CJUE, 3e ch., 18 novembre 2010, n° C-322/09 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NDSHT
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lenaerts
Avocat général :
Mme Trstenjak
Juges :
MM. váby, Juhász, Arestis, von Danwitz (rapporteur)
Avocats :
Mes Merola, Armati
LA COUR (troisième chambre),
1 Par son pourvoi, NDSHT Nya Destination Stockholm Hotell & Teaterpaket AB (ci-après "NDSHT") demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 9 juin 2009, NDSHT/Commission (T-152-06, Rec. p. II-1517, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a déclaré irrecevable son recours tendant à l'annulation de la décision qui serait contenue dans les lettres de la Commission des Communautés européennes des 24 mars et 28 avril 2006 adressées à NDSHT, relative à une plainte concernant des aides d'État prétendument illégales octroyées par la ville de Stockholm à Stockholm Visitors Board AB (ci-après l'"acte litigieux").
Le cadre juridique
2 Ainsi qu'il ressort de son deuxième considérant, le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), tel que modifié par l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après le "règlement n° 659-1999"), codifie et étaye, en matière d'examen des aides d'État, la pratique établie par la Commission en conformité avec la jurisprudence de la Cour.
3 Aux termes de l'article 1er, sous b), i), de ce règlement, il y a lieu d'entendre par "aide existante", "sans préjudice des articles 144 et 172 de l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et de l'annexe IV, point 3 et de l'appendice de ladite annexe de l'acte d'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, toute aide existant avant l'entrée en vigueur du traité [CE] dans l'État membre concerné, c'est-à-dire les régimes d'aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur".
4 En vertu de l'article 1er, sous h), dudit règlement, la notion de "parties intéressées" est définie comme "tout État membre et toute personne, entreprise ou association d'entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l'octroi d'une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles."
5 L'article 4 du règlement n° 659-1999, figurant sous le chapitre II de celui-ci, intitulé "Procédure concernant les aides notifiées", dispose à ses paragraphes 1 à 4:
"1. La Commission procède à l'examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l'article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.
2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.
3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu'elle entre dans le champ de l'article [87, paragraphe 1, CE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée 'décision de ne pas soulever d'objections'). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d'ouvrir la procédure prévue à l'article [88, paragraphe 2, CE] (ci-après dénommée 'décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen')."
6 Le chapitre III dudit règlement régit la procédure en matière d'aides illégales. Sous ce chapitre, l'article 10, paragraphe 1, énonce:
"Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu'en soit la source, elle examine ces informations sans délai."
7 Audit chapitre III, l'article 13, intitulé "Décisions de la Commission", prévoit à son paragraphe 1:
"L'examen d'une éventuelle aide illégale débouche sur l'adoption d'une décision au titre de l'article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. [...]"
8 Au chapitre VI du règlement n° 659-1999, intitulé "Parties intéressées", l'article 20, paragraphes 2 et 3, dispose:
"2. Toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l'aide. Lorsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée. Lorsque la Commission prend une décision sur un cas concernant la teneur des informations fournies, elle envoie une copie de cette décision à la partie intéressée.
3. À sa demande, toute partie intéressée obtient une copie de toute décision prise dans le cadre de l'article 4, de l'article 7, de l'article 10, paragraphe 3, et de l'article 11."
9 Aux termes de l'article 25 du règlement n° 659-1999:
"Les décisions prises en application des chapitres II, III, IV, V et VII sont adressées à l'État membre concerné. [...]"
Les faits à l'origine du litige
10 NDSHT est une société de droit suédois qui exerce des activités de voyagiste à Stockholm par l'intermédiaire de son site Internet. Elle propose un service global comportant la réservation de chambres d'hôtel et une carte touristique appelée "Stockholm à la carte" qui permet à ses détenteurs d'accéder à plusieurs services et infrastructures dans la ville de Stockholm, tels que des musées et le transport local.
11 Stockholm Visitors Board AB (ci-après "SVB") est une société détenue par la ville de Stockholm à travers différentes filiales. Elle a été chargée de la fourniture d'informations touristiques ainsi que de la promotion de la région de Stockholm. En lien avec ce type d'activités, elle exerce également des activités commerciales consistant, notamment, en la réservation de chambres d'hôtel à prix réduits à Stockholm et la vente d'un ensemble de services liés au tourisme, au moyen d'une carte, appelée "Stockholm Card", qui offre un accès gratuit à des sites et à des infrastructures dans la ville de Stockholm.
