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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 novembre 2010, n° 09-01570

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Kiffer Limited (Sté)

Défendeur :

Baccarat (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Petit Lesénéchal

Avocats :

Mes Boisgard, Bourthoumieu

T. com. Paris, du 26 nov. 2008

26 novembre 2008

LA COUR,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 novembre 2008 qui a débouté la société M. Kiffer Limited de ses demandes, notamment de dommages et intérêts, formulées à l'encontre de la société Baccarat pour rupture brutale des relations commerciales existant entre ces deux sociétés, et qui a condamné la société M. Kiffer Limited à payer à la société Baccarat la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel de la société M. Kiffer Limited et ses conclusions du 27 janvier 2010 par lesquelles elle demande notamment à la cour de constater l'absence de livraison fautive de la part de la société Baccarat, la rupture brutale des relations commerciales entre les deux parties aux torts exclusifs de la société Baccarat ainsi que l'absence de toute cause exonératoire de responsabilité, en conséquence infirmer le jugement, statuant à nouveau condamner la société Baccarat à payer à lui payer la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Baccarat du 6 novembre 2009 qui demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant de condamner la société M. Kiffer Limited à lui payer la somme de 10 000 euro pour appel abusif et la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Baccarat a entretenu des relations commerciales suivies depuis 1994, avec la société M. Kiffer Limited, société de droit israélien, qui distribuait les produits "Baccarat" en Israël; que suivant courrier électronique envoyé à la société Baccarat le 6 décembre 2004, la société M. Kiffer Limited a passé une commande de plusieurs pièces; que ce même jour la société Baccarat accusait réception, par courrier électronique, de cette commande d'un montant total de 55 350,60 euro, portant confirmation de celle-ci; que s'agissant d'une commande ferme et définitive acceptée par la société Baccarat, celle-ci était tenue de livrer les produits commandés; que la société Baccarat pour s'exonérer de la non-exécution de son engagement excipe de ce que cette marchandise était destinée à alimenter le marché parallèle, la société M. Kiffer Limited violant ainsi son engagement de ne pas alimenter ce marché;

Mais considérant qu'il n'est versé aux débats aucun courrier de la société Baccarat, préalable à cette commande, adressée à la société M. Kiffer Limited, exposant une quelconque suspicion sur ce sujet ; que par ailleurs la société Baccarat ne verse aux débats aucun élément précis et circonstancié permettant d'établir que la société M. Kiffer Limited ait effectivement vendu des produits "Baccarat" dans un marché parallèle ou qu'elle destinait la commande litigieuse à un tel marché; que par ailleurs le rapport d'enquête privée versé aux débats qui date de 2006, soit plus de deux années après les faits litigieux, ne caractérise pas une revente de produits "Baccarat" aux Etats-Unis par la société M. Kiffer Limited, ce rapport procédant par affirmations non étayées de pièces probantes; qu'il s'ensuit que la société Baccarat a commis une faute en ne livrant pas les pièces litigieuses et doit être condamnée à réparer le préjudice en résultant, à savoir la perte de marge brute que la société M. Kiffer Limited aurait obtenue en vendant ces produits à sa clientèle, marge qui sera évaluée à la somme de 18 450 euro compte tenu de la nature des produits et du montant de la commande;

Considérant que la société M. Kiffer Limited forme également une demande en dommages et intérêts à l'encontre de la société Baccarat pour rupture brutale des relations commerciales ayant existé entre les deux sociétés ;

Mais considérant que le fait que la société Baccarat ait refusé d'exécuter son obligation de livraison dans une commande singulière n'est pas suffisant à établir sa volonté de rompre la relation commerciale qu'elle entretenait depuis 1994 avec la société M. Kiffer Limited; qu'il n'est pas versé aux débats de courriers ou tout autre élément manifestant une volonté de la société Baccarat de rompre ces relations; que la société M. Kiffer Limited n'établit pas davantage qu'elle lui ait passé une autre commande postérieurement à la commande litigieuse, qui lui aurait été refusée; qu'enfin le seul silence de la société Baccarat sur le courrier de la société M. Kiffer Limited du 6 décembre 2004 aux termes duquel celle-ci indiquait à la première qu'il avait été porté a sa connaissance que la société Baccarat avait décidé "brutalement et sans préavis de cesser toute relation commerciale" ne saurait s'analyser comme une manifestation de volonté de cette dernière de rompre ces relations ; qu'au regard de ces éléments et des motifs non contraires du premier juge que la cour adopte, la société M. Kiffer Limited sera déboutée sa demande en dommages et intérêts pour rupture abusive de relations commerciales établies ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société M. Kiffer Limited la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant qu'étant fait droit partiellement aux demandes de l'appelant, l'appel ne saurait être considéré comme abusif; que la demande formée de ce chef sera donc rejetée.

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a entièrement débouté de ses demandes la société M. Kiffer Limited et l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Baccarat à payer à la société M. Kiffer Limited la somme de 18 450 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes. Condamne la société Baccarat au paiement des dépens de l'appel et de ceux exposés en première instance avec recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.