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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 9 novembre 2010, n° 09-01196

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ECM Développement (SARL), Michel

Défendeur :

FL Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieillard

Conseillers :

M. Theurey, Mme Trapet

Avoués :

Me Gerbay, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard

Avocats :

Mes Martin, de Magneval

T. com. Dijon, du 2 juill. 2009

2 juillet 2009

Faits et procédure

La SARL FL Diffusion exploite une activité "d'externalisation du développement commercial des entreprises" par l'intermédiaire d'un réseau de franchise développé sous l'enseigne "Prospactive".

Monsieur Eric Michel, intéressé par l'activité de la société FL Diffusion, a pris contact avec cette société en novembre 2006. Un dossier d'information et des documents précontractuels lui ont été remis le 14 septembre 2007. Un contrat de franchise d'une durée de 5 ans a été signé le 19 novembre 2007 au nom de la société ECM Développement.

Conformément aux dispositions du contrat, la société ECM Développement a versé au franchiseur la somme de 47 840 euro au titre du droit d'entrée et a pris l'engagement de verser une redevance mensuelle forfaitaire de 1 310 euro HT à compter du 11e mois suivant la date d'entrée en formation.

Constatant l'échec de leur activité, Monsieur Eric Michel et la SARL ECM Développement ont, sur le fondement des articles 1116, 1126 et 1131 du Code civil, L 330-3 du Code de commerce et son décret d'application, assigné la SARL FL Diffusion, par acte d'huissier de justice en date du 10 juillet 2008, afin de voir prononcer la nullité du contrat de franchise et obtenir le remboursement des sommes versées et l'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 2 juillet 2009 le Tribunal de commerce de Dijon a :

- débouté Monsieur Eric Michel et la société ECM Développement de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 17 novembre 2007 et de l'ensemble de leurs autres demandes

- ordonné la résiliation du contrat de franchise signé le 17 novembre 2007 aux torts exclusifs de la société ECM Développement

- condamné solidairement Monsieur Eric Michel et la société ECM Développement à payer à la société FL Diffusion la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes

- condamné solidairement Monsieur Eric Michel et la société ECM Développement en tous les dépens.

Monsieur Eric Michel et la SARL ECM Développement ont interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 13 juillet 2009.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 29 juin 2010, ils demandent à la cour de :

- réformer le jugement déféré

- prononcer la nullité du contrat de franchise régularisé entre les sociétés ECM Développement et Prospactive

- en conséquence condamner la société FL Diffusion à payer à la société ECM Développement la somme de 47 840 euro au titre du remboursement du droit d'entrée

- condamner la SARL FL Diffusion à payer à la SARL ECM Développement la somme de 13 114,80 euro TTC en remboursement des frais exposés par cette dernière pour l'exploitation du contrat de franchise

- condamner la société FL Diffusion à payer à Monsieur Michel la somme de 45 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi

- dire que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation

- condamner la SARL FL Diffusion à payer à la SARL ECM Développement et à Monsieur Michel la somme de 5 000 euro chacun à titre d'indemnité de procédure

- condamner la société FL Diffusion aux dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir :

* Sur la nullité du contrat

- que le consentement de Monsieur Michel s'est trouvé vicié en raison de l'attitude du franchiseur