12 En septembre de l'année 2004, NDSHT a transmis à la Commission des informations concernant des subventions annuelles allouées par la ville de Stockholm à SVB pour les années 2003 à 2005, en alléguant que ces subventions étaient des aides d'État octroyées en violation de l'article 88, paragraphe 3, CE. NDSHT a affirmé, dans sa plainte, que ces prétendues aides d'État étaient constituées des crédits annuels du budget de la ville de Stockholm en faveur de SVB, du remboursement régulier par la société mère de SVB de ses pertes avant impôts et de l'accès préférentiel à des infrastructures publiques, telles qu'un parking payant géré par ladite ville. Selon NDSHT, SVB pourrait utiliser ces aides pour financer ses activités commerciales, qui sont pourtant en concurrence avec celles d'autres entreprises nationales et internationales, provoquant ainsi une distorsion de concurrence.
13 La Commission a examiné la plainte de NDSHT à la lumière des informations complémentaires fournies par celle-ci et de celles transmises par les autorités suédoises à la suite des demandes de renseignements qui leur avaient été adressées par la Commission.
14 Le 24 mars 2006, le directeur de la direction "Aides d'État 1: Cohésion et concurrence" de la direction générale de la concurrence de la Commission chargé du dossier (ci-après le "directeur du service de la Commission chargé du dossier") a envoyé à NDSHT une lettre rédigée comme suit:
"[...]
Je souhaite vous informer du fait que, sur la base des informations disponibles, les services compétents de la direction générale de la concurrence sont parvenus à la conclusion qu'il n'y a pas de motifs suffisants justifiant la poursuite de l'examen de votre plainte. [...]
Il résulte de notre analyse que les activités liées à la 'Stockholm Card' et aux réservations de chambres d'hôtel (à l'exception des places de parking comprises dans la 'Stockholm Card') sont mises en œuvre aux conditions du marché. Ces activités ne sont donc pas financées par une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. S'agissant de l'utilisation à titre gratuit de certaines places de parking, il peut être soutenu qu'il n'y a pas d'affectation du commerce, et même si tel était le cas, cette aide a été comprise dans la 'Stockholm Card' bien avant que la Suède n'adhère à l'Union européenne en 1995, et constituerait donc une aide existante. En outre, depuis le 1er janvier 2006, ce service n'est plus compris dans la 'Stockholm Card'.
S'agissant des autres activités (fourniture d'informations touristiques, etc.), il semble qu'elles relèvent des dispositions régissant les services d'intérêt économique général (SIEG). Il ne semble pas qu'il y ait de subventions croisées en faveur d'activités économiques. Dans l'hypothèse où la compensation pour les SIEG serait qualifiée d'aide d'État, une telle aide serait néanmoins accordée aux mêmes conditions depuis bien avant 1995, et constituerait, dès lors, une aide existante.
Pour résumer, les recherches approfondies que nous avons conduites sur cette plainte montrent que nous sommes en présence d'une aide existante et non d'une aide illégale, qui en tout cas est compatible avec le marché commun. Puisqu'il n'y a pas lieu de mettre en œuvre la procédure des mesures utiles prévues à l'article 88, paragraphe 1, CE, nous n'envisageons pas d'adopter d'autre mesure dans cette affaire.
[...]"
15 Par lettre du 5 avril 2006, NDSHT a informé la Commission qu'elle déduisait de la lettre du 24 mars 2006 que sa plainte avait été rejetée et qu'une décision de ne pas soulever d'objections à l'égard des mesures financières litigieuses avait été adoptée en application des articles 13 et 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 659-1999. NDSHT a également demandé à la Commission de lui transmettre une copie de cette décision, en vertu de l'article 20 dudit règlement.
16 Par lettre du 28 avril 2006, le directeur du service de la Commission chargé du dossier a répondu à NDSHT en lui rappelant qu'il résultait des informations fournies que les mesures dénoncées ne constituaient pas des aides d'État illégales et que, dès lors, une décision de la Commission prise en application de l'article 20 du règlement n° 659-1999 ne pouvait lui être adressée.
