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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 novembre 2010, n° 09-12159

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pergo Europ AB (Sté), Pergo France (SAS)

Défendeur :

Morand (ès qual.), Décor Tapis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Rouche, Benhamou

T. com. Paris, du 5 mai 2004

5 mai 2004

A partir de 1997 la société Décor Tapis (en liquidation judiciaire depuis un jugement du 25 septembre 2007) qui exploitait un magasin de tapis situé 131 rue Lecourbe à Paris XVe arrondissement, a commencé à commercialiser les produits de revêtements de sol stratifié de la marque Pergo, propriété de la société de droit suédois Perstorp Flooring, devenue Pergo Europ AB.

En raison d'une forte croissance du volume des ventes le gérant de la société Décor Tapis, M. Bismuth, a décidé de consacrer son activité à la distribution des produits de marque Pergo. C'est ainsi que le 29 juillet 1999, les deux sociétés ont signé un accord de coopération commerciale pour 3 ans, se poursuivant par tacite reconduction d'année en année, prévoyant que la société Pergo prenait à sa charge l'aménagement, la décoration et l'équipement des espaces réservés à ses produits, participait aux actions publicitaires et accordait à sa partenaire des conditions financières avantageuses, tandis que la société Décor Tapis, autorisée à user de la marque Pergo, s'engageait à faire tous les efforts pour promouvoir et développer les ventes des produits de la gamme Pergo et à laisser dans son magasin une place de choix aux produits de la gamme Pergo.

Compte tenu de l'excellence des résultats de la société Décor Tapis, une étude de faisabilité d'un concept de franchise fut menée à l'initiative de cette dernière, à travers l'ouverture d'un magasin " pilote " " Pergo Center " le 6 décembre 2001 dans la ville de Metz, dans des locaux dont la société Pergo France, filiale de la société Pergo Europ, était locataire.

En 2002, les relations entre les deux sociétés ont cessé, chacune imputant à l'autre l'entière responsabilité de la rupture.

Par actes des 25 mars et 2 mai 2002 la société Décor Tapis a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris

- d'une part, la société Pergo Europ pour voir prononcer la résiliation de l'accord de coopération du 30 avril 1999 aux torts de cette dernière et avoir paiement d'une somme de 1 500 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- d'autre part, les sociétés Pergo Europe AB et Pergo France pour voir constater la rupture abusive des pourparlers relatifs à la mise en place d'un réseau de franchise et agissements parasitaires et avoir paiement d'une somme de 3 000 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Selon décision du 5 mai 2004, cette juridiction consulaire a :

- joint les deux instances,

- prononcé la résiliation de l'accord de coopération commerciale du 30 avril 1999 aux torts exclusifs de la société Pergo Europ AB,

- condamné cette dernière à payer à la société Décor Tapis la somme de 300 000 euro au titre de la réparation du préjudice subi par la société Décor Tapis, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2002,

- condamné la société Décor Tapis à verser à la société Pergo Europ AB la somme de 107 720,47 euro, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2002,

- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

- condamné solidairement les sociétés Pergo Europ AB et Pergo France à régler à la société Décor Tapis la somme de 200 000 euro au titre de la réparation du préjudice subi par cette dernière par suite de la rupture des pourparlers outre une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie.

Par ordonnance du 2 juillet 2004, le Premier Président de la cour d'appel a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement susmentionné et la mise sous séquestre des fonds jusqu'à ce qu'une décision sur le fond soit rendue.

