CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 2 décembre 2010, n° 2010-08010
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Euro Power Technology (SAS)
Défendeur :
Verdesis France (SASU), Verdesis (SA), EDF (SA), Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Président de l'Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fossier
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Oppelt-Reveneau
Avoués :
Me Teytaud, SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Grappotte Benetreau Jumel
Avocats :
Mes Delplanque, Ylouses, Calvet
Faits, circonstances et procédure
Le secteur concerné
Le secteur concerné est la valorisation électrique du biogaz, le biogaz se définissant comme un gaz combustible issu, par un procédé naturel, de la dégradation de matières organiques d'origine végétale ou animale par des bactéries en l'absence d'oxygène.
Le biogaz peut être valorisé afin de produire de l'électricité et de la chaleur. Il peut également être utilisé comme carburant ou être injecté dans les réseaux de gaz naturel.
Le biogaz est, aux côtés notamment de l'hydraulique, de l'éolien, du solaire ou de la géothermie, une énergie renouvelable, secteur dont il occupe une part d'environ 1 %.
S'agissant de la valorisation électrique du biogaz, celle-ci entre dans le champ de la production, de l'achat et de la distribution de l'électricité : ainsi, selon la loi du 10 février 2000, la société EDF (ci-après EDF) et les distributeurs non nationalisés (entreprises locales chargées d'une zone de desserte exclusive) sont tenus d'acheter aux producteurs, pendant quinze ans, l'électricité produite, selon des conditions fixées par arrêté. L'arrêté du 10 juillet 2006 fixe les conditions d'achat de l'électricité produites par les installations qui valorisent le biogaz.
Pour ce faire, les producteurs d'électricité doivent être raccordés au réseau de distribution auprès d'un gestionnaire de réseau public, tel ERDF (Electricité Réseau distribution France), filiale d'EDF à 100 %.
Le marché pertinent en la cause a été défini comme celui de la fourniture et de l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz.
Les entreprises en cause
Sont en cause quatre sociétés:
- la plaignante, la société Euro Power Technology, créée en 2000, opère dans la production et la conversion d'énergie et offre des services de co-génération avec tout type de gaz ainsi que des services de valorisation de spéciaux comme le biogaz. La société Euro Power distribue des micro-turbines à gaz et des moteurs à gaz. Elle a également développé un projet industriel de petites centrales électriques indépendantes alimentées au biogaz sur les décharges afin de produire de l'électricité revendue à EDF ou aux entreprises locales de distribution. C'est une entreprise dont le chiffre d'affaires s'est élevé en 2008 à 5,57 M euro.
- la société Verdesis SA, société de droit belge créée en 2002 et la société Verdesis France SASU créée en décembre 2006 : Verdesis conçoit et exploite tant en Belgique qu'à l'étranger des solutions globales de valorisation énergétique de biomasse de toutes origines et notamment de biogaz de décharge, de résidus de procédés de fermentation de boues de toutes origines. Le chiffre d'affaires de Verdesis France s'est élevé en 2008 à 230 780 euro sur 6 mois.
Les deux sociétés Verdesis et EuroPower Technology proposent des installations utilisant des micro-turbines permettant de suivre la courbe de gisement du biogaz et d'adapter la production d'électricité en fonction de la quantité de biogaz capté.
Une collaboration technique et commerciale s'est nouée entre ces deux sociétés en 2005/2006 qui s'est traduite par un litige. La société Euro Power Technology a saisi, à partir de 2007, les juridictions commerciales. Ces litiges sont toujours pendants.
- la société EDF SA qui est la société mère du groupe EDF, opérateur historique de l'électricité en France, exerçant tous les métiers de l'électricité: production, transport, distribution et fourniture.
Sous l'impulsion d'une politique incitative de la part des pouvoirs publics, EDF s'est également engagée dans le secteur des énergies renouvelables à travers une holding EDEV et ses filiales, en particulier EDF Energies nouvelles (ci-après EDF EN). La société EDF EN, dont l'implantation est internationale, est un producteur d'électricité verte présent dans plusieurs filières d'énergie renouvelable comme l'éolien, le solaire, la biomasse et l'hydraulique. En lien avec la production d'électricité, la filiale d'EDF, ERDF (Electricité Réseau distribution France) détient un rôle déterminant dans la gestion du réseau de distribution métropolitain d'électricité et assure la distribution de l'électricité sur 95 % du territoire métropolitain.
Au plan capitalistique, EDF détient 100 % du capital d'EDEV, EDEV détient 50 % du capital d'EDF EN. En juillet 2007, EDF EN a acquis les participations d'EDEV et de Nivelinvest et détient près de 69 % du capital de Verdesis SAS, société belge, celle-ci détenant 100 % du capital de Verdesis France.
La saisine du Conseil de la concurrence
Le 17 juin 2008, le conseil de la concurrence a été saisi, sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que des articles 101 et 102 du traité de l'Union européenne (anciennement articles 81 et 82), d'une plainte de la société Euro Power Technology concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz. Cette saisine était assortie également d'une demande de mesures conservatoires tendant à faire cesser les pratiques dénoncées.
Plus précisément, la société EPT a dénoncé des pratiques qu'elle impute à Verdesis ou EDF, à savoir l'utilisation par Verdesis de l'image de marque d'EDF afin de fausser le jeu de la concurrence ; l'existence de prestations intragroupes non compensées financièrement; une rupture d'égalité dans l'accès au réseau de distribution imputable à EDF; un abus de position dominante d'EDF, matérialisé (i) par une faveur pour sa filiale auprès de ses clients au détriment d'EPT, (ii) par une pression exercée sur un fournisseur (Capstone) au bénéfice de sa filiale, évinçant EPT du marché; des pratiques de concurrence déloyale concertées entre EDF et Verdesis, sous la forme de dénigrement systématique et de dénonciation calomnieuse, ayant pour objet l'éviction du marché d'EPT.
Par un avis en date du 28 janvier 2010, la Commission de régulation de l'énergie a dit que la saisine de l'Autorité par la société Euro Power Technology n'appelait de sa part aucune observation particulière. Elle a joint à son avis une note d'information sur la conversion du biogaz.
