CA Aix-en-Provence, 2e ch., 11 mars 2010, n° 08-03694
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vanam (SAS)
Défendeur :
Nike European Operations Netherlands BV (Sté), Nike France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Cohen-Guedj
Avocats :
Me Brunswick, Thibault
La SAS Vanam en qualité de " grossiste déstockeur " a assuré à partir de 1986 pour le compte du " Groupe Nike " la distribution d'articles, de chaussures, d'accessoires et d'équipements de sport dans des circonstances et pour un volume aujourd'hui controversés. De 1986 à 2000 (mai 2000), avec une interruption de 1994 à 1997, la SAS Vanam a entretenu des relations commerciales avec la SAS Nike France qui lui facturait les fournitures de marchandises dites de " sur stock ", puis à partir des mois de mai/juin 2000 avec la société Nike European Operations Netherlands BV, société de droit néerlandais, la SAS Nike France devenant alors l'agent de marketing de la société Nike European Operations Netherlands BV. La relation commerciale a pris fin dans des circonstances et à une date aujourd'hui controversées, fin 2002/1er semestre 2003. La SAS Nike France avait imputé, le 15 octobre 2002, à la SAS Vanam des faits de contrefaçon d'articles de sport (maillots de football faisant l'objet d'une saisie douanière), la SAS Vanam établissant le caractère authentique des articles de sport argués de contrefaçon.
Par un arrêt définitif en date du 20 septembre 2005, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le cadre d'une action distincte, condamnait la SAS Nike France à payer à la SAS Vanam divers dommages et intérêts en réparation du préjudice que cette dernière avait éprouvé notamment pour l'atteinte à sa réputation commerciale découlant de l'accusation non fondée de contrefaçon (150 000 euro).
Par jugement contradictoire en date du 14 février 2008, le Tribunal de commerce de Marseille, sur assignation délivrée, le 6 mars 2006, par la SAS Vanam en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale et/ou fautive des relations commerciales entretenues avec les sociétés du " Groupe Nike ", tenues in solidum, * a mis hors de la cause la SAS Nike France au motif de l'absence de relations commerciales entre la SAS Vanam et la SAS Nike France depuis 2000 et * a débouté la SAS Vanam de sa demande dirigée contre la société Nike European Operations Netherlands BV au motif de l'absence de relations commerciales établies entre les parties, relations qualifiées de " spécifiques et aléatoires " par les premiers juges, le tribunal statuant sur le seul fondement de l'article L. 442-6 I 5 ° du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001. Le Tribunal de commerce de Marseille a condamné la SAS Vanam à payer à chacune des deux sociétés défenderesses la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SAS Vanam a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998.
Vu les prétentions et moyens de la SAS Vanam dans ses conclusions récapitulatives n° 3 en date du 2 février 2010 tendant à faire juger :
- que la SAS Nike France et la société Nike European Operations Netherlands BV doivent être tenues in solidum à réparation eu égard aux relations qu'elles ont entre elles, le changement de " statut " de la SAS Nike France intervenu en 2000, passant d'un " statut " de commissionnaire (agent commercial) à celui d'agent de marketing (simple mandataire) étant inopérant et la fonction commerciale de la SAS Nike France auprès de la SAS Vanam étant demeurée inchangée, le fait qu'il existe deux entités juridiques distinctes étant indifférent pour apprécier la relation commerciale existant entre la SAS Vanam, distributeur de produits de marque Nike et les sociétés du Groupe Nike,
- que, au principal, la SAS Nike France et la société Nike European Operations Netherlands BV devront répondre de leur faute respective dans la rupture de la relation commerciale d'une durée de 14 années (déduction faite de la période 1994/1997), qui a pour origine l'accusation infondée de contrefaçon, les sociétés du Groupe Nike refusant de livrer la SAS Vanam au fallacieux prétexte de vouloir traiter avec des déstockeurs " plus fiables ou plus sérieux ",
- que la rupture fautive des relations commerciales lui a causé un préjudice consistant en la perte de chiffre d'affaires direct et la perte incidente de chiffre d'affaires avec les autres clients acheteurs de produits de plusieurs marques, la disparition de la marque emblématique conduisant des clients à reporter tous leurs achats auprès d'un autre déstockeur, soit un total une somme de 2 814 467 euro,
