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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 novembre 2010, n° 08-12372

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Monécole (SARL), Benoit (ès qual.)

Défendeur :

Teamnet (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

Mes Cordeau, Huyghe

Avocat :

Me Bouzidi

T. com. Paris, du 31 mai 2006

31 mai 2006

La société Monécole est propriétaire d'un logiciel de gestion scolaire et périscolaire, dit Monecole.com, qu'elle a développé.

Par contrat en date du 24 octobre 2003, la société Tegelog, aux droits de laquelle vient la société Teamnet, a confié à la société Monécole la réalisation d'un progiciel de gestion de crèches, Macrèche.com, Tegelog devenant propriétaire des résultats de la prestation, à l'exception du noyau, qui restait la propriété de Monécole.

Peu après, les parties ont conclu un contrat commercial de distribution au terme duquel chacune des parties distribuait de façon non exclusive les logiciels de l'autre, la distribution de Macrèche.com par Monécole étant cependant limitée aux villes de moins de 5 000 habitants.

Courant mai 2004, la société Teamnet a réalisé les tests sur le logiciel délivré par Monécole et lui a indiqué que la version livrée n'est pas exploitable.

Sur demande de ses autres clients, la société Monécole a apporté des modifications supplémentaires au logiciel Macrèche sans l'accord préalable de Teamnet pour un montant de 5 100 euro HT que cette dernière a refusé de régler.

Dans un courrier du 19 octobre 2004, la société Teamnet a reproché à la société Monécole d'avoir omis de lui remettre la version la plus récente du progiciel.

Le 29 décembre 2004, la société Teamnet a accusé réception de la nouvelle version du logiciel Macrèche.com avec les améliorations.

Par une lettre du 3 février 2005, la société Teamnet a mis en demeure Monécole de lui livrer la totalité des codes sources, son absence rendant la version livrée inexploitable selon elle.

La société Teamnet a fait constater les anomalies du logiciel remis en décembre 2004 et invoque une facture du 31 décembre 2004, impayée, d'un montant de 5 181 euro correspondant aux ventes réalisées par la société Monécole en 2004 dans le cadre du contrat de distribution.

C'est dans ces conditions que la société Teamnet a assigné Monécole en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Toulouse qui a relevé une contestation sérieuse et par une ordonnance du 21 juillet 2005, a débouté Teamnet de l'ensemble de ses demandes.

Cette dernière a assigné alors à bref délai la société Monécole devant le Tribunal de commerce de Paris, par acte du 8 décembre 2005, afin de voir constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de celle-ci.

Par jugement du 31 mai 2006, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent pour les questions relatives à la non-conformité de la livraison initiale du progiciel Macrèche.com et à la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société Monécole au profit du Tribunal de commerce de Toulouse et a :

- condamné la société Monécole à payer à la société Teamnet la somme de 5 181 euro, outre les intérêts au taux légal, en paiement d'une facture impayée avec capitalisation des intérêts,

- résilié le contrat de distribution de 10 mars 2004,

- ordonné à la société Monécole de restituer à la société Teamnet tous les supports de vente du progiciel Macrèche.com en sa possession,

- dit que les contrats d'utilisation du progiciel Macrèche.com conclus par la société Monécole pourront se poursuivre jusqu'à leur terme,

- enjoint la société Monécole de ne plus exploiter le progiciel Macrèche.com sauf pour la poursuite des contrats en cours sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée,

- condamné la SARL Monécole à verser à Teamnet les sommes de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts et 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la SARL Monécole et par Maître Olivier Benoît en qualité de mandataire liquidateur de ladite société le 23 juin 2006;

Vu les conclusions signifiées le 23 juin 2008, par lesquelles Maître Benoit ès qualités, intervenant volontaire demande à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire, d'infirmer le jugement entrepris et de constater que la facture du 31 décembre 2004 n'était pas conforme aux exigences légales quant au détail des sommes réclamées et qu'à défaut de règlement des améliorations apportées au logiciel, la société Teamnet ne peut prétendre être propriétaire des évolutions, améliorations du logiciel "Macrèche.com " et de son noyau, que la société Teamnet ne rapporte pas la preuve de son préjudice et en tout état de cause, de condamner la société Teamnet à régler à la société Monécole la somme de 7 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

Vu les conclusions signifiées le 13 janvier 2009 par lesquelles la société Teamnet demande à la cour de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monécole à lui payer le somme de 5 181 euro outre les intérêts en paiement d'une facture impayée et a prononcé la résiliation du contrat de distribution de 10 mars 2004, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de fixer la créance de Teamnet au passif de Monécole à la somme de 105 116 euro en réparation de son préjudice et de liquider l'astreinte à 36 900 euro;

Vu l'arrêt de la cour d'appel en date du 1er juillet 2010, par lequel elle a ordonné la réouverture des débats pour production des décisions rendues par le Tribunal de commerce de Toulouse, le cas échéant par la cour d'appel, sur les questions relatives au contrat de prestations en date du 24 octobre 2003 conclu entre les sociétés Teamnet et la société Monécole ;

Sur ce,

Sur la facture litigieuse

Considérant que Me Benoist ès qualités fait valoir que la facture du 31 décembre d'un montant de 5 181 euro n'est pas conforme aux exigences légales quant aux sommes réclamées, Teamnet faisant observer que celle-ci a été établie en fonction des seuls éléments communiqués par Monécole ;

