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Décisions

CA Versailles, président, 19 février 2010, n° 09-04351

VERSAILLES

Ordonnance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean (faisant fonction)

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, SCP Tuset Chouteau

Avocats :

Mes Freget, Feral-Schuhl, Charriere-Bournazel

TGI Nanterre, JLD, du 29 avr. 2009

29 avril 2009

Par ordonnance du 29 avril 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé l'Autorité de la concurrence à procéder à des opérations de visites et saisies domiciliaires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, à l'encontre de la société X et autres sociétés du même groupe et de la société XX et autres sociétés du même groupe aux motifs que :

- la société X aurait abusé de sa position dominante sur le marché du [produit A]

- les sociétés X et XX auraient conclu une entente anticoncurrentielle en violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 81 et 82 du traité CEE.

Cette ordonnance a autorisé la visite des locaux et dépendances sis, <adresse> et <adresse>, susceptibles d'être occupés par les sociétés précitées.

Les opérations ainsi autorisées se sont déroulées le 5 mai 2009 et ont donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de visite et de saisie le même jour.

Par déclarations au greffe du 18 mai 2009, enregistrée le jour même, la société X a formé un recours contre les modalités d'exécution des visites et saisies ainsi autorisées.

Aux termes de ses écritures déposées les 17 août et 8 décembre 2009 et soutenues à l'audience du 11 décembre 2009, la société X demande au premier président de la Cour d'appel de Versailles, sous le visa des articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, des articles 56, 57 et 66 du Code de procédure pénale, des articles 432-4, 432-9 et 226-13 du Code pénal, de l'article 9 du Code civil et de l'article L. 450-4 du Code de commerce de:

à titre principal:

- déclarer irrégulières la visite et les saisies effectuées par l'Autorité de la concurrence dans ses locaux le 5 mai 2009,

- annuler l'intégralité des saisies ayant donné lieu aux scellés n° 1 à 61,

- d'ordonner la restitution de tout original et de toutes copies des documents saisis, en ce compris les documents communiqués à l'Autorité par elle dans le cadre de la demande de secret des affaires consécutive à la perquisition,

à titre subsidiaire :

- déclarer irrégulières les saisies des scellés n° 52 à 61, les annuler et ordonner la restitution de tout original et de toutes copies des documents saisis, en ce compris les documents communiqués à l'Autorité par elle dans le cadre de la demande de secret des affaires consécutive à la perquisition, à défaut:

- annuler la saisie de l'ensemble des messageries électroniques contenues dans les scellés n° 52 à 61 et ordonner la restitution de tout original et de toutes copies des documents dont la saisie est annulée.

Elle reproche principalement à l'Autorité de la concurrence :

- d'avoir failli dans son obligation de loyauté dans la recherche de preuves en mettant en œuvre simultanément des moyens humains et matériels considérables, disproportionnés et non nécessaires, notamment des saisies globales massives, qui ont gravement perturbé le fonctionnement de l'entreprise sans donner à celle-ci la possibilité d'être effectivement assistée juridiquement, en commettant des infractions aux articles 432-4 et 432-9 du Code pénal, en ne procédant pas à une sélection préalable à la saisie et/ou en n'informant pas l'intéressée des modalités d'une éventuelle sélection, en prévoyant une recherche a posteriori qui sera faite hors la présence d'un officier de police judiciaire, en établissant des procès-verbaux irréguliers car non paraphés à chaque page,

- d'avoir saisi des documents relatifs à la vie privée de salariés et de tiers et protégés par le secret des correspondances en violation des articles 8 de la CESDH et 9 du Code civil et de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991, des données à caractère personnel en violation de la loi du 6 janvier 1978,

- d'avoir saisi des documents protégés par le secret professionnel en violation des article 226-13 du Code pénal et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971,

- d'avoir décrit de façon insuffisante le déroulement des opérations de visite et saisies notamment quant au matériel et aux logiciels utilisés par l'administration,

- d'avoir réalisé un inventaire non conforme aux dispositions légales en ce qu'il ne permet pas le contrôle du juge sur la nature, le contenu et le nombre des documents saisis.

Par des conclusions déposées le 8 décembre 2009, Monsieur Pierre Y et Monsieur Patrick Z, salariés de la société X interviennent volontairement à l'instance.