Par une décision en date du 16 avril 2010, se fondant sur l'article L. 462-8 alinéa 2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence, devenu entre temps, l'Autorité de la concurrence (ci-après "l'Autorité"), a rejeté l'intégralité de la saisine pour défaut d'éléments probants.
La société Euro Power Technology a formé un premier recours contre cette décision, recours qui a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 1er juin 2010. Elle a alors introduit un second recours, objet de la présente décision.
LA COUR,
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz ;
Vu le recours formé le 7 juin 2010 par la société Euro Power Technology en application de l'article L. 464-8 du Code de commerce tendant à ce que la cour juge que les pratiques dénoncées sont constitutives d'une entente et/ou d'un abus de position dominante et qu'elle assortisse sa décision d'injonctions; subsidiairement, elle demande que l'affaire soit renvoyée à l'Autorité pour instruction et que les mesures conservatoires qu'elle énumère soient ordonnées.
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Euro Power Technology déposé le 7 juin 2010, soutenu par un mémoire complémentaire et récapitulatif déposé le 1er octobre 2010 ;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Verdesis France et Verdesis SA de droit belge déposé le 12 juillet 2010 et tendant au rejet du recours, ainsi qu'à la condamnation de la société Euro Power Technology à leur payer à chacune la somme de 25 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société EDF SA déposé le 12 juillet 2010 et tendant au rejet du recours ainsi qu'à la condamnation de la société Euro Power Technology à lui payer la somme de 35 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;
Vu les observations écrites de l'Autorité de la concurrence déposées le 13 septembre 2010 ;
Vu le courrier du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi en date du 14 septembre 2010 par lequel celui-ci indique n'avoir à formuler aucune observation dans la présente affaire;
Vu les observations du Ministère public en date du 28 septembre 2010, mises à la disposition des parties avant l'audience;
Vu l'avis en date du 28 janvier 2010 par lequel la Commission de régulation de l'énergie a dit que la saisine de l'Autorité de la concurrence, par la société Euro Power Technology n'appelait de sa part aucune observation particulière;
Après avoir entendu à l'audience publique du 14 octobre 2010, le conseil de la requérante et ceux des sociétés Verdesis et EDF, qui ont été mis en mesure de répliquer ainsi que la représentante de l'Autorité et le Ministère public;
Après que, à la demande de la cour, la société Verdesis a communiqué à la société Euro Power Technology le tableau qu'elle a établi des pièces dont elle demande qu'elles soient écartées des débats au motif qu'elles ont été saisies sur la base d'une ordonnance sur requête ultérieurement rétractée;
Sur ce
Considérant qu'il faut donner acte aux parties de ce qu'elles ne soulèvent aucun moyen relatif à la composition de la cour, qui leur a été notifiée préalablement à l'audience ;
A. Procédure
A1 - Sur l'unicité de la décision rendue
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que l'Autorité n'aurait pas du statuer par une seule décision sur la recevabilité de la saisine et sur la demande de mesures conservatoires, une telle possibilité n'étant pas prévue par les articles L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce; que ce faisant, l'Autorité a réduit le délai de recours de trente à dix jours;
Mais considérant que la demande de mesures conservatoires mentionnée à l'article L. 464-1 du Code de commerce ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de la concurrence ; que par application de cette disposition réglementaire, qui fait nécessairement de la demande de mesures conservatoires un accessoire d'une saisine au fond, le rejet de la saisine par application de l'article L. 462-8 emporte rejet, par voie de conséquence, de la demande de mesures conservatoires sans examen de celle-ci;
Que le moyen manque en droit;
A2 - Sur la régularité de la procédure, le respect du principe contradictoire et l'impartialité de l'Autorité de la concurrence
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que l'Autorité a réservé à la présente affaire un traitement procédural anormal; qu'en particulier, elle n'a pas respecté le principe contradictoire en imposant des délais de réplique insuffisants;
Mais considérant qu'il convient de rappeler que l'Autorité a statué sur le fondement de l'article L. 462-8 du Code de commerce, qui l'autorise à rejeter sa saisine par une décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants;
Qu'autrement dit, l'admission de la saisine par l'Autorité repose d'abord sur la valeur probante des éléments qu'il incombe au requérant de produire; que le traitement procédural de la présente affaire doit également s'apprécier au regard de la demande de mesures conservatoires;
Qu'en premier lieu, l'Autorité, avant de rejeter sa saisine, a préalablement accompli des actes d'instruction en complément des éléments produits par la société Euro Power Technology ;
Que l'Autorité a ainsi procédé à l'examen de la saisine en cause du 2 juillet 2008 au 15 février 2010 ;
Que l'Autorité a formulé des demandes de déclassement les 10 et 12 février 2010 auxquelles toutes les parties ont répondu; qu'il n'est pas contesté non plus que la convention passée entre la société EDF et la société Verdesis, partiellement déconfidentialisée a été rendue accessible le 15 février 2010, soit à l'avant-veille de la séance qui s'est tenue le 17 février;
Que les parties ont été convoquées à la séance du 17 février 2010 ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la procédure devant l'Autorité s'est déroulée sur 21 mois, qui constitue une durée raisonnable compte-tenu des mesures d'instruction ordonnées par l'Autorité;
Que si l'instruction s'est accélérée au cours des mois de janvier et de février 2010, les délais laissés aux parties pour répondre aux demandes de déclassement de l'Autorité et pour s'exprimer sur les pièces déclassées ont permis aux parties de s'expliquer en séance sur l'ensemble des pièces versées aux débats, sans qu'il apparaisse que l'une d'elles ait demandé des délais supplémentaires pour répliquer, comme a pu le faire la société Euro Power Technology elle-même dans un courrier du 20 janvier 2010 ;
Qu'en somme, il apparaît que l'Autorité aurait pu, sans compromettre le déroulement de la procédure, accorder des délais plus longs aux parties, en particulier à la suite des déclassements intervenus, il ressort des débats que toutes les parties, traitées de la même manière, se sont effectivement expliquées sur l'ensemble des pièces produites aux débats, dans les délais prescrits, répondant ainsi à l'impératif de diligence attaché à la demande accessoire relative aux mesures conservatoires qui est une procédure d'urgence; qu'en définitive, la société requérante qui se borne à alléguer d'un traitement procédural anormal ne démontre nullement que les délais de la procédure et son rythme auraient porté une atteinte irrémédiable et concrète à ses droits;
