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Décisions

Cass. com., 23 novembre 2010, n° 07-19.543

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Axa (SA), Avanssur (SA), Direct assurance vie (SA)

Défendeur :

Google France (SARL), Google Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Farthouat-Danon

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié

TGI Paris, du 28 juin 2006

28 juin 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2007), que les sociétés Axa, Finaxa, aux droits de laquelle se trouve la société Axa, Avanssur, anciennement dénommée Direct assurances, et Direct assurance vie ont constaté que lors de l'utilisation du moteur de recherche Google, la saisie des termes Axa, Direct assurances et Agipi faisait apparaître des annonces pour des sites concurrents ou sans rapport avec les sociétés du groupe Axa ; qu'elles ont assigné les sociétés Google Inc. et Google France aux fins de voir constater qu'elles ont commis des actes de contrefaçon de plusieurs marques, françaises et communautaires, porté atteinte à la renommée de leur marque, et commis des actes de concurrence déloyale, de parasitisme, et de publicité trompeuse ; que les sociétés Google ont soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence de la juridiction française pour connaître des demandes à l'encontre de la société Google Inc., concernant les liens apparus sur les sites Google.de et Google.co.uk ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense : - Attendu que les sociétés Google Inc. et Google France soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi, au motif que l'arrêt attaqué n'a pas mis fin à l'instance ;

Mais attendu que l'arrêt ayant déclaré le Tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des prétentions dirigées contre la société Google Inc. a, en ce qui la concerne, mis fin à l'instance ; qu'il s'ensuit que le pourvoi est immédiatement recevable ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Axa, Avanssur et Direct assurance vie font grief à l'arrêt d'avoir dit le Tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des demandes dirigées contre la société Google Inc., alors, selon le moyen, qu'en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'en cas d'actes de contrefaçon, de concurrence ou de publicité déloyales commis sur un site Internet destiné à un public étranger, la compétence des juridictions françaises doit être retenue dès lors que le site, fût-il passif et rédigé en langue étrangère, est accessible sur le territoire français, le préjudice causé par cette diffusion n'étant alors ni virtuel ni éventuel ; qu'en décidant cependant en l'espèce que la simple accessibilité en France des sites Internet google.de, google.co.uk et google.ca "destinés aux publics allemand, britannique et canadien" était insuffisante à fonder la compétence des juridictions françaises et que celle-ci supposait en outre que les sites litigieux aient un "impact économique" sur le public français, la cour d'appel a violé l'article 46 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les liens commerciaux litigieux sont apparus sur les sites google.de, google.co.uk et google.ca destinés aux publics allemand, britannique et canadien de langue anglaise, que les sites mis en cause renvoient eux-mêmes vers des sites étrangers, et sont exclusivement rédigés en langue anglaise et allemande ; qu'il ajoute qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure que ces sites aient, de manière délibérée ou non, un impact économique sur le public français ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les annonces n'étaient pas destinées au public de France, la cour d'appel a exactement décidé que la juridiction française n'était pas compétente pour connaître des demandes dirigées contre la société Google Inc. relatives à ces annonces ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche : - Attendu que les sociétés Axa, Avanssur et Direct assurance vie font encore à l'arrêt le même grief, alors, selon le moyen, que s'agissant des demandes formulées par les sociétés exposantes relativement aux liens Adwords apparus sur les sites étrangers google.de, google.co.uk et google.ca, la cour d'appel s'est également bornée à énoncer de façon générale que "n'était pas caractérisée l'existence d'un lien étroit de connexité en l'absence d'une situation de fait ou de droit identique entre les sociétés Google Inc. et Google France" ; qu'en s'abstenant de rechercher si, dans le cadre de sa mission d'assistance de la clientèle située en France, la société Google France ne donnait pas aux internautes connectés sur le territoire français les moyens d'accéder aux sites à codes pays étrangers, ce qui établissait l'existence d'un lien de connexité entre les demandes dirigées à l'encontre des sociétés Google France et Google Inc., la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt a dit le tribunal de grande instance incompétent pour connaître des prétentions émises par les sociétés Axa, Avanssur et Direct assurance vie à l'encontre de la société Google Inc. ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la compétence de cette juridiction n'était pas contestée, s'agissant des liens commerciaux apparus sur le site Google.fr, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré le Tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des demandes formées par les sociétés Axa, Avanssur et Direct assurance vie contre la société Google Inc., relatives aux liens apparus sur le site Google.fr, l'arrêt rendu le 6 juin 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Dit le Tribunal de grande instance de Paris compétent pour statuer sur ces demandes.