Ils font valoir que leurs bureaux ont été occupés pendant plusieurs heures par les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence, que de nombreuses données et messages à caractère personnel contenus dans leur boîte de messagerie électronique ont été saisis alors qu'ils sont sans rapport avec l'objet de l'enquête, et ce en violation de la loi du 6 janvier 1978 et de l'article 9 du Code civil et que l'Autorité de la concurrence a failli dans son obligation de loyauté et de proportionnalité à leur encontre en procédant à des collectes indifférenciées, sans garantie quant à leur utilisation.

Ils demandent que soit ordonné à l'Autorité de la concurrence de procéder, dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la décision à intervenir, à l'effacement de l'ensemble des données à caractère personnel les concernant, notamment les courriers électroniques, collectés le 5 mai 2009 dans les locaux de la société X.

Par des conclusions déposées le 11 décembre 2009, l'Ordre des Avocats à la Cour de Paris représenté par son bâtonnier intervient volontairement à l'instance.

Il fait valoir qu'ont été saisis à l'occasion des opérations litigieuses des notes manuscrites retraçant des conversations entre la société X et son conseil en droit public et des échanges internes faits à la demande des conseils externes relatifs aux produits et pratiques objet de l'enquête, que la protection du secret professionnel est absolue et opposable à l'Autorité de la concurrence et que celle-ci devait mettre en œuvre des moyens permettant le respect de ce secret.

Il ajoute que le droit à être assisté par un avocat ne pouvait être limité par l'Autorité de la concurrence.

Il demande que les opérations de visite et de saisies soient annulées dans leur intégralité.

A l'audience, il demande que la saisie des documents couverts par le secret professionnel soit annulée et les documents restitués.

Aux termes de ses écritures déposées le 30 novembre 2009 et soutenues à l'audience du 11 décembre 2009, madame la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence demande au premier président de la cour d'appel de déclarer régulières la visite et la saisie de documents et supports d'information réalisées dans les locaux de la société X le 5 mai 2009 et de lui donner acte de son accord pour restituer, sous son contrôle, les documents dont il serait démontré qu'ils se trouvent hors du champ de l'autorisation judiciaire du 29 avril 2009 ou qui relèveraient du secret professionnel ainsi que de la correspondance avocats/clients dont la liste serait fournie par la requérante.

Elle fait valoir que les droits de la défense prévus par l'article 6 de la CESDH ne sont pas applicables à la phase d'enquête, que trois avocats étaient présents au cours des opérations qui auraient pu saisir le juge en cas de difficultés et conteste les références aux articles 432-4 et 432-9 du Code pénal.

Elle indique que l'ensemble des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce a été respecté et ajoute que le logiciel Encase utilisé pour établir l'inventaire, habituellement utilisé par les services de police judiciaire, offre toute garantie de l'intégrité des fichiers saisis, que le procès-verbal décrit précisément les modalités pratiques adoptées pour procéder aux saisies et qu'elle n'est pas tenue de dévoiler les mots-clés utilisés dans sa recherche.

Madame la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence conteste avoir fait procéder à une saisie massive et indifférenciée en rapportant le volume des saisies au volume de documents consultés.

Elle soutient qu'une messagerie constitue un document insécable et conclut que seule une saisie globale pouvait donner une garantie de fiabilité.

Elle réfute l'application de la loi du 6 janvier 1978 à une saisie autorisée judiciairement.

Elle fait valoir que la saisie de documents susceptibles d'être couverts par le secret professionnel n'invalide pas l'opération dans son entier mais justifie la restitution des documents identifiés comme tels sous le contrôle du premier président.

Il est renvoyé aux écritures respectives de chacune des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Motifs de la décision

Considérant que le recours exercé par la société X tend à la vérification a posteriori par le juge de la régularité des opérations de visite et saisies opérées dans le cadre de l'autorisation délivrée par ordonnance du 29 avril 2009 ; qu'il n'apparaît pas du dossier que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre a été saisi d'irrégularités au cours des opérations litigieuses ;

Que ce contrôle judiciaire doit être effectif et s'appuie en premier lieu sur le procès-verbal et l'inventaire établis par les enquêteurs ;

Qu'il convient ainsi d'examiner les irrégularités alléguées relativement au procès-verbal et à l'inventaire avant d'apprécier le cas échéant les moyens de fond ;