* si la société FL Diffusion a, en apparence, respecté son obligation précontractuelle d'information en remettant à Monsieur Michel un document d'information précontractuel 20 jours avant la signature du contrat, ce document est perclus d'inexactitudes et de mensonges comme l'a d'ailleurs très exactement relevé le tribunal ; l'obligation d'information porte sur l'état du réseau et sur ses évolutions ; le franchiseur est en outre tenu d'une obligation de sincérité et de loyauté qui lui impose, indépendamment de l'obligation légale d'information, "un devoir d'honnêteté élémentaire qui consiste à renseigner le contractant sur tous les éléments propres à éclairer son consentement et, notamment, des échecs des franchisés au-delà d'un an'" le document remis à Monsieur Michel le 14 septembre 2007 fait état de 47 franchisés présents dans le réseau pour huit cessations de contrat dont quatre par accord des parties; or l'huissier que Monsieur Michel a fait intervenir le 16 janvier 2008 a pu constater que 13 franchisés mentionnés dans ce document avaient d'ores et déjà disparu, information confirmée par le constat en date du 18 juillet 2007 que Monsieur Wattebled lui a transmis ; la société FL Diffusion qui, aux termes de ses premières écritures n'hésitait pas à contester cette situation la reconnaît désormais mais allègue qu'elle n'avait à mentionner que les cessations de contrat intervenues au cours de l'année civile précédant la remise du DIP, soit en 2006 ; cette interprétation est toutefois contraire à la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris, en outre le franchiseur est tenu à un devoir d'honnêteté élémentaire qui consiste à renseigner le cocontractant sur tous les éléments propres à éclairer son consentement et enfin le DIP remis à Monsieur Michel était actualisé à la date du mois de juin 2007 puisqu'il mentionne 9 franchisés ayant intégré le réseau à l'exclusion toutefois des départs ; par ailleurs la société intimée reste silencieuse sur les 8 cessations de contrat dont les véritables motifs ne sont pas précisés ; il n'y avait donc que 34 membres présents dans le réseau et non 47 et 28 % des effectifs mentionnés avaient quitté le réseau au cours de l'année précédant la remise du DIP ; par ailleurs les investigations entreprises par Monsieur Michel postérieurement à la signature du contrat lui ont permis d'apprendre que sur les 9 franchisés s'étant installés dans la région Rhône-Alpes au cours des deux années précédant son intégration, 6 avaient quitté le réseau avant son arrivée ; la désinformation est une pratique récurrente dans le réseau, d'autres franchisés en ayant été victimes, notamment Monsieur Rocle, qui a obtenu une décision favorable du Tribunal de commerce de Dijon, confirmée par arrêt de la cour d'appel en date du 7 mai 2009 ; cette désinformation a nécessairement vicié le consentement de Monsieur Michel et le tribunal de commerce, comme la SARL FL Diffusion, ont renversé la charge de la preuve en considérant, en violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce, qu'il appartenait à Monsieur Michel de mettre à profit la période précontractuelle pour se renseigner par lui-même, ce qu'il n'était au demeurant pas en mesure de faire, les informations disponibles étant nécessairement limitées et filtrées et le franchisé n'ayant aucun accès au serveur Ines ;

* la SARL FL Diffusion a, de manière plus générale, dissimulé les mauvais résultats et vanté de façon outrancière les réussites en réalité inexistantes ; le franchiseur est tenu de communiquer au franchisé des chiffres sérieux concernant la rentabilité future de l'affaire ; en l'espèce les informations données à Monsieur Michel lorsqu'il a présenté sa candidature se sont avérées totalement erronées et la SARL FL Diffusion n'a pas été en mesure d'en justifier ; Monsieur Michel a pu vérifier que sur 47 franchisés, l'information sur les comptes annuels n'était disponible que pour 19 d'entre eux, trois seulement affichant des résultats conformes aux éléments avancés par le franchiseur et les anciens franchisés ayant des résultats tout aussi catastrophiques ; il en ressort que les indications de chiffre d'affaires fournies par la société FL Diffusion sont purement fantaisistes et que le prévisionnel transmis par ses soins est dépourvu de toute pertinence ; les exemples cités par l'intimée ne peuvent constituer une référence ; là encore la société FL Diffusion et le tribunal renversent la charge de la preuve et l'intimée n'a jamais été dans la capacité de fournir les chiffres d'affaires et marges de 2006, pourtant annoncés dans ses documents d'information; en outre le société FL Diffusion utilise le label Oseo Anvar comme gage de son sérieux alors que l'outil qui avait été financé par cet organisme a été abandonné bien avant l'intégration de la société ECM ; d'autres engagements n'ont pas été remplis comme l'affiliation au réseau Cadrexpert qui a échoué ;

- que les obligations souscrites par Monsieur Michel sont dépourvues de cause : le savoir-faire n'est nullement identifié dans le contrat de franchise ni dans le DIP ; aucune disposition du contrat ne précise quel est l'objet de la franchise ni ne définit le savoir-faire ; il est seulement fait référence à une activité d' "externalisation du développement commercial des entreprises et à un ensemble finalisé de connaissances pratiques" ; il est impossible pour le franchisé de savoir à quoi il s'engage et l'obligation du franchiseur est ainsi dépourvue d'objet ; il s'est avéré que le réseau a été un échec total et la cour ne pourra que constater l'hémorragie de franchisés rencontrée par la société FL Diffusion depuis 2004 ; sur les 45 franchisés mentionnés sur la liste du DIP remise à Monsieur Wattebled, 20 ont d'ores et déjà quitté le réseau, soit 44,4 % des effectifs sur un an; en outre depuis le constat d'huissier du 18 juillet 2007, d'autres franchisés ont encore quitté le réseau ;