La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2006, NDSHT a demandé l'annulation de l'acte litigieux ainsi que l'ouverture de la procédure formelle d'examen au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE.
18 Par acte séparé, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, à laquelle NDSHT a répondu le 9 novembre 2006.
19 NDSHT a soutenu, dans ses observations relatives à l'exception d'irrecevabilité, que l'acte litigieux exprimait à la fois un refus final de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE et une décision de classer l'affaire. L'acte litigieux devrait ainsi être considéré comme une décision qui produit des effets sur la situation juridique de NDSHT. Il constituerait, dès lors, un acte attaquable au sens de l'article 230 CE.
20 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de NDSHT comme irrecevable et l'a condamnée aux dépens.
21 Le Tribunal a jugé que, afin de déterminer si l'acte litigieux constitue un acte attaquable, il convenait de distinguer, au regard de la substance de celui-ci, s'il s'agit d'une décision au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999 ou simplement d'une communication informelle en application de l'article 20, paragraphe 2, deuxième phrase, dudit règlement.
22 Il a affirmé, au point 44 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'est pas obligée d'adopter une décision au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999 en réponse à chaque plainte. Une telle obligation n'existerait que dans l'hypothèse où l'article 13 du règlement est applicable. Or tel ne serait pas le cas lorsque la plainte concerne une aide existante. Au point 64 du même arrêt, le Tribunal a considéré que l'obligation d'adopter une décision au sens de l'article 4 dudit règlement à la suite d'une plainte concernant une aide existante était contraire à l'économie de la procédure de contrôle des aides d'État.
23 Il ressortirait de la substance des lettres des 24 mars et 28 avril 2006 (ci-après, ensemble, les "lettres litigieuses") que la Commission avait décidé de ne pas donner suite à la plainte au motif que les aides en cause constitueraient des aides existantes relevant de la procédure de l'article 88, paragraphe 1, CE. Le Tribunal a considéré, au point 57 de l'arrêt attaqué, que, dans ce cas, au regard de la jurisprudence constante, la Commission ne peut être contrainte, au moyen d'une plainte, d'adresser à l'État membre concerné une recommandation proposant des mesures utiles en application de l'article 18 du règlement n° 659-1999. De plus, aucune des dispositions de celui-ci applicables en matière d'aides existantes ne prévoirait la possibilité, pour la Commission, d'adopter un acte à caractère décisoire à l'issue de la phase préliminaire d'examen de ces aides.
24 Enfin, au point 63 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, la Commission ayant estimé, à l'issue du premier examen des mesures financières litigieuses, que celles-ci devaient être regardées comme des aides existantes, les lettres litigieuses ne pouvaient pas constituer un refus d'ouverture de la procédure formelle d'examen de l'article 88, paragraphe 2, CE.
25 Le Tribunal a, par conséquent, conclu que les lettres litigieuses doivent être regardées non pas comme une décision au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999, mais comme une communication informelle au sens de l'article 20 de celui-ci. Partant, elles ne constitueraient pas un acte attaquable au sens de l'article 230 CE.
Les conclusions des parties devant la Cour
26 Par son pourvoi, tout en contestant la qualification des mesures litigieuses par la Commission, NDSHT demande à la Cour d'annuler l'arrêt attaqué dans son intégralité puis, à titre principal, de faire droit à sa demande en première instance et de condamner la Commission aux dépens ou, à titre subsidiaire, de déclarer recevable son recours, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal et de suspendre la décision relative aux dépens afférents aux deux procédures.
27 La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de NDSHT aux dépens.
Sur le pourvoi
28 NDSHT soulève quatre moyens à l'appui de son pourvoi.
29 Le premier moyen est tiré d'une dénaturation manifeste du contenu des lettres litigieuses. Par son deuxième moyen, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant l'acte litigieux comme un acte préparatoire ne constituant pas une décision définitive susceptible de recours en annulation. Aux termes de son troisième moyen, NDSHT reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en estimant que la prise de position de la Commission devait être regardée comme un rejet d'une demande de prendre des mesures utiles au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE. Enfin, par son quatrième moyen, NDSHT considère que le Tribunal a également commis une erreur de droit en jugeant que la qualification, par la Commission, des mesures financières litigieuses en tant qu'aides existantes empêchait la contestation du rejet de la plainte. Une telle solution reposerait sur une erreur d'interprétation des articles 4, 10, 13 et 20 du règlement n° 659-1999.