Suivant arrêt du 28 juin 2007, la Cour d'appel de Paris a:

- déclaré irrecevables toutes les conclusions signifiées par la société Décor Tapis devant la cour,

- confirmé le jugement seulement en ce qu'il a condamné la société Décor Tapis à payer à la société Pergo Europ AB la somme de 107 720,47 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2002,

- infirmé pour le surplus et débouté la société Décor Tapis de toutes ses demandes,

- condamné la société Décor Tapis à verser à la société Pergo France la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts et aux sociétés Pergo Europ AB et Pergo France la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 21 octobre 2008 la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement rendu le 5 mai 2004 condamnant la société Décor Tapis à payer à la société Pergo Europ AB la somme de 107 720,47 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2002, l'arrêt rendu le 28 juin 2007 entre les parties, en estimant qu'en retenant que l'adresse mentionnée sur les écritures de la société Décor Tapis ne peut être considérée comme celle de son siège social et qu'ainsi les prescriptions de l'article 961 du CPC n'avaient pas été respectées, la cour d'appel a dénaturé les documents produits par omission, dès lors qu'il résultait du bordereau annexé à ses conclusions du 29 mars 2007 que la société Décor Tapis avait produit aux débats le contrat de domiciliation signé le 26 février 2004 avec la société ABC LIV ainsi qu'une attestation de domiciliation, l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre ordonnant le rapport de sa radiation, sa réinscription enfin un extrait Kbis de cette société.

Par conclusions récapitulatives du 19 août 2010, les sociétés Pergo France et Pergo Europ AB soutiennent à titre principal n'avoir commis aucune faute ni dans la rupture de l'accord de coopération commerciale ni dans la fin des pourparlers relatifs au projet de réseau de franchise; à titre subsidiaire, elles prétendent, que la société Decor Tapis ne rapporte pas la preuve de l'existence des préjudices qu'elle invoque. Elles sollicitent l'infirmation du jugement rendu le 5 mai 2004 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a retenu une rupture fautive de l'accord de coopération commerciale et des pourparlers et les a condamnées au paiement de dommages et intérêts. Elles demandent à être déchargées de toutes condamnations. Elles estiment que la société Décor Tapis est redevable des frais d'ouverture du magasin pilote de Decor Tapis à Metz et en conséquence, fixent leur créance au passif de Decor Tapis à la somme de 91 533 euro. Elles sollicitent la condamnation de Maître Morand ès qualités au paiement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du CPC et le déblocage au profit de Pergo AB des sommes mises sous séquestre entre les mains du bâtonnier de l'ordre des Avocats au Barreau de Paris en vertu de la convention de séquestre signée le 18 février 2010 entre Pergo France et Decor Tapis.

Par dernières conclusions signifiées le 30 septembre 2010, Maître Michel Morand ès qualités de liquidateur de la société Décor Tapis demande la confirmation du jugement rendu le 5 mai 2004 par le Tribunal de commerce de Paris en qu'il a prononcé la résiliation de l'accord de coopération commerciale en date du 30 avril 1999 aux torts exclusifs de la société Pergo Europ et en ce qu'il a dit les sociétés Pergo Europe AB et Pergo France tenues de réparer le préjudice subi par la société Decor Tapis du fait de la rupture abusive des pourparlers. Il considère que les sociétés Pergo Europe AB et Pergo France ont détourné les investissements, le concept et le savoir-faire développés et divulgués par la société Decor Tapis. Il réclame en conséquence l'infirmation dudit jugement sur le quantum des condamnations prononcées, la condamnation in solidum des sociétés Pergo Europe AB et Pergo France à lui payer ès qualités la somme de 300 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers, la somme de 260 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des agissements parasitaires et la somme de 520 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des approvisionnements et du contrat de coopération commerciale, le rejet des prétentions des sociétés Pergo Europe AB et Pergo France et leur condamnation in solidum au paiement de 25 000 euro en vertu de l'article 700 du CPC.

Sur ce, LA COUR :

Sur la rupture de l'accord de coopération commerciale du 29 juillet 1999:

Considérant que la société Pergo Europ s'oppose à ce que soit prononcée la résiliation du contrat du 29 juillet 1999 à ses torts exclusifs en objectant qu'elle n'a commis aucune faute en suspendant en février 2002 ses livraisons à la société Décor Tapis, dès lors que depuis le 9 décembre 2001 celle-ci ne réglait plus ses factures, et ce, en application de l'exception d'inexécution; qu'elle conteste également que cette décision puisse s'apparenter à un abus de position dominante, la société Décor Tapis n'étant pas en situation de dépendance économique au sens des articles L. 420-2 et L. 442-6, 1, 2° du Code de commerce;