* sur les préjudices : la société FL Diffusion devra être condamnée à rembourser à la société ECM Développement les sommes versées au titre du droit d'entrée, soit 47 840 euro TTC, les frais engagés en vue de l'exploitation du réseau de franchise, soit la somme totale de 13 114,80 euro TTC, ainsi qu'à indemniser le préjudice de Monsieur Michel qui, du fait de son adhésion au réseau Prospactive, a refusé la réorganisation de son poste de travail, ce qui a abouti à son licenciement, étant précisé que dans le cadre de son ancienne activité il percevait un salaire net annuel compris entre 45 000 et 50 000 euro ;

Par conclusions déposées le 25 mars 2010, la SARL FL Diffusion sollicite la confirmation du jugement querellé et la condamnation solidaire de Monsieur Michel et de la société ECM Développement à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Elle allègue :

* Sur la validité du contrat de franchise :

- sur le vice du consentement :

* sur le respect de l'obligation d'information précontractuelle :

- que le manquement aux obligations de l'article L. 330-3 du Code de commerce ne permet pas à lui seul de justifier d'un vice du consentement

- que Monsieur Michel s'est engagé en qualité de franchisé du réseau en ayant connaissance de toutes les informations exigées par la loi Doubin : il a pris contact avec la société FL Diffusion un an avant la conclusion du contrat de franchise et il a bénéficié d'une période de réflexion de 20 jours avant la signature du contrat ; il ne peut prétendre que la franchise Prospactive n'a pas fait ses preuves alors même qu'il a quitté le réseau après seulement quatre mois, temps manifestement insuffisant pour éprouver la méthode proposée et en tirer les bénéfices

- que Monsieur Michel ne démontre pas que le franchiseur a été défaillant au niveau de l'information relative à son réseau, ni que son consentement a été vicié en raison de l'information transmise : l'appelant tente de justifier de ses allégations en se fondant sur des documents datant de 2006 alors qu'il a contracté en novembre 2007, documents remis à d'autres franchisés et ne le concernant pas

- que si le document est délivré en 2007, ce sont les cessations de contrat de l'année 2006 qui doivent être révélées

- que rien n'empêchait Monsieur Michel de s'informer lui-même avec les outils mis à sa disposition : Monsieur Michel et la société ECM Développement avaient une parfaite connaissance du réseau avant leur adhésion et le vice du consentement allégué n'est pas démontré

- que les premiers juges ont exactement rappelé que Monsieur Michel, qui a une solide expérience en matière commerciale, est seul juge de l'opportunité de son investissement et qu'il avait la plus grande latitude pour vérifier les informations qui lui étaient transmises en prenant contact avec l'intégralité des franchisés ;

* sur l'inexistence de manœuvres dolosives :

- que Monsieur Michel a bénéficié d'une information complète et sincère

- qu'il pouvait entrer en contact avec les franchisés pour leur demander des renseignements sur leur chiffre d'affaires : l'intimée cite le chiffre d'affaires de cinq sociétés et soutient que les chiffres d'affaires annoncés dans le DIP reflètent la réalité et sont aisément vérifiables

- qu'elle n'a jamais laissé croire que l'aide d'Oséo constituait une subvention

- que le réseau Cadrexpert n'a pas cessé son activité, Monsieur Liotard ayant quitté ce réseau en 2000

- sur l'objet et la cause du contrat

- que les allégations des appelants à ce titre ne sont fondées ni factuellement ni juridiquement ; le savoir-faire est un ensemble secret substantiel identifié d'informations non brevetables résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ; il n'a pas à être défini de façon explicite ; il est transmis dans un premier temps par la formation dispensée après la signature du contrat ; l'article 2 du contrat contient une définition de l'engagement du franchiseur

* sur le prétendu préjudice

- que Monsieur Michel sollicite la nullité du contrat et que les parties doivent être replacées dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion

