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Décisions

Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-71.313

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lic Formation (SARL)

Défendeur :

DRL Conseil (SARL), Lefebvre, SCP Guérin Diesbecq (ès qual.), Bourgoin (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Maitrepierre

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

T. com. Evreux, du 24 avr. 2008

24 avril 2008

LA COUR : - Joint les pourvois n° 09-71.313 et n° 09-72.558, formés par la société Lic formation et M. Lefebvre, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 29 octobre 2009), que, s'estimant victime de divers actes de concurrence déloyale, la société DRL Conseil - cabinet Daniel Léonard (la société DRL) a assigné, devant le tribunal de commerce, la société Lic formation (la société Lic), qui exerce la même activité de formation, ainsi qu'un de ses anciens salariés, M. Lefebvre, devenu directeur commercial de cette dernière société, en cessation des actes litigieux et en indemnisation de son préjudice ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi formé par M. Lefebvre : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour dire que M. Lefebvre s'était rendu coupable d'actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient que son comportement, consistant à prospecter la clientèle de la société DRL pour le compte de la société Lic, postérieurement à la cessation de son contrat de travail avec la première société, a été déterminant dans le détournement déloyal de la clientèle de celle-ci et, que ce comportement, comme celui de la société Lic a concouru à la création du préjudice qui en est résulté pour la société DRL ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence de manœuvres déloyales de détournement de clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi formé par la société Lic : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour retenir que la société Lic s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle, l'arrêt, après avoir indiqué que M. Lefebvre s'était livré à une opération de prospection de la clientèle de la société DRL pour le compte de la société en cause, relève qu'environ un tiers, en volume de chiffre d'affaires et en nombre, des clients de la société DRL est devenu client de la société Lic et, pour cette même année, la part du chiffre d'affaires de cette dernière société représentée par ces anciens clients de la première société, était de plus de trois quarts de son chiffre d'affaires total, ce qui s'analyse en un déplacement important de clientèle ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence de manœuvres déloyales de détournement de clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur la recevabilité du moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi formé par la société Lic et, du moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi formé par M. Lefebvre, rédigés en termes identiques, réunis, contestée par la défense : - Attendu que la société DRL, ainsi que la société Guérin Diesbecq et M. Bourgouin, pris en leur qualité respective de mandataire et d'administrateur judiciaires de la société DRL, soutiennent que ces moyens seraient nouveaux ;

Mais attendu que la société Lic et M. Lefebvre faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel, pour s'opposer à toute condamnation pour complicité d'une éventuelle violation par les formateurs de la société DRL de leur contrat de travail, que cette dernière n'avait jamais poursuivi ces salariés pour infraction à leurs engagements contractuels ; que ces moyens, qui étaient dans le débat, sont recevables ;

Et sur ces moyens : - Vu l'article L. 511 du Code du travail, ensemble l'article 49 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour retenir l'existence d'une complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence par des salariés de la société DRL, l'arrêt, après avoir relevé que les contrats conclus avec celle-ci interdisaient au formateur, pendant la durée d'exécution de ceux-ci et pendant un an à compter de leur date d'expiration, d'exercer pour le compte d'un tiers une fonction de formation linguistique auprès de la clientèle de cette société, constate que la société Lic et M. Lefebvre ne contestent pas avoir, en contravention avec cette interdiction, placé des formateurs issus de la société DRL chez trois clients communs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.