Sur les moyens portant sur la régularité du procès-verbal et de l'inventaire

- procès-verbal

Considérant qu'en application de l'article R. 450-2 du Code de commerce, les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 du même Code relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils comportent l'inventaire des pièces et documents saisis. Ces procès-verbaux sont signés par les agents mentionnés à l'article L. 450-1, par l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations ainsi que, selon le cas, par l'occupant des lieux ou son représentant ou les deux témoins requis ;

Que ni ces dispositions, ni la référence par l'article L. 450-4 du Code de commerce à l'article 56 du Code de procédure pénale pour les seules opérations d'inventaire et de mise sous scellés, n'imposent que chaque page du procès-verbal soit paraphée par l'officier de police judiciaire ;

Que ces procès-verbaux et l'inventaire y inclus ont pour objet de faire preuve du déroulement des opérations de visite et saisies, d'informer les personnes concernées de l'étendue des saisies opérées et de permettre au juge d'exercer son contrôle notamment sur la concordance entre les opérations menées et l'autorisation consentie à l'administration;

Que conformément aux dispositions précitées le procès-verbal établi le 5 mai 2009 mentionne précisément les bureaux qui ont fait l'objet d'une apposition de scellés avant d'être visités, ceux dans lesquels des documents sur support papier ont été saisis, les modalités selon lesquelles les données informatiques accessibles à partir d'ordinateurs identifiés ont été examinées puis ont fait l'objet d'une analyse plus approfondie dès lors qu'avait été constatée la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation donnée par le juge, les modalités selon lesquelles des fichiers informatiques ont été extraits après authentification numérique, inventoriés, gravés sur deux DVD-R vierges non réinscriptibles, copiés en deux exemplaires dont l'un laissé à la société X ;

Que ces dispositions suffisent à satisfaire les exigences légales en ce qui concerne la description des modalités techniques des saisies ;

Qu'il importe peu que l'administration ait procédé au gravage des DVD et à leur copie sur un matériel lui appartenant et inconnu de la partie saisie dans la mesure où il n'est pas allégué que les documents saisis en copie seraient différents des originaux et où une éventuelle dégradation des documents ainsi saisis en copie pourrait avoir une incidence sur la valeur probante susceptible de leur être accordée dans le cadre d'éventuelles poursuites mais n'affecterait pas la validité de la saisie ;

Considérant en revanche, que la mention " nous avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge " ne permet pas, à elle seule, une vérification par le juge de ce que la saisie s'inscrit dans les limites de l'autorisation donnée et doit être rapprochée des termes de l'inventaire, ainsi qu'il sera fait ci-dessous ;

- inventaire

Considérant que l'inventaire établi par les enquêteurs comprend dans une première partie, une liste, bureau par bureau, des documents saisis sur support papier nommés de façon explicite par leur nature (courrier, courriel, étude, compte-rendu ...), leur objet (Durogesic, généric/princeps, AFSSAPS, prix marché ...), et l'intervenant concerné, qui permet d'une part aux intéressés d'identifier clairement le document dont s'agit, d'autre part au juge de constater que les saisies faites dans chaque bureau ont été effectivement concentrées sur des documents relatifs à l'objet de l'autorisation accordée ;

Considérant que la seconde partie de l'inventaire porte sur les saisies informatiques; qu'elle contient, répartis dans dix fichiers identifiant principalement l'utilisateur de l'ordinateur visité, un listing des documents saisis dans les messageries ;

Que la requérante, nonobstant les dispositions de l'ordonnance de Villers Cotterêts de 1539, ne saurait reprocher à l'administration d'avoir conservé, pour identifier les fichiers saisis, les dénominations en anglais, pratiquées à titre habituel par les utilisateurs des ordinateurs visités et qui lui permettent d'identifier sans ambiguïté les dossiers dont il s'agit ; que la dénomination des colonnes du tableau utilisé pour présenter l'inventaire, faite en anglais dans un simple souci de cohérence n'a aucune incidence juridique en ce que son omission n'affecterait pas la validité de l'inventaire ;

Considérant en revanche, que si les libellés des documents inventoriés dans les fichiers dénommés " Allemand ", " Bonneville ", " Lagneau ", " Anceau ", " Coudsy ", " Yalaoui ", " serveur " sont suffisamment explicites pour convaincre le juge que les fichiers saisis contiennent des documents en rapport avec l'objet de l'autorisation accordée, soit par des références expresses au médicament Durogesic, aux génériques, à des rencontres commerciales contemporaines des faits allégués à l'encontre de la société X, de conventions relatives à des prix et d'offres de prix concomitantes à d'autres documents relatifs aux génériques, l'inventaire des fichiers intitulés " brouillon ", " Z ", " Y " ne permet pas ce contrôle du juge ;