- subsidiairement, que la SAS Nike France et la société Nike European Operations Netherlands BV devront être tenues in solidum à réparer le préjudice résultant de la rupture brutale sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5 ° du Code de commerce, eu égard à l'ancienneté et au volume tel qu'il est finalement démontré pour un bon nombre d'exercices, des relations commerciales, un préavis de 36 mois pouvant être raisonnablement fixé eu égard à l'ancienneté et à la particularité de la relation commerciale établie, soit un préjudice de 1 494 678 euro ;
Vu les prétentions et moyens de la SAS Nike France dans ses conclusions récapitulatives en date du 25 janvier 2010 tendant à faire juger :
- que les variations sur le fondement et sur le quantum des demandes (intégration d'un chef préjudice non visé dans les conclusions initiales) sont contraires aux dispositions de l'article 4 alinéa 2 du Code de procédure civile relatif à l'immutabilité du litige et à celles de l'article 565 du Code de procédure civile (demandes nouvelles),
- que les demandes de communication de pièces devront être rejetées comme " bafouant effrontément les principes régissant la charge de la preuve de l'article 9 du Code de procédure civile ",
- que l'arrêt rendu le 20 septembre 2005 a jugé que les sociétés du Groupe Nike étaient des entités juridiques distinctes et que le débat rouvert par la SAS Vanam sur le " statut " de la SAS Nike France est un faux débat,
- que la SAS Nike France n'a commis aucune faute à l'origine de la rupture des relations commerciales, son erreur dans l'imputation de faits de contrefaçon à l'encontre de la SAS Vanam ayant été sanctionnée par le précédent arrêt et aucune faute n'ayant été relevée dans l'exécution, depuis 2000, de sa " mission " d'agent de marketing de la société Nike European Operations Netherlands BV, la SAS Nike France étant juridiquement étrangère à la prise de décision " du processus de rupture ",
- que la réalité de l'importance du courant d'affaires n'est pas établie pour certaines années (de 1989 à 1994 notamment) et la SAS Vanam ne peut se prévaloir que d'une ancienneté limitée de 1998 à 2000, la SAS Nike France devenant à partir du 21 février 2000 agent non exclusif chargé du marketing et du démarchage des clients de la zone Europe, Afrique et Moyen Orient,
- qu'en toute hypothèse, l'ancienneté à prendre en considération pour le " courant d'affaire " serait de 1998 à 2002 et la SAS Nike France n'a aucune responsabilité dans la rupture intervenue à l'initiative de la société Nike European Operations Netherlands BV, si bien que sa mise hors de la cause doit être confirmée ;
Vu les prétentions et moyens de la société Nike European Operations Netherlands BV dans ses conclusions récapitulatives en date du 26 janvier 2010 tendant à faire juger :
- que l'activité de la SAS Vanam consistait à déstocker épisodiquement et à partir de 1985 des fins de série et des échantillons pour le compte de la SAS Nike France puis à partir du 31 mai 2000 de la société Nike European Operations Netherlands BV,
- que la SAS Vanam ne peut " assimiler " les deux entités du Groupe Nike pour additionner les périodes de relations commerciales distinctes se bornant à des opérations occasionnelles de déstockage,
- qu'aucune faute vraiment caractérisée n'est précisément alléguée par la SAS Vanam pour soutenir un abus dans le droit de rompre la relation commerciale (évocation suggérée " d'un règlement de compte "),
- que l'obligation de donner un préavis de rupture doit s'apprécier en tenant compte de la spécificité de la relation commerciale et de sa durée et qu'en l'occurrence en l'état d'une relation courte à partir du 31 mai 2000 et d'une relation épisodique, il n'y a pas de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- que la rupture est sans lien avec le différend né de la procédure douanière et n'a pas le caractère brutal comme " s'étendant " pendant le premier semestre 2003 et étant l'aboutissement de la mise en place d'une charte de distributeurs agréés (magasins d'usine) avec des conditions que la SAS Vanam ne pouvait satisfaire, outre une baisse des opérations de déstockage en volume,
- subsidiairement, que le préjudice invoqué est évalué de manière exagérée par la SAS Vanam (le courant d'affaires réalisé par la SAS Vanam avec les sociétés du Groupe Nike représentant entre 5 et 7 % de son chiffre d'affaires global en 2000, 2001 et 20012, et le taux de marge brute allégué étant sans lien avec la réalité) ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 8 février 2010.
