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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 18 novembre 2010, n° 09-02118

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Delor Vincent (SARL)

Défendeur :

Claas Tractor (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoué :

SCP Debray-Cemin

Avocats :

Mes Malard, Assemat

T. com. Versailles, 4e ch., du 29 juin 2…

29 juin 2007

Faits et procédure :

La société Renault Agriculture développe et fabrique des tracteurs agricoles et leurs pièces de rechange, elle en assurait la commercialisation par un réseau de concessionnaires exclusifs.

La société Delor Vincent était concessionnaire exclusif Renault Agriculture pour un territoire défini à l'intérieur du département de la Lozère, et ce en vertu d'un contrat de concession exclusive de vente et de services.

Ce contrat régissant les relations entre les parties à l'instance a été conclu, par acte sous seing privé en date du 7 mai 2001, suivi d'un avenant lui même conclu en date du 7 juin 2001.

Ce contrat prévoyait, selon les stipulations contenues en son article XI, une durée indéterminée, et en son article XII un préavis de fin de contrat de 12 mois.

En 2004, Renault Agriculture a entamé un processus de rapprochement avec la société Claas France, en vue de transférer, à cette dernière, son activité de commercialisation en France de tracteurs agricoles et de pièces de rechange, ainsi que le service après-vente auprès d'un réseau primaire de concessionnaires.

Ce transfert d'activité a été réalisé au moyen d'un contrat de location-gérance conclu entre Renault Agriculture et Claas France.

A partir du 1er octobre 2004, Renault Agriculture (qui continue toujours de développer et de construire des tracteurs agricoles et des pièces de rechange), n'assure plus la commercialisation de ces produits, laquelle est désormais réalisée par Claas France, sous sa propre marque.

Par un courrier en date du 7 septembre 2004, la société Renault Agriculture a informé la société Delor Vincent de ce que son activité de commercialisation devait être reprise par la société Claas France, et précisé,que "les contrats de distribution n'étant pas cessibles", le contrat qu'elle avait signé en 2001 avec la SARL Delor Vincent prendrait fin 3 semaines plus tard, soit le 30 septembre 2004.

Néanmoins, la société Renault Agriculture précisait qu'il était prévu de présenter à la SARL Delor Vincent "dans le courant du mois de septembre 2004, un nouveau contrat de distribution-type avec Claas France".

La SARL Delor Vincent a contesté cette situation et a estimé que la rupture des relations contractuelles du fait de la société Renault Agriculture avait été brutale et lui avait causé un important préjudice.

Aussi a-t-elle attrait la SAS Renault Agriculture devant le Tribunal de commerce de Versailles pour demander réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi.

Devant cette juridiction, Renault Agriculture a soulevé l'incompétence de celle-ci au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Par le jugement déféré, en date du 29 juin 2007, cette juridiction, faisant droit à l'exception soulevée, s'est déclarée incompétente et a renvoyé la cause et les parties devant la juridiction dont la compétence était revendiquée.

Sur contredit formé par Delor Vincent, la cour de ce siège, par arrêt en date du 28 février 2008, a confirmé la décision déférée.

Sur pourvoi formé par Delor Vincent, la Cour de cassation a censuré cet arrêt en relevant que, pour déclarer la juridiction versaillaise incompétente, la cour de ce siège avait retenu que le litige portait sur le point de savoir si la rupture des relations contractuelles entre les parties était intervenue dans le respect des " dispositions " du contrat de concession et revêtait une nature contractuelle, ce dont elle avait déduit qu'en raison de la clause attributive de compétence figurant au contrat, le Tribunal de commerce de Paris était compétent. Or, a relevé la Cour de cassation, le fait de rompre des relations contractuelles en méconnaissance des exigences posées par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce engage la responsabilité délictuelle de son auteur.

Devant la cour de ce siège désignée comme cour de renvoi, Delor Vincent fait valoir que le non-respect des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce engage la responsabilité délictuelle de son auteur.

Dès lors, par application des dispositions de l'article 46 alinéa 3 du Code de procédure civile, elle est fondée à saisir la juridiction du lieu de son siège social qui est le lieu où le dommage est subi.

Elle demande par ailleurs à la cour d'évoquer le litige, en application de l'article 89 du Code de procédure civile.

Elle sollicite enfin 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Claas Tractor, qui indique qu'elle vient aux droits de Renault Agriculture, estime que, pour trancher le litige, qui pose une question de principe extrêmement importante, le juge doit nécessairement étudier les stipulations du contrat, notamment relatives à son caractère intuitu personae et à son intransmissibilité. Dès lors, la clause attributive de compétence qui figure au contrat a nécessairement vocation à s'appliquer. Claas Tractor souligne que sur la question en litige, la première Chambre civile de la Cour de cassation a une position différente de celle prise dans la présente instance, par la Chambre commerciale. En outre, tel que rendu, l'arrêt de la Chambre commerciale ne fait pas obstacle à l'application de la clause attributive de compétence qui figure au contrat.

Il n'importe, à cet égard, que Delor Vincent invoque les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et l'article 12 du Code de procédure civile impose au juge de restituer aux faits leur exacte qualification. Subsidiairement, Claas Tractor s'oppose à la demande d'évocation que ne justifie aucune raison impérieuse et alors que le litige porte sur des demandes s'élevant à plus d'un million d'euro.

Elle demande enfin 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile et ouïes les conclusions des parties à l'audience des plaidoiries en date du 30 septembre 2010 se référant notamment à leurs écritures du 7 septembre 2009 en ce qui concerne Delor Vincent et du 12 octobre 2009 en ce qui concerne Claas Tractor,

Attendu que la société Delor Vincent a assigné la société Renault Agriculture aux droits de laquelle vient la société Claas Tractor sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce;

Attendu que la méconnaissance de ces dispositions engage la responsabilité délictuelle de la faute qui en résulte;

Attendu qu'en l'espèce les relations contractuelles rompues reposaient sur un contrat prévoyant une clause attributive de compétence ainsi rédigée: " les parties (sic) conviennent d'attribuer compétence au Tribunal (sic) de commerce (sic) de Paris pour le règlement de toute contestation relative à l'application ou l'interprétation du présent contrat (sic), même en cas de demande incidente ou de pluralité de défendeurs ";

Attendu que l'action dont Delor Vincent a saisi les tribunaux reposant sur la responsabilité délictuelle de Claas Tractor et ne reposant ni sur l'application ni sur l'interprétation du contrat dont cette dernière société, dont celle-ci invoque la clause attributive de compétence, cette clause est manifestement sans application en l'espèce; que le jugement déféré doit être infirmé;

Attendu, sur la demande d'évocation, que l'instance ayant été engagée en 2005, il est de bonne justice d'évoquer l'affaire, par application de l'article 89 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de Claas Tractor à payer à Delor Vincent la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs Statuant contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de la saisine sur renvoi après cassation de l'arrêt du 28 février 2008 prononcé par la 12e chambre 1re section de cette cour, Infirme le jugement déféré, Condamne Claas Tractor à payer à Delor Vincent la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Evoque l'affaire, Invite Delor Vincent à constituer avoué dans le délai de deux mois à compter de la date du présent arrêt, Dit que l'affaire sera renvoyée à la mise en état après que les parties auront constitué avoué dans le délai de 4 mois, Réserve les dépens.