Considérant que la société Décor Tapis réplique que l'appelante justifie à tort la cessation brutale de leur partenariat par l'absence de constitution de garantie de sa part couvrant son encours commercial, qui n'a fait que suivre l'évolution de la croissance régulière de son activité; qu'elle prétend avoir honoré toutes les factures à leur échéance; qu'elle estime que la société Pergo Europ a engagé sa responsabilité contractuelle compte tenu de son refus d'approvisionnement sans motif valable et sans préavis, par application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce; qu'en outre, ce comportement constitue un abus de puissance économique au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, leurs relations ayant revêtu un caractère exclusif;

Considérant, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen attribué à la société Pergo Europ par la société Décor Tapis tenant à l'absence de constitution de garantie par cette dernière ayant entraîné l'arrêt des livraisons, puisque l'appelante conteste avoir formulé une quelconque exigence à ce titre ;

Considérant, en second lieu, que la société Pergo Europ qui prétend que seule l'absence de paiement des factures par la société Décor Tapis pendant tout le mois de décembre 2001 l'a contrainte à suspendre la livraison de ses produits en février 2002, ne verse aux débats aucune pièce, alors que la charge de la preuve lui incombe ;

Qu'il ressort de l'accord de coopération que les factures de la société Décor Tapis étaient payables à 60 jours fin de mois le 10 à compter de la date de facturation et que si une facture est supérieure à 100 000 F hors taxes, la moitié est payable selon les conditions ci-dessus et l'autre moitie bénéficie d'un décalage de paiement de 30 jours supplémentaire par rapport aux conditions normales; que celle-ci justifie par ses extraits de compte courant et du Grand Livre Partiel avoir réglé à la société Pergo au cours du mois de décembre 2001 jusqu'au 2 janvier 2002 plusieurs traites à hauteur de 50 000 euro environ; qu'au 31 décembre 2001 son encours de 90 698 euro était inférieur à celui de l'année précédente de 110 078 euro, lequel n'avait appelé aucune mesure de rétorsion; qu'aux termes d'un mail du 11 février 2002 M. Martinez, attaché commercial de la société Pergo France écrivait à son Président " Suite au blocage du compte de Décor Tapis par la comptabilité en Suède je souhaite faire le point (...) Ce client s'est investi en temps et en argent sur le projet Pergo Centers; il a toujours montré la volonté d'être clair avec Pergo, il a toujours dialogué avec notre comptabilité et notre direction, un climat de confiance s'est instauré et nous avons laissé s'installer cette situation. Son encours est de 87 000 euro, le retard de règlement est de 19 800 euro pour les deux boutiques de Paris et Metz; ce retard concerne des factures de septembre toutes pour l'ouverture de Metz. J'entends dire que pour cette mise en stock il aurait obtenu un délai supplémentaire de paiement. J'attends des décisions claires de ma direction afin de pouvoir gérer ce compte.

- Que dois-je dire au client Décor Tapis pour lui expliquer que ces commandes ne seront pas livrées cette semaine ?

- Peut-on faire abstraction du jour au lendemain d'un historique qu'on a fortement contribué à créer et développer ?

- Comment puis-je construire l'année 2002 avec lui ? ".

Qu'il ressort clairement de ce message qu'en prenant l'initiative de ne pas livrer les commandes la société Pergo Europ est seule à l'origine de la rupture des relations commerciales avec la société Décor Tapis, à qui elle avait accordé conventionnellement des facilités de paiement; qu'en conséquence, à supposer même que la société Décor Tapis ait été redevable de factures à un moment donné à l'égard de son fournisseur, la société Pergo Europ n'apporte pas la preuve que son client ne respectait pas les diverses facilités de paiement accordées; que la société Pergo Europ ne pouvait résilier, conformément aux dispositions contractuelles qui font la loi des parties, qu'en cas de non-respect par l'autre partie des engagements souscrits; que dans cette hypothèse elle avait l'obligation d'adresser au préalable une mise en demeure et ce n'est que si celle-ci était restée sans effet dans le délai d'un mois, qu'elle pouvait résilier le contrat; qu'elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'exonérer des obligations qu'elle a librement contractées;