Qu'il appartient à l'administration, même lorsqu'elle procède à une saisie globale, de justifier auprès du juge qu'une partie du fichier saisi - à tout le moins - se rapporte à l'objet de l'autorisation obtenue ;

Qu'en l'espèce, ni le procès-verbal, ni l'inventaire y inclus ne permettent ce contrôle pour les trois fichiers précités ;

Que la saisie des fichiers " brouillon ", " Z " et " Y " doit ainsi être annulée et la restitution des documents correspondants ordonnée ;

Que l'irrégularité de l'inventaire concernant ces trois fichiers étant sans effet sur la validité de la saisie des autres documents, il convient d'examiner les moyens de fond présentés par la requérante pour ce qui concerne le surplus des opérations contestées ;

Sur les moyens relatifs à l'organisation générale de la visite et des saisies

Considérant que la société X émet un certain nombre de griefs relatifs à l'organisation générale de la visite et des saisies qui portent sur :

- les droits de la défense en particulier la présence insuffisante d'avocats, l'absence de préservation de la confidentialité, le défaut d'information sur les outils utilisés,

- une absence de recherche sélective préalable aux saisies et un défaut de proportionnalité,

- la saisie globale de messageries.

- droits de la défense, secret de la correspondance et secret professionnel

Considérant qu'il convient de rappeler que les opérations contestées s'inscrivent dans une phase d'enquête préalable à d'éventuelles poursuites pénales ; que le droit d'être assisté juridiquement, expressément prévu par l'article L. 450-4 du Code de commerce et le droit à la confidentialité des correspondances entre avocat et client y sont applicables;

Considérant en l'espèce, qu'il est constant que trois avocats ont assisté aux opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de la société X le 5 mai 2009 ;

Que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit pas une implication de l'avocat dans l'opération de recherche ou de sélection des documents, objet de l'enquête mais sa seule présence afin notamment d'alerter l'officier de police judiciaire présent ou le juge dans le cas d'éventuelles violations de droits fondamentaux et d'informer et conseiller son client sur ses droits dans le cadre d'une telle procédure ; que, si les enquêteurs assistés des officiers de police judiciaire se sont répartis en six équipes pour procéder aux visites simultanées de plusieurs bureaux situés dans un même bâtiment, cette circonstance n'excluait pas une véritable assistance juridique pendant les opérations dès lors que les avocats présents pouvaient constater leur déroulement global, répondre immédiatement à toute interrogation des représentants de la société X présents avec chaque équipe d'enquêteurs et le cas échéant saisir immédiatement le juge de toute irrégularité ; que le droit de la société X à une assistance juridique a ainsi été respecté ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce n'excluent pas la saisie de correspondances mêmes privées susceptibles d'avoir un lien avec l'objet de la mesure autorisée ; que la référence aux articles 432-4 et 432-9 du Code pénal n'est donc pas pertinente au stade de la saisie opérée le 5 mai 2009 ; qu'en l'espèce, le grief émis par la société X porte en réalité uniquement sur des documents électroniques saisis dans le cadre d'une saisie globale de la messagerie de certains salariés et sera examiné ci-dessous ;

Considérant que l'importance qui s'attache, au regard du respect des droits de la défense, au secret garantissant les échanges entre un avocat et son client en application de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, impose une appréciation stricte des conditions dans lesquelles des documents susceptibles d'être protégés sont saisis ; que, pour autant, la protection accordée à certains documents ne saurait avoir une incidence sur la validité de la saisie, même simultanée, de documents non protégés ;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à la saisie par l'administration d'un document présentant de façon manifeste les caractéristiques d'un document protégé par le secret professionnel ; Que néanmoins l'identification au moins formelle, comme tel, des documents concernés est nécessaire pour que la protection légale puisse être appliquée ;

Que la société X reproche en réalité à l'administration de n'avoir pas mis en place une procédure lui permettant d'exclure la saisie de documents protégés ;

