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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 9 novembre 2010, n° 09-22260

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Louis Gad (Sté)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fossier

Avocats :

Mes Moulinas, Quimbert

TGI Paris, JLD, du 9 sept. 2009

9 septembre 2009

Par note du 31 août 2009, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a prescrit une enquête, sur proposition du rapporteur désigné, dans le secteur du porc.

Par requête du 8 septembre 2009, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a demandé, au JLD du TGI de Paris, l'autorisation de réaliser des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société Gad aux fins d'établir si ladite entreprise se livre à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 (1°, 2° et 4°) du Code de commerce et 81-1 du traité instituant la Communauté européenne (devenu article 101-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

Par ordonnance du 9 septembre 2009, le JLD du TGI de Paris a autorisé la perquisition sollicitée. Il a également donné commission rogatoire au JLD du TGI de Morlaix afin de désigner le chef de service de gendarmerie territorialement compétent et contrôler les opérations de visite et saisie, jusqu'à leur clôture, qui se sont déroulées le 16 septembre 2009.

Sur le fondement de l'article L. 450-4 alinéa 6 du Code de commerce, qui autorise la contestation de l'autorisation de visite et saisie devant le Premier président la Cour d'appel de Paris, l'appelante demande l'annulation de l'ordonnance d'autorisation du JLD du TGI de Paris du 9 septembre 2009 ainsi que du procès-verbal de visite et de saisie, par voie de conséquence, par des conclusions déposées le 30 septembre 2010 pour l'audience du 5 octobre 2010.

A l'appui de sa demande d'annulation de l'ordonnance précitée, l'entreprise Gad argue de ce que le JLD du TGI de Paris aurait été incompétent territorialement et que l'ordonnance d'autorisation de ce dernier serait mal fondée.

Sur quoi

Le délégué du Premier Président

1- Sur la recevabilité des écritures d'appel

Considérant que la société Louis Gad (sans précision donnée sur sa forme sociale exacte) prétend conclure en son nom et celui " des sociétés du même groupe " (sic);

Mais considérant que nul ne plaide par procureur;

Que l'appel sera limité à la seule personne morale dénommée, Louis Gad;

2- Sur l'incompétence territoriale du JLD du TGI de Paris

Considérant que la société Gad allègue que la phrase " Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents " contenus dans l'article L. 450-4 du Code de commerce, signifierait une centralisation de la procédure seulement dans l'hypothèse où il s'agit des lieux d'une même entité et mentionne comme exemple le cas des filiales et société mère d'un groupe;

Qu'elle en tire la conclusion que l'Autorité de la concurrence aurait dû demander une autorisation de visite et saisie à chacun des JLD territorialement compétent pour chaque entité visitée, notamment au JLD du TGI de Morlaix en ce qui la concerne ; que non seulement cette autorisation n'a pas été demandée, mais qu'en outre les documents émanés du juge du TGI de Morlaix ne comportent aucune motivation;

Mais considérant que le JLD auquel sont soumises des présomptions de pratiques anticoncurrentielles nécessitant une action simultanée peut au contraire désigner par commission rogatoire un autre juge, au cas présent le JLD du TGI de Morlaix, avec pour mission de désigner le chef de service de police ou de gendarmerie territorialement compétent qui nommera les officiers de police judiciaire chargés d'informer le juge de toute contestation et de contrôler les opérations de visite et saisie jusqu'à leur clôture ; qu'en aucun cas, le juge ainsi commis n'est chargé de réexaminer le dossier au fond ou de modifier l'étendue du secteur économique considéré, cette mission relevant exclusivement du juge de l'autorisation, en l'espèce le JLD du TGI de Paris;

Qu'il s'en évince que l'ordonnance du JLD du TGI de Morlaix, rendue sur commission rogatoire, qui constituait un simple acte d'exécution de l'ordonnance d'autorisation, n'avait pas à être motivée ni à revenir sur le bien fondé de la requête soumise au magistrat du TGI de Paris, mais devait simplement viser expressément l'ordonnance motivée rendue par le JLD du TGI de Paris;

Que dès lors, le premier moyen tiré de l'incompétence sera écarté;

3- Sur le bien-fondé de l'ordonnance

Considérant que la société Gad prétend, d'une part, que le JLD du TGI de Paris n'a pas procédé à une analyse personnelle de la demande d'autorisation et s'est contenté de signer une ordonnance pré-rédigée par l'Administration ; et d'autre part, que l'ordonnance d'autorisation n'est pas suffisamment précise, car le marché sur lequel doit porter les investigations n'est pas clairement défini, et en outre la saisie de documents sur support informatique n'aurait pas été autorisée expressément par le JLD;

Qu'en troisième lieu, l'appelante reproche au JLD du TGI de Paris d'avoir accordé son autorisation pour l'entreprise Gad " et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, à Lampaul Guimiliau ", sans précision sur ces " sociétés du même groupe ";

Mais considérant, sur la première branche de cette argumentation, que le JLD du TGI de Paris a pu procéder aux vérifications qui s'imposaient;

Que les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée;

Que la circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'Administration est sans incidence sur la régularité de la décision ;

Considérant, sur l'imprécision prétendue de l'ordonnance quant aux comportements qu'elle envisage, que le JLD n'encourt pas un tel reproche et respecte suffisamment les prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques dans un secteur de l'économie ;

Que l'autorisation est délivrée sur la présentation faite au juge de présomptions d'une pratique anticoncurrentielle dans un secteur économique;

Qu'elle ne requiert ni de prouver d'un tel comportement ni de discerner à ce stade un marché pertinent, dont la délimitation relèvera de l'Autorité de la concurrence en fonction des résultats de la mesure autorisée, c'est-à-dire les pratiques illicites qui pourraient être relevées;

Qu'en l'espèce, le JLD était fondé à statuer comme il l'a fait, la visite et saisie autorisées ayant eu pour but de vérifier si dans un secteur économique donné, en l'espèce celui du porc, les règles de la concurrence jouaient pleinement; que de très nombreux documents fournis à ce magistrat faisaient état d'informations licites et concordantes selon lesquelles l'association et le syndicat professionnel du secteur en question seraient convenus de favoriser artificiellement des hausses ou des baisses de prix et de se répartir des marchés; que l'appelante ne conteste d'ailleurs pas que ces documents aient constitué des présomptions de pratiques répréhensibles;

Que s'agissant des saisies de documents informatisés, l'article L. 450-4 du Code de commerce dispose que les agents ne peuvent procéder aux visites en tout lieu, ainsi qu'à la saisie de documents et de tous supports d'information, que dans le cadre d'enquête ; que le dispositif de l'ordonnance d'autorisation du JLD du TGI de Paris autorise la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux des entreprises, association et syndicat professionnels, aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce; qu'il inclut par conséquent la possibilité de saisir tous supports d'information et ce, y compris des documents sur support informatique;

Considérant, sur l'imprécision de l'ordonnance quant aux personnes morales qu'elle vise, que nul ne plaide par procureur; que le grief tiré de la désignation insuffisante ou inexacte des personnes morales visées par l'ordonnance hormis la société Gad, ne peut être articulé que par lesdites sociétés, mais non par la société Louis Gad, régulièrement mise en possession de ses droits propres ;

Considérant que du tout il s'évince que le moyen sera écarté, en ses diverses branches;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevable l'appel des personnes morales autres que la société (forme indéterminée) Louis Gad; Confirme l'ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris, du 9 septembre 2009; Condamne la société Louis Gad aux dépens.