Qu'ainsi en rompant brutalement sans aucun délai et sans motif justifié le partenariat privilégié construit avec la société Décor Tapis, la société Pergo a commis une faute;

Que si à juste titre la société Décor Tapis peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce qui prévoient que :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels ", néanmoins elle ne démontre pas qu'elle se trouvait dans un état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce; qu'en effet, elle ne justifie pas, d'une part, d'une absence d'alternative suffisante ou supportable à celle de son partenaire économique, d'autre part, d'une clause d'exclusivité dans son contrat de coopération; qu'elle a au surplus de sa propre initiative décidé de distribuer exclusivement les produits Pergo à compter de 1999;

Que la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a prononcé la résiliation de la convention du 29 juillet 1999 aux torts exclusifs de la société Pergo Europ du fait de la rupture unilatérale et abusive par la société Pergo Europ des relations commerciales avec la société Décor Tapis caractérisée par la cessation des approvisionnements ;

Que sur le montant du préjudice lié à la rupture brutale des relations entre les parties, il ressort de l'attestation de l'expert comptable de la société Décor Tapis que le chiffre d'affaires qui était de 448 281 euro en 2001 est passé à 47 596 euro en janvier 2002 puis à une moyenne mensuelle de 10 000 euro pour la période de février à novembre 2002, que la perte de chiffre d'affaires doit s'apprécier au regard de l'effondrement consécutif des marges dû à la nécessité de s'approvisionner auprès des réseaux parallèles et non plus en direct auprès de la société Pergo à des conditions avantageuses; que la marge brute s'établissait en 2001 à 260 695 euro ;

Que la société Décor Tapis n'a pas pu prendre d'autres commandes, a dû honorer avec retard celles qui étaient en cours à des prix beaucoup moins favorables pour elle, a été contrainte de licencier son personnel ;

Que par ailleurs, il convient de constater que le contrat d'une durée de trois années devait se terminer le 30 avril 2002 et se poursuivre ensuite par tacite reconduction d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception six mois au moins avant la date d'expiration de la période en cours, de sorte que n'ayant pas reçu une telle lettre, la société Décor Tapis était en droit d'espérer une reconduction du contrat au moins pour une année; qu'enfin les critères d'indemnisation relatifs à une société en état de dépendance économique invoqués par la société Décor Tapis ne peuvent être retenus ;

Qu'eu égard à ces divers éléments, le préjudice subi par la société Décor Tapis sera évalué à la somme de 150 000 euro ;

Sur la rupture des pourparlers:

Considérant que pour s'opposer à la demande de Maître Morand ès qualités tendant à voir les sociétés Pergo Europ et Pergo France tenues in solidum de réparer le préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers en vue de la mise en place d'un réseau de franchise, les sociétés Pergo font valoir que le projet de collaboration n'avait pas encore abouti, évoquent des hésitations sur la forme juridique de ce projet, dénient que l'inauguration du magasin du pilote en décembre 2001 à Metz ait pu être considérée comme le lancement du réseau et affirment que c'est la société Décor Tapis qui a pris l'initiative de ne plus exploiter ce magasin le 17 mars 2002 en résiliant la convention d'occupation des locaux de ce magasin;

Mais considérant qu'il ressort du " Projet de contrat de service " entre la société Décor Tapis et la SAS Pergo (qui ne fait l'objet d'aucune contestation par les sociétés Pergo) que M. Bismuth devait " accompagner le développement du concept Pergo Center dans la partie opérationnelle, à savoir le lancement de chacune des nouvelles franchises pendant une période de 3 années renouvelable " ; que le rôle de ce dernier y était ainsi défini:

- action de recrutement des futurs franchisés en France, soit environ une dizaine en fonction des études de marché,

- action d'installation de la boutique,

- action de formation des franchisés,

- action de participation au recrutement de poseurs travaillant avec le franchisé

et sa rémunération prévue (hormis pour les honoraires mensuels fixes proportionnels au nombre de boutiques franchisées) ;