Mais considérant, qu'indépendamment de ce qui sera indiqué ci-dessous sur la saisie globale de messageries électroniques, la société X en se contentant de citer " des notes manuscrites relatives à des discussions avec les conseils de X sur la stratégie de X en matière de contrefaçon et de brevets " et divers échanges avec des avocats ne permet pas au juge d'exercer un contrôle effectif - qu'elle réclame par ailleurs - sur l'existence de documents protégés et la validité de la saisie de ces documents; qu'aucun des représentants de l'entreprise présents lors des opérations et de la rédaction du procès-verbal et assistés juridiquement n'a émis de réserve sur le respect du secret professionnel alors même que la précision du libellé des documents sur support papier inventoriés aurait permis d'identifier les pièces protégées ; qu'il n'apparaît pas que la requérante qui dénonce pourtant une opération démesurée, gravement attentatoire aux droits fondamentaux ait saisi l'officier de police judiciaire d'une demande particulière ou encore le juge ayant autorisé l'opération, saisie qui constitue pourtant en droit positif un élément déterminant de la protection des droits fondamentaux invoqués ; Que n'est donc pas établie la réalité de documents saisis sur support papier susceptibles de présenter, à tout le moins, l'apparence d'un document couvert par le secret professionnel alors même que la société X a été immédiatement mise en possession d'une copie du DVD établi par l'administration lui permettant d'identifier des documents protégés ; que n'est pas davantage établi le nombre de tels documents qui aurait pourtant pu constituer un indice d'une carence de l'administration dans son obligation de loyauté ;

Considérant qu'au stade de l'enquête aucune disposition légale n'impose à l'administration de dévoiler contradictoirement les moteurs de recherche ou mots-clés utilisés pour identifier les documents saisis ; qu'il appartiendra, le cas échéant à la société X de critiquer la pertinence des documents retenus dans le cadre d'éventuelles poursuites ;

Qu'en conséquence, l'ensemble des moyens invoqués de ce chef doit être rejeté ;

- absence de recherche sélective préalable aux saisies et défaut de proportionnalité

Considérant qu'il ressort du procès-verbal établi le 5 mai 2009 et n'est pas contesté qu'aucune saisie n'a été opérée dans 13 des 30 bureaux visités par les enquêteurs ; que dans certains bureaux une saisie de documents-papier a été faite, dans d'autres une saisie de la messagerie de l'occupant a été réalisée ;

Que l'inventaire des documents saisis sur support papier révèle clairement qu'une grande partie des documents saisis concerne explicitement le médicament Durogesic, les produits génériques et la stratégie de l'entreprise s'y rapportant ; Que ces éléments contredisent clairement l'argument selon lequel les enquêteurs auraient procédé aux saisies sans recherche préalable ;

Qu'en l'absence de toute donnée chiffrée sur le nombre de salariés travaillant dans l'établissement visité, sur la superficie de ce dernier, ni sur le nombre de documents consultés, il ne peut être induit du seul nombre absolu de documents saisis (10 000 sur support papier et 200 000 documents électroniques selon la requérante) ni une absence de sélection, ni une disproportion par rapport tant à l'objet de l'enquête, qu'à l'intrusion imposée à la société X pendant environ vingt heures.

- saisie globale des messageries, secret de la correspondance et secret professionnel

Considérant que la requérante reproche à l'Autorité de la concurrence d'avoir procédé à la saisie globale de plusieurs messageries électroniques sans sélectionner les seuls messages relatifs à l'objet de son enquête alors qu'il était aisé de déplacer les données utiles dans un dossier électronique avant de saisir celui-ci et d'exclure ainsi de la saisie tous les documents sans rapport avec l'objet de l'enquête ou protégés par la loi ;

Considérant que l'administration répond que la méthode utilisée est la seule à préserver la conformité et la fiabilité des documents saisis ;

Qu'en effet, les documents de messagerie litigieux, issus du logiciel Microsoft Outlook 2003 sont stockés dans un fichier unique pour l'ensemble des services fournis à l'utilisateur (messagerie, calendrier, contacts ...) ; que la sélection par message prônée par la société X aurait pour effet d'altérer les références électroniques des fichiers déplacés et affecterait tant la fiabilité que l'inviolabilité des fichiers concernés ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté qu'il n'est pas possible techniquement d'exporter les éléments Calendrier et Contact ; que c'est en ce sens que la messagerie électronique est dite " insécable " par sa nature ;