Attendu que la société Nike European Operations Netherlands BV, distributeur exclusif de produits de la marque Nike pour l'Europe, le Moyen Orient et l'Asie, a par contrat de commissionnaire, confié à la SA Nike France à compter du 1er juin 1996, la vente et la distribution de Produits de la marque Nike en France, la SA Nike France agissant " en son nom propre, mais pour le compte et aux risques de la société Nike European Operations Netherlands BV " et ayant pour mission de " facturer les clients sur le Territoire pour le compte de la société Nike European Operations Netherlands BV et de recouvrer l'ensemble des paiements en son nom de commissionnaire mais pour le nom de la société Nike European Operations Netherlands BV " ; que selon ce contrat, la société Nike European Operations Netherlands BV assurait " directement les livraisons aux clients ", la SA Nike France ne détenant aucun stock de produits, sauf de démonstration ;
Attendu que la société Nike European Operations Netherlands BV a conclu, le 21 février 2000 à effet au 1er juin 2000, avec la SA Nike France un contrat intitulé : " Marketing Agency Agreement " la " nommant en qualité d'agent non exclusif dans le Territoire (correspondant à celui de la France) pour le marketing et le démarchage de clients pour les Produits " à l'effet de " promouvoir et commercialiser les Produits et solliciter des ordres d'achat pour les Produits ", sans pouvoir " vendre ou conclure des contrats portant sur la vente de Produits pour le compte de la société Nike European Operations Netherlands BV, ni la lier à quelque titre que ce soit " ; que la société Nike European Operations Netherlands BV, selon l'article 4 du contrat, conservait le droit de refuser discrétionnairement toute commande de produits, disposait d'un certain délai pour accepter ou refuser une commande passée par un agent et fixait " à son entière discrétion " les conditions et prix des ventes ; que la société Nike European Operations Netherlands BV facturait directement aux clients les produits faisant l'objet d'ordres d'achat pris par son " agent marketing " ;
Attendu que la SAS Vanam et la société Nike European Operations Netherlands BV, par le biais de la SAS Nike France, tout d'abord son commissionnaire, puis son " agent marketing ", a noué avec la SAS Vanam des relations commerciales à partir de 1986 jusqu'en 1994, date à laquelle elles se sont interrompues, pour reprendre en début d'année 1998 et prendre définitivement fin en octobre 2002 ; que ces relations consistaient pour la société Nike European Operations Netherlands BV à approvisionner régulièrement la SAS Vanam en produits marqués qui constituaient des " surstocks " (fins de série, échantillons, invendus) pour leur commercialisation par la SAS Vanam hors du réseau de distribution agréée sélective ; que la SAS Vanam distribuait les " surstocks " auprès de sa clientèle de soldeurs ou autres déstockeurs ou commerçants ; qu'il est avéré qu'à l'exception d'une livraison facturée, le 29 octobre 2002, suite à une commande du 1er octobre 2002, la société Nike European Operations Netherlands BV a cessé tout approvisionnement en produits marqués à compter du 15 octobre 2002, date à laquelle une saisie douanière opérée a laissé penser que la SAS Vanam était coupable de contrefaçon par importation de maillots de sport ; qu'un contentieux a alors opposé la société Nike European Operations Netherlands BV à la SAS Vanam ;
Attendu qu'en cessant d'approvisionner son distributeur, la société Nike European Operations Netherlands BV a pris l'initiative de rompre la relation commerciale qui s'était instaurée ; que si cette décision peut être rattachée au différend qui opposait les sociétés quant à l'existence éventuelle d'actes de contrefaçon imputés à la SAS Vanam, (la concomitance de la rupture avec la révélation à la SA Nike France par le service des douanes de l'existence possible d'actes de contrefaçon étant un indice fort pour admettre un lien de cause à effet), il n'en demeure pas moins que la société Nike European Operations Netherlands BV avait la possibilité/la liberté de mettre fin à la relation commerciale, sans avoir à motiver sa décision, comme