Que la procédure est donc régulière au regard des textes invoqués par la société Euro Power Technology, qui n'imposent pas des délais précis, et plus particulièrement au regard de l'application du principe du contradictoire, ainsi que de l'exigence d'impartialité qui s'imposent à l'Autorité;
A3 - Sur l'application de la procédure de classement sous la protection du secret des affaires
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que l'Autorité a commis un abus dans l'application de la procédure de classement sous la protection du secret des affaires; que, ce faisant, elle a été partiale ;
Que la société Euro Power Technology soutient que la décision de l'Autorité, en décidant de ne pas déconfidentialiser des informations communiquées par EDF, ne permet pas un examen contradictoire des informations et des éléments communiqués ainsi par chacune des parties; que la protection sous le secret des affaires constitue, en l'espèce, une violation grave du principe du contradictoire et des droits de la défense; qu'à cet égard, la société Euro Power Technology précise que les questions relatives au soutien technique et commercial apporté par EDF à Verdesis et à la rémunération d'EDF par Verdesis pour les prestations fournies sont exemplaires de la violation du principe du contradictoire tel qu'il est posé par l'article L. 463-4 du Code de commerce, en ce que la déconfidentialisation lui était nécessaire notamment pour démontrer que lesdites prestations étaient rémunérées à des niveaux bien inférieurs à ceux du marché;
Mais considérant que l'article L. 463-4 du Code de commerce prévoit que "sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, le rapporteur général de l'Autorité peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles" ;
Qu'en outre, l'article R. 464-29 du Code de commerce prescrit que les décisions prises par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 463-4 ne peuvent faire l'objet d'un recours qu'avec la décision de l'Autorité sur le fond;
Qu'en l'espèce, quinze décisions de classement sous le secret des affaires, portant chacune une référence particulière, ont été prises par le rapporteur général de l'Autorité; que ces décisions ont toutes été notifiées aux parties avec l'indication de l'existence du recours prévu à l'article précité;
Qu'il convient donc de constater en premier lieu que la société Euro Power Technology qui critique l'usage par l'Autorité, de la procédure de classement sous la protection du secret des affaires ne dirige son recours précisément contre aucune des quinze décisions précitées;
Qu'en outre, en application de l'article L. 462-8 précité, l'admission de la saisine suppose que la dénonciation des pratiques s'appuie sur des éléments suffisamment probants;
Qu'il ne peut donc être reproché à l'Autorité, en complétant son examen des pièces produites au soutien de la saisine, par une instruction sommaire, d'avoir mis en balance le droit à la protection du secret des affaires avec les nécessités de la procédure, et d'avoir fait preuve de prudence en protégeant le secret des affaires de toutes les parties, y compris celui de la société Euro Power Technology, afin d'éviter que sa saisine ne constitue indûment un instrument d'accès aux secrets d'affaires des sociétés adverses;
Qu'il appartenait à la société Euro Power Technology de produire les éléments suffisamment probants requis justifiant la saisine de l'Autorité et l'instruction par ses services de la plainte de la société Euro Power Technology en application des articles L. 461-1 et suivants du Code de commerce; que l'Autorité n'a pas vocation à suppléer à la carence de la société requérante; qu'il se déduit de ces circonstances que la société Euro Power Technology ne peut valablement se prévaloir d'une prétendue violation de ses droits de la défense;
Qu'il s'ensuit que ne peuvent qu'être rejetés les moyens tirés de l'abus du classement sous la protection du secret des affaires et de la violation des articles L. 461-1 et suivants du Code de commerce;
A4 - Sur le reproche relatif aux pièces écartées des débats sur la base d'une ordonnance de référé rétractée
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que l'Autorité de la concurrence a, à tort, écarté des débats des pièces obtenues sur la base d'une ordonnance de référé rétractée, dont d'ailleurs, certaines ont, par la suite, été réintégrées dans les débats à la demande du rapporteur du Conseil de la concurrence.
Que la société Euro Power Technology fait valoir, tout d'abord qu'une ordonnance de référé n'a pas autorité de la chose jugée et, qu'en l'espèce, l'ordonnance de rétractation visée par les sociétés EDF et Verdesis n'ordonne pas la restitution des pièces litigieuses; qu'elle ajoute, ce qui n'est pas contesté, que le rapporteur de l'Autorité, lors de son instruction, a demandé et obtenu des parties la production de certaines de ces pièces ; qu'elle en déduit que ces pièces, ainsi produites régulièrement, auraient dû être retenues par l'Autorité et être discutées dans le cadre de la présente saisine;
Mais considérant qu'il ressort des débats que les pièces litigieuses ont été saisies dans les locaux de la société EDF par Me Titton, huissier de justice en vertu de deux ordonnances des 25 juillet et 10 octobre 2007, rendues sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile par le juge des référés du Tribunal de commerce de Marseille, saisi par la société Euro Power Technology ;
Que ces deux ordonnances ont été par la suite rétractées "en toutes leurs dispositions en ce qu'elles ont commis Me Titton, huissier de justice" par l'ordonnance du 23 octobre 2007, confirmée par l'arrêt précité de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Et considérant qu'en application de l'article 484 du Code de procédure civile, une ordonnance de référé n'a pas autorité de la chose jugée au principal et ne s'impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins ; qu'elle est cependant exécutoire à titre provisoire; qu'il s'ensuit que l'ordonnance de rétractation du 23 octobre 2007 est exécutoire serait-ce à titre provisoire; Qu'en conséquence, la société Euro Power Technology ne saurait reprocher à l'Autorité d'avoir respecté cette décision et d'avoir écarté des débats les pièces litigieuses au motif que même obtenues, par la suite, à la demande de son rapporteur dans le cadre de l'instruction de la présente affaire, cette communication était entachée d'irrégularité, dès lors que la connaissance de l'existence même de ces pièces, internes à l'entreprise, puisait sa source dans les ordonnances rétractées et les saisies nécessairement invalidées en ayant découlé, peu important, contrairement à ce que prétend la société Euro Power Technology, que leur restitution n'ait pas été expressément ordonnée par l'ordonnance de rétractation;
Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que des pièces ont été écartées des débats par l'Autorité n'est pas fondé;
Qu'il ressort donc de ce qui précède que doivent être écartées des débats les pièces produites par la société Euro Power Technology provenant de la saisie, ordonnée puis rétractée, dans les locaux de la société EDF à Marseille; que ces pièces figurent dans le tableau récapitulatif produit par les sociétés Verdesis, non contesté par la société Euro Power Technology ; que s'y ajoutent celles qui ont été réclamées par le rapporteur de l'Autorité par demande en date du 22 décembre 2009 ;
