Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-69.208
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Algaflex (SAS)
Défendeur :
Tartar
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocats :
SCP de Chaisemartin, Courjon, Me Bertrand
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2009), que M. Tartar a conclu le 1er janvier 1998 un contrat d'agent commercial avec la société Algaflex par lequel celle-ci lui confiait l'exclusivité de la représentation des murs mobiles et des cloisons extensibles dans treize arrondissements parisiens ainsi que dans les départements de Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise et de l'Aisne en contrepartie de la réalisation d'un minimum de chiffre d'affaires annuel; que la société Algaflex ayant mis fin au contrat, M. Tartar l'a assignée en paiement de diverses sommes;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que la société Algaflex fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture intervenue le 4 août 2005, à son initiative, du contrat d'agent commercial revêtait un caractère abusif et d'avoir en conséquence condamné cette société à payer à M. Tartar, en deniers ou quittances valables, les sommes de 169 616,50 euro au titre de l'indemnité de cessation de contrat, sous réserve de la somme de 50 000 euro allouée en première instance et 15 866 euro HT, augmentée de la TVA, au titre de l'indemnité de préavis, alors, selon le moyen : 1°) que dans ses conclusions d'appel, la société Algaflex avait fait valoir que la baisse du chiffre d'affaire de M. Tartar était imputable à ses activités parallèles, l'agent commercial exerçant l'activité de magnétiseur/magnétologue et les fonctions de secrétaire du syndicat des magnétologues, premier adjoint au maire de Citry et vice-président de la commission urbanisme; qu'en retenant pourtant que la société Algaflex se bornait à exciper de la baisse du chiffre d'affaires de M. Tartar, pour en déduire qu'elle devait être regardée comme ne rapportant pas la preuve d'une méconnaissance par son agent de l'obligation de moyen mise à sa charge d'assurer sa représentation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile; 2°) qu'en tout état de cause, la baisse du chiffre d'affaires ou la perte de clients constituent une faute grave exclusive du versement des indemnités compensatrices de préavis et de cessation de contrat, lorsque le mandant prouve qu'elle sont dues à une activité insuffisante de l'agent commercial qui n'a pas exécuté son mandat en bon professionnel; que dès lors en l'espèce, en se bornant à retenir que la société Algaflex, qui se serait contentée d'exciper de la baisse du chiffre d'affaires de M. Tartar, devait être regardée comme ne rapportant pas la preuve d'une méconnaissance par son agent commercial de l'obligation de moyen mise à sa charge d'assurer sa prestation, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette baisse du chiffre d'affaires n'était pas due à une activité insuffisante de M. Tartar, qui exerçait parallèlement une activité de magnétiseur/magnétologue ainsi que la fonction de secrétaire du syndicat des magnétologues, premier adjoint au maire de Citry et vice-président de la commission urbanisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-11 et L. 134-13 du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la baisse du chiffre d'affaires reprochée à l'agent s'explique par l'atteinte portée par la société Algaflex à l'exclusivité dont il bénéficiait du fait de son contrat et, notamment, par le détournement par celle-ci de marchés qui relevaient de son secteur; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel, qui, sans modifier l'objet du litige, a implicitement mais nécessairement considéré que la baisse de chiffre d'affaires n'était pas causée par les activités parallèles de M. Tartar, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen : - Attendu que la société Algaflex fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Tartar, en deniers ou quittances valables, les sommes de 19 244,98 euro HT au titre d'arriéré de commissions et 10 300 euro HT au titre de la commission sur l'affaire de maintenance de "l'Hôtel New-York", alors, selon le moyen : 1°) qu'il incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver; qu'en l'espèce, il incombait ainsi à M. Tartar de rapporter la preuve que les conditions requises par l'article 7 du contrat d'agent commercial du 1er janvier 1998 pour un taux de commission de 10 % étaient remplies, ce qui impliquait qu'il établisse avoir assuré intégralement le suivi de chantier des affaires litigieuses ; qu'en considérant pourtant qu'il incombait à la société Algaflex de démontrer la nature " importante et complexe " de chaque affaire, soit d'établir que M. Tartar ne pouvait prétendre à un taux de commission de 10 %, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 2°) qu'en tout état de cause, l'article 7 du contrat d'agent commercial du 1er janvier 1998, prévoyait que pour les Murs Mobiles, " le taux de commission est fixé à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé par l'agent sur son secteur géographique pour les affaires traitées à plein tarif et dont le suivi de chantier sera assuré intégralement par l'agent (prises de mesures et de cotes, réunions de chantier et de coordination, interventions pour le règlement, etc...) " et que " pour des affaires importantes ou complexes qui nécessitent une intervention de nos techniciens, le taux est fixé à : 7,5 % "; qu'un taux de 7,5 % s'appliquait ainsi aux affaires importantes ou complexes qui étaient définies comme celles qui nécessitaient une intervention des techniciens de la société Algaflex; qu'en considérant pourtant que la société Algaflex ne pouvait se prévaloir de l'intervention de l'un de ses techniciens pour appliquer le taux de commission de 7,5 %, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que dans ses conclusions d'appel signifiées le 6 avril 2009, la société Algaflex faisait valoir que " non seulement le secteur de M. Tartar n'a pas été modifié mais de plus la société Algaflex n'a jamais violé la clause d'exclusivité prévue au contrat " ; qu'en retenant pourtant qu'" il est constant (que la société Algaflex) a, elle-même, méconnu l'exclusivité dont bénéficie M. Tartar en ne lui transmettant pas les affaires ressortant pourtant de son secteur ", pour en déduire que cette société ne pouvait se prévaloir de l'intervention de l'un de ses techniciens pour appliquer le taux de 7,5 %, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile; 4°) qu'une simple pratique ne saurait être constitutive d'un droit à commission, que dès lors en l'espèce, en se fondant sur " un pratique des commissions sur les affaires de maintenance " soulignée par l'expert, pour allouer à M. Tartar une commission correspondant à l'affaire de maintenance de l'" Hôtel New-York ", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir, dans l'exercice de son pouvoir souverain, retenu que le taux de commission de 7,5 % était un taux spécial dérogatoire, la cour d'appel en a justement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il incombait à la société Algaflex de démontrer la nature importante ou complexe de chaque affaire;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas dit que la société Algaflex reconnaissait avoir méconnu l'exclusivité dont bénéficiait son agent mais qu'elle y avait porté atteinte, a fait l'exacte application du contrat en retenant que la société Algaflex devait rapporter la preuve de la complexité ou de l'importance de chaque affaire pour appliquer un taux de commission de 7,5 % et ne pouvait se limiter à se prévaloir de l'intervention de l'un de ses techniciens ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des écritures de la société Algaflex devant la cour d'appel qu'elle ait contesté que les opérations de maintenance ouvraient droit au paiement d'une commission ; que le grief est nouveau et mélangé de fait et de droit; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus;
Et attendu que les troisième et quatrième branches du premier moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.