30 Les deuxième à quatrième moyens du pourvoi étant étroitement liés, il convient de les examiner conjointement.
Sur les deuxième à quatrième moyens
Argumentation des parties
31 Se référant, notamment, à l'arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C-521-06 P, Rec. p. I-5829), NDSHT reproche au Tribunal d'avoir méconnu les articles 4, 10, 13 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 659-1999 en jugeant que le rejet de sa plainte par la Commission ne présente pas les caractéristiques d'une décision produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts et, dès lors, d'un acte attaquable au sens de l'article 230 CE.
32 La requérante considère en effet, par son deuxième moyen, que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant que l'acte litigieux constituait non pas une décision définitive, mais un acte préparatoire. Elle avance que la Commission avait, au contraire, achevé son examen et arrêté une décision, sans cependant l'avoir formalisée, dont l'objet consistait à rejeter la plainte au motif que l'aide financière accordée était compatible avec le marché commun.
33 À cet égard, la requérante considère, par son troisième moyen, que le Tribunal a, aux points 57 et suivants de l'arrêt attaqué, commis une erreur de droit en qualifiant la prise de position de la Commission de rejet d'une demande de prendre des mesures utiles au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE et non pas de refus d'ouvrir la procédure formelle d'examen en vertu du paragraphe 2 du même article. De même, le Tribunal aurait à tort affirmé que la Commission ne saurait être contrainte par un plaignant à prendre une décision à l'issue de la phase préliminaire d'examen.
34 De plus, la requérante fait valoir, par son quatrième moyen, que les articles 4, 10 et 13 du règlement n° 659-1999 imposent à la Commission, lorsqu'elle procède à l'examen d'une plainte dénonçant l'existence d'une prétendue aide illégale, de clore la phase préliminaire d'examen par l'adoption d'une décision, ainsi qu'il est affirmé au point 40 de l'arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité.
35 Cette obligation de se prononcer par voie de décision vaudrait également dans l'hypothèse où la phase préliminaire d'examen conduit la Commission à penser qu'elle est en présence d'une aide existante. La possibilité d'attaquer une lettre de la Commission refusant l'ouverture d'une procédure formelle d'examen au motif que l'aide contestée était une aide existante aurait été, en effet, confirmée par la Cour dans son arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313-90, Rec. p. I-1125). Ainsi, selon la requérante, l'interprétation effectuée par le Tribunal, aux points 64 et suivants de l'arrêt attaqué, selon laquelle il est contraire à l'économie de la procédure de contrôle des aides d'État de considérer que la Commission adopte nécessairement une décision au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999 lorsqu'elle informe un plaignant que sa plainte concerne une aide existante, témoigne d'une conception profondément erronée de ce système procédural. Cette interprétation impliquerait que la Commission, en qualifiant les mesures financières contestées d'aide existante, puisse éviter tout contrôle du juge de l'Union, ce qui serait manifestement inacceptable.
36 La Commission admet, tout d'abord, que les lettres litigieuses ne traitent pas de l'ensemble des mesures financières litigieuses et qu'elle n'a pas pris, par ces lettres, de décision sur une aide existante. Au contraire, lesdites lettres contiendraient un certain nombre de conclusions hypothétiques, et, de ce fait, non définitives, n'aboutissant de surcroît pas à une qualification identique de ces différentes mesures. Dans ces mêmes lettres, la Commission aurait, tout au plus, résumé la position du service en charge de la plainte, selon laquelle il n'envisageait pas à ce moment là de donner une suite à celle-ci.
37 Ensuite, l'argument avancé par NDSHT, selon lequel la Commission a adopté une décision même sans donner à celle-ci un caractère formel serait irrecevable, puisqu'il n'aurait pas été avancé au cours de la procédure de première instance.