Que par courrier du 9 octobre 2001, la société Pergo par la voix de son directeur général, M. Guillou, a donné son accord pour une prise en charge à hauteur de 10 000 F HT par mois des frais de déplacement et d'hébergement liés à la mission de M. Bismuth pour le démarrage de la boutique Pergo Center de Metz et a précisé " cette boutique doit devenir le magasin pilote du réseau de franchise Pergo Center ";

Que les termes de l'invitation adressée à nombre de personnes à l'occasion de l'ouverture de la boutique " Pergo Center " à Metz le 6 décembre 2001 sont dénués d'équivoque : " Pergo, leader mondial des revêtements de sol stratifiés lance un concept de franchise sous l'enseigne Pergo Center. Nous aurons le plaisir de vous recevoir lors de l'inauguration du Magasin Pilote " ;

Que de même la brochure conçue par Pergo est intitulée : " Créez avec succès votre franchise Pergo Center. Et rejoignez le leader en revêtements de sols stratifiés "; que sur ce document, en page 2, M. Bismuth est mis en valeur comme un homme qui a cru aux produits Pergo et qui a rencontré le succès ;

Que ce projet avait reçu un début d'exécution puisque la société Pergo France avait versé à la société Décor Tapis une somme de 1 823, 29 euro TTC en remboursement des frais professionnels liés à l'exploitation de la boutique de Metz et une somme de 3 048,98 euro en paiement partiel des investissements réalisés pour ces locaux ;

Qu'enfin MM. Bosse et Adjiman attestent du projet de création d'un réseau de franchise Pergo et de leur intérêt à exploiter une boutique franchisée ;

Que la rupture brutale, imprévisible et sans motif des pourparlers entre les parties par les sociétés Pergo doit être qualifiée d'abusive au regard des frais exposés par la société Décor Tapis, de l'avancement des pourparlers et du commencement d'exécution du contrat;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les sociétés Pergo avaient abusivement rompu les pourparlers entre les parties, de sorte que la société Décor Tapis s'est trouvée contrainte de rompre en mars 2002 la convention d'occupation des locaux de Metz;

Que le préjudice qui en résulte pour celle-ci consiste en des investissements engagés à perte et un manque à gagner ressortissant de ce projet, dont la réussite n'était toutefois pas assurée ; que la cour l'estime à la somme de 100 000 euro,

Sur les actes de parasitisme:

Considérant que la société Décor Tapis reproche aux sociétés Pergo d'avoir commis des actes de parasitisme en usurpant le réseau de franchise sur la base d'un concept et d'un savoir-faire commercial qu'elle a créé et développé pendant cinq années ;

Mais considérant que cette dernière n'apporte aucunement la preuve que les sociétés Pergo ont exploité, après la rupture de leurs relations, des réseaux de franchise en copiant son savoir-faire;

Que ce chef de demande ne saurait être accueilli;

Qu'il s'ensuit qu'aucune des demandes des sociétés Pergo ne saurait prospérer;

Considérant que l'équité commande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile d'allouer à la société Décor Tapis une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant dans les limites de l'appel, Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résiliation de l'accord de coopération commerciale du 29 juillet 1999 aux torts exclusifs de la société Pergo Europ, estimé que les sociétés Pergo ont abusivement rompu les pourparlers, ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties, alloué des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2002 pour le préjudice résultant de la rupture du contrat et condamné les sociétés Pergo aux dépens, L'infirme pour le surplus, Condamne la société Pergo Europ à verser à la société Décor Tapis la somme de 150 000 euro au titre du contrat du 29 juillet 1999, Condamne in solidum les sociétés Pergo Europ et Pergo France à payer à la société Décor Tapis une somme de 100 000 euro au titre de la rupture abusive des pourparlers, Condamne in solidum les sociétés Pergo Europ et Pergo France à régler à la société Décor Tapis une indemnité de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne in solidum les sociétés Pergo Europ et Pergo France aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.