- que la contrepartie du droit d'entrée a été donnée aux appelants et ses droits n'ont donc pas à être remboursés ; en tout état de cause Monsieur Michel ne peut restituer le savoir-faire transmis

- que Monsieur Michel ne produit aux débats aucun document susceptible de rapporter la moindre preuve d'un préjudice évaluable à la somme de 45 000 euro ; en tout état de cause la perte de chance n'est pas indemnisable

* sur la résiliation du contrat de franchise : le jugement déféré sera confirmé sur ce point ; Monsieur Michel a manqué gravement à ses obligations ; il n'a pas participé aux réunions régionales organisées par les franchisés, ni aux formations mises à sa disposition, n'a pas utilisé la plate-forme collaborative pour gérer son activité, a suspendu sa formation initiale et a annulé sa journée d'accompagnement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2010.

La société FL Diffusion a communiqué de nouvelles pièces le 20 septembre 2010 selon bordereau de communication du 21 septembre 2010. Par conclusions d'incident en date du 21 septembre 2010, les appelants en ont sollicité l'irrecevabilité au motif que le dépôt tardif de ces pièces ne permettait pas le respect du contradictoire.

Motifs de la décision

Sur la procédure

Attendu que l'intimée a communiqué le 20 septembre 2010, soit le jour de l'ordonnance de clôture, six nouvelles pièces numérotées de 41 à 46 ;

Qu'il est constant que la communication tardive de ces pièces n'a pas permis à la partie adverse d'en prendre connaissance, de les étudier, et éventuellement de les commenter ;

Que le respect du principe du contradictoire impose en conséquence que, conformément à la demande qui en est faite, ces pièces soient écartées des débats ;

Sur le fond

Attendu que l'article L. 330-3 du Code de commerce dispose : " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause ";

Que le tribunal a exactement rappelé que l'obligation d'information consacrée par le texte susvisé s'inscrit dans le cadre d'une obligation de loyauté et d'honnêteté afin de permettre au candidat de contracter en toute connaissance de cause ;

Que l'article R. 330-1 5° du Code de commerce précise que le document prévu par l'article L. 330-3 contient notamment une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu

b) l'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats étant précisée

c) le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document, le document précisant si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

Qu'il résulte des pièces produites que le document d'information précontractuelle remis le 14 septembre 2007 à Monsieur Eric Michel, signé par les parties au contrat, mentionne: "évolution du réseau : 47 franchisés à ce jour" et "nombre de franchisés avec lesquels les relations contractuelles de même nature ont cessé dans l'année précédant le document : 8

- 4 accords des parties pour intégration chez un client

- 2 protocoles d'accord

- 1 rupture du contrat

- 1 départ à la retraite";

Qu'or les appelants justifient par les pièces qu'ils versent aux débats que 13 des 47 franchisés dont le nom est mentionné sur le DIP ne figuraient plus sur les listes disponibles à partir du serveur Ines à la date du 18 juillet 2007, selon procès-verbal de constat établi le même jour, ou le 19 septembre 2007, d'après la photographie d'écran du même serveur à cette date ;

Que la circonstance que ces documents aient été obtenus par un autre franchisé, Monsieur Wattebled, qui a contracté quelques mois avant Monsieur Michel et se trouve également en litige avec la société FL Diffusion, est sans incidence ;

Que les indications portées sur le DIP remis à Monsieur Michel le 14 septembre 2007 étaient donc doublement inexactes en ce que d'une part elles faisaient apparaître des franchisés qui n'appartenaient d'ores et déjà plus au réseau et que d'autre part le nombre de relations contractuelles de même nature ayant cessé dans l'année précédant la signature du contrat ne reflétait pas la réalité, passant de 8 à 21, ce qui constitue un écart significatif ;

Que la société intimée ne conteste pas ces éléments mais avance que selon l'interprétation qui doit être faite de l'article R. 330-1 5° du Code de commerce, ce sont les entreprises qui ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année civile précédant la délivrance, soit en l'espèce l'année 2006, qui doivent être mentionnées ; qu'elle fait toutefois elle-même référence dans le document contesté au nombre de franchisés avec lesquels les relations contractuelles ont cessé " dans l'année précédant le document ";