Que ces pièces ont été produites par la requérante sous les numéros suivants: n° 1, 2, 3, 7, 9, 10.2, 10.3, 11, 12, 40, 41, 51 et 58 ;
A5 - Sur l'absence d'actes d'instruction de la part de l'Autorité
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir - se prévalant des articles L. 461-1 à L. 461-4, L. 464-2 du Code de commerce, qu'elle n'avait pas à fournir, pour étayer sa saisine, d'autres éléments qu'un minimum d'informations et d'explications crédibles et vérifiables, pour obtenir que l'instruction soit engagée; et reproche donc à l'Autorité de n'avoir pas mis en œuvre les pouvoirs d'instruction que lui reconnaissent les textes; que cette carence vicie la procédure suivie devant l'Autorité;
Mais considérant que, comme énoncé précédemment (A2), il est formellement inexact d'affirmer que l'Autorité n'a pas instruit le dossier; que son appréciation sur l'inexistence d'une pratique anticoncurrentielle relevait, et celle de la cour relève présentement, du fond et non de la procédure;
B - Sur le fond
B1 - Sur le marché
B11 - Sur le marché de la production et de la fourniture d'électricité
Considérant qu'il ressort des éléments de l'enquête résumés aux § 43 à 46 de la décision de l'Autorité, qui ne sont pas contestés et que la cour retient, que EDF est susceptible de détenir une position dominante sur les marchés de la production et de la fourniture d'électricité aux clients finals petits professionnels et résidentiels;
B12 - Sur le marché susceptible d'être affecté par les pratiques dénoncées
B121 - Sur le marché pertinent la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz
Considérant que la société Euro Power Technology conteste que l'Autorité ait pu retenir comme marché pertinent la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz; que la définition ainsi adoptée par l'Autorité repose sur la confusion entre des sociétés dont l'activité est de retraiter les déchets et celles dont l'activité est la production d'électricité; que la société Euro Power Technology soutient que les deux technologies en cause, le moteur à explosion et la micro-turbines, qui ne permettent pas d'atteindre le même objectif industriel, ne sont pas substituables ;
Que la société Euro Power Technology affirme donc que le marché pertinent est celui constitué du segment particulier de "la production d'électricité à partir de micro-turbines pour valoriser au plus près la quantité de biogaz dans les centres d'enfouissements techniques" sur lequel opèrent deux acteurs, elle-même et la société Verdesis ; que sur ce segment, celle-ci détient une position dominante avec 70 % des parts de marché; qu'au soutien de cette définition plus étroite, la société Euro Power Technology se fonde sur une étude de l'Ademe et sur la note d'information communiquée par la Commission de régulation de l'énergie;
Mais considérant que le marché, au sens du droit de la concurrence, se définit comme le point de rencontre de l'offre et de la demande pour un produit ou un service spécifique qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens et services offerts; qu'ainsi que le précise l'Autorité "une substitualité parfaite s'observant rarement, sont regardés comme substituables et comme se trouvant sur un même marché, les produits ou les services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande" ;
Considérant que les documents produits par la société Euro Power Technology et en particulier, la note de la commission de régulation de l'énergie précisent que la conversion du biogaz en électricité repose sur deux technologies : "le moteur à explosion, généralement privilégié car il offre les meilleurs rendements pour de petites puissances, et les turbines à combustion";
Qu'il ne suffit pas en l'espèce de constater l'existence de deux technologies distinctes de valorisation électrique du biogaz en fonction des puissances en jeu, pour en déduire l'existence de deux marchés distincts dont l'un serait relatif aux seules micro-turbines; qu'il faut encore établir que ces deux technologies distinctes entraînent une différenciation de l'offre et de la demande, différenciation dont la vraisemblance ne découle pas des éléments produits aux débats;
Que bien au contraire, il résulte de l'instruction complémentaire menée par l'Autorité et notamment des auditions des sociétés Véolia et Fairtec présentes sur le marché en cause, que les demandeurs sont les producteurs et les exploitants de biogaz, peu important la technologie choisie; que de même, il est établi que les offreurs comme la société Euro Power Technology et Verdesis fournissent eux-mêmes, pour valoriser le biogaz en électricité, aussi bien des micro-turbines que des moteurs à gaz ; que, contrairement à ce que soutient la société Euro Power Technology, ces deux techniques distinctes servent le même objectif industriel, en l'occurrence la production de biogaz ; qu'elles apparaissent donc substituables ;
Qu'il s'ensuit que la société Euro Power Technology n'apporte aucun élément suffisamment probant tendant à établir la vraisemblance de ce que le marché pertinent en cause serait celui très étroit de "la production d'électricité à partir de micro-turbines pour valoriser au plus près la quantité de biogaz dans les centres d'enfouissements techniques" ; qu'il apparaît, au contraire que ce marché, plus large, a été défini à juste titre et sans commettre de confusion, par l'Autorité comme étant celui de la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz ;
Qu'il résulte encore de l'instruction complémentaire menée par l'Autorité, et notamment des auditions des sociétés Véolia et Fairtec, que ce marché est atomisé et comporte de nombreux opérateurs, tels que les sociétés GRS Valtech, Fairtec/Cofely, Clarke Energy, Pro2, etc, ... ; que la société EDF achète l'électricité produite à partir du biogaz sans intervenir en tant que concurrent direct sur ce marché qui est cependant occupé par certaines de ses filiales, comme la société Verdesis ; qu'au terme de l'instruction menée par l'Autorité ce marché apparaît de taille nationale sans toutefois que sa dimension communautaire puisse être exclue;
Que le marché pertinent retenu est donc celui de la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz ;
Que sur le marché pertinent ainsi retenu, la société Euro Power Technology n'apporte aucun indice tendant à établir la vraisemblance d'une position dominante de l'une ou/et de l'autre des sociétés Verdesis ; que, pas plus, a fortiori, cette vraisemblance n'est-elle démontrée s'agissant de la société EDF qui n'apparaît pas opérer directement sur ce marché;
Qu'il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché aux deux sociétés Verdesis des pratiques d'abus de position dominante sur un marché sur lequel elles ne détiennent pas une telle position;
B122 - Sur le marché connexe de la production et de la fourniture d'électricité