elle le fait a posteriori en indiquant qu'elle entreprenait alors, en début d'année 2003, de réorganiser l'écoulement des surstocks en développant les " magasins d'usine " et qu'elle " privilégiait " ce mode d'écoulement des surstocks et certains grossistes déstockeurs au détriment d'autres ; qu'il n'est pas contesté que de nombreux magasins d'usine ont été ouverts à partir de 2002/2003 (3 en 2002, 10 en 2003) pour passer de 21 en 1999 à 56 en 2006 ; que nonobstant la concomitance relevée ci dessus, il n'est pas suffisamment établi une faute à la charge de la société Nike European Operations Netherlands BV pour avoir mis abusivement fin à la relation commerciale ; que l'abus n'est pas avéré eu égard aux circonstances conjuguées dans lesquelles la rupture est intervenue : une présomption de contrefaçon à la charge de la SAS Vanam, grossiste déstockeur et le début d'une réorganisation du système d'écoulement des " surstocks " réduisant le recours aux grossistes déstockeurs ; que la SAS Vanam se borne à soutenir que la société Nike European Operations Netherlands BV l'a " traitée à tort comme un contrefacteur ", ce qui constituerait une faute commise à l'occasion de la rupture prononcée pour un motif inexistant ou fallacieux ; qu'aucun motif de rupture n'a été exprimé formellement par la société Nike European Operations Netherlands BV qui a mis fin unilatéralement à la relation commerciale instaurée entre les parties et pouvait le faire, sauf abus démontré et sous réserve de l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; qu'en définitive, la rupture n'est pas intervenue dans des circonstances qui révèleraient un abus caractérisé de la part de la société Nike European Operations Netherlands BV dans l'exercice de son droit de rompre la relation commerciale à durée indéterminée qui s'était instaurée ;
Attendu que la société Nike European Operations Netherlands BV qui est le fournisseur de la SAS Vanam en produits de marque Nike, est seule concernée par l'action engagée subsidiairement par la SAS Vanam sur le fondement de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les deux sociétés ; que la SAS Nike France, son " agent marketing ", qui n'a pas la qualité de partie à la relation commerciale ne peut être recherchée au titre de cette responsabilité délictuelle fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Attendu que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 applicable aux faits de la cause (la date à prendre en considération étant celle de la rupture de la relation commerciale au mois d'octobre 2002), dispose " qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour un commerçant de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels " ;
Attendu que selon cet article, en l'absence d'accords interprofessionnels déterminant la durée minimale du préavis de rupture, seul le critère de la durée de la relation commerciale établie est désormais à prendre en compte pour apprécier le délai du préavis nécessaire à la reconversion de la partie qui subit la rupture ; que tous les autres critères anciennement retenus pour déterminer le caractère suffisant du délai du préavis (tels notamment l'état de dépendance économique d'une partie vis-à-vis de l'autre résultant en l'espèce de la position prédominante de la société Nike European Operations Netherlands BV dans le secteur considéré ou l'importance du flux d'affaires réalisé par la vente de produits de la marque Nike par rapport à l'activité global de la SAS Vanam), ne doivent pas être pris en considération ;