Qu'en tout état de cause, et même à considérer que l'interprétation de la SARL FL Diffusion soit exacte, les appelants font observer à juste titre que l'intimée n'a pas respecté l'obligation d'honnêteté et de loyauté qui lui incombe puisqu'elle a fait figurer sur le DIP remis à Monsieur Michel les nouveaux contrats souscrits depuis le début de l'année 2007 et jusqu'au mois de juin 2007, mais s'est bien gardée d'exclure les franchisés qui avaient cessé d'appartenir au réseau au cours de la même période ;

Que contrairement à ce que soutient la société FL Diffusion, ce ne sont pas trois franchisés qui n'auraient pas dû figurer sur le DIP, mais treize, soit 28 % de l'effectif total ;

Que le tribunal a d'ailleurs parfaitement retenu que la société FL Diffusion n'avait pas délivré une information loyale et sincère de l'état de son réseau, jusqu'en juin 2007, puisque les " sorties " de 2007 n'y figuraient pas ;

Qu'il a également relevé qu'il était aussi reproché à la société FL Diffusion de ne pas avoir informé la société ECM Développement des difficultés rencontrées par les franchisés installés en région Rhône-Alpes où sur 9 entreprises, 6 avaient quitté le réseau, en notant que la société défenderesse ne répondait pas à cette " accusation "; qu'il n'en a toutefois, à tort, tiré aucune conséquence au niveau d'un éventuel vice du consentement ;

Qu'il convient d'ajouter que les appelants font en outre justement grief à la société FL Diffusion d'avoir manqué de loyauté quant aux motifs des cessations de relations contractuelles puisqu'elle a omis de préciser que l'un des franchisés, la SARL Blank, ayant pour représentant Monsieur Laurent Blank et pour activité la prospection commerciale, avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 13 février 2006, soit au cours de l'année civile précédant la remise du DIP, selon sa propre interprétation de ses obligations d'information ;

Que la société intimée ne saurait soutenir que "rien n'empêchait Monsieur Michel de s'informer lui-même de l'étendue et de la spécificité du réseau avec les outils mis à sa disposition" puisque les appelants affirment, sans être contredits, qu'ils ne pouvaient, avant la conclusion du contrat, avoir accès au serveur Ines et que d'autre part aucune circonstance ne peut exonérer la société FL Diffusion de la responsabilité qu'elle encourt pour n'avoir pas livré une information loyale et sincère ;

Que la société ECM Développement et Monsieur Michel affirment à bon droit que l'information sur l'état du réseau est essentielle, y compris celle qui porte sur le nombre d'entreprises qui ont cessé d'en faire partie, à tel point que le législateur l'a prévue spécialement ;

Qu'il est certain que si Monsieur Michel avait été avisé que sur les 47 franchisés mentionnés dans le DIP, treize avaient perdu cette qualité au cours du seul premier trimestre 2007, soit pour le moins 21 cessations récentes, preuve d'échecs récurrents rencontrés au cours de cette période par les franchisés du réseau Prospactive, il n'aurait pas manqué de s'interroger sur le degré de stabilité, de performance et de rentabilité de ce réseau et sur les chances de réussite de son entreprise, compte tenu notamment de l'importance de l'investissement réalisé ; que c'est donc à bon droit qu'il soutient que l'inexactitude des renseignements fournis et le défaut de loyauté et de sincérité du franchiseur ont vicié son consentement ;

Attendu par ailleurs qu'il n'est pas contesté par la partie adverse que le dossier d'information fourni à Monsieur Michel préalablement à la signature du contrat fait état d'une rémunération attractive et de chiffres d'affaires oscillant entre 75 000 et 150 000 euro pour une marge nette variant de 40 000 à 100 000 euro ; que la société FL Diffusion a établi au profit de l'appelant un prévisionnel de montée en charge de l'activité du franchisé Prospactive faisant apparaître un total de facturation de 62 400 euro au terme des huit premiers mois d'activité ;

Que si la société intimée ne s'est certes pas engagée à ce que le nouveau franchisé obtienne les résultats susvisés, encore convenait-il que le prévisionnel ait été établi de façon sincère, sur des bases sérieuses; qu'or les appelants démontrent par les pièces qu'ils produisent aux débats que sur les 47 franchisés mentionnés dans le DIP :