Considérant que l'article L. 441-3 du Code de commerce dispose que " la facture doit mentionner la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des prestations et des produits vendus " ;

Considérant que la facture litigieuse en distinguant seulement les redevances dues sur activation du progiciel et celles dues sur les loyers perçus sans autre précision ne respecte pas ces dispositions ;

Considérant qu'il y a lieu de rejeter la demande en paiement de la société Teamnet dès lors qu'elle ne repose que sur cette facture et de réformer le jugement entrepris;

Sur la résiliation du contrat de distribution :

Considérant que l'article 17 du contrat de distribution fait obligation à Monécole d'informer Teamnet "de toutes ses propositions commerciales faites sur ses clients dans le cadre du présent contrat"; Que l'article 21 prévoit la possibilité de résilier le contrat à l'issue d'une mise en demeure restée infructueuse dans un délai de 60 jours ;

Considérant que Monécole n'a donné aucune suite à la mise en demeure qui lui a été adressée le 23 août 2003 et qui avait pour objet de lui demander l'état de ses ventes;

Qu'elle a communiqué un état précis de ses ventes de l'année 2005 seulement le 25 janvier 2006 soit en cours d'instance;

Considérant qu'ainsi elle a manqué à son devoir d'information et de loyauté ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont constaté la résiliation du contrat de distribution en raison du comportement fautif de Monécole.

Sur la liquidation de l'astreinte

Considérant que les premiers juges ont enjoint à la société Monécole de restituer tous les supports de vente du progiciel Macrèche.com en sa possession, de lui communiquer un état des ventes de ce progiciel réalisées depuis 2004 et de lui livrer la version qu'elle exploite sur son site avec toutes les évolutions sous astreinte de 300 euro par jour de retard;

Considérant que Me Benoit ès qualités fait valoir qu'à défaut d'avoir été réglée, Monécole ne peut être tenue de restituer les codes sources et le noyau du logiciel " Macrèche.com ";

Considérant que la condamnation des premiers juges vise les supports de vente, pièces et logiciels détenus par Monécole ; que celle ne conteste pas avoir procédé à une commercialisation dans le cadre du contrat de distribution;

Que la société Monécole n'a procédé à aucune restitution en dépit du commandement de restituer qui lui a été délivré le 2 août 2006 ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné Monécole à restituer les supports de vente du progiciel Macrèche.com, la version de ce progiciel qu'elle exploite avec ses évolutions sous astreinte ;

Considérant que la société Monécole n'a plus d'activité ; qu'il y a lieu à liquider l'astreinte et à fixer son montant à 20 0005 ;

Sur le droit de propriété de Teamnet sur le progiciel Macrèche.com

Considérant que Teamnet fait valoir qu'elle a réglé la somme de 132 276,40 euro et qu'elle a écrit le 29 décembre 2004 à Monécole " je vous rappelle que nous avons payé la totalité des factures concernant le développement de ce produit et donc que nous sommes propriétaires de l'intégralité des droits y afférents " ;

Que l'article 16 du contrat de distribution a précisé " chacune des parties reconnaît expressément que les progiciels de l'autre partie ainsi que toutes les adaptations, transpositions, améliorations sous quelque forme que ce soit demeurent sa propriété industrielle... Ainsi Monécole reconnaît que les progiciels Axel et Macrèche ainsi que toutes les adaptations, transpositions, améliorations sous quelque forme que ce soit demeurent la propriété industrielle de Tegelog " ;

Considérant que si le contrat de distribution est sans équivoque sur les droits de chacune des parties, il ne peut être dissocié du contrat de prestation de service en ce sens que celui-ci avait pour objet la mise au point du progiciel Macrèche;

Considérant que la cour n'est saisie que du contentieux de résiliation du contrat de distribution et n'est pas compétente pour statuer sur l'obligation de délivrance résultant de l'exécution du contrat de prestation.

Sur le préjudice de Teamnet

Considérant que si Teamnet expose que, sous couvert de contrat qualifié de vente de logiciels informatiques, la société Monécole a cédé en réalité son fonds de commerce à la société I Cap qui propose sous la dénomination de Cap Crèche des produits identiques au sien ; qu'il s'agit d'une question de contrefaçon distincte du contentieux dont est saisie la cour;

Considérant qu'il s'ensuit que le préjudice de Teamnet résultant de l'exécution de mauvaise foi du contrat de distribution s'analyse dans l'impossibilité pour elle d'établir une facturation conforme des ventes réalisées par Monécole, d'en percevoir le montant et d'assurer la distribution du produit mis au point par Monécole ; que ce préjudice sera fixé par la cour à la somme de 20 000 euro ;

Et considérant que la société Teamnet a dû engager des frais non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Donne acte à Me Benoit de son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Monécole, Réforme partiellement le jugement entrepris, Rejette la demande en paiement de la société Teamnet au titre de la facture du 31 décembre 2003 d'un montant de 5 181 euro, Confirme le jugement pour le surplus sauf à y ajouter, Liquide le montant de l'astreinte à 10 000 euro et dit qu'il appartiendra à Teamnet de produire pour cette somme, Fixe à 20 000 euro le montant des dommages-intérêts et dit qu'il appartiendra à Teamnet de produire pour ce montant, Condamne Me Benoit ès qualités à payer la somme de 5 000 euro à la société Teamnet au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamne aux dépens qui seront recouvrés comme en matière de procédure collective.