38 En tout état de cause, la Commission fait valoir qu'elle n'a pas adopté une décision et s'est limitée à une appréciation provisoire, le classement de la plainte n'étant intervenu qu'au cours du mois de décembre de l'année 2006. Par ailleurs, s'agissant des aides existantes, elle ne pourrait pas adopter immédiatement une décision mais devrait d'abord, lorsqu'elle considère les mesures incompatibles avec le marché commun, informer l'État membre concerné avant de proposer éventuellement des mesures utiles. Le règlement n° 659-1999 ne prévoyant pas de procédure particulière à suivre dans un tel cas, seul le recours en carence aurait été une solution envisageable pour attaquer l'acte litigieux.
39 Enfin, la Commission conteste la pertinence des références aux arrêts précités CIRFS e.a./Commission ainsi que Athinaïki Techniki/Commission, puisque, ayant constaté la présence d'aides existantes, la Commission ne serait plus en position d'ouvrir la procédure d'examen formelle prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE.
Appréciation de la Cour
- Sur la recevabilité de l'argument invoqué par NDSHT relatif à l'absence de formalisation de la décision de la Commission
40 D'après la Commission, l'argument invoqué par la requérante, selon lequel elle aurait achevé son examen des mesures financières litigieuses par une décision qui n'a pas été formalisée, n'a pas été soulevé devant le Tribunal et, dès lors, il est irrecevable.
41 À cet égard, il y a lieu de relever qu'il résulte des dispositions combinées des articles 58 du statut de la Cour de justice et 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de cette dernière que, dans le cadre d'un pourvoi, il est loisible au requérant d'invoquer tout argument pertinent sous la seule réserve que le pourvoi ne modifie pas l'objet du litige devant le Tribunal (arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C-229-05 P, Rec. p. I-439, point 66, ainsi que du 29 novembre 2007, Herrero Romeu/Commission, C-8-06 P, Rec. p. I-10333, point 32).
42 Or, force est de constater que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, ledit argument était bien contenu dans la requête introduite par NDSHT devant le Tribunal, dans laquelle il est soutenu, au point 29, qu'"il est de jurisprudence constante que la forme prise par les actes ou décisions adoptés n'influe pas sur le droit de les contester". Partant, à supposer même que cet argument n'ait pas été exprimé dans le pourvoi dans les mêmes termes que dans ladite requête, il ne modifie pas l'objet du litige devant le Tribunal.
43 Il en résulte que cet argument est recevable.
- Sur le fond
44 La requérante vise en substance à démontrer, par ses deuxième à quatrième moyens, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les lettres litigieuses ne présentaient pas les caractéristiques d'un acte attaquable au sens de l'article 230 CE.
45 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que le recours en annulation au sens de l'article 230 CE est ouvert à l'encontre de tous les actes pris par les institutions, quelles qu'en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, notamment, arrêts Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 29 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C-362-08 P, non encore publié au Recueil, point 51).
46 Il résulte également d'une jurisprudence bien établie concernant la recevabilité des recours en annulation qu'il convient de s'attacher à la substance même des actes attaqués pour qualifier ceux-ci (voir, notamment, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, point 9, et du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C-147-96, Rec. p. I-4723, point 27).
47 En revanche, la forme dans laquelle un acte ou une décision sont pris est, en principe, indifférente pour la recevabilité d'un recours en annulation. Il est donc, en principe, sans incidence sur la qualification de l'acte concerné que celui-ci satisfasse ou non à certaines exigences formelles, à savoir notamment s'il est dûment intitulé par son auteur ou s'il mentionne les dispositions qui constituent sa base légale. Il est ainsi sans pertinence que cet acte ne soit pas désigné comme une "décision" ou qu'il ne se réfère pas à l'article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement n° 659-1999. Il est également sans importance que l'acte en cause n'ait pas été notifié par la Commission à l'État membre concerné, en violation de l'article 25 de ce règlement, puisqu'un tel vice n'est pas susceptible de modifier la substance dudit acte (voir arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).
48 De plus, constituent en principe des actes attaquables au sens de l'article 230 CE les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme d'une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale et qui n'ont pas de tels effets (voir arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 42 et jurisprudence citée).