- 13 ne sont pas immatriculés au RCS, de sorte qu'il est impossible de se procurer leur chiffre d'affaires

- 15 n'ont pas déposé leurs comptes au greffe du tribunal de commerce

- et que sur les 19 restant, seuls 3 franchisés avaient obtenu des résultats conformes à ceux annoncés par le franchiseur, le chiffre d'affaires sur 12 mois des autres franchisés allant de 2 900 euro à 69 000 euro ;

Que la société FL Diffusion ne contredit pas les éléments fournis par les appelants se bornant à citer le cas de cinq franchisés ayant réalisé des résultats à peu près conformes à ceux annoncés, sauf à préciser que les chiffres cités pour la société Logothetia se rapportent à l'année 2008 et sont donc postérieurs au contrat, que la société Espace Media exerce une activité d'agence de publicité et n'est pas mentionnée dans le DIP remis à Monsieur Michel, que la société Sodelor est dirigée par Monsieur Worms qui est animateur de région et perçoit une rémunération à ce titre et qu'il en est de même pour la société Activeactions dirigée par Monsieur Poirot ;

Qu'il est donc à ce titre également démontré que l'information donnée par la société intimée, exagérément optimiste et fondée sur des données qui n'ont pas été vérifiées, manquait de loyauté et d'honnêteté et qu'elle n'a pu que tromper Monsieur Michel sur les résultats comptables qu'il pouvait escompter de sa nouvelle activité ;

Que même si Monsieur Michel disposait, comme le relève le tribunal, d'une solide expérience dans le domaine commercial, il n'en devait pas moins, à l'instar de tout autre candidat à la franchise, disposer d'une information honnête, complète et sincère sur l'état du réseau et les résultats susceptibles d'être attendus de son activité future ; qu'il établit largement que tel n'a pas été le cas et que son consentement s'est trouvé vicié sur ces éléments essentiels de son engagement ;

Qu'enfin la société intimée ne saurait reprocher à Monsieur Michel et à la société ECM Développement d'avoir quitté le réseau quatre mois seulement après leur adhésion, " temps insuffisant pour appréhender la méthode proposée et en tirer bénéfice " puisque c'est précisément après avoir découvert que les éléments d'information livrés par le franchiseur étaient erronés que les appelants ont décidé de mettre un terme au contrat, preuve que pour eux ces données revêtaient un caractère déterminant de leur engagement ;

Que la nullité du contrat sera donc prononcée sans qu'il soit nécessaire d'évoquer les autres moyens invoqués ;

Attendu qu'il en résulte que la SARL FL Diffusion devra rembourser à la société ECM Développement la somme de 47 840 euro TTC versée au titre du droit d'entrée ; qu'en effet, responsable de manquements à ses obligations d'information sincère et loyale, elle ne saurait résister à cette demande au motif que Monsieur Michel n'est pas en mesure de restituer le savoir-faire transmis ;

Que le préjudice au titre des frais engagés sera limité, au vu des pièces produites, à la somme de 5 500 euro ;

Que Monsieur Michel produit aux débats des bulletins de paye dont il ressort qu'il percevait de la société Lowendal Masai, qui l'a employé jusqu'au mois d'octobre 2007, une rémunération nette mensuelle d'environ 4 000 euro ; que la signature du contrat de franchise lui a fait perdre une chance de poursuivre cet emploi dont l'indemnisation sera fixée à la somme de 15 000 euro ;

Attendu enfin que la somme globale de 3 000 euro sera allouée aux appelants au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Ecarte des débats les pièces numérotées 41 à 46 communiquées le 20 septembre 2010 par la société FL Diffusion, Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat de franchise signé le 19 novembre 2007 entre la SARL FL Diffusion et Monsieur Eric Michel, Condamne la SARL FL Diffusion à payer à la société ECM Développement la somme de 47 840 euro au titre du remboursement du droit d'entrée payé outre la somme de 5 500 euro TTC au titre des frais exposés, Condamne la SARL FL Diffusion à payer à Monsieur Eric Michel la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice qu'il a personnellement subi, Condamne la SARL FL Diffusion à payer à Monsieur Eric Michel et à la SARL ECM Développement la somme globale de 3 000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel, Rejette toutes autres demandes, Condamne la SARL FL Diffusion aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Maître Gerbay, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.