Considérant que la société Euro Power Technology se prévaut des termes de la décision déférée (pts 62 et 64) qui énonce qu' "une entreprise en position dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets revêtent un caractère de connexité suffisant" ; que la décision de l'Autorité précise encore que "l'image de service public d'EDF et la puissance, consubstantielle au caractère de monopole public historique de la production et de la fourniture d'électricité dont dispose EDF sont de nature à favoriser le choix de sa filiale comme contractante par les producteurs de biogaz" ;
Que la décision de l'Autorité relève ainsi la place significative d'EDF dans la production, la fourniture, l'achat de l'électricité à partir du biogaz, mais aussi, celle détenue par l'intermédiaire de sa filiale ERDF qui assure le raccordement au réseau d'électricité des installations de production; que l'Autorité en conclut qu' "il n'est pas exclu que puisse exister un lien de connexité entre les marchés dominés de la production et de la fourniture d'électricité et le marché de la fourniture et de l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz";
Que la société Euro Power Technology soutient qu'il revenait à l'Autorité, en tenant compte de l'avis du Conseil de la concurrence n° 94-A-15 du 10 mai 1994 sur les problèmes soulevés par la diversification des activités d'EDF et de GDF au regard de la concurrence, d'examiner les pratiques reprochées, ce d'autant plus que EDF apparaît dans la notice Honeywell comme ayant été le distributeur exclusif des micro-turbines à compter de mars 1999 jusqu'en 2002 et que ses filiales Verdesis sont aujourd'hui les distributeurs exclusifs, en France et en Belgique des micro-turbines Capstone ;
Mais considérant que, en examinant la vraisemblance des pratiques dénoncées, l'Autorité a implicitement admis l'existence d'un lien de connexité entre le marché de la production et de la fourniture d'électricité et celui de la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz ;
Que l'Autorité a d'ailleurs admis cette connexité à juste titre compte-tenu de ce que EDF intervient comme opérateur sur le marché de la production d'électricité et sur le marché aval de la fourniture d'électricité; qu'en application de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, EDF a, en outre, l'obligation d'acheter l'électricité produite par des installations utilisant les énergies renouvelables, notamment le biogaz ; que le présent contexte est marqué également par la présence des filiales d'EDF sur le marché de la fourniture et l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz et en matière de raccordement au réseau de production d'électricité; que la société Euro Power Technology opère ainsi sur un marché connexe à d'autres, fortement marqués par la présence d'EDF ou de ses filiales;
Qu'il n'est donc pas exclu, en effet, que EDF, du fait de cette connexité, puisse manifester, par rapport aux autres opérateurs présents sur le marché non dominé de la fourniture et de l'exploitation d'installations produisant de l'électricité à partir du biogaz, une indépendance de comportement lui conférant une responsabilité particulière dans le maintien d'une concurrence effective sur ce marché;
Qu'il convient dès lors d'examiner, comme l'a fait l'Autorité, sur la base des éléments produits par la société Euro Power Technology, si les pratiques dénoncées sont susceptibles de constituer un abus de position dominante.
B2 - Sur l'abus de position dominante
B21 - Sur l'utilisation de la position de filiale d'ERDF
Considérant qu'à titre liminaire, la cour constate que la société Euro Power Technology n'invoque plus, dans les conclusions déposées devant elle, le grief, soutenu devant l'Autorité relatif à l'utilisation par EDF de la position de sa filiale ERDF en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité; que ce grief est donc considéré comme étant abandonné ;
B22 - Sur l'utilisation par Verdesis de son appartenance au groupe EDF comme argument technique, financier ou commercial auprès de ses clients.
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que la société EDF est toujours perçue sur le marché comme un acteur de référence, ce qui lui confère le rôle de conseil, de certificateur, voire de prescripteur de fait, de sorte que toute filiale d'EDF, dès lors qu'elle utilise son appartenance au groupe public, comme argument technique, financier ou commercial, bénéficie d'atouts de nature à fausser le jeu de la concurrence;
Que la société Euro Power Technology reproche à Verdesis d'utiliser systématiquement son appartenance au groupe EDF comme argument technique, financier ou commercial, notamment sur sa présentation figurant sur son site Internet mais encore sur d'autres documents; qu'alléguant de ce qu'elle utilise systématiquement la marque de la société EDF juxtaposée à la sienne, La société Euro Power Technology reproche également à Verdesis de ne pas disposer de sa propre marque;
Considérant que les sociétés adverses contestent l'ensemble de ces allégations; qu'elles soulignent que certaines des pièces sur lesquelles s'appuie la société Euro Power Technology doivent être écartées des débats; qu'elles insistent notamment sur le caractère distinct de leurs deux marques respectives;
Mais considérant qu'au soutien du grief en cause, la société Euro Power Technology se réfère notamment aux pièces 10.2 et 10.3 qui ont été précédemment été écartées des débats et qui ne peuvent donc être pris en compte par la cour ;
Et considérant que les éléments produits au soutien de la saisine et retenus par la cour sont les suivants:
* La pièce n° 10 constitue un document de présentation d'une société dénommée CPC, née en 2003, qui évoque son partenariat avec "Verdesis porteuse d'un projet cohérent, innovant et éprouvé ... le fondateur Xavier Lombard détient une part importante du capital aux côtés de deux investisseurs de grande renommée EDF et Nivelinvest" ; que ce document précise encore sous le titre "le produit et ses points forts" : EDF actionnaire de Verdesis est un acteur de confiance" ;
* La pièce n° 10.1 consiste en une plaquette de présentation de Verdesis intitulée "solutions pour le traitement et la valorisation du biogaz" ; que ce document la présente comme une "filiale du Groupe EDF" ; qu'il détaille les offres traitement du biogaz et décrit les techniques utilisées par Verdesis ; que ce document apparaît ainsi de nature technique et commerciale; qu'il est donc, par nature, de large diffusion; que la référence en gros caractères au groupe EDF vient au soutien de l'argumentaire technique et commercial de la plaquette;
* La pièce n° 15 consiste en un document à en-tête de la société EDF EN et de la société Verdesis intitulé "Mémoires 1 et 2", cosigné par le dirigeant d'EDF EN et le responsable développement de Verdesis ; que ce document qui présente les deux sociétés comme appartenant au même groupement en décrit les principales caractéristiques;
* Les pièces n° 62, 63 et 64 qui constituent respectivement des documents sur Verdesis concernant les sites d'exploitation du biogaz de Sainte Sévère, du Mentaure et celui de Ikos ; que ces documents mentionnent en bas de page les logos de Verdesis et de EDF Energies Nouvelles, les lettres EDF figurant en blanc se distinguant bien des autres;
Que ces éléments établissent que les dénominations de Verdesis et d'EDF sont bien distinctes, ainsi que leurs couleurs et leur graphisme respectifs;