49 S'agissant de l'éventuel caractère définitif et attaquable des mesures prises par la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d'État, il convient de rappeler, d'abord, que la Commission doit, en vertu de l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659-1999, effectuer un examen lorsqu'elle a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle que soit la source de ces informations. L'examen d'une plainte, sur le fondement de cette disposition, entraîne l'ouverture de la phase préliminaire d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE et oblige la Commission à examiner, sans délai, l'existence éventuelle d'une aide et sa compatibilité avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 37).
50 L'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659-1999, qui est applicable dans le cadre de l'examen d'une plainte visant une aide prétendument illégale, impose à la Commission de clôturer cette phase préliminaire d'examen par l'adoption d'une décision au titre de l'article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, à savoir une décision constatant l'inexistence de l'aide, de ne pas soulever d'objections ou d'ouvrir la procédure formelle d'examen, cette institution n'étant pas autorisée à perpétuer un état d'inaction pendant la phase d'examen préliminaire. Le moment venu, il lui appartient, par conséquent, soit d'ouvrir la phase d'examen suivante, prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, soit de classer l'affaire en adoptant une décision en ce sens (voir, en ce sens, arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 40 et jurisprudence citée).
51 Dès lors que la Commission constate, à la suite de l'examen d'une plainte, qu'une enquête ne permet pas de conclure à l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 87 CE, elle refuse implicitement d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 47).
52 En ce qui concerne le constat effectué par la Commission selon lequel des mesures dénoncées constituent des aides existantes, il convient de constater qu'une aide existante est certes soumise à l'examen permanent prévu à l'article 88, paragraphe 1, CE et doit être considérée comme étant légale aussi longtemps que la Commission n'a pas constaté son incompatibilité avec le marché commun (voir arrêts du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44-93, Rec. p. I-3829, point 34, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C-400-99, Rec. p. I-7303, point 48). Toutefois, lorsqu'elle est saisie d'une plainte mettant en cause une aide prétendument illégale, la Commission, en qualifiant la mesure d'aide existante, soumet celle-ci à la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 1, CE et refuse ainsi implicitement d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêts CIRFS e.a./Commission, précité, points 25 et 26, ainsi que du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission, C-321-99 P, Rec. p. I-4287, point 61).
53 Une telle décision refusant d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE a un caractère définitif, et il est impossible de la qualifier de simple mesure provisoire (arrêts précités CIRFS e.a./Commission, point 26, ainsi que, en ce sens, Athinaïki Techniki/Commission, points 54 et 58).
54 Dans une telle situation, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à cette disposition ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant la juridiction de l'Union cette décision conformément à l'article 230, quatrième alinéa, CE. Ce principe s'applique aussi bien dans le cas où la décision est prise au motif que la Commission estime que l'aide est compatible avec le marché commun que lorsqu'elle est d'avis que l'existence même d'une aide doit être écartée (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 47) ou encore lorsqu'elle estime qu'il s'agit d'une aide existante (voir, en ce sens, arrêts précités CIRFS e.a./Commission, point 27, ainsi que ARAP e.a./Commission, point 62).
55 Ce constat est corroboré par l'article 20 du règlement n° 659-1999, qui régit les droits des parties intéressées. Selon les deuxième et troisième phrases du paragraphe 2 de cet article, la Commission, après avoir obtenu d'une telle partie intéressée des informations concernant de prétendues aides illégales ou une application prétendue abusive d'une aide, soit estime qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas et en informe ladite partie intéressée, soit prend une décision sur le cas concernant la teneur des informations fournies. Il en découle que, dès lors que la Commission a examiné de telles informations et a pris position sur celles-ci, elle prend une décision.
56 Doit dès lors être considéré comme recevable un recours visant à l'annulation d'une décision de refus d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, introduit par un intéressé au sens de cet article, lorsque l'auteur de ce recours tend ainsi à faire sauvegarder les droits procéduraux qu'il tire de cette dernière disposition (voir arrêt Athinaïki Techniki/Commission, précité, point 36 et jurisprudence citée).