Que la démultiplication des documents contenus par une messagerie électronique par rapport au contenu d'une série de dossiers sur support papier ne modifie pas le régime juridique applicable à ces saisies et qui permet la saisie d'un dossier ou d'une série de dossiers, aussi volumineuse soit-elle dès lors qu'elle présente une certaine unité et comporte des documents visiblement relatifs à l'objet de l'opération autorisée ;

Considérant que le seul fait - vérifié ci-dessus par le juge - qu'une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire suffit à valider la saisie globale opérée ;

Considérant que la saisie, dans ce cadre global, de certains documents personnels à des salariés ou de documents étrangers à l'objet de l'opération autorisée par le juge n'invalide pas la saisie mais doit conduire l'administration à restituer les documents concernés dès lors qu'ils auront été identifiés par les intéressés ;

Considérant qu'en application de l'article 56 du Code de procédure pénale auquel renvoie l'article L. 450-4 du Code de commerce, il appartient à l'Autorité de la concurrence de provoquer préalablement aux saisies toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel ; qu'en l'espèce la remise immédiate à la société X d'une copie, sur DVD, de l'ensemble des documents électroniques ensuite saisis et placés sous scellés participe de cette exigence ;

Qu'en l'absence de toute identification précise par la requérante d'un document protégé, la simple lecture des noms des documents saisis dans les différentes messageries, mentionnés dans l'inventaire annexé au procès-verbal et qui correspondent aux intitulés découverts par l'administration lors de la visite, ne permet pas de déceler l'existence manifeste de documents protégés parmi ces documents saisis;

Que de même que pour les documents saisis sur support papier, une indication sur le nombre de documents protégés qui auraient fait l'objet d'une saisie aurait pourtant pu constituer un indice d'une carence de l'Administration dans son obligation de loyauté et dans la disproportion alléguée entre les moyens mis en œuvre et la nécessaire protection des droits fondamentaux ;

Considérant dès lors qu'il appartiendra à tout intéressé, en l'espèce la société X, Monsieur Y, Monsieur Z (pour autant que ces derniers se prévalent de correspondances privées en dehors des fichiers inventoriés " Z " et " Y " dont la restitution sera par ailleurs ordonnée) et l'Ordre des avocats à la Cour de Paris, d'identifier les documents qu'ils considèrent comme protégés par le secret de la correspondance ou le secret professionnel ou étrangers à l'objet de l'opération autorisée et d'en solliciter la restitution auprès de l'Administration ; qu'il convient de donner acte à l'Autorité de la concurrence de son accord pour cette restitution;

Sur les moyens tirés de la loi du 6 janvier 1978

Considérant que les saisies de documents informatiques réalisées le 5 mai 2009 et autorisées judiciairement sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, ne constitue pas un traitement de données à caractère personnelle au sens de la loi du 6 janvier 1978 ;

Que les dispositions visées sont ainsi inapplicables aux faits de l'espèce ;

Qu'il n'entre pas dans les attributions de la présente juridiction de se prononcer sur la régularité et la pertinence de l'exploitation pouvant être faite des données saisies ;

Sur les autres moyens

Considérant que les motifs qui précèdent suffisent à répondre aux moyens présentés par Monsieur Z, Monsieur Y et l'Ordre des avocats à la Cour de Paris ;

Qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'effacement des données à caractère personnel de Monsieur Y et de Monsieur Z dès lors qu'elles ne sont pas précisément identifiées et que les fichiers intitulés " Y " et " Z " seront restitués à la société X.

Par ces motifs, Recevons Monsieur Y, Monsieur Z et l'Ordre des avocats à la Cour de Paris en leur intervention volontaire, Prononçons l'annulation de la saisie des fichiers intitulés " Brouillon ", " Y " et " Z " référencés sur l'inventaire des saisies informatiques en annexe 7 du procès-verbal ; Ordonnons la restitution à la société X de l'original et de toutes les copies des documents contenus dans ces trois fichiers ; Déclarons régulières, pour le surplus, les opérations de visite et saisies réalisées le 5 mai 2009 dans les locaux de la société X ; Donnons acte à l'Autorité de la concurrence de son accord pour restituer les documents qui seront revendiquées par les parties comme relevant de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ou de l'article 9 du Code civil ; Disons qu'il nous en sera référé en cas de difficulté ; Déboutons les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ; Disons que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.