Que ces éléments établissent également, que sous la référence à la société EDF Energies nouvelles, filiale d'EDF, la société Verdesis s'appuie aussi et nécessairement sur la référence à EDF, compte-tenu des fortes similitudes existant entre les dénominations d'EDF et d'EDF EN et de l'avantage que peut constituer pour elle l'identification par les clients potentiels de ses liens avec EDF;
Que l'ensemble des éléments recueillis, même si l'ampleur de la diffusion des documents produits n'est pas précisément établie, caractérise la vraisemblance de l'affirmation de la société Euro Power Technology selon laquelle la société Verdesis utilise bien son appartenance au groupe EDF comme référence à l'appui de ses arguments technique et commercial;
Considérant que les activités de diversification des opérateurs historiques titulaires d'anciens monopoles, comme EDF, ne sont pas prohibées par les textes; qu'il ne peut être contesté que l'appartenance d'une filiale à un groupe constitué par l'opérateur historique d'un marché libéralisé constitue pour elle un avantage concurrentiel intrinsèque; que la référence à cette appartenance en tant qu'argument technique ou commercial ne peut, cependant, systématiquement, à lui seul, caractériser un abus alors que la libéralisation du marché de l'électricité est amorcée depuis plusieurs années, que le marché en cause s'est développé sur une technologie spécifique sur laquelle EDF ne dispose pas de compétences techniques et de savoir-faire paticuliers, et que le marché en cause a vu apparaître, pendant la période considérée, des opérateurs entrants, ce qui constitue l'un des signes d'une concurrence effective;
B23 - Sur le soutien technique et commercial apporté par EDF à Verdesis :
Considérant que la société Euro Power Technology fait valoir que les prestations de conseil effectuées, au moyen de sa direction territoriale (ci-après DCT) par la société EDF de 2005 jusqu'au mois de décembre 2006 n'ont formalisées par aucune convention avec la société Verdesis Belgique et n'ont donc pas été rémunérées, tandis que celles fournies à la société Verdesis France après sa création en décembre 2006, ont reçu une rémunération dérisoire, de l'ordre de 1 % du chiffre d'affaires, laquelle, selon elle, est incompatible avec l'avis du Conseil de la concurrence n° 94-A-15 du 10 mai 1994 ;
Qu'elle appuie son allégation notamment sur le fait que la date de la convention précitée a été confidentialisée ; qu'elle affirme la volonté des sociétés adverses de la dissimuler, ce dont elle déduit que les prestations fournies à la société Verdesis Belgique ont été gratuites; qu'au soutien de ses affirmations, la société Euro Power Technology produit aux débats des mails datés des 13 avril 2006 (pièce 9), 21 septembre (pièce 2) et 3 octobre 2006 (pièce 3), 10 juin 2007 (pièce 7) qui ont été précédemment écartés des débats et un mail du13 novembre 2006 ;
Considérant que la société EDF reconnaît que la société Verdesis lui a confié, une mission rémunérée de conseil devant lui permettre notamment "d'approfondir sa connaissance des territoires locaux à enjeu et d'améliorer son efficacité commerciale" ; qu'elle précise que sa rémunération, est exprimée en pourcentage du chiffre d'affaires, variable selon les prestations réalisées, a pour assiette les affaires à l'occasion desquelles elle est intervenue ; qu'elle soutient que cette rémunération est conforme, dans ses modalités, à l'avis de 1994 dont se prévaut la société Euro Power Technology et dans son montant, aux standards du marché;
Considérant que les sociétés Verdesis adoptent un argumentaire similaire à celui d'EDF; qu'au soutien de l'autonomie commerciale dont elles se prévalent, elles expliquent avoir recours aux structures commerciales d'EDF et au soutien logistique de sa direction "DCT", de manière non systématique; qu'elles ajoutent que ce support commercial a été conçu principalement pour pallier le manque de personnel nécessaire pour prospecter sur l'ensemble du territoire français; qu'elles précisent qu'elles déterminent seules les clients à atteindre, qu'aucun salarié d'EDF n'intervient dans l'élaboration de la proposition commerciale ni dans la négociation avec le client;
Que pour faire accréditer le caractère anormalement bas de la rémunération des prestations effectuées par EDF postérieurement à la création de la société Verdesis France, la société Euro Power Technology produit aux débats la pièce 41 qui a été précédemment écartée des débats et que la cour ne peut en conséquence prendre en compte;
Que la société Euro Power Technology verse également aux débats, à titre de comparaison, un contrat de mandat de commercialisation de turbines destinées aux centrales de biogaz, prévoyant une rémunération du mandataire fixée à 15 % du prix hors vente HT du matériel ainsi qu'un contrat de mandat commercial relatif au secteur du développement, de la réalisation et de la maintenance de centrales de production et de conversion d'énergie fixant la rémunération du mandataire à 5 % du montant HT du contrat ou commande sur chaque opération traitée, outre une rémunération mensuelle fixe de 3 000 euro HT ; qu'aucun élément ne permet cependant de conclure que ces rémunérations, en effet nettement supérieures à celle en cause en termes de pourcentage, concernent des prestations comparables à celles fournies par EDF à la société Verdesis ;
Que, ainsi que l'a rappelé l'Autorité, la mise à disposition par une entreprise de moyens tirés de son activité de monopole pour le développement d'activités de ses filiales relevant du champ concurrentiel, sans contre-partie financières reflétant la réalité des coûts, est susceptible de caractériser une pratique anticoncurrentielle ;
Que le droit de la concurrence interdit les subventions croisées; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient la société Euro Power Technology, il ne proscrit pas le paiement des facilités et des prestations fournies par référence à un pourcentage du chiffre d'affaires dès lors que la rémunération en découlant reflète la réalité des coûts;
Mais considérant que la société Euro Power Technology se borne à affirmer la gratuité des prestations servies par EDF à sa filiale Verdesis Belgique, ainsi que le caractère anormalement bas de sa rémunération perçue en contrepartie des prestations fournies à sa filiale Verdesis France, sans verser au soutien de ses allégations des éléments pertinents permettant de laisser penser que la rémunération en cause ne refléterait pas la réalité des coûts, serait inférieure au standard du marché et, en conséquence, susceptible d'entraîner une distorsion de concurrence ;
Qu'en l'absence d'éléments suffisamment probants produits par la société Euro Power Technology tendant à établir la vraisemblance du caractère anormalement bas de la rémunération des prestations fournies à ses filiales par la société EDF, l'Autorité n'avait pas à suppléer à la carence de la société Euro Power Technology en ordonnant notamment la communication de la convention en cause, dont elle a pu estimer légitime qu'elle soit couverte par le secret des affaires;
B24 - Sur l'obtention par Verdesis de rabais discriminatoires auprès de la société Capstone, leader de la production des micro-turbines.
