Que cependant, la SARL Zanardi et Cie étant en majorité succombante, supportera seule les entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort. Reçoit l'appel de la SARL Zanardi et Cie représentée par son liquidateur amiable, M. René Zanardi, et l'appel incident de la SAS Ragni ; Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SARL Zanardi et Cie de sa demande d'indemnité compensatoire de rupture ; Réforme pour le surplus et statuant à nouveau : Condamne la SAS Ragni à payer à la SARL Zanardi et Cie la somme de 1 480,09 euro HT avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2003 au titre des commissions ; Déboute la SAS Ragni de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC ; Condamne la SARL Zanardi et Cie aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SCP Tollinchi-Perret-Vigneron qui en aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.