57 En l'espèce, il est constant que la Commission a examiné la plainte de la requérante à la lumière des informations complémentaires fournies par cette dernière et de celles transmises par les autorités suédoises à la suite des demandes de renseignements qui leur avaient été adressées par la Commission. À l'issue de l'examen de la plainte, la Commission a conclu, dans sa lettre du 24 mars 2006, à l'absence de motifs suffisants justifiant la poursuite de cet examen et a ajouté ne pas envisager d'adopter d'autres mesures dans cette affaire. En outre, par sa lettre du 28 avril 2006, elle a rappelé que les mesures financières litigieuses ne constituaient pas des aides illégales.
58 Dès lors que la Commission a conclu à l'absence de motifs suffisants justifiant la poursuite de l'examen de la plainte, il découle de la substance de l'acte litigieux que cette institution s'est forgé une opinion définitive sur les mesures examinées, exprimant ainsi sa volonté de mettre fin à son examen préliminaire. En effectuant ce constat, elle a, ainsi que cela découle de la jurisprudence citée au point 52 du présent arrêt, implicitement refusé d'ouvrir la procédure formelle d'examen de l'article 88, paragraphe 2, CE.
59 Or, la requérante, en tant qu'elle est une entreprise concurrente de la société bénéficiaire des mesures dénoncées, figure incontestablement parmi les parties intéressées au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE (voir arrêts Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 41, ainsi que du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C-319-07 P, Rec. p. I-5963, point 32), au regard de la définition de cette notion contenue à l'article 1er, sous h), du règlement n° 659-1999.
60 Il convient donc de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'acte litigieux ne présentait pas les caractéristiques d'une décision produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante et, en particulier, qu'il ne constituait pas une décision au titre de l'article 4 du règlement n° 659-1999. Il s'ensuit que l'acte litigieux doit être regardé comme un acte attaquable au sens de l'article 230 CE.
61 Il résulte des considérations qui précèdent que les deuxième à quatrième moyens soulevés par NDSHT au soutien de son pourvoi doivent être accueillis.
62 En outre, la Cour ayant rappelé aux points 52 et 60 du présent arrêt qu'une décision telle que l'acte litigieux constituait un acte attaquable même lorsqu'elle constate que les mesures dénoncées par un plaignant constituent des aides existantes, il n'y a plus lieu de statuer sur le premier moyen soulevé par la requérante tiré de la dénaturation des lettres litigieuses.
63 Dans ces conditions, il convient d'annuler l'arrêt attaqué.
Sur le renvoi de l'affaire au Tribunal
64 Conformément à l'article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, cette dernière, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.
65 Toutefois, la Cour n'est pas en mesure de statuer sur le fond du recours introduit par NDSHT. Cet aspect du recours, et en particulier la question de savoir si c'est à tort que la Commission a décidé de ne pas ouvrir la procédure formelle d'examen de l'article 88, paragraphe 2, CE au motif que les mesures en cause constituaient des aides existantes dans tous les cas compatibles avec le marché commun, implique d'effectuer des appréciations de fait sur le fondement d'éléments qui n'ont pas été appréciés par le Tribunal ni débattus devant la Cour. En revanche, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission au cours de la procédure de première instance.
66 Pour les motifs énoncés aux points 44 à 62 du présent arrêt, ladite exception d'irrecevabilité, tirée de ce que l'acte litigieux n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, doit être rejetée.
67 Il y a donc lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue sur les conclusions de NDSHT tendant à l'annulation de la décision de la Commission, contenue dans les lettres litigieuses, de ne pas poursuivre l'examen de la plainte déposée par la requérante concernant des aides d'État prétendument illégales octroyées par la ville de Stockholm à SVB.
Sur les dépens
68 L'affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.
Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre) déclare et arrête:
1) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 9 juin 2009, NDSHT/Commission (T-152-06), est annulé.
2) L'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission des Communautés européennes devant le Tribunal est rejetée.
3) L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de l'Union européenne pour qu'il statue sur les conclusions de NDSHT Nya Destination Stockholm Hotell & Teaterpaket AB tendant à l'annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, contenue dans ses lettres des 24 mars et 28 avril 2006, de ne pas poursuivre l'examen de la plainte que cette société avait déposée concernant des aides d'État prétendument illégales octroyées par la ville de Stockholm à Stockholm Visitors Board AB.
4) Les dépens sont réservés.