Considérant que la société Euro Power Technology reproche à la société EDF d'avoir fait pression sur la société Capstone afin de favoriser sa filiale Verdesis et de restreindre son accès au marché;
Que plus précisément, la société Euro Power Technology reproche à EDF de s'être entendue directement avec la société Capstone, pour obtenir d'elle, en avril 2006, sans raison aucune, une remise complémentaire de 5 % par rapport aux prix pratiqués pour elle, et de permettre ainsi à sa filiale Verdesis de disposer d'une meilleure offre qu'elle pour la centrale de La Ciotat;
Qu'elle ajoute que la société EDF est à l'origine de son éviction de la distribution des turbines de Capstone dont elle était, jusqu'alors, le distributeur exclusif en France ;
Que la société Euro Power Technology fait grief à l'Autorité de n'avoir pas instruit sur ce point et relève qu'en tout état de cause ni la société EDF ni la société Verdesis ne contestent la réalité des faits allégués ;
Mais considérant qu'il ressort des pièces produites aux débats et en particulier:
- d'un mail de la société Capstone du 12 janvier 2007 organisant une réunion avec les distributeurs des produits Capstone. La société Euro Power Technology, qui est distributeur de ceux-ci ne figure pas parmi les destinataires; que ce mail a été communiqué en copie à la société EDF en la personne de M. Cahen ;
- d'un échange de mails intervenus entre avril et mai 2006 entre M. Hynes de la société Capstone et M. Polz de la société Soffimat, société-soeur de la société Euro Power Technology libellés en langue anglaise que :
* la société Euro Power Technology (et non la société Soffimat) est bien le distributeur des micro-turbines Capstone en France ;
* des engagements ont été contractés par la société Capstone avec "EDF compagnies" , que la cour entend comme pouvant être non seulement EDF elle-même mais également l'une de ses filiales, Verdesis par exemple, ce qui ôte à ce document le caractère significatif que lui attribue la société Euro Power Technology ;
* des discussions existent entre la société Capstone et EDF ayant un tout autre objet (traduction de "on a separate subject") ;
- des factures établies par la société Capstone à l'attention de Xavier Lombard représentant de la société Verdesis, que ces factures font état de deux ristournes consenties par la société Capstone à la société Verdesis ("Customer discount" et "additional discount") ;
Que la cour relève, en outre, l'absence des factures d'achat de micro-turbines établies par la société Capstone pour la société Euro Power Technology ;
Considérant, en conséquence, que ces documents sont insuffisants pour établir la vraisemblance de la pression de la société EDF sur la société Capstone, invoquée par la société Euro Power Technology ; qu'en effet, ils ne permettent pas de supposer que les ristournes attribuées à Verdesis sont liées à une intervention d'EDF qu'ils ne parviennent pas à caractériser ; qu'en outre, l'absence des factures d'achat établies par la société Capstone pour la société Euro Power Technology, prive la cour d'effectuer une comparaison utile, ce qui l'empêche de conclure à la vraisemblance d'un traitement prétendument moins favorable pour la société Euro Power Technology que pour Verdesis de la part de la société Capstone ;
Que de la même manière, le fait de n'avoir pas été destinataire du mail du 12 janvier 2007 par lequel la société Capstone a organisé une réunion avec ses distributeurs, ne peut conduire à supposer, sans extrapoler, à la vraisemblance de l'éviction prétendue de la société Euro Power Technology du marché des micro-turbines et à imputer cette prétendue éviction à des pressions qu'aurait exercer la société EDF sur la sociétés Capstone ;
Que certes les éléments versés aux débats montrent qu'EDF n'est pas absente de la sphère dans laquelle évolue le marché de la fourniture et l'exploitation d'installations, notamment des micro-turbines, produisant de l'électricité à partir du biogaz ; que cependant, ses liens apparaissent, en l'état des éléments peu probants produits, très ténus et trop faibles pour établir la vraisemblance de l'existence de pressions et de l'attitude active d'EDF au bénéfice de sa filiale Verdesis qui seraient susceptibles d'avoir pour effet une restriction de concurrence;
B25 - Sur la pratique des contrats de gré à gré
Considérant que sur la pratique des contrats de gré à gré, la société Euro Power Technology soutient qu'EDF incite ses clients à éviter la procédure d'appel d'offres ce qui, selon la plaignante, est constitutif d'un abus de position dominante; qu'elle cite notamment le cas de la communauté d'agglomérations Garbelan, Huveaune Sainte Beaume (ci-après GHB) qui a passé un contrat de gré à gré avec la société Verdesis pour l'installation d'une centrale de production de l'électricité fonctionnant au biogaz, en violation, selon elle, des règles des marchés publics;
Que les sociétés EDF et Verdesis contestent ces allégations et soutiennent le caractère régulier de la procédure de gré à gré choisie par la communauté d'agglomérations GHB;
Qu'aucun élément admis aux débats ne met en évidence l'intervention active de la société EDF pour inciter ses clients à recourir à l'appel d'offres de surcroît dans l'intention prétendue de favoriser sa filiale Verdesis, ce indépendamment de toute question relative à la régularité de la procédure d'achat adoptée par la communauté d'agglomérations;
Qu'il résulte donc de ce qui précède que les faits dénoncés au soutien de la saisine ne sont pas étayés d'éléments suffisamment probants laissant supposer qu'ils sont susceptibles de constituer un abus de position dominante.