Attendu qu'il a existé entre la société Nike European Operations Netherlands BV et la SAS Vanam une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dès lors que la reconnaissance d'une telle relation n'est pas subordonnée à l'existence d'un flux d'affaires permanent entre les deux sociétés et que la nature des marchandises faisant l'objet de la relation d'affaire ne doit pas être prise en considération ; qu'il suffit que les relations d'affaires s'inscrivent dans la durée, présentent une certaine " intensité ", un certain volume et constituent une même opération économique caractérisée par sa constance et sa régularité ; qu'en l'espèce, la société Nike European Operations Netherlands BV pour écouler des surstocks de produits de sa marque, à certaines périodes de l'année et en dehors de son réseau de distribution sélective, a eu habituellement recours à la SAS Vanam et a approvisionné régulièrement cette dernière en produits de la marque Nike d'une certaine nature (fins de série, échantillons, invendus quelle qu'en soit la cause) ; que le flux d'affaires concernant ces produits spécifiques était d'un volume constant et d'une importance certaine : montants des chiffres d'achats TTC réalisés par la SAS Vanam en 1998 : 2 633 724 euro (la société Nike European Operations Netherlands BV ayant fait appel à la SAS Vanam de manière soutenue en raison de l'interruption des relations de 1995 à 1997 et de la constitution d'un surstock " extraordinaire " non totalement écoulé durant cette période), en 1999 : 923 258 euro, en 2000 : 884 109 euro, en 2001 : 986 874 euro et en 2002 (arrêt des relations en octobre) : 1 165 632 euro, peu important que les volumes d'achat soient variables selon les mois de chacune des années considérées ; qu'il ne peut être pris en considération pour apprécier la durée de la relation commerciale établie, l'existence des relations commerciales antérieures, ayant débuté en 1986, dont l'existence n'est pas contestée par la société Nike European Operations Netherlands BV, si leur volume l'est ; que l'interruption de tout flux d'affaires entre 1995 et 1997 (3 années) interdit à la SAS Vanam de se prévaloir des relations antérieures qu'elle avait entretenues avec la société Nike European Operations Netherlands BV, son fournisseur, et qui s'étaient arrêtées en 1994, sans que la SAS Vanam ne critique alors cet arrêt et l'impute à faute à sa cocontractante ;
Attendu qu'en considération de l'unique critère tiré de la durée de la relation commerciale, soit environ cinq années (de 1998 à 2002), il y a lieu de fixer à six mois la durée du délai de prévenance nécessaire pour assurer la protection des intérêts économiques et commerciaux de la SAS Vanam et pour lui permettre de réorienter son activité et de trouver de nouveaux fournisseurs pour tenter de pallier, si faire se peut, la perte d'un fournisseur important ;
Attendu que le préjudice réparable est celui résultant du seul caractère brutal de la résiliation et n'est pas celui résultant de la rupture elle même ; que ce préjudice s'analyse en la perte du gain que la SAS Vanam pouvait escompter pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé ; que la SAS Vanam ne fait d'ailleurs état d'aucun autre préjudice particulier ; qu'il convient de retenir la marge réalisée par la SAS Vanam sur la vente des produits de marque Nike dont elle approvisionnait auprès de la société Nike European Operations Netherlands BV ; que cette marge est donnée par des pièces comptables certifiées par le commissaire aux comptes, ainsi pour l'année 2002 : 468 020,32 euro représentant une marge de 27,86 %, pour l'année 2001 : 412 132,62 euro représentant une marge de 24,14 % et pour l'année 2000 : 520 794,44 euro représentant une marge de 27,33 % ; que le manque à gagner pour une période de six mois est égal à la perte de marge et s'établit à 235 000 euro (arrondis), que l'on considère la moyenne annuelle calculée sur les trois dernières années ou seulement la marge réalisée la dernière année (2002) ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société Nike European Operations Netherlands BV devra payer à la SAS Vanam la somme de 16 500 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit l'appel de la SAS Vanam comme régulier en la forme. Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, condamne la société Nike European Operations Netherlands BV à porter et payer à la SAS Vanam la somme de 235 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 16 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Met hors de la cause la SAS Nike France. Condamne la société Nike European Operations Netherlands BV aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués Associés Hervé Cohen - Laurent Cohen & Paul Guedj, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.