B3 - Sur l'entente
Considérant que la société Euro Power Technology demande que la cour réforme la décision de l'Autorité à laquelle elle reproche en premier lieu de n'avoir pas motivé sa décision sur l'entente dénoncée, comme l'y obligeait l'article L. 462-8 du Code de commerce sur lequel l'Autorité a fondé son rejet; qu'elle lui reproche également de n'avoir pas instruit sur les griefs dénoncés;
Que la société Euro Power Technology fait valoir que les comportements dénoncés caractérisent l'existence d'une entente verticale entre la société EDF et la société Verdesis visant à exclure la société Euro Power Technology d'un marché concernant le site de La Ciotat; que ces comportements sont les suivants:
- la société Verdesis et la société EDF se sont entendues pour exclure du marché la société Euro Power Technology en commettant un dénigrement systématique et une dénonciation calomnieuse, notamment lors d'une réunion intervenue sur le site de Penol, qu'elles ont organisée et à laquelle assistaient les représentants de la Communauté d'Agglomérations Garleban Huveaune Sainte Baume (ci-après GHB), client prospecté par la société Euro Power Technology, ainsi que des clients potentiels; que selon la société Euro Power Technology, le compte rendu de cette réunion atteste de la réalité des griefs invoqués, ainsi que le procès-verbal de constat en date du 18 septembre 2007 ;
Considérant que la société Euro Power Technology reproche, en second lieu, à la société EDF d'avoir incité des clients à conclure des contrats de gré à gré sans respecter la procédure de mise en concurrence obligatoire en l'espèce selon elle, en raison du fait que le cocontractant de la personne publique participe au service public de l'élimination des déchets; qu'elle ajoute que cette activité s'exerce nécessairement par l'occupation du domaine public que constituent les centres d'enfouissements techniques (CET) selon la définition posée par l'article L. 2111-1 du Code général des propriétés et personnes publiques; que c'est donc par une interprétation abusive commune de la société EDF et de la société Verdesis que celles-ci, en recourant au contrat de gré à gré, ont tenté de s'arroger un avantage systématique découlant des liens privilégiés dont bénéficie EDF (DCT) auprès des collectivités publiques;
Mais considérant qu'en premier lieu, la cour relève que l'Autorité s'est prononcée sur chacune des pratiques invoquées au titre de l'entente, par une décision motivée; qu'elle a donc respecté les exigences posées par l'article L. 462-8 du Code de commerce, même si le terme "entente" n'est pas explicitement énoncé dans la décision de l'Autorité et que le grief manque en fait;
Qu'ensuite, le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un produit ou un service donné ; que pour en tirer un avantage concurrentiel, visant par exemple à évincer un concurrent du marché, il doit nécessairement faire l'objet d'une certaine publicité;
Que pour démontrer le dénigrement dénoncé, la société Euro Power Technology produit deux pièces:
- un mail d'une salariée d'EDF, Mme Tissier adressé à la société Verdesis en date du 25 avril 2006 ; que cependant, cette pièce (pièce n° 1) a été écartée des débats pour les motifs précédemment exposés ; qu'en tout état de cause, ce mail qui ne vise pas expressément la société Euro Power Technology fait état d'un sentiment négatif d'une salariée d'EDF; que de par son caractère personnel, il ne saurait donc compromettre la société EDF elle-même;
- un procès-verbal établi par un huissier de justice en date du 18 septembre 2007 dans lequel sont relevés à de nombreuses reprises, au fil de l'examen de l'intégralité de la boîte mail d'un des dirigeants de la société Verdesis, "des propos dénigrants" concernant la société Euro Power Technology ; que cependant, à défaut d'énoncer lesdits propos, l'acte d'huissier de justice ne met pas la cour en mesure de vérifier la réalité de leur caractère prétendument dénigrant;
Que s'agissant, enfin, du grief tiré de l'incitation à éviter la procédure d'appel d'offre, la société Euro Power Technology ne conteste pas avoir, avant la société Verdesis, bénéficié d'un contrat de gré à gré concernant le site de Penol qui est en cause; que dans ces conditions, en complément de ce qui a été énoncé sur ce grief déjà invoqué au titre de l'abus de position dominante, il convient seulement de constater que le recours à cette procédure de gré à gré relève d'une pratique courante de la part de la communauté d'agglomérations GHB, ce qui dément que ce choix ait pu être déterminé pour le seul bénéfice de la société Verdesis, par des pressions exercées, dans le cadre d'une démarche concertée, par la société EDF et la société Verdesis en vue d'évincer la société Euro Power Technology du marché concerné;
Considérant qu'il ressort donc de ce qui précède que les faits dénoncés par la société Euro Power Technology ne sont pas étayés par des éléments suffisamment probants pour supposer l'existence des pratiques anticoncurrentielles alléguées;
Qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que l'Autorité a rejeté la saisine, en application de l'article L. 462-8 du Code de commerce ;
Qu'en conséquence, le recours sera rejeté et qu'il sera fait application de l'article 700 du Code de procédure civile aux dépens de la société succombante à la hauteur que ses adversaires ont justifiée;
Par ces motifs, Donne acte aux parties de ce qu'elles ne soulèvent aucun moyen relatif à la composition de la cour, qui leur a été notifiée préalablement à l'audience; Rejette le recours; Condamne la SAS Euro Power Technology aux dépens; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne la SAS Euro Power Technology à payer la somme de 25 000 (vingt cinq mille) euro à chacune des sociétés EDF SA, Verdesis SA et Verdesis SASU - Déboute la société Euro Power Technology de sa demande de ce chef.